Les Fils de l’Homme (Children of Men) (14/11/2006)
2027, L'Odyssée de l'Espèce.
Londres, dans une vingtaine d'années. Les gouvernements de la Terre n’ont pas écouté les conférences de Al Gore, ni lu les rapports consacrés au réchauffement climatique (Cf. le rapport de Nicholas Stern, chef économiste de la Banque Mondiale), et tous les pays se sont enfoncés dans une crise écologique et économique sans précédent. La pollution a entraîné une stérilité de tous les êtres humains, plus personne n’est né depuis 18 ans, et chaque pays vit replié sur lui-même en complète autarcie, les 'étrangers' étant désignés comme boucs émissaires de tous les maux.
La grande force de ce film est son grand réalisme apparent. Pas de technologies futuristes, pas de régime dictatorial extrême, pas d’extra-terrestres belliqueux. On est très loin des anticipations à la "1984", "Fahrenheit 451", "Brazil", "Equilibrium", "V pour Vendetta", "Invasion Los Angeles", etc. Ici rien que de légères extrapolations d’une réalité qu’on peut toucher du doigt tous les jours (surtout si on vit dans une cité du 9-3). Plus qu’une dictature imposée par une minorité, c’est un régime 'fort' tel qu’il est réclamé actuellement par de nombreuses populations à travers le monde. Les gens qui ont du travail vont au boulot comme tous les jours, les clandestins sont pourchassés par la police, les riches profitent de leur fortune. Rien que de très 'normal', si ce n’est un attentat de temps en temps.
Mais en suivant le 'héros', ex militant gauchiste désabusé, humaniste pacifiste et fragile, on ouvre progressivement les yeux sur la profonde injustice de tout le système. Le contraste entre les quartiers riches où vivent les privilégiés (très belles scènes du centre de Londres) et les ghettos où survit la racaille. La propagande matraquée sans relâche pour inciter à dénoncer les 'mauvais citoyens'. La Police, brutale et corrompue, qui mène ses chasses à l’Homme sans aucun respect des droits humains. Les camps de concentrations pour illégaux. Les opposants éclatés en une multitude de groupuscules utopistes et inconciliables (babas cool, sectes chrétiennes, islamistes, écolos, gauchistes, etc.). La télé, le jeu et la drogue omniprésents pour s’évader de ce monde sans avenir.
Toute cette atmosphère de fin du monde est vraiment extrêmement bien réalisée, à l’inverse de la plupart des films de SF habituels qui nous annoncent d’emblée: n’ayez pas peur, c’est une fiction. Là, on se croirait dans un reportage effectué par une équipe de télévision, caméra à l’épaule. La scène finale de maintien de l’ordre rappelle ce qu’on a pu en voir en Yougoslavie, au Liban ou en Irak, avec un réalisme qui force le respect.
Là où le film est plus critiquable, c’est sur 2 points essentiels qui plombent le film a posteriori.
D’abord, l’ambiance un peu trop chrétienne. Si la présence de sectes apocalyptiques peut se comprendre dans ce contexte, avoir accumulé dans le scénario une femme qui est miraculeusement enceinte d’un père inconnu et qui doit fuir son pays pour échapper aux forces de l’ordre, un enfant regardé comme le messie, la trahison du groupe [1] par un de ses membre, ça fait un peu beaucoup pour un scénario qui ne brille pas par sa complexité. Le titre faisait déjà assez référence à Jésus, venu parmi les hommes pour leur montrer la voie. N’est pas Kubrick/Clarke qui veut [2].
Les incohérences socioéconomiques des postulats de départ, ensuite. Dans un pays où la population est condamnée à vieillir et à disparaître, il peut sembler illogique de ne pas faire appel à une immigration ('choisie') de jeunes adultes déjà formés. On peut également douter qu’une économie qui est obligée de consacrer des ressources aussi importantes aux forces armées et au contrôle de la population soit encore capable d’avoir un niveau de vie aussi élevé.
Au total, si ce film n’est pas le chef d’oeuvre qu’il aurait pu être avec un scénario un peu plus consistant, il est néanmoins à voir pour sa technique époustouflante et ses décors qui mériteraient au moins un Oscar. Un bon point également pour les nombreux acteurs qui servent l’histoire sans jamais tirer la couverture à eux (les stars meurent en général assez rapidement).
[1] nommé les 'Poissons' (symbole des premiers chrétiens).
[2] "2001, l’Odyssée de l’Espace" est évidemment la référence ultime pour ce genre de film. Rappelez vous : un groupe d’astronautes quittent une terre à bout de souffle, l’un d’eux porte en lui sans le savoir celui qui sauvera l’humanité, mais ils sont trahis pendant le voyage par un des membres du groupe.
Note: 7/10
Compléments :
> La Fiche du film du Wikipedia.
> Le Site du film.
> Critiques sur "Telerama", "FilmDeCulte", "Excessif", "EcranLarge", "iMedias", "LeFantastique.net", "ObjectifCinéma".
> Sur les Blogs: "KrinEin", "SebInParis", "HellJohn", "CritiquesClunysiennes", "Matoo".
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