Les Témoins (18/03/2007)

Les TémoinsIls ne mourraient pas Tous, mais Tous étaient frappés.

Retour vers le début des années 80, époque de transition dans bon nombre de domaines. Musical avec le passage du disco et du rock pompier au punk/new wave et à la soul. Economique et social avec la fin des '30 glorieuses', l’accroissement dramatique du chômage et la victoire de Mitterrand aux élections présidentielles. C’est aussi la fin du rêve soixante-huitard dans le domaine des relations personnelles. Le VIH remet en cause une certaine insouciance et annonce des lendemains qui déchantent.

Bizarrement, on ne retrouve que peu des aspects de l’époque dans le film de Téchiné. L’ensemble est assez intemporel, utilisant des lieux très 'bateau', de l’Ile de la Cité à une villa de la Côte d’Azur. La musique, à l’exception notable de "Marcia Baila" est plutôt passe-partout, on ne ressent aucun des problèmes socio-économiques du moment. Le milieu choisi (médecins, artistes, fonctionnaire, …) est en effet plutôt à l’abri de ce que commencent à subir de plus en plus durement, étudiants, ouvriers et employés. Rien non plus sur la peur viscérale éprouvé par certains face au Sida, les fausses informations circulant sur les modes de contamination, le refus des cafetiers de laisser entrer les sidéens dans leurs établissements, la campagne de Le Pen contre les ‘sidaïques’ (il réclamait pour eux des camps de concentration).
Téchiné ne s’embarrasse donc pas de vraisemblance, préférant un passé idéalisé à la dure description de la réalité. En témoigne le rôle de Sami Bouajila, simple inspecteur de police beur, marié à une fille de bonne famille juive, et possédant un brevet de pilote (!). Parmi les autres fausses notes relevées par certains, des modèles de voitures qui n’existaient pas à l’époque, des draps hospitaliers millésimés 2006, une Tour St-Jacques en plein ravalement, une exposition sur le Pont des Arts, des jardins du Trocadéro un peu trop fréquentés, … On s’énervera aussi de la pub omniprésente pour une marque d’aliment pour bébés.

Malgré tout, l’ensemble est assez touchant, grâce à des personnages bien campés et bien joués. On ressent également très bien la cassure qui se fait dans les têtes et les actes de tout ce petit monde. A l’époque baba-cool du début, permissive et axée sur un plaisir égoïste, succède une période de douleur et de remise en cause. Le monde ancien s’écroule et accouche d’une nouvelle ère où il faut se battre pour vivre et où l’interdépendance des protagonistes implique leur responsabilité collective. Certains ne sont pas capables de s’adapter et se laisse couler. D’autres y trouvent l’occasion de s’affirmer et de donner la vie à ce qu’ils portaient en eux (concert, livre, activisme antisida, …).

Bref, un film à voir pour tous les anciens combattants de l’époque, partagés entre la nostalgie et la satisfaction de s’en être sorti. Les autres ne devaient pas non plus s’ennuyer, mais ils risquent de se laisser en partie abuser par ce vrai-faux témoignage. Ca reste malgré tout une belle ode à la vie.

Note: 8/10

Compléments :
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