L'Avocat de la Terreur (09/06/2007)

L'Avocat de la TerreurL'Avocat du Diable a-t-il signé un Pacte avec son Sang ?

Encore un documentaire passionnant qui sort sur grand écran. A l’heure où les fictions ne sont le plus souvent qu’un assemblage industriel de composants standardisés, les sujets les plus intéressants finissent par se trouver dans l'exploration du réel.

Ce film de Barbet Schroeder tente d’examiner l’énigme que pose la vie de l’avocat Jacques Vergès. Militant anticolonialiste, défenseur de sans grades (Omar Raddad), il a aussi été la voix d’activistes du FLN, ainsi que de nombreux terroristes palestiniens ou de la Fraction Armée Rouge. On s’interroge aussi sur ses amitiés avec les mouvements nazis, et les génocidaires cambodgiens.

La confrontation des témoignages et des images d’archives permet une très grande immersion dans le sujet, rappelant les faits qu’on n’a pas obligatoirement connu, ou qu’on a oublié, permettant également de mettre en évidence les petits arrangements avec la réalité de tel ou tel témoin. On se plonge notamment avec délice dans les détails de la lutte de libération du peuple algérien, mal connue de ce côté-ci de la Méditerranée.
Jacques Vergès y apparaît alors comme un révolutionnaire exalté, assez proche de personnages comme Che Guevara. De sa prise de conscience politique à la victoire contre les forces d’occupation, le parcours est assez identique. Ensuite vient l’ennui de redevenir un petit pion et de devoir vivre une existence banale. D’où son passage dans la clandestinité pour servir ses idées. Mais alors que le Che échoue sur le terrain, et devient une icône pour les générations futures, Vergès est confronté aux compromis et à la compromission. La logique des alliances passées et des intérêts communs fait que le défenseur de la Justice et le pourfendeur de l’Impérialisme se retrouve également du côté des communistes les plus staliniens, ainsi que de la nébuleuse nazie finançant les mouvements arabes anti-juifs.

Malgré les nombreux témoignages, il est difficile de savoir ce qu’il a fait entre 1970 et 1978, voyageant probablement beaucoup entre la France, le bloc soviétique et le Proche-Orient. Mais il est visiblement trop attaché au luxe pour pouvoir se contenter d’une vie de guérillero clandestin. Il refait donc surface à Paris (à la suite d’un accord avec les services secrets français ?) et commence sa vie de défenseur des stars du terrorisme international. Brillant avocat, il sert également de relais entre les gouvernements et les organisations terroristes, assure les relations avec les prisonniers (messages, colis, …).

Le personnage est énigmatique, secret, ambigu, provocateur, manipulateur, à l’image de l’affiche retenue pour le film. On le voit les 2 poings en avant dans une attitude qui fait penser au Robert Mitchum de "La Nuit du Chasseur" (et ses tatouages Love/Hate), au prisonnier qui tend les mains pour se faire menotter, mais aussi au joueur de bonneteau qui vous demande de choisir la main dans laquelle est caché ce que vous cherchez.

Le film ne donne malheureusement à voir que son côté le plus présentable, et fait complètement l’impasse sur la défense de nombreux dictateurs africains. Seul le générique de fin nous présente la liste de ces (nombreux) clients peu reluisants. Il pose néanmoins des questions importantes en ce qui concerne les limites du droit à la révolte, et de la lutte contre l’injustice. Là où Gandhi et les mouvements pacifistes ont choisi d’imposer une résistance passive à l’oppression et à l’injustice, Vergès choisit toujours l’action, le mouvement et le Verbe. Quitte à se noyer dans son propre discours, notamment quand il défend des femmes.

Au final, on obtient une excellente enquête, engagée mais non partisane, équilibrée et contradictoire, comme celle qu’on pourrait avoir dans l’enceinte d’un tribunal.
A voir absolument par tous ceux qui s’intéressent à l’Histoire contemporaine.

Note : 9/10

Compléments :
> Le site du film.
> Les commentaires de CommeAuCinema, LaLibreBe, RFI, LeMonde, LaTribune, Rue89, Telerama, FilmDeCulte, Fluctuat, AVoirALire.
> Sur les Blogs: CriticoBlog, DrOrlof, CritiquesClunysiennes.

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