Monkey, Journey to the West de Chen Shi Zheng (10/10/2007)
A l’Ouest, du Nouveau.
Succès incontestable pour le Théâtre du Châtelet, qui était sorti de sa programmation habituelle en nous proposant une variante modernisée du "Voyage en Occident". Il faut dire que le metteur en scène, Chen Shi Zheng, n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il avait déjà (re)créé une exceptionnelle version intégrale du "Pavillon aux Pivoines (Mudan Ting)" (La Villette, Nov.99) [*].
La salle était pleine, et plutôt peuplé d’une faune de bobos et d'otakus entre 2 âges, peu courante en ces lieux. Il est vrai que le message délivré par les pérégrinations du Roi-Singe est assez universel, et supporte facilement plusieurs niveaux de lecture.
Il y a d’abord le récit d’aventures fantastiques animalières, aptes à captiver les plus jeunes, et qui ont assuré sa transmission au cours des siècles sous forme de conte enfantin.
Il y a ensuite la fable politique, où un moins que rien, né de la Terre et sans ascendants prestigieux, finit par arriver au sommet de la Création, après avoir remis en cause l’ordre établi par les puissants, la bonne société et ses conventions, malgré un passage en prison qui dure quand même 500 ans.
Il y a enfin la parabole bouddhiste, particulièrement présente dans "Monkey", même si de nombreux spectateurs n’y ont peut-être pas été très sensibles (textes en chinois, sur-titrés en français). Le Singe est au départ le symbole de la pensée anarchique, non maîtrisée. Animal, né de la roche, il parcourt successivement les 5 éléments (Terre, Eau, Air, Feu, Ether), en s’élevant au passage, matériellement comme spirituellement. Le cheminement au cours des 9 tableaux renvoie à l’Octuple Sentier et sa mise en œuvre des qualités qui vont le conduire à devenir un Bouddha accompli. La symbolique standard de ce trajet est celle qui est représentée dans tous les stupas/pagodes et mandalas du monde bouddhiste.
L’Opéra chinois est déjà un spectacle complet incluant le théâtre, la musique, le chant, le mime, la danse, les acrobaties, les arts martiaux. Avec Jamie Hewlett, on a en plus des décors, des effets spéciaux et des dessins animés (excellents) qui en font un spectacle total parfaitement intégré. Le résultat est remarquable, quelque que soit le tableau et les personnages (Forêt des Singes, Mer Orientale, Royaume des Cieux, Paume de Bouddha, Femmes Araignées, Montagne Volcanique, …).
A côté, la partition musicale de Damon Albarn, bien qu’intéressante parait un peu trop sage et en retrait. Il réussit néanmoins parfaitement à concilier un style occidental plutôt pop symphonique avec un type mélodique plutôt asiatique (sans les crin-crins des erhus). Seule petite faiblesse, le chant de certains interprètes chinois, sans doute peu habitués à une musique aussi occidentalisée.
Bref une petite merveille, à ne pas manquer pour ceux qui auraient encore l’occasion de le voir (au pire à Berlin en 2008).
[*] CD disponible dans la collection Inédits, Enregistrement video effectué par Arte.
Note: 9/10
Compléments :
> Les critiques de Rue89, Fluctuat, LeMonde, LaLibreBe.
> Sur les blogs: Etapes, Agoravox, Matoo, Cizion, PierreEquoy.
> Video explicative/illustrative de Vincent Durand-Dastès sur Telerama:
Sur la légende du Roi-Singe :
> la version originale ("Xi You Ji") de Wu ChengEn, paru dans la Pléiade.
> la meilleure version ciné: celle de Jeffrey Lau et Stephen Chow (Cf DeVilDead, CinéAsie, DvdRama).
> la version mythique en dessin animé du studio de Shanghai.
> la meilleure adaptation en dessin animé: celle de Saiyuki.
> la version bande dessinée chinoise, "Le Voyage en Occident" par Chen WeiDong et Peng Chao, en cours de publication en France chez Xiao Pan.
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