Sagan de Diane Kurys (06/07/2008)
Le Vide, Mode d’Emploi.
Françoise Sagan est une écrivain qui a eu son heure de gloire, dans un contexte d’après-guerre où le statut de la femme française était encore peu important, et qui a finit par se trouver dépassée par les évolutions de son époque.
Qui donc, dans la génération actuelle, lit encore Sagan, en dehors des travaux scolaires obligés ? Le film de Diane Kurys évite intelligemment les références trop marquées à son oeuvre littéraire pour se consacrer à son environnement social.
Le récit de sa vie se focalise donc sur celui de sa déchéance, celui d’un petit génie adolescent à qui tout réussi sans l’avoir vraiment voulu, et qui finit par vivre un inexorable déclin, accompagné des abus liés à cette condition (alcool, drogue, jeu, sexe, …).
Tout surdoué est confronté à la difficulté de se maintenir au même niveau, sans fournir un effort destiné à compenser son dilettantisme. Que seraient devenus Rimbaud ou Mozart s’ils avaient dû vivre jusqu’à un âge avancé ?
S’adapter au monde suppose de faire des compromis. Avoir un Ego important ne favorise pas les relations équilibrées. Sagan préfère souvent s’entourer de profiteurs et de pique-assiettes qui lui renvoient une image d’elle conforme à ses attentes. Les amis sincères et dévoués finissent par disparaître, victime des intrigues ou de la maladie. Ne restent plus que ceux qui ont décidé d’exploiter la marque Sagan à leur profit exclusif.
Le film rend plutôt bien cette atmosphère de superficialité et d’aveuglement, avec des seconds rôles peu développés, qui passent rapidement dans une fuite en avant à la fin nécessairement tragique. Dommage pour les excellents acteurs (Palmade, Balibar, Dombasle, ...) chargés de cette mise en musique, mais c’est assez justifié par le script.
Là où le film touche un point sensible, c’est dans l’aspect révolutionnaire qu’a pu avoir Sagan à son époque. Jeune bourgeoise libérée, puis femme à la bisexualité affirmée, nul ne doute qu’elle a pu avoir une influence au moins aussi grande que la Simone de Beauvoir du "Deuxième Sexe". Malheureusement, après Mai 68, le monde de Sagan n’est sans doute plus en adéquation avec un monde réel, beaucoup plus populaire et anglo-saxon. Ne restent donc que la dépendance aux drogues, à la présence des autres et au succès, et la difficulté d’engendrer de nouveau. Angoisse de la page blanche et enfant quasi abandonné se rejoignent dans un vide qui finit par de refermer sur elle. Si son fils était devenu écrivain, il aurait sans doute produit une œuvre proche de celle de Michel Houellebecq (également abandonné par sa mère, Lucie Ceccaldi).
Un superbe film à voir donc pour la performance de Sylvie Testud, qui a su parfaitement exprimer l’essence de Sagan, et la re-visitation intelligente et très proustienne d’une époque que beaucoup de moins de 40 ans ne doivent sans doute pas connaître.
Note : 9/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, LeMonde, NouvelObs, Telerama, Ozap.
> Sur les Blogs: InTheMoodForCinéma, SurLaRouteDuCinéma, CinéJulien.
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