Les Ames Grises (28/09/2005)
Fondu Enchaîné vers un monde de Grisaille
Un film superbe, intelligent, roublard, sans ‘héros’ bien défini et dont le point de vue du spectateur change au cours de la progression du récit, servi par des acteurs toujours excellents: Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret (un de ses derniers rôles), Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Serge Riaboukine, ...
Au début, les choses sont claires, les rôles bien tranchés.
Dans un village près de la ligne de front, riches bourgeois et pauvres ouvriers se côtoient sans se mélanger, tandis que des soldats malgré eux sont envoyés à l’abattoir pour nourrir l’offensive en cours.
Selon sa sensibilité politique, on s’attachera plutôt aux prolétaires exploités par les notables, ou à ces esprits éclairés et cultivés tentant de gérer au mieux leurs troupeaux abrutis par le travail et l’alcool.
Le maire, l’institutrice, le procureur, le juge d’instruction, le flic, le curé, la bonne, l’aubergiste, les permissionnaires permettent de tracer rapidement les caractéristiques de cette société d’avant guerre (la première), aujourd’hui désuète, où tout le monde semble ‘à sa place’, y compris un assassin promptement ‘raccourci’ pour avoir eu un coup de sang, proprement inadmissible dans un monde si ‘bien comme il faut’.
Seule tâche dans l’ensemble, le juge d’instruction ostracisé pour avoir côtoyé des nègres, lors de son précédent poste en Afrique.
Mais la vie ne peut se décrire en n’utilisant que le noir et le blanc.
La guerre est là qui s’introduit partout, brasse les populations, remet en cause les habitudes bien établies, révèle les caractères et noie les âmes dans une brume grise.
L’Enfer n’est-il pas dans ce mélange des couleurs, où la pureté des extrêmes se corrompt en heurtant ‘le bon goût’ ?
Est-on bien sûr que ce juge si zélé est bien le défenseur intègre de la veuve et de l’orphelin ?
Et ce procureur, que la rigidité morale, le veuvage et la haine du ‘vulgaire’ isole dans son château, est-il le pervers qu’il semble être quand il s’attarde avec une jeune femme, ou caresse la joue d’un enfant ?
L’aubergiste si sympathique et si dur au travail ne profite-t-il pas du charme de sa fille pour attirer sa clientèle ?
Les déserteurs ne sont ils que des pauvres hères dépassés par les événements et victimes d’officiers sadiques ?
Seul les anti-héros (l’institutrice, le flic, sa femme enceinte), âmes innocentes qui ne font que subir les aléas de l’existence, semblent posséder effectivement les qualités morales d’une vraie humanité.
Mais est-ce suffisant pour affronter les duretés de la vie ?
Où est-il préférable d'abandonner le combat ?
Note: 9/10
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