La Vie Des Autres (Das Leben der Anderen) (11/02/2007)

La vie des AutresSonate pour un Homme Bon.

L’actualité fait quelque fois l’objet de curieux télescopages. Après un "Géants de la Montagne" inachevé présenté il y a peu au Théâtre de la Ville, arrive un film allemand traitant plus ou moins du même sujet sous un angle un peu différent.

LGDLM traitait de l’influence de l’Art et des artistes sur les masses laborieuses, et du pouvoir de leur donner le ‘supplément d’âme’ qu’ils ne pouvaient trouver dans leur vie courante, toute entière vouée à la production et aux biens matériels. Il se passait dans l’Italie fasciste des années 20-30, où la censure et la propagande tendaient à museler des auteurs tels que Pirandello pour imposer un modèle d’Homme Nouveau, tout en muscles et sans cervelle.

50 ans plus tard, en 1984, l’idéologie communiste a semble-t-il gagné la partie en réalisant de façon pérenne les espoirs de Mussolini, et les cauchemars de Georges Orwell. Gerd Wiesler est un terne fonctionnaire de la Stasi, uniquement préoccupé par son travail, sans émotions et sans désirs. Complètement intégré dans la société, reconnu par ses pairs, il est un employé modèle de cette société technocratique. Il croit à la dictature du prolétariat, dénonce ceux qu’il estime être déviants (l’étudiant dans l’amphi par exemple), est insensible à un humour qui égratigne ses valeurs (la blague sur Honecker). Mis au contact des artistes qu’il est chargé de surveiller, il n’est pas gêné par l’injustice de la situation et le non-respect des droits humains fondamentaux. Il en a vu d’autres, et sait qu’un innocent n’est qu’un coupable qui s’ignore.

Le seul facteur qui va être le déclencheur de sa ré-humanisation [1], va être l’expérience de la Culture, en lisant Brecht et en écoutant la "Sonate de l’Homme Bon" [2]. Expérience très positive, puisqu’il va jusqu’à rédiger lui-même les principaux éléments de la pièce qu’est censé écrire le dramaturge. On retrouve là un thème déjà exploité dans "Fahrenheit 451" et "Equilibrium", où un gardien du système touché par la grâce, entreprend une résistance passive et se met à protéger ceux qu’il est chargé de réprimer.

Bon, évidemment ce ne sont que des personnages fictifs. Aucun officier de la Stasi n’est parvenu jusqu’à nous avec une expérience de ce genre. Tous ceux qui sont sortis de leur rôle ont sans doute été arrêtés et exécutés pour haute trahison. Mais on peut espérer que ce genre de situation n’est pas seulement un fantasme d’intellectuel, et que l’Imagination a le pouvoir de réveiller les morts. L’inverse serait vraiment trop désespérant.

[1] et de la (re)naissance de ses désirs, exprimé par la scène avec la prostituée.
[2] Créée en fait par Gabriel Yared pour le film, mais fortement inspirée par "l’Appassionnata", dont Lénine aurait dit "Si je l’écoute jusqu’au bout, je ne finirai jamais la révolution".

Note: 9/10

Compléments :
> La Fiche du film sur Wikipedia.
> Le site du film.
> Un dossier pédagogique intéressant sur "ZéroDeConduite" (en pdf)
> Les critiques sur "CommeAuCinéma", "DvdRama", "Arte", "Telerama", "DvdCritiques", "FilmDeCulte", "EcranLarge", "ObjectifCinema", "LeMonde", "LeFigaro", "Voir.ca", "CyberPresse.ca", "AvoirAlire".
> Sur les Blogs: "PibeSan", "CritiquesClunysiennes", "SurLaRouteDuCinéma", Matoo", "Zvezdoliki", "Phersu", "CinéBlogywood", "IDEA", "RoutesAméricaines".

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