Zipang de Kaiji Kawaguchi (29/03/2007)
Japon d'Hier et d'Aujourd'hui.
Clint Eastwood vient de nous gratifier d’un diptyque retraçant la bataille d’Iwo Jima, en essayant d’alterner la vision des 2 protagonistes. L’ensemble est plutôt bien réalisé, mais la partie japonaise m’a semblé un peu trop classique dans son traitement. La confrontation de l’individualisme du boulanger face à l’obéissance servile de ses camarades préfigure la naissance du Japon moderne. Mais en restant essentiellement dans le Présent, à part quelques flash-back expliquant la personnalité des personnages, le film a du mal à mettre en évidence la révolution qui est en train de se mettre en branle.
Avec "Zipang", la confrontation entre Japon ancien et moderne est nettement plus nette. Le postulat de départ est celui qui avait été utilisé pour "Nimitz, Retour vers l’Enfer", une sympathique série B de SF qui revisitait l’attaque de Pearl Harbor.
Le 'Mirai' (l'Avenir) est un croiseur japonais des Forces d’Autodéfense (Jieitai), chargé en 2001 d’une mission conjointe avec les américains dans le Pacifique sud. Mais en cours de route, il est pris dans une étrange tempête, et se retrouve au moment de la bataille de Midway.
"Nimitz" étant un film américain privilégiait surtout l’action, le suspense et les effets spéciaux. S’il posait bien le problème des paradoxes temporels, il évitait toute remise en cause de l’Histoire en faisant bien vite revenir le porte-avions dans son époque d’origine.
Avec "Zipang", pas de happy-end aussi grossier. Le manga s’étend sur au moins 26 épisodes (la série originelle est toujours en cours de publication), il faut donc de quoi soutenir l’intérêt du lecteur sur une aussi longue durée. Et l’auteur a beaucoup de chose à dire.
C’est l’occasion de confronter les japonais du 20-ième et du 21-ième siècle, leurs points communs et leurs différences. A l’inverse des soldats expérimentés de l’Empire, les militaires de la Jieitai ont été entraîné à sauver des vies et n’ont jamais tué personne. Si leur navire à la capacité de détruire une escadre entière, il est néanmoins vulnérable pour tout ce qui concerne son ravitaillement. A 60 ans de distance, les mentalités ne sont surtout plus du tout les mêmes pour des japonais qui sont devenus une des plus grandes puissances économiques du monde, malgré une défaite totale et le traumatisme d’Hiroshima. Kaiji Kawaguchi est assez habile pour éviter les stéréotypes, et sa parfaite connaissance historique de l’époque permet d’expliciter au mieux les enjeux politiques et militaires qui se posaient alors.
Quand toute action modifie nécessairement le présent, et affecte obligatoirement le futur, comment se comporter pour sauver ses idéaux, à défaut de pouvoir conserver en l’état le monde d’où l’on vient ? Peut-on rester un observateur impartial, et laisser mourir des innocents ? Faut-il aider le pays des ses ancêtres ou les alliés du pays de ses enfants ? Comment se défendre face aux agressions venant des 2 côtés ? C’est le problème qui va se poser à chaque rencontre entre l’équipage du Mirai et les différents intervenants au conflit (Marine et Armée de Terre japonaises, politiciens, troupes américaines, populations civiles de l’Asie du Sud-Est, …).
Au total, c’est une très belle exploration de la mentalité japonaise présente et passée, et de son évolution d’une société militariste belliqueuse vers une société moderne consciente de ses responsabilités. Loin des manifestations nationalistes de certains nostalgiques de l’Empire, régulièrement montées en épingle dans la presse, "Zipang" est au contraire une réflexion humaniste qui prolonge et amplifie celle que Clint Eastwood a esquissée dans "Lettres d’Iwo Jima".
NB: Zipang (en français : Cipangu) est le nom du Japon tel qu'il est décrit par Marco Polo dans son "Livre des Merveilles". C’est un Japon mythique et idéalisé, qui se trouve dans les imaginaires des occidentaux comme ceux des orientaux.
Note : 9/10
Compléments :
> Le dossier de Mangakana.
> Les critiques du Manga (13 volumes sortis) sur "KrinEin", "La Bédéthèque de BD’Gest", "MangaSanctuary".
> Les critiques du Japanime (disponible en DVD zone1) sur "OrientExtrême", "Animeka".
20:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Japon, BD, Animation, Séries, SF | Imprimer
Commentaires
Voilà un texte intéressant sur une série que j'affectionne particulièrement. Oui Zipang est extrêmement complexe. C'est ce qui fait son intérêt, mais c'est aussi ce qui rebute beaucoup de lecteurs malheureusement.
Si je peux me permettre, il y a aussi d'autres critiques bien développées sur MangaVoraces : http://www.akata.fr/mangavoraces.php?cat=serie&id=226
Écrit par : Marie | 24/10/2007