Tempest: Without a Body, de Lemi Ponifasio (30/01/2010)
Butô Samoan.
Un monolithe sombre surplombe la scène.
Mais pas celui de "2001, l’Odyssée de l’Espace" qui apportait aux singes les clefs de leur avenir futur dans la communauté des espèces intelligentes de l’Univers.
Là, c’est plutôt l’Etoile Noire, symbole d’un pouvoir impérialiste et colonisateur, celui des occidentaux ayant ‘découvert’ les îles du Pacifique.
Sous son influence, l’homme debout est amené à se courber, pour finir complètement couché.
Le sang des populations locales rougit la stèle.
Un Ange aux ailes brisées a beau hurler son désespoir, il ne peut pas faire grand chose, sinon purifier/sanctifier le sang versé et recueillir le cadavre d’un homme-animal mort d’avoir trop tourné en rond dans sa cage.
C’est esthétiquement sombre, beau, fascinant, ça ressemble au Butô de Sankai Juku en un peu plus dynamique.
Danses polynésiennes, sans chants et sans colliers de fleurs, se mêlent aux rituels hakas, dans des tuniques noires de style plutôt chinois (du temps des Concessions).
Les mélopées évoquent celles des rituels bouddhistes.
Le problème est que ça reste très hermétique pour le spectateur lambda.
Il faut avoir lu le dépliant (trop succinct) pour savoir que l’Ange est inspiré d’un tableau de Paul Klee (l’Angelus Novus), ou que la photo projetée est celle d’Ahmed Zaoui, intellectuel algérien réfugié en Nouvelle-Zélande.
La référence à Shakespeare est aussi moins parlante pour un français qu’elle ne le serait outre-manche.
Sinon, pas de traductions, même pour le pamphlet du chef maori Tame Iti, diatribe anti-colonialiste adressée (paraît-il) à la reine d’Angleterre.
Il aurait fallu être un peu plus explicatif. Mettre des sous-titres aux moments les plus opportuns, ou mettre la traduction dans la brochure, en indiquant au moins succinctement le contexte historique et politique propre aux Samoas, que bien peu de français seraient capables de mettre sur une carte.
Déportations de bagnards, évangélisation forcée, essais nucléaires (de Bikini à Mururoa), pollution des mers, mort des barrières de coraux, submersion des iles à cause du réchauffement climatique, …, l’Océanie a connu bien des déboires depuis le 19-ième siècle.
C’est bien d’en parler. Encore faut-il s’assurer d’être compris.
Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et de la companie MAU.
> Dossier Pdf du Grand T (Nantes).
> Les avis de Libération, LeMonde, LesEchos, LeNouvelObs, Obiwi, ConfitureDansLesOreilles, BienCulturel.
20:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, danse, buto, samoa | Imprimer