Inondations au Ladakh avec Drukpa Humanitaire (12/08/2010)
Compassions sélectives.
Les cataclysmes se suivent et se ressemblent malheureusement dans leurs conséquences sur les populations locales.
Mais là où certains peuvent bénéficier de la une des médias occidentaux, d'appels aux dons passés en boucle et de l'envoi de secours en grand nombre par les grandes ONG et les Etats, d'autres doivent se contenter de la portion congrue.
En ce moment, à la une de l'actualité on a surtout les feux de forêt en Russie, les inondations en Chine et au Pakistan, avec force détails sur les souffrances des victimes et l'héroïsme des sauveteurs.
Au Ladakh, par contre on n'entend parler que des difficultés de rapatriement des trekkeurs occidentaux surpris par les torrents de boue.
Et les habitants ? A croire qu'ils n'existent pas ou si peu. Evidemment, il ne s'agit que de quelques paysans et éleveurs attachés à une terre ingrate, quelques fois rescapés des exactions chinoises au Tibet et réfugiés là depuis les années 50, qui ne cherche qu'à (sur)vivre sans embêter personne.
Il n'ont pas de richesses particulières, ne font pas d'attentats, ne rêvent pas d'envahir leurs voisins, ni de leur imposer leurs idées sur la façon dont devrait tourner le monde.
Ils croient par contre à un bouddhisme tantrique, celui issu des enseignements de Marpa, et pensent que pour créer un monde meilleur, il convient d'abord de devenir soi-même un être meilleur.
Cultivant le seigle et l'orge dans des vallées au fond desquelles coulent des torrents alimentées par la fonte des neiges, ils n'ont pratiquement jamais vu (jusqu'à ces dernières années) les moussons qui ravagent tous les étés les versants sud des chaînes himalayennes.
D'où le bilan très lourd des dernières inondations, les torrents boueux alimentés par les orages ayant violemment balayés des fines couches de terres trop sèches pour absorber l'eau.
Point positif, par contre, les monastères (majoritairement Drukpa), omniprésents dans la région, sont construits sur les hauteurs. Je garde des superbes souvenirs de leurs visites en 1995.
L'administration locale est assez peu développée, et surtout focalisée autour des militaires, omniprésents pour assurer le contrôle des frontières avec la Chine et le Pakistan, sans compter le problème des indépendantistes Kashmiris. Il n'y a d'ailleurs que peu de volontaires dans l'administration indienne pour venir passer sa vie dans un paysage aussi désolé et coupé du monde tous les hivers.
Traditionnellement, ce sont donc les moines qui servent d'instituteurs, de médecins, d'écrivains publics, ... dans des monastères qui sont aussi des orphelinats, des écoles, des dispensaires.
Aujourd'hui, alors qu'aucune ONG internationale n'est intervenue (sauf apparemment MSF Belgique), ni même a communiqué sur le sujet, les seuls à s'être retroussés les manches pour aider les sinistrés sont les militaires locaux de l'armée indienne et les moines de la région.
Par contre, leur moyens habituels sont évidemment insuffisants et ils ont évidemment besoin de financements complémentaires pour fournir ce qu'il faut à des populations qui ont tout perdu.
Le Gyalwang Drukpa, chef de la branche Drukpa de l'école Kagyupa ("bonnets rouges"), dont le monastère principal est à Hemis, a lancé vendredi 6 aout un appel au monde pour recueillir des fonds, appel qu'aucun media occidental ne semble malheureusement avoir repris.
Pour ceux qui auraient un peu de compassion pour ces populations malmenées par les conséquences d'un dérèglement climatique auquel ils sont complètement étrangers, le chemin passe par là.
D'avance, merci pour eux.
Compléments :
> Appel relayé par BouddhaChannel.
> Liste des centres Drukpa.
> Association Drukpa Humanitaire.
> Sur les blogs: VivreABangalore, KiKiSosoLargyalo, MaGalerie, LionDesNeigesMontBlanc, AuFilDesSaisons, VolontAsia.
20:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : solidarités, asie, bouddhisme, ladakh | Imprimer
Commentaires
Vous exagérez un peu. On parle beaucoup du Pakistan à cause de l'ampleur de la catastrophe dans ce pays. Mais on parle aussi beaucoup du Ladakh, et pas seulement à cause des trois touristes français, notamment en Suisse, où j'étais ces derniers temps, tous les bulletins d'info parlaient du Ladakh, même plus que du Pakistan. En tant qu'amoureux du Ladakh moi-même, j'ai plutôt craint l'effet inverse: qu'on parle plus du Ladakh parce qu'il est plus "sympathique" aux yeux des occidentaux que ne l'est un Pakistan qui fait peur. Mais vous qui êtes bouddhiste, vous devez savoir que la compassion doit s'exercer à tous les êtres, indépendamment de leur orientation politique ou religieuse. Quant à dire que l'administration locale est peu développée au Ladakh, je ne suis pas sûr, là encore, d'être d'accord avec vous. Il y a une administration locale très sérieuse à Leh, qui est capable en temps normal de très bien réguler la vie économique locale, autant que le flot des touristes estivaux. Evidemment, en temps exceptionnel, elle a ses limites comme toute administration.
Écrit par : Alain L. | 13/08/2010
La France n'est malheureusement pas la Suisse.
Et ici, les medias français ne parlent actuellement QUE des pauvres touristes français en perdition, aussi bien à la télé, à la radio que sur internet.
Il suffit de faire une recherche via google pour voir le peu d'intérêt que le Ladakh inspire, en comparaison avec les informations diffusées sur le Pakistan voisin.
La compassion doit évidemment s'exercer envers tous. Il y a d'ailleurs pas mal d'indiens hindous ou sikhs et de kashmiris musulmans à Leh, et ils ont autant été touchés que les "chapatis" (nom péjoratif donné par les indiens aux ladakhis d'origine).
Ce que je reproche aux medias actuellement est de faire une impasse totale sur les habitants du Ladakh qui méritent autant (sinon plus) d'être entendus, soutenus et aidés.
Quant à l'administration indienne, peut-être s'est elle améliorée récemment, mais elle est souvent très bureaucratique, très centralisée (à Leh essentiellement) et très inefficace, même en temps normal.
Dans certaines parties du Ladakh, seule l'armée indienne est présente pour suppléer aux carences de l'administration civile, mais elle est d'abord orienté vers les familles des militaires.
Quant au tourisme, il est surtout géré par une multitude d'entreprises privées aux mains des kashmiris, majoritaires dans tous les secteurs commerciaux.
Écrit par : ZenAttitude | 13/08/2010