Dans les Théâtres à Paris en 2013 (2-ième Semestre) (28/12/2013)

ThéatreMa Sélection de l'Année 2013 (B).

Suite de mes commentaires de spectacles, vus et recommandés (ou pas) dans les théâtres privés ou publics, pendant la deuxième partie de l'année 2013.

Cette année, vu la piètre qualité de la programmation (confirmée par les compte-rendus que j'en lis depuis), j'ai fait l'impasse sur le  Théâtre de la Ville. La reprise de la direction par Emmanuel Demarcy-Mota est vraiment une catastrophe.

 

Mes impressions: 

. "Les Aventuriers de la Cité Z" (2012) de Fréderic Bui Duy Minh, Cyril Gourbet & Aymeric de Nadaillac, par Aymeric de Nadaillac (vu le 16/11 à La Folie Théâtre): De l'action, du rythme, de l'humour dans cette comédie survoltée passant les 4 Indiana Jones à la moulinette, mélangée avec la légende de Percy Fawcett et un zeste d'humour franchouillard à la OS117. Un résultat bluffant de réussite, où on pleure de rire, en s'étonnant que ça n'ait duré que 1h15, tellement c'était riche et dense, avec plusieurs niveaux de lecture et improvisations liées à l'actualité. Bravo aux auteurs, acteurs et metteur en scène. Vivement la prochaine production de cette troupe qui mérite vraiment le déplacement

. "La Beauté, Recherche & Développements" (2013) de Florence Muller et Eric Verdin, par Pierre Poirot (vu le 9/11 au Théâtre du Petit Saint-Martin): Dans la lignée de "Naturellement Belle", une réflexion sur le dictat des apparences et la juste perception de la réalité, via le parcours labyrinthique dans un musée imaginaire de la Beauté. Le concept est à géométrie très variable, et l'ensemble est assez foutraque, pêchant par son côté flou et décousu, malgré quelques bons moments, jeux de mots et traits d'esprit. Les actrices sont par contre dynamiques et efficaces, et on prend plaisir à les suivre dans les méandres de leur parcours délirant.

. "Le Cid" (1637) de Corneille, par Jean-Luc Jeener (vu le 13/07 au Théâtre du Nord-Ouest): Chimène a la haine. Mais entre les feux de l'amour, la loi du talion et la raison d'Etat, elle ne sait quel comportement adopter. Rodrigue, manipulé par le destin, aura-t-il assez de coeur pour la supporter jusqu'à la fin de la pièce? C'est une version longue (3h30) comprenant les atermoiements de l'infante, dont on comprend qu'ils soient souvent non joués. Les seconds rôles féminins récitent les alexandrins de façon un peu scolaire, mais le reste de la distribution est nettement meilleur, notamment Marta Corton Vinals, toujours aussi impressionnante dans ces personnages de femmes-dragons fougueuses mais étouffantes. A voir en essayant d'y aller un jour où il ne fait pas trop chaud.

. "Clair Jaz augmente la Réalité" de Clair Jaz (à la Comédie Contrescarpe): spectacle du 26/12 annulé. Un lendemain de fêtes difficile ?

. "Comment épouser un Milliardaire" (2010) de et par Audrey Vernon (vu le 24/08 à La Nouvelle Seine): Fausse ingénue, mais vraie analyse politico-économique. Faire un One-Woman-Show à partir de la liste Forbes des multi-milliardaires, ça n'était pas gagné d'avance mais c'est plutôt réussi. Au delà des chiffres précis et des comparaisons édifiantes, c'est dans l'humour des confrontations riches/pauvres et la logique imparable de la démonstration que se situent l'intérêt du spectacle. Épouser un rentier dont la fortune s’accroît même quand il ne fait rien, sera toujours plus rentable que travailler dur ou être un créateur génial. Finalement les dindes écervelées ("artistes" ou "modèles") qui font la une des magazines people ont peut-être mieux compris que tout le monde comment assurer leur avenir. Reste à trouver le parfait pigeon, qui ne court malheureusement pas les rues...

. "La Conversation" (2011) de Jean d'Ormesson, par Jean Laurent Silvi (vu le 14/12 au Petit Montparnasse): Belle pièce historico-politique qui nous plonge au moment précis où un "homme providentiel" devient un apprenti dictateur, aveuglé par ses succès et soutenu par un entourage financièrement intéressé. Le texte de d'Ormesson est très agréable à entendre, et la mise en scène impeccable. J'ai par contre été moins convaincu par le jeu de Maxime d'Aboville, parfois hésitant alors que le contexte voudrait qu'il soit d'une détermination sans failles.

. "Le Corbeau et le Pouvoir" de Jacques Forgeas, par Sophie Gubri et Sébastien Grall (vu le 23/11 au Lucernaire). Du Mécénat à l'Art Officiel : Les ambiguïtés du financement de l'Art par les politiques. Un beau sujet, mais dont le traitement se révèle malheureusement décevant. Des dialogues virtuoses, de bons acteurs, une bonne mise en scène, mais des décors particulièrement moches, et une confrontation qui tourne court entre un La Fontaine, intransigeant et fidèle à Fouquet, qui se range bien vite aux arguments sonnants et trébuchants d'un Colbert corrupteur au nom de la raison d'Etat, les 2 bien aidés par un Molière qui joue les entremetteurs. Quant à Racine, son rôle est quasi inexistant. Que diable est-il allé faire dans cette galère ?

. "Dérapage" (2013) de Jean-Mary Nevers, par Denis Souppe (vu le 21/12 à l'Auguste Théâtre): Triste constat que de voir journalistes et politiques ayant abandonnés leurs rôles de contre-pouvoirs pour devenir des pantins manipulés par des lobbies, avec des "chiens de garde" bien pensants maniant la langue de bois du politiquement correct pour museler toute opinion contraire à certains intérêts particuliers. Le sujet est casse-gueule, mais particulièrement bien traité, et bien interprété. La pièce mériterait d'être plus connue, même si par nature on ne peut envisager de la voir dans une plus grande salle, subventionnée et/ou sensible aux pressions catégorielles.

. "Frankenstein ne meurt jamais" de Samuel Debure, Jean-Marie Lhomme et Sophie-Anne Lecesne, par Laurie Marzougui (vu le 27/12 au Théâtre Le Brady): Avis mitigé sur ce spectacle très inspiré du film de Mel Brooks. Il y a de bonnes idées tant dans l'écriture que dans la mise en scène, les acteurs sont plutôt bons et dynamiques, le décor simple mais ingénieux. Mais il y a un fort manque d'homogénéité de l'ensemble. Entre des moments très drôles, on trouve également des jeux de mots foireux, des gags qui ne fonctionnent pas, des scènes qui s'étirent au-delà du raisonnable. La pièce mériterait de repasser sur la table d'opération pour un petit lifting salvateur, afin d'y enlever le mauvais gras et y greffer quelques nouveaux gags.

. "Journal d'une Femme de Chambre" (1900) d'Octave Mirbeau, par Nicolas Luquin (vu le 1/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Un Mirbeau toujours autant d'actualité, où l'exploitée d'hier devient l'exploiteuse du lendemain, avec une parfaite mauvaise foi, dès qu'elle a un peu d'argent et de pouvoir. Très bonne mise en scène, utilisant la banalité des gestes quotidiens en contrepoint de la violence de cette tragédie domestique, complétée de quelques intermèdes sonores à  base de chansons réalistes du début du 20-ième siècle qui illustrent à merveille le propos. On notera également l'excellente performance de Isabelle Hollensett qui occupe la scène sans discontinuer, parvenant à nous intéresser tout du long sans baisse de rythme ou d'attention.

. "La Locandiera" (1753) de Carlo Goldoni, par Frédéric Jacquot (à l'Atelier Théâtre Frédéric Jacquot): spectacle du 2/11 annulé, suite à l'indisponibilité d'un des acteurs. Prochaines représentations en janvier 2014.

. "Marx et Jenny" (2012) de et par Audrey Vernon (vu le 7/08 à La Nouvelle Seine): La vie de la famille Marx, reconstituée à partir de leurs pléthoriques correspondances et rendue vivante grâce au talent et au charme d'Audrey Vernon. Si l'apport d'Engels à l'élaboration du "Capital" est connue, le spectacle rend justice à l'action des 2 femmes de la tribu: Jenny Marx, amoureuse fusionnelle et matriarche, mais aussi Hélène Demuth, soutien indéfectible sans qui rien n'aurait sans doute été possible. Un One Woman Show intelligent qui inaugure en beauté cette nouvelle et sympathique salle flottante amarrée le long de Notre-Dame.

. "Le Medecin Malgré Lui" (1666) de Molière, par Quentin Paulhiac et Aurélien Rondeau (vu le 6/07 au Lucernaire): Un SDF des ghettos de Los Angeles qui usurpe involontairement l'identité d'un médecin et devient confident d'un nabab, ça pourrait être un film hollywoodien, mais c'était déjà du Molière. D'où une mise en scène totalement crédible, dans un environnement très contemporain, avec villas huppées et domestiques latinos. Très bonne interprétation de l'ensemble des acteurs, avec un bémol: l'accent espagnol un peu trop prononcé des domestiques, qui rend parfois le texte peu intelligible.

. "Mur" (2013) d'Amanda Sthers par Anne Bourgeois (vu le 7/12 au Petit Théâtre de Paris): Une petite pièce sympathique sur la difficulté des relations avec l'autre, les traumatismes de l'enfance, les mensonges de la vie, et les petites manies qui énervent. Rufus y est excellent, comme toujours, et Nicole Calfan très bien elle aussi. Seul gros bémol: le décor placé en avant scène, devant celui de "La Société des Loisirs" joué en alternance, qui fait que que les acteurs ne sont absolument pas visibles depuis les côtés de la salle. Heureusement pour les secondes catégories, la salle n'est pas pleine et il est possible de se replacer en position plus centrale.

. "Le Neveu de Rameau" de Diderot, par Jean-Pierre Rumeau (vu le 30/11 au Théâtre du Ranelagh): Une étincelante conversation philosophique sur le Bien et le Mal, le Génie et la Normalité, l'Etat de Nature et le Contrat social, les enjeux de l'Education, menée de main de maître par un trio éblouissant. Un siècle avant Nietzsche, Diderot remet à leur place les penseurs qui tentent de nous vendre un Homme né naturellement bon, et qui n'a pas besoin de faire d'efforts pour se former et s'améliorer. Nicolas Vaude est particulièrement exceptionnel dans le rôle du chien fou qui par la logique de ses excès, explose la Morale et les conventions sociales.

. "Shake Speare" (2012) de la Compagnie du Mouton Noir, par Mélissa Gardet (vu le 20/07 au Théâtre du Marais): Les moutons noirs broutent la vigne à l'ombre de l'arbre de MacBeth. De l'oeuvre du grand Will, lue par Hamlet, se détachent quelques bonnes feuilles réunies en un patchwork (d)étonnant. Si le spectacle est un peu décousu, la qualité de la (ré)interprétation des scènes par les personnages en fait une pièce intéressante. On retiendra notamment les grandes tirades pre-mortem d'Ophélie, Roméo, Cléopatre et Jules César, dans une chorégraphie orchestrée par un Iago exceptionnel à tous points de vue.

. "Tante Olga" (2008) de Michel Heim, par Michel Dennielou (vu le 27/07 au ThéoThéâtre): Un petit bijou signé Michel Heim, parodiant le théâtre russe classique, bien mis en scène et excellemment joué par les différents acteurs. Beaucoup inspiré par Tchekhov bien sûr, mais aussi d'innombrables références à Dostoïevski, Tolstoï, Boris Pasternak, ... Une pièce qui mériterait d'être reprise dans une plus grande salle, vu la qualité globale de l'ensemble.
 
. "Terreur - Olympe de Gouges" (2012) de Elsa Solal, par Sylvie Pascaud (vu le 28/12 au Lucernaire): Bons rappels historiques de la pensée et de l'action de celle dont on attend toujours la panthéonisation, de ses combats contre le machisme, le paternalisme, l'esclavage, la peine de mort, la pensée unique et la tyrannie. Belles prestations des 3 acteurs dans un décor très dépouillé qui laisse toute leurs places aux textes, rythmés par le bruit sourd de la guillotine qui s'abat. A voir sans faute
 
. "Thierry Gondet est trop vieux pour ses conneries!" de Thierry Gondet, par Rémy Caccia (vu le 3/08 à la Comédie des Boulevards): Là où certains n'ont que leur tchatche et un vécu limité, Thierry Grandet aligne un palmarès impressionnant tant dans la danse que la comédie musicale, le patin à roulette (!) et une expérience de la vie et du showbiz où on devine que tout n'a pas toujours été rose bonbon. Comme il ne se prend pas au sérieux, ça donne un excellent spectacle, malheureusement un peu court, mais on peut penser qu'il en a encore sous le pied. A voir, en solo ou en première partie de Christelle Chollet, en attendant son prochain show (je suggère: "Thierry Gondet est trop jeune pour prendre sa retraite").
 
. "Vodka-Camomille" (2012) de et par Vanessa Kayo (vu le 14/09 à La Cible).
 
. "Yi Shunge chante la Bougie": Théâtre Min du Fujian (vu le 25/10 au Théâtre Monfort): Dans le cadre du 6-ième Festival des Opéras Traditionnels Chinois, une pièce très proche du théâtre classique européen (Un vieux commerçant avare, voulant épouser une jeune veuve, dont le mari a disparu en mer mais revient chez lui au bout de 10 ans d'absence). C'est très drôle, et comme chez Molière et Goldoni, c'est l'occasion de mêler satire sociale et archétypes amoureux. Les acteurs/chanteurs sont plutôt bons, même si leurs voix ne sont pas toujours assez puissantes dans une salle peut-être un peu trop grande pour eux. En tout cas, une bonne introduction à l'opéra chinois, sans l'aspect hermétique qui fait parfois fuir les néophytes.
 

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