01/11/2014
Dans les Théâtres à Paris en 2014 (2-ième Semestre)
Ma Sélection de l'Année 2014 (B).
Suite de mes commentaires de spectacles, vus et recommandés (ou pas) dans les théâtres privés ou publics, pendant la deuxième partie de l'année 2014.
Comme l'année dernière, vu la piètre qualité de la programmation, j'ai fait l'impasse sur le Théâtre de la Ville.
Mes impressions:
. "Célimène et le Cardinal" (1992) de Jacques Rampal, par Pascal Faber (vu le 18/10 au Théâtre Michel): Suite intelligente et réussie du "Misanthrope", laissant voir une Célimène qui s'est bonifiée avec l'âge, alors qu'Alceste, devenu un Homme de Pouvoir, a fini par succomber à ses démons intérieurs. Vingt ans après, les passions trop longtemps contenues éclatent, dans une quasi scène de ménage, où s'affrontent libre pensée et pouvoir théocratique, bonheur individuel et normes patriarcales, sensualité épanouie et puritanisme castrateur. Très bonne interprétation des 2 acteurs, dans une mise en scène classique avec décors et costumes ad-hoc.
. "Coup de Théâtre(s)" (2014) de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, par la compagnie Sébastien Azzopardi (vu le 26/07 à la Gaité Montparnasse): Une quête existentielle, et une déclaration d'amour au théâtre, dans la lignée du "To Be Hamlet or Not" de Charlotte Rondelez, mais dans l'esprit de la "Mission Florimont", avec anachronismes, humour, mauvais goût assumé et références à l'actualité. De la tragédie grecque à la comédie musicale, en passant par la commedia dell'arte, Shakespeare, Molière, E.Rostand, Feydeau, Tchekhov et Beckett, il y a de quoi s'amuser avec les nombreuses références cachées dans le texte, les décors ou les accessoires. C'est à la fois la force et la faiblesse du spectacle, qui risque de perdre en route une partie de ses spectateurs, peu familière des grands classiques.
. "Double Assassinat dans la Rue Morgue" d'après Edgar Allan Poe, par la Compagnie Neo Vent (vu le 12/07 au Théâtre Darius Milhaud): Très bonne mise en scène (un très mérité P'tit Molière de la meilleure adaptation) de la nouvelle d'Edgar Allan Poe, traitée dans l'esprit feuilletonesque du 19-ième siècle. Le décor succinct fait la part belle à l'imagination, bien aidé par la qualité de l'interprétation d'une troupe très polyglotte. Avec quelques costumes représentatifs des divers rôles et un excellent travail sur la diction, on se retrouve sans peine dans le Paris cosmopolite du tout premier détective de l'histoire littéraire.
. "Les Femmes Savantes" (1672) de Molière, par Amélie Dhée (vu le 9/08 à la Comédie Saint-Michel): Un Molière pas très féministe, où les femmes ayant la velléité de sortir de leur ignorance et leur sujétion en prennent pour leur grade. La mise en scène renforce ces travers, en faisant (sur)jouer ces 3 comédiennes de façon assez hystérique, alors que le jeu des autres comédiens est nettement plus équilibré. Par ailleurs, pourquoi cet accent allemand (période 3-ième Reich) pour se moquer de leur programme académique de l'acte III, scène 2 ? En bref, une interprétation sans finesse par une troupe semble-t-il plus habituée au manichéisme des spectacles pour enfants qu'à la subtilité des grands classiques.
. "Feu la Mère de Madame" de Georges Feydeau, par Jérémy Martin (vu le 1/11 à l'Alambic Comédie): Cette pièce n'est pas la plus drôle de Feydeau, mais la critique sociale sous-jacente et les nombreux quiproquos qui se succèdent soutiennent l'intérêt tout au long. Les acteurs sont également plutôt bons, et leur humour pince-sans-rire fait merveille sur cette petite scène bien adaptée au contexte.
. "Le Medecin Malgré Lui" (1666) de Molière, par Brice Borg (vu le 25/10 au Théâtre de Poche): Une version modernisée par les "Pitres Rouges" (diction, costumes, décors), mais avec un aspect 'farce' toujours mis en avant, avec un travail important sur la gestuelle, proche du cinéma muet ou des 'cartoons'. Un bon cru, néanmoins moins percutant que l'interprétation du collectif Le Pack ("Los Angeles 1990") qui reste à mon avis supérieure à toutes les autres.
. "Les Nombrils" (2014) de et par Didier Caron (vu le 2/08 au Théâtre Michel): Une vision caustique du milieu théâtral, mais finalement pas si méchante que ça, puisque garantie sans intermittents grévistes, sans subventions politiciennes et sans grenouillage de responsables culturels pistonnés. La pièce est néanmoins cruellement drôle envers ces comédiens semi-pros, se voyant déjà en haut de l'affiche, mais navigant entre pubs télévisées et représentations en MJC (ou en maisons de retraite). De quoi égayer un été théâtral parisien, déserté par les troupes habituelles parties pour leur migration annuelle en Avignon. Les acteurs sont tous excellents, leur abattage compensant un texte et une mise en scène plutôt conventionnels.
. "On n'arrête pas la connerie" d'après Jean Yanne, par Jean-François Vinciguerra (vu le 5/07 au Petit Montparnasse): Un bel hommage à Jean Yanne, à partir de chansons et pubs tirées principalement de "Tout le Monde il est beau..." et de "la Barbichette", avec un zeste de "Chobizenesse" et de quelques sketchs célèbres. C'est parfois un peu daté et désuet (un anti-cléricalisme sans nuances), mais si on fait l'effort de se remettre dans le contexte des années 70, c'est toujours aussi réjouissant malgré les (ou à cause des ?) thèmes abordés (chômage, limitations de vitesse, showbiz, palestiniens, ...) qui sont toujours autant d'actualité. On est par ailleurs loin d'une petite production au rabais, avec un vrai effort fait sur les costumes et les décors (superbes), sans compter l'accompagnement musical assuré de main de maître(sse).
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En prévision:
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07/06/2014
Dans les Théâtres à Paris en 2014 (1-ier Semestre)
Ma Sélection de l'Année 2014 (A).
Mes commentaires de spectacles, vus et recommandés (ou pas) dans les théâtres privés ou publics, pendant la première partie de l'année 2014:
. "A Suivre!" de et par Isabeau de R. (vu le 2/05 au Théâtre de Dix Heures): Une prestation très classieuse, au travers de sketches de haut niveau, plus dans la lignée des Inconnus (le Rap des 'vieux cons' m'a rappelé leur célèbre Rap des Impôts) que dans le stand-up nombriliste actuellement à la mode. Une fine analyse de la société et de sa décrépitude, au travers de personnages emblématiques (institutrice, actrices, animatrice télé, ...). Un grand Bravo en particulier pour l'introduction tout en latin, que les e-zinkults accros au langage SMS auront sans doute du mal à comprendre.
. "Chat en Poche" (1888) de Georges Feydeau, par Anne-Marie Lazarini (vu le 15/03 à l'Artistic Athévains): Un 'Bourgeois Gentilhomme' très réussi, aussi drôle et caustique que son illustre prédécesseur pour brocarder la suffisance et le ridicule d'une bourgeoisie se piquant de Culture. La troupe, très homogène, rend très bien l'absurde des situations et la virtuosité des dialogues, avec le tempo dynamique nécessaire à tout bon Feydeau.
. "Chinois Marrant dans La Légende de Bun Hay Mean" par Bun Hay Mean (vu le 8/02 à La Nouvelle Seine): Au menu: 1 Beau Bun et 1 Bol de Rires. Un humour très politiquement incorrect, assez rentre-dedans, sans langue de bois et souvent en dessous de la ceinture, assez peu compatible avec les tartuferies politiques, mais, contrairement à certains, sans racisme et sans haine de l'autre. Le public est d'ailleurs très mélangé, ethniquement et culturellement, et tout le monde est mort de rire. Avec également une présence scénique incroyable, un show plein d'auto-dérision, très axé sur la vanne à tout prix, avec des transitions basées sur une improvisation sans faille, et une sortie de scène aussi originale qu'acrobatique. En maniant le bâton dans les écuries du Paradis de l'Ouest, Bun Hay Mean se révèle comme un digne avatar de la lignée des Sun Wukong/Son Goku.
. "Dom Juan" (1665) de Molière, par la Compagnie Icare (vu le 7/06 au Petit Théâtre de Naples): Un bon Molière, tirant à vue sur les fils à papa débauchés, les libertins affichés ou hypocrites, les dévots naïfs et les femmes vénales. Une mise en scène qui dédouble Dom Juan, comme Dorian Gray, confrontant sa partie jeune et séduisante, à son revers sombre et inquiétant. C'est intéressant, mais ça aurait été plus pertinent si les 2 acteurs jouaient l'un à coté de l'autre, au lieu d'être souvent aux 2 extrémités de la scène. Le prologue muet qui introduit la pièce sous forme de flash-back est par contre trop confus et sans grand intérêt. Parmi les interprètes, Sganarelle (Mahmoud Ktari) est particulièrement excellent.
. "L'émule du Pape" (2013) de Michel Heim, par Jean-Pierre Rouvellat (vu le 18/04 à La Folie Théâtre): "Cachez ce saint que je ne saurais voir": Tartuffe chez les Borgia, traité avec les calembours historiques et la verve habituelle de Michel Heim. Autant dire que c'est très drôle, malgré un épilogue un peu mou. Mais les interprètes (excellents) s'en donnent à coeur joie dans cette histoire pas très catholique, où les fondements de l'Eglise ont plutôt chaud aux fesses.
. "En Attendant Lagarce" (2013) textes de Jean-Luc Lagarce (montage Guillaume Antoniolli), par Esther Bastendorff (vu le 25/01 au Théâtre Pixel): 18 ans après la disparition du dramaturge, un bon patchwork de textes emblématiques, aux thèmes communs mais pas toujours très bien ajustés entre eux. La mayonnaise finit néanmoins par prendre, grâce aux excellentes interprétations des 4 acteurs, toujours dans le ton juste. La scénographie et les jeux d'éclairage jouant entre l'avant-scène et les coulisses sont également particulièrement bien pensés, au contraire des vidéos qui n'apportent pas grand chose. Au final, une bonne introduction à/rétrospective de l'univers de Lagarce, et ses textes très expressifs et démonstratifs, malgré une langue devenue un peu surannée (qui parle encore de nos jours de façon aussi riche et précise ?).
. "Etat de Siège" (1948) d'Albert Camus, par Charlotte Rondelez (vu le 12/04 au Théâtre de Poche): Quand la peste, brune ou rouge, s'abat sur les corps et surtout sur les esprits. Belle métaphore médicale d'un mal qui infecte régulièrement les sociétés humaines, notamment lors des dernières élections municipales. C'est une tragi-comédie morale, politique et philosophique assez efficace, malgré une certaine faiblesse dans l'expression des sentiments amoureux. Par contre, il y a de très bonnes idées de mise en scène avec ces marionnettes qui apportent leur côté décalé et caricatural, et une interprétation adéquate, en particulier des 2 infesteurs, glaçants à souhait.
. "Les Fâcheux" (1661) de Molière, par Jérémie Milsztein (vu le 3/01 à l'Aktéon): La mauvaise réputation des français en tant que casse-pieds arrogants et sans-gêne ne date pas d'hier. La preuve avec cette petite pièce de Molière qui brocarde avec énormément d'humour les travers de ses contemporains. Bien que peu connue, cette comédie est une petite merveille de drôlerie, alignant les scènes sans temps morts, dans une mécanique de précision proche des meilleurs Feydeau. La mise en scène a été intelligemment modernisée, et Brice Borg est irrésistible dans les multiples rôles de fâcheux. Dommage que les bancs soient si inconfortables.
. "Jaune Bonbon" de et par Kee-Yoon (vu le 29/05 au Théâtre du Gymnase).
. "La Locandiera" (1753) de Carlo Goldoni, par Frédéric Jacquot (vu le 19/04 à l'Atelier Théâtre Frédéric Jacquot): Beaucoup de fraîcheur dans le jeu de ces jeunes comédiens, particulièrement expressifs et d'un bon niveau, avec seulement quelques hésitations sur le texte. Comme on est juste à côté de l'espace scénique (comme dans la chambre du personnage), on en profite au maximum. Une bonne occasion donc de (re)découvrir ce grand classique de Goldoni qui n'a pas pris une ride, dans une version sans doute moins ampoulée que celle de vieux acteurs ayant leur avenir derrière eux.
. "Machine & Machine" (2012) de la Compagnie MalOmains, par Laure Crubilé (vu le 22/02 au Théâtre Pixel): A quoi rêvent les femmes cybernétiques ? Leur féminité est-elle innée, acquise, imposée, conditionnée, apprise ? Une belle rencontre à la frontière entre la chosification du sujet humain (pas nécessairement féminin) et l'humanisation de l'objet, où des êtres hybrides complexes se posent beaucoup de questions existentielles. Du Concile de Mâcon aux forums des sites féminins, en passant par les contes de fées, les écrits féministes et la culture cyberpunk, on continue à beaucoup s'interroger à la recherche d'une réponse illusoire. Il n'est pas sûr qu'un Test de Turing H/F soit plus pertinent que le Test Humain/IA. Ce serait nier toutes les nuances intermédiaires (notamment LGBT) présentes dans tout être humain. Le show est en tout cas visuellement très créatif, malgré un décor très bricolé, et mérite d'être vu, plus pour les questions qu'il pose que par les réponses qu'il ne donne pas. Bravo au collectif MalOmains pour cette création hors-normes, si rare dans le domaine théâtral.
. "Mais n'te promène donc pas toute nue" (1911) de Georges Feydeau + "Mais Va Donc T'Habiller" de Hamed Delo, par Claude Bataille (vu le 14/02 à la Comédie Saint-Michel): Le classique de Feydeau complété par l'excellente suite de Delo, si bien faite (dans le fond et la forme) qu'on a du mal à la différencier de l'original. Une satire du monde politique et de ses moeurs corrompues, où règnent les faux semblants et le double langage. Les acteurs sont bons sans être exceptionnels, dans une mise en scène très classique. Il manque néanmoins un petit grain de folie supplémentaire dans l'interprétation pour en faire un vaudeville complètement réussi.
. "Le Maître de Santiago" (1947) de Henry de Montherlant, par Patrice Le Cadre (vu le 4/01 au Théâtre du Nord-Ouest): Une pièce encore très actuelle d'un auteur un peu oublié, traitant de l'imposture colonialiste par un peuple venant à peine d'être décolonisé, mais aussi des limites de l'intégrité sans renoncer à son humanité. Le retrait du monde est-il la seule solution au refus d'être impliqué dans une société moralement corrompue, ou le principe de réalité implique-t-il d'irrémédiables compromissions contraires à l'honneur et à la pureté de l'âme ? Un grand texte, excellemment mis en scène et en lumières, par des acteurs extrêmement convaincants. Assurément un des indispensables de cette saison au N-O.
. "Le Mariage Forcé" (1664) de Molière, par Brice Borg et Jérémie Milsztein (vu le 10/05 à l'Aktéon): Une 'comédie-balais' {:-)} pas mal modernisée par "Les Pitres Rouges", mais pas aussi réussie que leur version des "Facheux". De bonnes idées de mise en scène pas toujours bien exploitées (un café chantilly qui s'éternise), une faiblesse dans certains rôles secondaires (les diseuses de bonne aventure). Heureusement il reste le texte de Molière, et les très bonnes prestations des acteurs principaux.
. "Mein Kampf (Farce)" (1987) de George Tabori, par Makita Samba (vu le 24/01 au Théâtre Douze): La tentative ratée d'un pygmalion juif, sage érudit mais un peu fainéant, tardant à écrire l'oeuvre de sa vie, d'éduquer une créature germanique, raté inculte manquant d'amour et d'humour, qui se rebelle en préférant s'associer avec la Mort. Mine de rien, on retrouve les histoires du Golem ou de Frankenstein, où l'apprenti sorcier finit toujours par se faire sévèrement remettre à sa place par l'auteur de la Génèse. C'est particulièrement drôle et bien joué par les acteurs principaux (Schlomo, Adolf, Gretchen, la Mort, Dieu). La mise en scène est assez inégale, allant du très bon au plus horrible (la scène du poulet). Mais si on n'a pas peur du politiquement incorrect, dont de multiples jeux de mots sur les fours, ça vaut vraiment le coup d’œil.
. "Molieratus" de et par Serge Bourhis (vu le 17/05 au Théâtre Essaion): Après Racine par la racine, Molière mis en bière. Un patchwork de scènes célèbres censées être représentatives du dernier jour de la vie du sieur Poquelin et de sa troupe. C'est techniquement plutôt bien fait (en respectant la règle des 3 unités), mais un peu artificiel et ne sortant pas vraiment de l'ordinaire, à l'exception d'une réjouissante interprétation du "Malade Imaginaire" vu des coulisses, et d'un "Don Juan" féminin qui valent vraiment le déplacement.
. "Les Précieuses Ridicules" (1659) de Molière, par Gaël Albespy (vu le 22/03 à La Folie Théâtre): Non mais allô quoi, t'es une jeune provinciale branchée et tu peux pas sortir à Paris ? Une farce toujours autant d'actualité, avec des musiques et une mise en scène assez modernisée, bien que jouée de façon très classique. Elle aurait sans doute eu encore plus d'impact avec des costumes plus contemporains, pour souligner l'actualité de ces Nabila incultes et arrivistes, gardées sous clef par un père traditionaliste aux idées particulièrement réactionnaires.
. "Reprise des Hostilités" de et par Régis Mailhot (vu le 14/03 au Théâtre du Petit Saint-Martin): Un Best-of de ce chroniqueur à la pensée aussi profonde que cynique, loin de la superficialité habituelle des performeurs de stand-up et de la mégalomanie de certains de ses prédécesseurs. Un vrai talent d'écriture, avec des formules oratoires souvent à double détente, et une grande présence scénique. A voir et écouter sans faute dans les émissions auxquelles il participe.
. "Thierry Rocher renvoie la Censure en 2014" de et par Thierry Rocher (vu le 1/03 au Théâtre des 2 Ânes): Moins connu que Bernard Mabille ou Didier Porte, Thierry Rocher n'en est pas moins un humoriste talentueux et incisif. Sniper du bon mot, parfois un peu facile, il n'a malheureusement pas l'assurance désinvolte de certains de ses compères habituels des revues de presse sarcastiques. Raison de plus pour aller l'encourager en espérant qu'il finisse par atteindre la reconnaissance qu'il mérite.
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28/12/2013
Dans les Théâtres à Paris en 2013 (2-ième Semestre)
Ma Sélection de l'Année 2013 (B).
Suite de mes commentaires de spectacles, vus et recommandés (ou pas) dans les théâtres privés ou publics, pendant la deuxième partie de l'année 2013.
Cette année, vu la piètre qualité de la programmation (confirmée par les compte-rendus que j'en lis depuis), j'ai fait l'impasse sur le Théâtre de la Ville. La reprise de la direction par Emmanuel Demarcy-Mota est vraiment une catastrophe.
Mes impressions:
. "Les Aventuriers de la Cité Z" (2012) de Fréderic Bui Duy Minh, Cyril Gourbet & Aymeric de Nadaillac, par Aymeric de Nadaillac (vu le 16/11 à La Folie Théâtre): De l'action, du rythme, de l'humour dans cette comédie survoltée passant les 4 Indiana Jones à la moulinette, mélangée avec la légende de Percy Fawcett et un zeste d'humour franchouillard à la OS117. Un résultat bluffant de réussite, où on pleure de rire, en s'étonnant que ça n'ait duré que 1h15, tellement c'était riche et dense, avec plusieurs niveaux de lecture et improvisations liées à l'actualité. Bravo aux auteurs, acteurs et metteur en scène. Vivement la prochaine production de cette troupe qui mérite vraiment le déplacement.
. "La Beauté, Recherche & Développements" (2013) de Florence Muller et Eric Verdin, par Pierre Poirot (vu le 9/11 au Théâtre du Petit Saint-Martin): Dans la lignée de "Naturellement Belle", une réflexion sur le dictat des apparences et la juste perception de la réalité, via le parcours labyrinthique dans un musée imaginaire de la Beauté. Le concept est à géométrie très variable, et l'ensemble est assez foutraque, pêchant par son côté flou et décousu, malgré quelques bons moments, jeux de mots et traits d'esprit. Les actrices sont par contre dynamiques et efficaces, et on prend plaisir à les suivre dans les méandres de leur parcours délirant.
. "Le Cid" (1637) de Corneille, par Jean-Luc Jeener (vu le 13/07 au Théâtre du Nord-Ouest): Chimène a la haine. Mais entre les feux de l'amour, la loi du talion et la raison d'Etat, elle ne sait quel comportement adopter. Rodrigue, manipulé par le destin, aura-t-il assez de coeur pour la supporter jusqu'à la fin de la pièce? C'est une version longue (3h30) comprenant les atermoiements de l'infante, dont on comprend qu'ils soient souvent non joués. Les seconds rôles féminins récitent les alexandrins de façon un peu scolaire, mais le reste de la distribution est nettement meilleur, notamment Marta Corton Vinals, toujours aussi impressionnante dans ces personnages de femmes-dragons fougueuses mais étouffantes. A voir en essayant d'y aller un jour où il ne fait pas trop chaud.
. "Clair Jaz augmente la Réalité" de Clair Jaz (à la Comédie Contrescarpe): spectacle du 26/12 annulé. Un lendemain de fêtes difficile ?
. "Comment épouser un Milliardaire" (2010) de et par Audrey Vernon (vu le 24/08 à La Nouvelle Seine): Fausse ingénue, mais vraie analyse politico-économique. Faire un One-Woman-Show à partir de la liste Forbes des multi-milliardaires, ça n'était pas gagné d'avance mais c'est plutôt réussi. Au delà des chiffres précis et des comparaisons édifiantes, c'est dans l'humour des confrontations riches/pauvres et la logique imparable de la démonstration que se situent l'intérêt du spectacle. Épouser un rentier dont la fortune s’accroît même quand il ne fait rien, sera toujours plus rentable que travailler dur ou être un créateur génial. Finalement les dindes écervelées ("artistes" ou "modèles") qui font la une des magazines people ont peut-être mieux compris que tout le monde comment assurer leur avenir. Reste à trouver le parfait pigeon, qui ne court malheureusement pas les rues...
. "La Conversation" (2011) de Jean d'Ormesson, par Jean Laurent Silvi (vu le 14/12 au Petit Montparnasse): Belle pièce historico-politique qui nous plonge au moment précis où un "homme providentiel" devient un apprenti dictateur, aveuglé par ses succès et soutenu par un entourage financièrement intéressé. Le texte de d'Ormesson est très agréable à entendre, et la mise en scène impeccable. J'ai par contre été moins convaincu par le jeu de Maxime d'Aboville, parfois hésitant alors que le contexte voudrait qu'il soit d'une détermination sans failles.
. "Le Corbeau et le Pouvoir" de Jacques Forgeas, par Sophie Gubri et Sébastien Grall (vu le 23/11 au Lucernaire). Du Mécénat à l'Art Officiel : Les ambiguïtés du financement de l'Art par les politiques. Un beau sujet, mais dont le traitement se révèle malheureusement décevant. Des dialogues virtuoses, de bons acteurs, une bonne mise en scène, mais des décors particulièrement moches, et une confrontation qui tourne court entre un La Fontaine, intransigeant et fidèle à Fouquet, qui se range bien vite aux arguments sonnants et trébuchants d'un Colbert corrupteur au nom de la raison d'Etat, les 2 bien aidés par un Molière qui joue les entremetteurs. Quant à Racine, son rôle est quasi inexistant. Que diable est-il allé faire dans cette galère ?
. "Dérapage" (2013) de Jean-Mary Nevers, par Denis Souppe (vu le 21/12 à l'Auguste Théâtre): Triste constat que de voir journalistes et politiques ayant abandonnés leurs rôles de contre-pouvoirs pour devenir des pantins manipulés par des lobbies, avec des "chiens de garde" bien pensants maniant la langue de bois du politiquement correct pour museler toute opinion contraire à certains intérêts particuliers. Le sujet est casse-gueule, mais particulièrement bien traité, et bien interprété. La pièce mériterait d'être plus connue, même si par nature on ne peut envisager de la voir dans une plus grande salle, subventionnée et/ou sensible aux pressions catégorielles.
. "Frankenstein ne meurt jamais" de Samuel Debure, Jean-Marie Lhomme et Sophie-Anne Lecesne, par Laurie Marzougui (vu le 27/12 au Théâtre Le Brady): Avis mitigé sur ce spectacle très inspiré du film de Mel Brooks. Il y a de bonnes idées tant dans l'écriture que dans la mise en scène, les acteurs sont plutôt bons et dynamiques, le décor simple mais ingénieux. Mais il y a un fort manque d'homogénéité de l'ensemble. Entre des moments très drôles, on trouve également des jeux de mots foireux, des gags qui ne fonctionnent pas, des scènes qui s'étirent au-delà du raisonnable. La pièce mériterait de repasser sur la table d'opération pour un petit lifting salvateur, afin d'y enlever le mauvais gras et y greffer quelques nouveaux gags.
. "Journal d'une Femme de Chambre" (1900) d'Octave Mirbeau, par Nicolas Luquin (vu le 1/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Un Mirbeau toujours autant d'actualité, où l'exploitée d'hier devient l'exploiteuse du lendemain, avec une parfaite mauvaise foi, dès qu'elle a un peu d'argent et de pouvoir. Très bonne mise en scène, utilisant la banalité des gestes quotidiens en contrepoint de la violence de cette tragédie domestique, complétée de quelques intermèdes sonores à base de chansons réalistes du début du 20-ième siècle qui illustrent à merveille le propos. On notera également l'excellente performance de Isabelle Hollensett qui occupe la scène sans discontinuer, parvenant à nous intéresser tout du long sans baisse de rythme ou d'attention.
. "La Locandiera" (1753) de Carlo Goldoni, par Frédéric Jacquot (à l'Atelier Théâtre Frédéric Jacquot): spectacle du 2/11 annulé, suite à l'indisponibilité d'un des acteurs. Prochaines représentations en janvier 2014.
. "Marx et Jenny" (2012) de et par Audrey Vernon (vu le 7/08 à La Nouvelle Seine): La vie de la famille Marx, reconstituée à partir de leurs pléthoriques correspondances et rendue vivante grâce au talent et au charme d'Audrey Vernon. Si l'apport d'Engels à l'élaboration du "Capital" est connue, le spectacle rend justice à l'action des 2 femmes de la tribu: Jenny Marx, amoureuse fusionnelle et matriarche, mais aussi Hélène Demuth, soutien indéfectible sans qui rien n'aurait sans doute été possible. Un One Woman Show intelligent qui inaugure en beauté cette nouvelle et sympathique salle flottante amarrée le long de Notre-Dame.
. "Le Medecin Malgré Lui" (1666) de Molière, par Quentin Paulhiac et Aurélien Rondeau (vu le 6/07 au Lucernaire): Un SDF des ghettos de Los Angeles qui usurpe involontairement l'identité d'un médecin et devient confident d'un nabab, ça pourrait être un film hollywoodien, mais c'était déjà du Molière. D'où une mise en scène totalement crédible, dans un environnement très contemporain, avec villas huppées et domestiques latinos. Très bonne interprétation de l'ensemble des acteurs, avec un bémol: l'accent espagnol un peu trop prononcé des domestiques, qui rend parfois le texte peu intelligible.
. "Mur" (2013) d'Amanda Sthers par Anne Bourgeois (vu le 7/12 au Petit Théâtre de Paris): Une petite pièce sympathique sur la difficulté des relations avec l'autre, les traumatismes de l'enfance, les mensonges de la vie, et les petites manies qui énervent. Rufus y est excellent, comme toujours, et Nicole Calfan très bien elle aussi. Seul gros bémol: le décor placé en avant scène, devant celui de "La Société des Loisirs" joué en alternance, qui fait que que les acteurs ne sont absolument pas visibles depuis les côtés de la salle. Heureusement pour les secondes catégories, la salle n'est pas pleine et il est possible de se replacer en position plus centrale.
. "Le Neveu de Rameau" de Diderot, par Jean-Pierre Rumeau (vu le 30/11 au Théâtre du Ranelagh): Une étincelante conversation philosophique sur le Bien et le Mal, le Génie et la Normalité, l'Etat de Nature et le Contrat social, les enjeux de l'Education, menée de main de maître par un trio éblouissant. Un siècle avant Nietzsche, Diderot remet à leur place les penseurs qui tentent de nous vendre un Homme né naturellement bon, et qui n'a pas besoin de faire d'efforts pour se former et s'améliorer. Nicolas Vaude est particulièrement exceptionnel dans le rôle du chien fou qui par la logique de ses excès, explose la Morale et les conventions sociales.
. "Shake Speare" (2012) de la Compagnie du Mouton Noir, par Mélissa Gardet (vu le 20/07 au Théâtre du Marais): Les moutons noirs broutent la vigne à l'ombre de l'arbre de MacBeth. De l'oeuvre du grand Will, lue par Hamlet, se détachent quelques bonnes feuilles réunies en un patchwork (d)étonnant. Si le spectacle est un peu décousu, la qualité de la (ré)interprétation des scènes par les personnages en fait une pièce intéressante. On retiendra notamment les grandes tirades pre-mortem d'Ophélie, Roméo, Cléopatre et Jules César, dans une chorégraphie orchestrée par un Iago exceptionnel à tous points de vue.
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29/06/2013
Dans les Théâtres à Paris en 2013 (1-ier Semestre)
Ma Sélection de l'Année 2013 (A).
Suite de mes commentaires de spectacles, vus et recommandés (ou pas) dans les théâtres privés ou publics.
Vu le nombre de spectacles, je vais couper en 2 cette chronique.
Mes impressions pour la première partie de l'année 2013:
. "Bouvard et Pécuchet" d'après Flaubert, par Philippe Blancher et Roch-Antoine Albaladejo (vu le 23/02 au Lucernaire): Les inénarrables aventures de 2 bobos parisiens dans la campagne profonde, et leur échec cuisant à y comprendre quoi que ce soit malgré leur argent et leur éducation. Une oeuvre de Flaubert assez visionnaire quant à l'évolution de la société et l'émergence de nos 'khmers verts'. La mise en scène réussit bien à traduire la vacuité de la bêtise en action, à l'aide d'une multitude de petits sons et accessoires. Mais si les acteurs sont épatants dans leurs rôles de Dupond-Dupont, l'étroitesse de l'espace scénique et l'aspect très répétitif du propos finissent par avoir un effet assez soporifique.
. "Brigitte, Directeur d'agence" (2013) de et par Virginie Lemoine (vu le 1/03 au Vingtième Théâtre): Confrontation électrique entre un petit fonctionnaire buté mais cultivé, et un entrepreneur autodidacte et papa-poule, aux vies pas si normales qu'elles en ont l'air à première vue. Une comédie épatante sur le droit à la différence, nos compromissions face aux difficultés de la vie, nos espaces de liberté privés. Personnages loufoques et déjantés bien typés, dialogues biens écrits, très bons comédiens, transformation du personnage principal impressionnante, mise en scène impeccable, ambiance sonore réussie, un niveau de qualité qu'on rencontre assez peu souvent dans les comédies récentes. Une belle ode à la tolérance à voir sans aucunes réserves.
. "Collaboration" (2008) de Ronald Harwood, par Georges Werler (vu le 9/02 au Théâtre de la Madeleine): Deux génies aux tempéraments différents, l'un pliant, l'autre rompant face à l'adversité. Une pièce intéressante, même si l'abondante succession de mini-scènes et les nombreuses ellipses induisent un rythme assez haché. Le tout est néanmoins assez touchant grâce à la bonne interprétation de l'ensemble des acteurs rendant bien les personnalités contrastées des protagonistes, même si Michel Aumont m'a paru avoir du mal à démarrer et si la mise en scène est plutôt mollassonne. ça donne en tout cas envie de (re)lire du Stephan Zweig.
. "Les Confessions du Diable" (2013) de et par Stéphanie Le Bail (vu le 31/05 au Théâtre du Nord-Ouest): Un sujet a priori intéressant, où s'opposent l'Amour universel et révolté de Lucifer, contre les calculs froids et tortueux de Dieu. La pièce est malheureusement structurée comme un jeu, où Satan doit progresser de case en case, et accumuler des points pour retrouver sa compassion perdue et la bénédiction de son créateur/géniteur. Il est ainsi confronté à une pêcheresse et une dévôte, une bonne samaritaine, une brebis égarée, une indigente nécessiteuse, un prêtre dévoyé, sans compter son ancien(ne) collègue et ami(e) Gabriel(le). C'est un peu (trop) long, et handicapé par des dialogues pas toujours très clairs. Par contre mise en scène, décors et éclairages sont bien pensés, et les acteurs plutôt bons, y compris les 2 gamins jouant les avatars de Dieu et Satan. La pièce est donc recommandable pour les amateurs de controverses philosophico-religieuses, mais les autres risquent de fort s'ennuyer.
. "Dans la Solitude des Champs de Coton" (1985) de Bernard-Marie Koltès, par Sevan Atalian (vu le 26/01 au Théâtre du Nord-Ouest): La rencontre fortuite et improbable des 2 côtés d'une même pièce, pile et face, jour et nuit, ombre et lumière, désir et détachement, altruisme et ego-centrisme, vendeur et acheteur, résident et nomade, local et étranger, légal et illégal, yin et yang. Quand attraction et répulsion transforment la ligne droite en courbes, et où le mouvement perpétuel naît de ces circonvolutions. Un très bon texte de Koltès, servi par une excellente interprétation des 2 acteurs, impeccablement mis en lumières et jouant avec les clairs-obscurs, et complété par une pause musicale bien pensée. Très recommandable.
. "En Attendant Gaudon" (2013) de et par Benjamin Dang (vu le 11/05 au Théâtre du Nord-Ouest): Un 'monologue à plusieurs' brillant et virtuose, questionnant l'essence des arts scéniques quant aux conditions de son exercice (délimitations de l'espace et du temps, accessoires, ...), aux figures de style, aux relations entre acteurs et personnages, ou avec le public. On est admiratif de la performance de Célia Clayre, caméléon passant instantanément d'un personnage à un autre, et on essaye de mettre un nom sur les nombreux extraits de pièces classiques et contemporaines dont est truffé le texte. Un 'discours de la méthode' qui ne peut laisser indifférent les amateurs de théâtre, art d'incarner le verbe.
. "En Attendant Godot" (1948), de Samuel Beckett, par Bernard Levy (vu le 26/01 à l'Athénée): Une histoire qui se répète en bégayant. Une Humanité qui (s')oublie et ne sait pas s'améliorer, attendant un hypothétique Sauveur qui ne vient pas. Un texte à fois tragique et drôle, à l'humour très noir et désespéré, superbement mis en scène et en valeur. La représentation a été unanimement appréciée, sauf par quelques jeunes mollusques décérébrés, traînés là par leurs parents et sans doute frustrés de ne pas y retrouver le contenu de leurs habituels films/jeux de baston. Acteurs, décors et éclairages étaient pourtant particulièrement remarquables et méritent le déplacement.
. "Georges Dandin" (1668) de Molière, par Matthieu Penchinat (vu le 8/03 au Lucernaire): Un Molière tragi-comique peu connu, mais assez moderne, proche du théâtre de boulevard avec ses chassés-croisés entre mari et amant. Mais c'est aussi une fable politique, où un représentant de la classe moyenne supérieure se fait berner par les 'élites', cherchant à préserver leurs vies futiles et dispendieuses, avec la complicité des classes populaires aveuglées par le prestige et quelques avantages matériels. Décor et mise en scène retranscrivent bien cette atmosphère de conte pour adulte (l'impuissance de la fourmi face aux cigales au pouvoir). Les acteurs sont parfaits (dont certains dans 2 rôles complètement à l'opposé). Seule la bande son (Edith Piaf) est gênante, car un peu trop datée. Il aurait mieux valu des chansons plus récentes ou plus intemporelles.
. "Huis Clos" (1944) de Sartre, par Isabelle Erhart (vu le 12/01 au Théâtre du Nord-Ouest): Bonne adaptation, avec une mise en scène sobre et efficace, dans la petite salle du N-O, particulièrement adaptée à la pièce. La distribution, très fluctuante, était cette fois-ci composée de Beatrix Malthys (Inès), Isabelle Erhart (Estelle), Gérard Cheylus (le Garçon) et un nouvel acteur que je n'ai pas identifié (Garcin), tous à la hauteur de leur rôle. Comme souvent, l'aspect crypto-bouddhiste du texte (personnalisation des "3 Poisons", interdépendance des existences, lois de causalité karmique, exhortation à "Lâcher prise", liberté de partir de l'Enfer pour un nouveau cycle) est assez peu explicité, sauf par Inès qui prend vers la fin une position méditative. En bref, une (bonne) interprétation très classique, qui aurait pu être un peu moins traditionnelle.
. "Madame est Morte" (2012) de Michel Heim, par Chantal Giraudin et Michel Heim (vu le 26/06 à la Folie-Théâtre): Madame se meurt, Madame est morte! Du coup, le Roi veut marier la Grande Mademoiselle à Monsieur, bien qu'il soit une tante. On est assez loin de Bossuet et du Grand Siècle, bien que la pièce soit en alexandrins et inspirée de faits historiques. C'est assez truculent, joué avec brio, bourré de jeux de mots (la guerre des 3 n'aura pas lieu!) et de références théâtrales et musicales, avec des costumes éblouissants. Si on aime ce genre de pastiches, c'est plutôt jubilatoire.
. "Le Misanthrope" (1666) de Molière, par Romain Collignon (vu le 23/03 au Théo Théâtre): Le Misanthrope remis au goût du jour, avec une Alceste indignée face à un Célimène play-boy, entourés de pintades jouant avec leurs i-phones entre 2 séances de fitness. Une excellente mise en scène où TOUS les rôles masculins et féminins sont invertis, plus conforme à la réalité d'aujourd'hui, qui réussit ce que la version de Laetitia Leterrier avait échoué à faire. Seul regret: ne pas avoir été jusqu'au bout de la logique en remplaçant systématiquement les (nombreux) 'monsieur/madame' et 'il/elle' dans le texte, ce qui oblige à une gymnastique mentale continuelle pour savoir de qui on parle. Du coup, le premier acte peut laisser faire penser à une Alceste lesbienne, ce qui n'est pas le cas. Par ailleurs, l'interprétation de tous les acteur(trice)s est remarquable, notamment dans les petits rôles, pour une fois très bien mis en valeur.
. "Mohamed Nouar" (vu le 1/05 au Point-Virgule): Un spectacle court mais dense, tant les vannes fusent sans répit.C'est drôle, moderne, original, charmeur, assez diversifié, sans langue de bois. Une forte présence, très classe, sachant improviser et interagir avec le public. Bref, un futur grand, à découvrir sans tarder, en espérant qu'il confirmera sur la durée.
. "Molière, ou l'Impromptu des Coulisses" (2013) de et par Pascal Salaün (vu le 1/06 au Théâtre Essaion): Dans la série des petites bios des auteurs classiques jouées ces derniers temps ("Racine par la Racine", "Les 5 Tentations de La Fontaine", "L'Importance d'être Wilde", ... et les multiples pièces sur Stephan Zweig), on trouve maintenant ce "Molière". C'est un bel hommage à l'auteur et au comédien, mais c'est plus tourné vers le parcours de l'homme que vers l’œuvre, dont on ne voit que peu d'extraits. ça reste malheureusement assez scolaire, avec son alignement de dates clef, mais c'est quand même assez vivant, touchant, drôle, bien interprété, avec des bonnes idées de mise en scène. Parfait pour des scolaires venant de découvrir leur première pièce de cette icône incontournable de la culture française.
. "Naturellement Belle" (2012) comédie musicale de et avec Rachel Pignot et Raphaël Callandreau (vu le 18/02 au Théâtre Clavel): Au début du 20-ième siècle, Chaplin mettait son grain de sable dans le machinisme des "Temps Modernes". Au début de ce 21-ième siècle, c'est une espèce d'Amélie Poulain qui réactualise le sujet en dynamitant de l'intérieur une agence de relooking, dédiée à la promotion de 'stars'. Chirurgie esthétique, crèmes de perlimpinpin, aérobic et fitness, massages et drainages lymphatiques, et autres techniques manipulatoires et manipulatrices (photoshop) en prennent pour leur grade pour rappeler avec humour combien le culte de la beauté absolue est une aliénation et une violence faite à soi-même et aux autres. Un grand bravo aux 2 auteurs-compositeurs-musiciens-acteurs-chanteurs-danseurs dont le succès mérité va se concrétiser par une nouvelle prolongation du spectacle en mars.
. "Nietzsche" (2013) de Francis Marfoglia et Bruno Roche, par Marie Véronique Raban (vu le 8/05 au Théâtre du Nord-Ouest): Une superbe mise en situation de la pensée de Nietzsche, au crépuscule de sa vie, via sa confrontation avec son entourage, et ses délires maladifs ou métaphysiques. Une façon habile de rentrer plus facilement dans l’œuvre, si souvent mal interprétée, du philosophe. Le texte est à la fois profondément philosophique, explicitant quelques points clef de la pensée nietzschéenne, didactique sans être ennuyeux et bien adapté à une dynamique scénique. La mise en scène et l'interprétation sont excellentes, la bande sonore bien choisie tant dans sa dimension explicitement théâtrale (son ressenti de la musique de Mozart, Beethoven, Liszt, Chopin) que dans ses aspects suggestifs (les grands thèmes wagnériens).
. "Parsifal" (1882) de Richard Wagner, par François Girard (retransmission HD-Live du MET de New-York vue le 2/03 au Gaumont Opéra): Une soirée éprouvante. La représentation est longue (6h) et inégale. Les interprètes sont plutôt bons, et le 2-ième acte excellent, avec de superbes filles-fleurs tentatrices et vénéneuses dans un décor fait de falaises étroites et d'un sol liquide et rouge, sans équivoques. Mais la mise en scène des 2 autres actes est particulièrement ennuyeuse bien que modernisée (chevaliers du Graal en costume et chemise blanche, mais femmes voilées de noir à l'autre bout du plateau). Le décor (un champ dénudé comme un champ de bataille, avec des ciels emplis de planètes géantes) ne correspond vraiment pas au texte (les vertes forêts européennes) et l'accent est trop fortement mis sur une religiosité contraignante. Dans ce contexte Parsifal, bien loin du héros médiéval innocent découvrant la sagesse et l'amour courtois, ressemble plus à un islamiste renonçant à ses 70 vierges du Paradis pour acquérir le Pouvoir des armes auprès d'un émir intégriste.
. "La Putain Respectueuse" (1946) de Jean-Paul Sartre, par Bernard Sinclair (vu le 25/05 au Théâtre du Nord-Ouest): Tous les Hommes sont égaux, mais certains le sont plus que d'autres. Une pièce plutôt mineure de Sartre, quoique traitant d'un sujet important. Faut-il plutôt respecter les Lois locales, faites par et pour la majorité, ou les principes moraux universels de l'Humanité ? Où placer le curseur entre soumission et rébellion ? Si la question a (heureusement) perdu de son acuité pour les 'nègres' dans le sud profond des États-Unis, elle reste universelle là où existent des minorités ethniques, religieuses, sexuelles, sociales. La mise en scène est plutôt réussie, avec une ambiance musicale très bluesy, et l'interprétation d'un bon niveau, notamment Bernard Sinclair (en sénateur particulièrement retord) et Bruno Baker (le nègre en fuite).
. "Qu'as-tu fait Harry" de José Valverde, par Bernard Lefebvre (vu le 18/05 au Théâtre du Nord-Ouest): 6 Août 1945. Les USA deviennent les leaders du monde, en un éclair. "Qu'as-tu fait Harry" revient sur les heures qui ont précédé le largage de la bombe, analysant les ressorts du Pouvoir et les vraies raisons qui sous-tendent les décisions prises. Civil ou militaire, démocratique ou dictatorial, public ou privé, industriel ou monétaire, religieux ou profane, un vrai pouvoir n'est reconnu que si on l'exerce, à la plus grande échelle possible. Sacrifier plus (les victimes expiatoires) pour dominer plus (les autres), telle est la bonne recette pour devenir le maître du monde, même si l'objectif et les moyens utilisés vont à l'encontre de toute logique, toute morale, tout sentiment, tout intérêt à long terme. Seuls des contre-pouvoirs au moins aussi forts peuvent en limiter l'abus. Dans le cas de Truman (président par défaut après la mort de Roosevelt), Staline ne s'est malheureusement pas manifesté dans ce rôle. Sans être un chef d'oeuvre, la pièce se laisse voir avec intérêt, et bénéficie de la qualité habituelle de la troupe du Nord-Ouest.
. "Rian" (2011) de Michael Keegan-Dolan et Liam O'Maonlai, par Fabulous Beast (vu le 20/04 au Théâtre de la Ville): un mélange entre la musique traditionnelle irlandaise et la danse contemporaine. Autant l'aspect purement irlandais est intéressant et entraînant, autant l'aspect contemporain est décevant, se limitant souvent à des contorsions faisant penser à des arbustes sous un vent de tempête, très très loin de la danse irlandaise. A voir seulement pour la musique, assez métissée, mélant les rythmes irlandais à des influences nettement plus africaines.
. "Les 7 Conseils pour trouver un bon mec et le garder" (2012) de Sarah Pébereau (vu le 6/05 à la Comédie des Boulevards): Encourageant, mais peut certainement mieux faire. Quelques bons sketchs qui font mouche, mais d'autres à élaguer ou à retravailler. Une mise en scène pas assez "pro", à revoir complètement. Malgré tout une bonne énergie qui mériterait d'être mieux canalisée, à l'exemple d'Anne Bernex bien meilleure dans ce même rôle de (fausse) nunuche à la recherche de l'amour.
. "La Signature" de Monique Lancel, par Edith Garraud (vu le 13/04 au Théâtre du Nord-Ouest): une pièce intelligente et drôle, qui brocarde allègrement la marchandisation de la Culture au détriment des oeuvres, la mode du tout multimédia, les manoeuvres commerciales des éditeurs, les prix littéraires bidonnés, les rivalités Paris/Province, la politique culturelle des communes nivellée vers le bas, l'arrivisme et l'incompétence des responsables culturels modernes, le cynisme des écrivains à succès, l'idéalisme des jeunes auteurs, les illusions des lecteurs passionnés. Un beau jeu de massacre qui n'épargne personne. Dommage que JL Jeener ne soit pas toujours à la hauteur, à la différence de Pauline Mandroux qui est vraiment excellente.
. "Tendre et Cruel" (2004) de Martin Crimp, d'après "Les Trachiniennes" de Sophocle, par Brigitte Jaques-Wajeman (vu le 16/02 au Théâtre de la Ville): une relecture contemporaine du mythe d'Hercule et de Déjanire, où les crimes de guerres et contre l'Humanité ont changés de qualificatifs (guerre contre le "terrorisme" au lieu de "volonté divine") mais pas de nature profonde et où les antagonismes de la "Communauté internationale" remplacent ceux des dieux de l'Olympe. Le sujet est intéressant et bien traité, mais l'ensemble peine à convaincre. La faute à un langage trop ampoulé ayant tendance à bégayer, à quelques tics de diction trop répétitifs, à un jeu d'acteur systématiquement surjoué, et à une musique horripilante complètement hors contexte (façon blockbuster américain). C'est dommage, parce que la distribution est plutôt à la hauteur et la mise en scène bien fichue, y compris une video-témoignage d'enfants-soldats africains particulièrement pertinente.
. "The Animals and Children Took to the Streets" (2011) de Suzanne Andrade, par la Compagnie 1927 (vu le 9/03 au Théâtre de la Ville): Superbe spectacle, ce qui devient rare depuis quelque temps au TdV. Bourré d'humour (noir) anglais, croisement entre "L'Opéra de 4 Sous", "M le Maudit" et "Le joueur de Flute de Hamelin", avec un décor formé d'images animées vintage (style "Triplettes de Belleville") projetées sur des écrans comme dans le benshi japonais ou les pièces du TeatroCinema. Excellente prestation des chanteuses/mimes sur des musiques entrainantes. ça donne envie de voir leur premier spectacle ("Between the Devil and the Deep Blue Sea"), s'il est repris un jour.
. "To Be Hamlet or Not" de et par Charlotte Rondelez (vu le 2/01 au Théâtre de Poche): Hamlet, après avoir rencontré Alice, traverse le miroir pour sortir de la Matrice et rencontrer le monde réel, celui des adaptations cinématographiques et de Barbara Cartland. Sera-t-il capable, comme les personnages de Pirandello, de rencontrer son créateur et de maîtriser son destin en ré-écrivant sa vie dans la bibliothèque universelle de Borgès ? Est-il nécessaire d'attendre Godot pour espérer améliorer sa condition ? C'est ce que vous découvrirez (ou pas) en allant voir cette petite pièce sympathique, où les mises en abyme débouchent sur des perspectives vertigineuses. Le tout est porté par une petite troupe polyglotte, dynamique et très polyvalente, sur une scène originale permettant quelques effets intéressants.
. "Tratando de hacer una obra que cambie el mundo" (Tentative de faire une pièce qui changera le Monde) (2011), par la Compagnie La Resentida (vu le 22/06 au Théâtre de la Ville): 6 acteurs, dont 1 mort, isolés depuis 4 ans dans une cave d'un Chili pas encore démocratique, rêvent de créer LA pièce de théâtre ultime, celle qui révolutionnera (au sens propre, comme au sens figuré) la société et son époque. ça reprend tous les tics des théâtreux soixante-huitards, gavés de philosophie de comptoirs, mélangeant dialectique gauchiste et slogans publicitaires, et se rêvant en prophètes guidant les masses laborieuses. La pièce est intéressante, bien servie par une mise en scène inventive, des personnages bien typés et un décor hallucinant. On gardera longtemps en mémoire la re-création des Révolutions françaises et chiliennes, façon théâtre de marionnettes, faite avec une table, quelques perruques et accessoires en carton, ... et un flacon de sang. Une salutaire remise en question d'un certain théâtre prétendument 'engagé', bien que copieusement nourri de subventions publiques, et uniquement fait par et pour des bourgeois sans soucis financiers.
. "Umusuna" (2012) de Ushio Amagatsu, par Sankai Juku (vu le 4/05 au Théâtre de la Ville): Un butô toujours aussi fascinant et étonnant, esthétique, symbolique et mystique où des personnages fantômatiques se meuvent dans un décor très épuré et très zen, avec pour la première fois un semblant d'influence chrétienne (la croix subliminale formée entre le sol et le fond de scène). C'est beau et poétique, bien que particulièrement hermétique. Mais ça change de la médiocrité des productions actuelles des autres compagnies de danse contemporaine.
. "Vive la Crise" (2012) de et par Alexandre Kollatos (vu le 9/05 à la Comédie St-Michel): Un best-of des discours de l'ancien premier ministre grec, soit-disant socialiste, Georges Papandréou, mis en regard de la situation réelle vécue par le peuple grec, racketé, ruiné, humilié, s'expatriant ou se suicidant en masse, pendant que l'oligarchie et l'Eglise continuent de profiter de leur fortune, souvent délocalisée en Suisse, sans payer un centime d'impôt. Une pièce militante, parfois un peu brouillonne, mais sympathique et généreuse, à encourager, en espérant ne pas voir un jour une version francisée construite sur les discours de François Hollande.
Pour les voir à tarifs réduits, passer par les agences de location spécialisées, tels que Ticketac ou BilletReduc.
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29/12/2012
Dans les Théâtres à Paris en 2012
Ma Sélection de l'Année 2012.
Dans la prolongation de ma note de l'année dernière, les spectacles vivants que j'ai vu et que je recommande (ou pas) dans les théatres privés ou publics.
Comme quoi il est facilement possible de voir des spectacles intéressants dans la foultitude de théâtres que compte Paris (et encore j'en ai raté quelques uns par faute de temps, ou à cause d'une information trop tardive).
Mes impressions:
. "Les Affaires sont les Affaires" (1903) d'Octave Mirbeau par Rui Ferreira (vu le 17/5 au Théâtre du Nord-Ouest): Dans l'intimité de ces affairistes arrivistes qui depuis 2 siècles monopolisent argent et pouvoirs (financier, politique et médiatique), tout en ayant l'impudence de se prétendre démocrates et sociaux, voire socialistes. La pièce d'Octave Mirbeau reste d'une actualité confondante, tant cette apologie du fric comme mesure de toute chose, alliée à une inculture et une vulgarité revendiquées est devenue la norme de la "réussite". Le texte est particulièrement bien rendu par les interprètes, avec tout le mordant nécessaire, dans une version légèrement modifiée (quelques personnages secondaires en moins). A voir sans hésitations.
. "Aïda" (1871) de Verdi (retransmission HD-Live du MET de New-York vue le 15/12 au Gaumont Opéra): visuellement suberbe (décors et costumes époustouflants), musicalement très beau (avec un casting essentiellement est-européen), cette version du MET vaut le coup d'oeil (et d'oreille).C'est aussi toujours très intéressant de voir le travail, proprement pharaonique, effectué en coulisses lors des entractes sur la machinerie complexe entourant la scène.
. "L'Apollon de Bellac" (1942) de Jean Giraudoux par Odile Mallet et Geneviève Brunet (vu le 26/5 au Théâtre du Nord-Ouest): charmante petite pièce à la Sacha Guitry, qui peut être comprise de diverses façons: poétique (vive l'ajout de beauté dans un monde qui en a besoin), cynique (vive la promotion canapé pour parvenir rapidement en haut de l'échelle), critique (triste monde qui préfère se focaliser sur les apparences, la beauté et le jeunisme), tragique (la vraie beauté du coeur est inaccessible). Belle performance des acteurs, sachant exprimer avec subtilité et sincérité toutes ces interprétations possibles.
. "Autopsie des Contes de Fées" (2012) de Christophe Delessart par Cyril Jarousseau (vu le 14/12 au Proscenium): 2 comédiens qui jouent 2 comédiens qui répètent une parodie de contes de fées, avant que ça commence à déraper vers la scène de ménage entre adolescent attardé et emmerdeuse arriviste. C'est plutôt pas mal, avec des bons acteurs, de bonnes idées, bien mises en scènes, des décors recherchés. Par contre, les rebondissements sont un peu confus, et les dialogues un peu trop sophistiqués pour une simple comédie, avec des références culturelles pas à la portée de tout le monde. Par ailleurs l'actrice n'a que la peau sur les os, ce qui est plutôt bien au moment de faire une espèce de danse macabre, mais se révèle un peu léger quand il s'agit d'effectuer une séance de strip-tease !.
. "Avenue Q" (vu le 3/3 à Bobino): une bonne comédie musicale créée à Broadway en 2003, prenant place dans l'univers des marionnettes de Jim Henson et très bien adaptée par Bruno Gaccio. Toutes les chansons ne sont pas du même niveau, mais les personnages sont attachants, le propos sympathique, la narration tient la route malgré l'entracte qui casse un peu le rythme. La troupe de chanteurs/marionnettistes est excellente. A voir pour ceux qui aiment les 'musicals' et "Sesame Street". Par contre, vu les propos très crus et certaines scènes explicites, c'est évidemment déconseillé aux enfants.
. "La Belle Vie" (1979) de Jean Anouilh par Jean-Philippe Daguerre (vu le 5/5 au Théâtre des Variétés): la "Ferme aux Célébrités" version 'paradis socialiste' d'Europe de l'Est. Une fable intelligente mélant les codes du théâtre de boulevard, la satire politique et une critique de la société du spectacle. Bons acteurs et belle mise en scène sachant faire participer le public dans le rôle des masses laborieuses. A (re)découvrir sans hésitation.
. "Bérengère Krief" (vue le 18/5 au Point-Virgule): drôle, dynamique, sans complexes, n'ayant pas sa langue dans sa poche et sachant occuper le terrain, une version blonde d'une Florence Foresti sur-vitaminée. Les types relous en prennent pour leur grade, mais aussi les pintades du 16-ième ou le mercantilisme autour de Natasha Kampusch. Une (seulement) petite heure dans une petite salle, qu'on espère voir se transformer un jour en spectacle plus important dans une vraie grande salle.
. "Caligula" (1944) d'Albert Camus par Jean-Luc Jeener (vu le 19/5 au Théâtre du Nord-Ouest): les derniers jours de la vie de Caligula, conduisant à s'interroger sur le Pouvoir absolu, l'absurdité de la Logique poussée à ses extrêmes, l'impossibilité de vivre en niant les valeurs qui font de l'Humanité ce qu'elle est. Un modèle de gouvernance malheureusement si souvent repris plus tard (Hitler, Staline, Amin Dada, Khadafi, Assad, ...). Belle interprétation des acteurs, très habités par leur rôle.
. "La Cantatrice Chauve" (1950) d'Eugène Ionesco par Paul Clément (vu le 21/4 à l'Alambic Comédie): excellente prestation des acteurs, maitrisant un texte pas toujours facile à dire, et sachant bien exprimer le non-dit de la pièce dans une mise en scène inventive tout en restant classique. A voir sans hésiter, qu'on ait déjà vu ou pas ce monument du théâtre de l'absurde, à la logique imparable.
. "Cantique des Cantiques" (1938) de Jean Giraudoux par Edith Garraud (vu le 22/9 au Théâtre du Nord-Ouest): La pièce est l'exact contraire de "l'Appolon de Bellac". Au discours optimiste de ce dernier (où il est possible d'influer sur sa destinée par un discours et une attitude positive), le Cantique oppose un Fatum aveugle, inéluctable et tragique, indifférent aux sentiments, aux liens tissés ensemble ou même à l'appât du gain. Bonne interprétation des acteurs, malgré la longueur des tirades centrales qui plombe un peu la dynamique de la pièce.
. "Les 5 Tentations de Jean de La Fontaine" (1938) de Jean Giraudoux par Nathalie Hamel (vu le 8/9 au Théâtre du Nord-Ouest): Les Bios scéniques des dramaturges sont à la mode en ce moment (Racine par la racine, L'importance d'être Wilde, ...). Comme toutes les pièces de ce genre, elle a les défauts de ses qualités, mais a l'avantage d'être écrite par Giraudoux, qui y a sans doute mis une bonne part de ses préoccupations d'auteur provincial monté à Paris. L'ensemble est en tout cas plaisant, instructif et bien joué. Pour un Français ayant eu une éducation classique, c'est aussi une sacrée madeleine de Proust, tant les Fables déclamées font indissociablement partie de notre mémoire identitaire.
. "La Cité du Rêve" (d'après "L'Autre Côté" d'Alfred Kubin), de et par Krystian Lupa (vu le 6/10 au Théâtre de la Ville): Le sujet est pourtant intéressant: l'évolution d'une cité utopique idéale, habitée par une sélection des meilleurs représentants de l'Humanité, vue également comme la construction d'une oeuvre théâtrale peuplée par les personnages de la pièce, et aurait pu donner quelque chose de passionnant. Mais l'adaptation de Krystian Lupa est mortellement bavarde et ennuyeuse, sa mise en scène est outrageusement statique et soporifique, les acteurs sont sans grand charisme. Un signe qui ne trompe pas, comme dans toutes les productions médiocres de ces dernières années, on y voit un acteur nu et des personnages qui fument sur scène. A éviter absolument, si on ne veut pas mourir d'ennui. Heureusement, un entracte intervient au bout de 2 heures (sur les 6h au total), ce qui permet de s'éclipser facilement...
. "Le Crépuscule des Dieux" (1876) de Richard Wagner (retransmission HD-Live du MET de New-York vue le 11/2 au Gaumont Opéra). Dernier épisode de la Tétralogie mise en scène par Robert Lepage. Tout aussi excellent que les 3 premiers. Une version qui fera date dans l'Histoire du Ring.
. "Dans l'Air du Temps" de et avec Anne BerneX (vu le 28/12 à la Comédie des Boulevards): Quadra esseulée, lionne ascendant vierge, cherche jardinier pour s'occuper d'une touffe en friche. Un sujet de société traité avec beaucoup d'humour, avec pas mal de variations dans la forme (comédie, chanson parodique, danse, ventriloquie, transformisme, ...). Une capacité à passer d'Edith Piaf à Lady Gaga, via Brigitte Bardot, Francis Cabrel ou Johnny Hallyday, toujours avec l'intonation juste. Des textes oscillant entre des jeux de mots sophistiqués et la crudité la plus totale. Un défilé vestimentaire impressionnant. Une petite salle où on est proche de la scène (et pour certains, Anne Bernex se rapproche vraiment TRES près!). En bref, un one-woman show complet, qui mérite le déplacement. Puritains s'abstenir.
. "Didier Porte fait rire les Masses" (vu le 28/4 au Dejazet): le meilleur des humoristes politiques actuels (il est vrai qu'ils ne sont pas si nombreux). Il tape toujours là où ça fait mal, avec un talent et une présence scénique jamais pris en défaut. A l'heure où le trône du Nixon français vacille, il est particulièrement en forme et c'est un vrai plaisir de le voir avant un 2-ième tour qui s'annonce libérateur.
. "Electre" (1937) de Jean Giraudoux par Odile Mallet et Geneviève Brunet (vu le 24/3 au Théâtre du Nord-Ouest): le conflit entre un désir personnel de Justice, de Vérité et de Vengeance, et la cohésion sociale du groupe impliquant Oubli, Repentir et Realpolitik, que ce soit dans les affaires privées ou publiques. Le texte de Giraudoux (excellemment servi par les acteurs) est toujours autant d'actualité. Dommage que le programme du Théâtre du N-O ne comprenne pas aussi "Les Mouches" de Sartre pour pouvoir comparer les 2.
. "Les Emmerdeurs" de Jérôme Paquatte et Jean-Marc Magnoni (vu le 27/8 à l'Alambic Comédie): Beau florilège de situations où l’Égoïsme et la mauvaise foi règnent en maître, en pourrissant la vie de l'entourage et en aggravant sérieusement le Karma de leurs responsables. C'est parfois un peu limite (la rencontre entre l'aveugle et le sourd-muet) mais pas tant que ça si on considère le profond autisme des vrais emmerdeurs. Le sujet est inépuisable et aurait pu être facilement prolongé (au boulot, dans les transports en commun, ...). Il en tout cas bien traité, bien croqué, avec des personnages attachants quoique souvent horripilants. Cerise sur le gâteau en ces temps caniculaires, la salle est climatisée, contrairement à beaucoup de théâtres parisiens dont le personnel aurait pu faire l'objet d'un des sketchs.
. "La Folle de Chaillot" (1945) de Jean Giraudoux par Jean-Luc Jeener (vu le 6/4 au Théâtre du Nord-Ouest): comment se débarrasser d'une caste de parasites cupides, qui prolifère aux dépends de la Société, tel un cancer ? Giroudoux propose une solution radicale que ne rejetterait pas l'extrême gauche, tout en restant fidèle à sa culture gréco-romaine (Cf la mort de Crassus). Quelques belles scènes sont assurées par le chiffonnier, la Folle de Chaillot, le policier ou les affairistes. Par contre, celles avec la serveuse ou son pseudo-amoureux sont nettement plus faibles et pèsent malheureusement sur la dynamique de l'ensemble. Les comédiens sont un peu moins charismatiques que leurs collègues des autres pièces de la rétrospective (un manque de conviction du au faible nombre de spectateurs?).
. "Gentleman Usurpateur" de et par Gérald Dahan (vu le 3/11 à La Nouvelle Eve): Nouveau spectacle en rodage, dans la lignée du précédent avec les mêmes personnages imités, mais avec un rééquilibrage quant aux têtes de turcs visées (il tape un peu plus à gauche qu'avant). ça reste toujours aussi bon, tant dans l'analyse des tics corporels et de langage, que dans la reproduction du look et de la gestuelle de ses cibles. C'est vraiment un des grands du moment.
. "L'Ile des Esclaves" (1725) de Marivaux par Karine Tabet (vu le 13/10 à la Folie Théâtre): Bonne petite pièce politico-philosophique sans doute inspirée par la tradition du "Jour des Fous", bons acteurs, petit théâtre de quartier sympa. Dommage que ça soit en partie joué comme une farce bouffonne, plutôt outrancière. Marivaux est un auteur quand même assez subtil, qui sait amener ses idées tout en finesse, sans qu'il y ait besoin de le jouer avec les excès de la Commedia dell'Arte. C'est dommage, car ça détourne un peu l'attention du propos, tout à fait dans la lignée du Figaro de Beaumarchais ou du Jacques de Diderot.
. "L'Impromptu des Philosophes" (1947) d'Albert Camus par Monique Beaufrère (vu le 10/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Courte pièce (1h) à charge contre les philosophes de salon parisiens, toujours prêts comme Tartuffe à pratiquer sophismes et syllogismes pour s'assurer le gîte et le couvert. Le style littéraire est un peu désuet, mais le propos reste d'actualité tant qu'il existera des gourous manipulateurs et des gogos naïfs prêts à les suivre les yeux fermés. La distribution des rôles est plutôt adéquate, malgré (encore) quelques petites hésitations sur le texte. Jeu et mise en scène sont néanmoins à un bon niveau, et l'ensemble est tout à fait recommandable.
. "Intermezzo" (1933) de Jean Giraudoux par Daniel Berlioux et Gregory Questel (vu le 16/6 au Théâtre du Nord-Ouest): petite pièce sans prétention, dans laquelle s'opposent le merveilleux et la fantaisie vécus par une jeune fille, au rationalisme, à la rigueur scientifique et à l'application stricte des règles administratives imposés par la Société. Telle Wendy (Peter Pan), Alice (au Pays des Merveilles) ou Dorothy (le Magicien d'Oz), Isabelle passe du monde de l'enfance à celui des adultes, tout aussi illogique, en y perdant son innocence. J'ai trouvé les acteurs particulièrement bons, exprimant bien le côté 'enchanté' de la pièce, qu'il s'agisse de la fragilité enfantine d'Isabelle à la dureté dogmatique de l'inspecteur d'académie, en passant par le sérieux dérisoire du contrôleur des poids et mesures.
. "Jacques et son Maître" (1981) de Milan Kundera d'après Diderot (vu le 7/4 à La Pépinière Théâtre): le poids de la Destinée, le Libre-Arbitre, l'égalité des hommes face à l'adversité malgré leurs conditions de naissance et de vie. Des thèmes qui n'ont pas perdu de leur acuité. A une époque où une certaine oligarchie cherche à accroître sans limites son pouvoir et ses profits au détriment des autres classes sociales, il est bon de se remettre en tête les principes fondamentaux de l'après Révolution Française (Liberté, Egalité, Fraternité). Kundera propose une relecture virtuose du texte de Diderot, excellemment mise en scène par Nicolas Briançon (qui joue également le rôle-titre). Un conte picaresque, truculent et corrosif, à déguster sans modération.
. "Judith" (1931) de Jean Giraudoux par Céline Bédéneau (vu le 7/7 au Théâtre du Nord-Ouest): quels sont les ressorts de l'héroïsme ? L'altruisme et la pureté d'âme, ou des motivations beaucoup plus alambiquées ? Jeune fille d'un banquier, riche et courtisée, cosmopolite et futile, réputée comme étant la plus belle, flattée d'être désignée comme agneau sacrificiel, émoustillée à l'idée de subjuguer un tyran sanguinaire, désirant voir Dieu en face, à l'instar des prophètes de l'Histoire juive, mais dépitée à l'idée qu'on puisse la remplacer par une simple prostituée, telle est la Judith de Giraudoux. Elle rêve d'une nuit de noce avec Holophène qui serait un sacrifice suprême, mais celle-ci se révèle être d'une affligeante banalité. Le patriotisme et la sainteté prennent parfois des chemins détournés. Excellente pièce qui permet de comprendre comment on peut être collabo un jour, et résistant le lendemain, et bonne interprétation de l'ensemble des acteurs.
. "Le Misanthrope" (1666) de Molière par Laetitia Leterrier (vu le 20/10 à la Comédie Nation): Un Misanthrope qui se veut contemporain, mais les costumes et maquillages sont assez datés. Il aurait mieux valu envisager carrément un environnement de jeunes bobos. La mise en scène est également un peu déroutante (personnages présents même quand ils sont censés ne pas être là). Et pourquoi faire pleurer Alceste et Célimène à la fin alors que leurs caractères orgueilleux ne sauraient le permettre ? Malgré tout, le jeu des acteurs est bon, et la pièce de Molière est assez intemporelle pour évoquer des échos dans notre vie de tous les jours.
. "Ondine" (1939) de Jean Giraudoux par Diane de Segonzac (vu le 7/12 au Théâtre du Nord-Ouest): 2 bonnes surprises ce soir au N-O: la salle est pleine, ce qui n'arrive pas si souvent, et les acteurs sont tous particulièrements bons (une relation de cause à effet ?). Il faut dire que la pièce s'y prète: mi-tragédie (un Romeo et Juliette inter-ethnique, dont l'amour est menacé par son absolutisme même, les différences culturelles et les discriminations associées, la rivalité des autres prétendant(e)s et l'interventionnisme des différentes familles), mi-comédie (le procès de l'ondine est particulièrement gratiné), elle offre à tous l'occasion de se distinguer. Une mention spéciale néanmoins à Clémentine Stépanoff, pivot de la pièce, qui excelle à camper une ondine naïve, touchante et effrayante dans son amour inconditionnel, très wagnérien.
. "Pierre Dac, le Parti d'en Rire" de Jacques Pessis (vu le 14/4 au Théâtre des 2 Anes): biographie loufoque et musicale, en hommage au maître de l'absurde des années 50-60. Une belle rétrospective, malheureusement trop courte (tout juste 1h15) polarisée sur les moments clés de la vie de Pierre Dac, émaillée de bons mots, de chansons parodiques, d'extraits de Signé Furax, du Schmilblick et de divers sketchs dont le célèbre Sâr Rabindranath Duval. Si c'est toujours aussi drôle, on reste un peu sur sa faim et on en aurait aimé un peu plus, quitte à utiliser la vidéo, comme pour le rappel fait en diffusant l'hymne du Parti d'En Rire.
. "Potins d'Enfer" (2000) de et par Jean-Noël Fenwick (vu le 25/5 au Théâtre du Gymnase): revisitation moderne et comique du "Huis-Clos" de Sartre. Toutes les considérations philosophiques sont passées à la trappe au profit d'un comique de situation proche du théâtre de boulevard. Mais c'est assez drôle, pas trop caricatural, bien joué, les rebondissements bien amenés, et la fin (ouverte) est plutôt futée. A l'inverse de la pièce de Sartre, la rédemption est possible, grâce à la repentance et l'ouverture sur les autres.
. "Pour Lucrèce" (1953) de Jean Giraudoux par Alain Michel (vu le 17/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Une fois de plus, Giraudoux s'attaque à des personnages intégristes dont il dénonce le fanatisme et le jusqu'auboutisme. Dans "Pour Lucrèce", le combat puritains/libertins fait rage sur fond de guerre des sexes et d'émancipation des femmes. Quelques problèmes techniques (lumières, sono) pour cette représentation, mais les acteurs assurent et s'étripent joyeusement dans une mise en scène efficace. Un bon cru.
. "Présumé Timide" ["Les 2 Timides" (1860) + "Un Garçon de chez Véry" (1850)] de Labiche par Isabelle Desalos (vu le 1/11 au Théâtre Aktéon): Deux courtes pièces se passant à 10 ans d'intervalle, et dont le thème commun est le courage de ses actes. La première des 2 est sans doute la plus drôle et la plus inventive, et la deuxième plus classique, mais l'ensemble est plaisant et bien joué. Un bon moment passé dans un petit théâtre sympathique.
. "Racine par la racine" (2010) de et par Serge Bourhis (vu le 21/7 au Théâtre Essaion): 11 tragédies en 1h10. Pari tenu, avec en plus quelques bonus sur la méthode et les coulisses de la vie de Racine, par des comédiens au top, dans une superbe cave voutée qui participe à l'ambiance. Devrait être obligatoirement joué dans les écoles, tellement ça donne envie de (re)découvrir certaines pièces.
. "Le Roi Lear - Prologue" (inspiré de Shakespeare), par Vladimir Troitskyi (vu le 30/11 au Théâtre Monfort): Le titre est un peu trompeur, car 2 tableaux se succèdent: l'un inspiré par le premier acte (partage du royaume entre les 3 filles dans ce qui ressemble à une fête chez un gang mafieux), l'autre par l'acte final (guerre fratricide et déchéance complète de la famille). Les 2 parties sont sublimes, tant sur le plan visuel, que sur la musique et les chants du groupe DakhaBrakha. Mélant pantomime et masques énigmatiques, bimbos sexy et marionnettes humaines façon Bunraku, pole-dance et cérémonie mystique, musique suberbe et voix envoutantes, leur performance respecte l'esprit de l'oeuvre de Shakespeare tout en l'actualisant (nombreux sous-entendus à une Ukraine rurale, dépecée et meurtrie depuis la fin de l'URSS). Un foisonnement et un dynamisme à l'opposé des pensums slaves habituels.
. "Romeo et Juliette: la Version Interdite" (2009) de et par Hubert Benhamdine (vu le 24/11 au Point-Virgule): La tragédie de Shakespeare, revue et corrigée sous forme de comédie-farce. Les personnages sont là, la progression de l'intrigue est respectée, seuls la psychologie et les comportements des protagonistes sont actualisés et poussés dans leurs retranchements. ça flirte avec le mauvais goût (et y tombe parfois), mais c'est plutôt bien fait (costumes et décors compris), bien joué et assez drôle quand on a en mémoire la pièce d'origine, malgré des dialogues pas assez écrits. Une version décalée à voir pour explorer le mythe des amants de Vérone de façon nettement moins romantique.
. "Siegfried" (1928) de Jean Giraudoux par Olivier Bruaux (vu le 4/8 au Théâtre du Nord-Ouest): Belle pièce, inspirée des sagas des Niebelugen (dans la rivalité entre une Brunehilde française et une Gudrun allemande), sur la stupidité du concept d'identité "nationale", tellement d'actualité entre les 2 guerres mondiales avant d'être remis au (dé)goût du jour par qui on sait, traitant des relations entre inné et acquis, nature et Culture, raison et sentiments. Bonne prestation d'ensemble des 6 acteurs, plutôt biens dans leurs rôles. Par contre, dommage que le hall du théâtre ait été envahi par leurs collègues, venus fêter je ne sais quoi, certains étant vautrés sur les sièges à (en)fumer sans vergogne le public présent. Apparemment certains jeunes acteurs (ceux de Roméo & Juliette ?) se prennent très au sérieux, et ont un Ego plus démesuré que leur talent sur scène ou le respect de ceux qui les financent.
. "Si je t'attrape, je te mort !" de et par Olivier Maille (vu le 1/9 aux Blancs Manteaux): Le pitch est intéressant: une Mort maladroite qui enchaine les bévues, chez un couple en crise qui ne la reconnait pas comme telle. Mais si les scènes avec LA Mort sont particulièrement bien écrites, avec un festival de bons (jeux de) mots, les scènes de ménages sont par contre un peu trop manichéennes et manquent de vécu. Heureusement, les comédiens ont assez d'abattage et de sens de l'improvisation pour mettre l'ambiance, jouant avec le public ou rattrapant les imprévus du jour. Globalement, on rit beaucoup, ce qui est quand même le but recherché.
- "Simplement Compliqué" (1986) de Thomas Bernhard par Claus Peymann (vu le 21/1 au Théâtre de la Ville): le crépuscule d'un vieil acteur abandonné de (presque) tous, qui ressasse ses rancoeurs pendant une longue journée. Une belle prestation d'acteur, dans une pièce aride, glauque, dépressive, répétitive. Un bel exercice de style, mais à ne pas voir un jour de déprime.
. "Sodome et Gomorrhe" (1943) de Jean Giraudoux par Vincent Gauthier (vu le 22/12 au Théâtre du Nord-Ouest): La fin suicidaire de l'Humanité vue par le petit bout de la lorgnette, et résumée à quelques scènes de ménage et un appartheid homme/femme. Un Giraudoux décevant, malgré l'implication des comédiens. Des efforts du côté des décors, mais une sono trop forte empêchant parfois la bonne compréhension des dialogues. Dommage.
. "Les Souvenirs d'un Pauvre Diable" (1895) d'Octave Mirbeau adapté par Anne Revel-Bertrand (vu le 8/12 au Théâtre du Marais): Souvenirs truculents d'une enfance petite-bourgeoise dans une famille provinciale de la fin du 19-ième siècle, dans la lignée de Gide, J.Vallès et tant d'autres. Où le 'héros', petit génie contrarié, curieux et sensible, sympathique mais naïf, subit les pires avanies de ses proches peu gâtés par la Nature, et les restitue avec humour et candeur, dans un comique né du désespoir. Le monologue originel a été transformé en une partition à 2 voix, brillament interprêté par les 2 comédiens qui se répartissent les répliques dans un échange endiablé. Mérite d'être vu dans ce petit théâtre à l'agencement bien pensé.
. "Testament" (2010, d'après "Le Roi Lear" de Shakespeare) de et par She She Pop (vu le 1/12 au Théâtre de la Ville): Un théâtre expérimental, issu de la contre-culture allemande, revendiquant une absence d'auteur, d'acteurs et de metteur en scène. "Testament" explore le thème de l'héritage, de la transmission du pouvoir et des richesses, des relations entre générations et éclaire de façon décalée certaines problématiques économiques et sociales à partir de l'exemple du "Roi Lear". Il y a des moments émouvants ou drôles, une vraie compréhension des problèmes liés à la vieillesse et au contrat social inter-générationnel, ainsi que des interactions entre les protagonistes, une mise en lumière intéressante de la pièce de Shakespeare. Au final, une belle performance, mais le résultat global est assez mitigé, car trop brouillon. Il montre en tout cas que pour faire une bonne pièce, il faut toujours un bon metteur en scène...
. "Ubu Enchainé" (1899) d'Alfred Jarry par Dan Jemmett, avec Eric Cantona (vu le 31/3 à l'Athénée Louis-Jouvet): superbe texte toujours très moderne et bien rendu par les acteurs. Les salopards prêts à tout pour s'arroger un pouvoir absolu, et transformer les hommes libres en esclaves sont malheureusement intemporels (toute ressemblance avec un actuel président de la république inculte et vulgaire n'est pas vraiment une coïncidence). Par contre la mise en scène est assez déroutante, et pas vraiment adaptée au sujet. Dommage! Ubu méritait mieux.
- "Victor ou les Enfants au Pouvoir" (1929) de Roger Vitrac par Emmanuel Demarcy-Mota (vu le 17/3 au Théâtre de la Ville): une belle pièce, assez prophétique du règne de l'Enfant-Roi, égoiste et méchant, sans trop de scories dues à son âge. Une belle brochette d'acteurs. On regrettera seulement quelques éléments assez stupides dans la mise en scène (les arbres qui pendent au plafond, ...) destinés sans doute à faire plus 'surréaliste'.
. "Volpone ou le Renard" (1606) de Ben Jonson par et avec Nicolas Briançon (vu le 29/9 au Théâtre de la Madeleine): Richesse et Pouvoir, tel est le fumet exhalé par le fromage que tentent de se dérober les cupides personnages de cette fable, toujours autant d'actualité. Personne n'échappe à ce jeu de massacre, y compris les innocents, emportés par la tourmente et condamnés par une justice aveugle. La pièce de Ben Jonson est aussi intemporelle que celles de ses contemporains Shakespeare ou Philip Marlowe. Sur scène, la troupe de Nicolas Briançon est toujours aussi bonne et Volpone est un des spectacles indispensables de cette fin d'année.
. "When the Mountain changed its clothing" de Heiner Goebbels, par Carmina Slovenica (vu le 27/10 au Théâtre de la Ville): Au début, mises à part les superbes voix du Carmina Slovenica, on a l'impression d'assister à une banale fête de fin d'année dans un collège de banlieue, avec une chorégraphie aussi médiocre (manipulation de chaises par des gamines en survêtement, qu'on imagine dans un gymnase) que les textes utilisés (Robbe-Grillet, ...). Heureusement, à l'occasion d'un changement de décor (avec de très belles toiles de Ferenc Pataki, Henri Rousseau, puis Ivan Generalic), la mise en scène devient intéressante et la mayonnaise finit par prendre avec notamment des textes de Rousseau et Gertrude Stein. Finalement, si on fait abstraction de la première moitié, on obtient quelque chose d'assez superbe et poétique, quoique sans véritable lien entre les différents tableaux. Comme pour "I Went to the House, But Did not Enter", le travail d'Heiner Goebbels est à moitié baclé, ce qui est désespérant quand on imagine ce que ça aurait pu donner avec un même niveau de qualité.
. "Y a comme un X" de et avec David Sauvage (vu le 13/7 au Théâtre Clavel): Trans en transition, familles éclatées et recomposées, vie en colocation, crises identitaires et psychanaliste pas contrariant passent à la moulinette pour donner cette comédie de genre(s) plutôt bien fichue sur un sujet pas souvent traité. Malgré de petites baisses de rythme à certains moments, il y a quand même de bons ressorts comiques, une mécanique bien huilée, pas mal de rebondissements, quelques dialogues virtuoses, des répliques cultes tirées de films célèbres, et des clins d'oeils improvisés à l'actualité récente. Le tout dans un petit théâtre bien agencé, avec une excellente visibilité, et de bons acteurs, dont le sexy auteur de la pièce. A découvrir, et plus si affinités.
Cerise sur le gâteau, tous ces spectacles sont (ou étaient) accessibles à des tarifs très raisonnables en passant par les agences de location spécialisées, tels que Ticketac ou BilletReduc.
20:00 Publié dans Actualité, Sur les Planches | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théatre, paris | Imprimer