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26/10/2006

La Déesse de la Rivière Luo (Luo Shen Fu)

Goddess Luo de Zhao MeiyunRencontre Ephémère, Regrets Éternels.

Une rencontre fugace entre 2 personnages, dont le coup de foudre se mélange aux souvenirs d’expériences malheureuses. Ils hésitent, et gardent leurs distances. Leurs sentiments réciproques ne deviennent évidents que lorsqu’ils s’éloignent l’un de l’autre à tout jamais. Mais il est évidemment trop tard.

"Luo Shen Fu" est d’abord un poème de Cao Zhi (192-232), un des plus grands poètes chinois de l’époque des 3 Royaumes. Outre sa poésie, il est célèbre pour avoir été immortalisé dans le roman "Histoire des 3 Royaumes" qui a fait l’objet de maintes adaptations (surtout connues en occident par "Adieu ma Concubine"). C’est l’histoire d’une rencontre passagère faite dans un rêve, entre un voyageur fatigué et le fantôme de sa bien aimée, morte de mélancolie, assimilé à la déesse de la rivière. Le thème est récurrent dans l’imaginaire chinois, que ce soit avec la rencontre entre un vivant et une défunte ("Histoires de Fantômes Chinois"), ou entre un homme et une divinité (la "Légende du Grand Serpent Blanc"), et illustre la difficulté de vivre ensemble quand on appartient à 2 mondes différents.

Apsara à MogaoA Taiwan, le texte est devenu le support d’une pièce de théâtre dansé de styles Liyuanxi (Opéra du "Jardin des Poiriers") et Nanguan (le "Vent du Sud"), mélange de danse, musique et chant. Contrairement à l’Opéra de Pékin, il n’y a ni acrobaties, ni rythmique criarde, ni texte dit par les personnages. La musique, raffinée, est de la famille 'Soie et Bambou' (cordes et flûtes). On est plus beaucoup plus proche des formes poétiques et contemplatives du et du Butô japonais. On y trouve de nombreuses influences taoïstes (dieux primitifs), mais aussi bouddhistes. La 'déesse aux mille bras' est ainsi directement inspirée du boddhisattva GuanYin, tandis que les danseuses aux longs voiles renvoient aux apsaras des grottes de la Route de la Soie. Danses et Musiques expriment l’absence et le vide, la légèreté des sentiments et de l’existence dans un monde évanescent.

La version présentée au Théâtre de la Ville est une re-création moderne (mai 2006), qui résulte de la collaboration de la chorégraphe Chen Mei-E et du metteur en scène franco-allemand Lukas Hemleb. Les costumes sont de William Chang, décorateur attitré de Wong Kar Wai ("In The Mood for Love"). C’est un bon mélange entre tradition et modernité, et témoigne de la vitalité de la scène taïwanaise. Si le démarrage est un peu trop long pour nos habitudes occidentales (les 3 premiers actes gagneraient à être un peu raccourcis), le reste de la pièce est un réel enchantement et laisse le public sous le charme à l’issue des 2h20 que dure la représentation.

Compléments :
> La Déesse de la Rivière Luo au Théatre de la Ville de Paris en 2006.
> Le spectacle sur le site de l'Institut Français de Taipei.
> La critique du Figaroscope.
> Les danses de GuanYin aux mille bras.