28/10/2006
The Queen
Le Jeune Loup et la Vieille Lionne.
"Le vrai Pouvoir ne se prend pas, il se reçoit", telle pourrait être la morale de l’histoire nous conte Stephen Frears dans son dernier long métrage, plus proche d’un docu-fiction que d’un film traditionnel, mais excellemment réalisé quand même. Il y relate la confrontation entre un jeune politicien aux dents longues, fraîchement élu premier ministre, et une vieille reine mise sur le trône malgré elle, et dernière représentante d’une longue lignée de monarques riches et puissants.
D’un côté, le travail, l’affairisme, le clientélisme, la nécessité de plaire pour exister, la remise en cause permanente, la tendance à toujours se mettre dans le sens du vent qui souffle.
De l’autre, la tradition, le protocole, les rites immuables, une autorité incontestée, un entourage servile, une richesse incommensurable, l’absence de précarité et de questions sur l’avenir.
La mort de Diana est l’occasion de montrer combien le régime britannique est resté à l’écart de l’évolution du monde moderne. Alors que la Presse se déchaîne, que l’opinion est manipulée par les médias, chacun se positionne selon son intime conviction.
Elisabeth II est une super mammy plutôt sympathique, un peu dépassée par les événements, qui pense beaucoup à ses petits enfants, qui ne dédaigne pas conduire elle-même sa Rover (sans même un garde du corps), qui pense d’abord à la dignité de sa charge avant toute chose ("Duty first, Self Second").
Tony Blair est plus ambigu. Elu travailliste, il se démène pourtant en faveur de la royauté, en opposition totale avec sa femme et ses conseillers. Il est néanmoins en phase avec une monarchie plus moderne, telle que la rêve le prince Charles et certains membres du palais royal. Il est encore novice, multiplie les impairs protocolaires, mais sait instinctivement jouer avec les sentiments des autres pour les amener là où il veut.
La reconstitution de cette chaude semaine est parfaite, mélangeant des images d’archives impressionnantes et émouvantes, avec la reconstitution de scènes privées auxquelles tout le monde a rêvé d’assister. Plus qu’une amorce de révolution (les anglais ne semblent vraiment pas prêts à passer à un régime républicain), on assiste à un vrai combat entre les Anciens et les Modernes, entre ceux qui cherchent à préserver de fausses apparences et ceux qui essaient d’insuffler un peu plus de chaleur humaine entre gouvernants et gouvernés.
La scène du cerf est particulièrement intéressante de ce point de vue. Roi de la forêt, symbole du Pouvoir dans les rites druidiques, il est dans le film pourchassé en vain par les chasseurs royaux et blessé à mort par un vulgaire roturier. Les temps ont changés. En acceptant ce fait et en acceptant d’apparaître plus humaine avec ses 'sujets' (comme HiroHito en 1945), la Reine sauve son trône et remporte finalement une bataille mal engagée.
La scène finale, adoubement de Blair par Elisabeth, consacre cet état de fait. Si Blair a gagné 10 ans de vie au 10 Downing Street, la grande gagnante est la reine qui en lâchant un peu a sû préserver l’essentiel. Les idées de Diana, "princesse du peuple" qui condamnait cette mascarade, ont été enterrées avec elle.
Note: 8/10
Compléments :
> La Fiche du film du Wikipedia.
> Le Site du film.
> Critiques sur "CommeAuCinéma", "DvdCritiques", "FilmDeCulte", "Télérama", "Excessif", "iMédias", "EcranLarge", "AVoirALire", "ChronicArt".
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20:00 Publié dans Destins, Ecrans Larges, Ethiques & Politiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma | Imprimer