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26/09/2009

'I Went to the House But Did Not Enter' de Heiner Goebbels

The Madness of the Day (Maurice Blanchot)

Maîtres-Chanteurs à Village-Expo.

 

Une mise en situation chantée de classiques de la littérature, par un prestigieux quatuor vocal spécialiste de musique ancienne (le Hilliard Ensemble), ça semblait a priori intéressant.
Ce concert scénique était censé éclairer la personnalité humaine dans sa multiplicité à partir de quatre auteurs majeurs du XX-ième siècle.

 

Au pied du mur, on ‘déchante’ grandement. Certes, les décors sont superbes, les jeux de lumière sophistiqués, l’espace sonore bien mis en valeur, les acteurs/chanteurs à la hauteur de leur réputation.
Mille bravos également aux machinistes chargés de manoeuvrer cette usine à gaz en un minimum de temps entre les 3 actes.

Mais la déception et l’ennui sont à la hauteur des moyens déployés. Tout ça pour ça ?

 

Le démontage/remontage du décor de "The Love Song of J.Alfred Prufrock" (T.S.Eliot) est plutôt ingénieux, mais étirer sur une demi-heure un 'running-gag' dont l'idée tient sur un ticket de métro, ça commence assez mal, la partie chantée étant par ailleurs particulièrement limitée.

 

Le 2-ième morceau est beaucoup plus intéressant, avec une bande son et des jeux de lumière particulièrement travaillés. Mais on a plus l’impression de regarder un soap-opéra à la télé plutôt qu’autre chose, malgré le texte très intéressant de Maurice Blanchot ("La Folie du Jour") quoique dit/chanté en anglais sous-titré.

 

Kafka est ‘exécuté’ assez rapidement. Un groupe de 3 piétons entourant un cycliste devant un pavillon de banlieue britannique est censé illustrer "L’Excursion à la Montagne". L’ambiance est loin de celle des chefs d’oeuvres du maître praguois. Heureusement on dort déjà à moitié, et c’est expédié assez rapidement, donc on ne s’en offusque pas trop. On se réveille pour admirer la virtuosité des machinistes faisant disparaître la banlieue.

 

Le final prétend illustrer un texte de Beckett ("Worstward Ho"/"Cap au Pire"). Nos quatres bourgeois tranquilles regardent des photos de vacances particulièrement banales projetées sur le mur d’une chambre d’hôtel cossue. Comment échouer se demandait Beckett (« Fall Again, Fall Better » : Echouer encore, échouer mieux) ? Heiner Goebbels a trouvé la solution, avec ses concerts scéniques conformistes et insignifiants, conçus pour des aveugles, des sourds ou des personnes souffrant de troubles dissociatifs.

 

Worstward Ho (Samuel Beckett, 1983)

En résumé, c’est beau mais particulièrement ennuyeux, superficiel, artificiel, sans émotions et sans grand rapport avec les oeuvres présentées, à moins d’y voir un contre-pied systématique.
Le quatuor pourrait chanter le bottin téléphonique ou sa liste de courses au supermarché, ça serait tout aussi adapté au contexte, et ça ferait le même effet.
Au vu des moyens employés, on se demande la cause d’un tel désastre. L’explication se trouve apparemment dans l’interview du livret fourni (toujours très copieux dans le cadre du Festival d’Automne). Oeuvre conceptuelle, "I Went …" a d’abord été créée comme un dispositif scénique, dont les décors et la scénographie ont été soigneusement mis au point. Ce n’est que dans un second temps que l’auteur s’est demandé quels textes il allait pouvoir mettre dessus !
Résultat, ça ne colle pas du tout, et il n’y a que les jeunes bobos incultes qui ont eu l’air d’apprécier l’esthétisme de la chose en applaudissant à tout rompre. Les habitués du Théâtre de la Ville avait préféré déserter la salle au fur et à mesure, ou étaient trop consternés pour huer fortement la fin du supplice.

 

Je suis allé dans la maison, mais je n’aurai pas dû y entrer…


Note: 5/10

 

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et du Festival d'Automne.
> Les analyses et critiques de ThéâtreContemporain, ResMusica, LeMonde, EspaceMauriceBlanchotGaland.

Commentaires

Le decor attire l'attention au spectacle.

Écrit par : Latimer | 08/02/2010

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