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22/04/2006

V pour Vendetta (V for Vendetta)

Etre ou ne pas Etre ... Libre ?

Ce film est l’adaptation du premier roman graphique d’Alan Moore (également auteur des excellents "Watchmen", "From Hell", "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires"), écrit en 1982, en pleine époque thatchérienne. Mais comme toujours en matière d’adaptation cinématographique, il a fait l’objet de nombreuses modifications de la part des frères Wachowski ("Matrix"), ce qui en fait une oeuvre personnelle et a conduit Alan Moore à faire retirer son nom du générique. Malgré ces problèmes de respect des œuvres originales, aussi vieux que le cinéma lui-même, "V" n’en est pas moins un film particulièrement réussi et intéressant, dans la lignée de "Brazil", "1984", "Richard III", "Equilibrium", "Robocop" ou "X-Men" (dans le traitement des personnages de Magneto et Wolferine).
Il est d’ailleurs symptomatique que le film n’ait pas marché aux Etats-Unis, comme toutes les productions un peu trop réfléchies et subversives. La destruction de bâtiments comme moyen d’action privilégié a pu également choquer en cette période d’après 11 septembre.

Les thèmes centraux en sont la vengeance personnelle et la résistance à l’oppression, ainsi que le difficile équilibre qui doit être effectué entre le respect de la Loi et le combat pour la Liberté et la Démocratie. Des thèmes à la fois très politiques et très éthiques, et d’une actualité brûlante.
Dans une Grande-Bretagne, devenue légalement fasciste après des attentats meurtriers, et dirigée par l’ancien responsable des services secrets, étrangers, musulmans, intellectuels et homosexuels sont devenus les boucs émissaires d’une politique basée sur l’ordre et la sécurité (toute ressemblance avec des pays et partis actuels n’est évidemment pas fortuite [1]). 'V', héros shakespearien [2] victime d’expériences qui l’ont transformé physiquement et moralement, et qui a perdu jusqu’au souvenir de son ancien nom, est devenu inhumain et surhumain. Il s’est affranchi des principes moraux applicables au commun des mortels et poursuit de sa haine tous ceux qui sont responsables de son état, tel Edmond Dantès ("Le Comte de Monte-Cristo") son héros préféré, ou le Capitaine Nemo de Jules Vernes. Son seul point d’ancrage avec son humanité passée est son amour de l’Art et de la Culture, et le souvenir de ses compagnons de cellule décédés. Pour lui, le seul moyen de revenir à un monde meilleur, est une anarchie nihiliste, symbolisée par Guy Fawkes [3], où il est supposée que la suppression de l’oppression conduit naturellement au bonheur du genre humain. Le film finit par être particulièrement utopiste dans ce domaine (plus que la BD de Moore), notamment la scène finale où les militaires finissent par baisser les armes face à une foule désarmée. Dans la réalité, il est probable qu’ils auraient commencé par tirer dans le tas, et que le général les commandant aurait profité de la vacance du pouvoir pour s’imposer au sommet de l’Etat !

Sur la forme, l’atmosphère est particulièrement bien rendue pour un film américain, sans abuser des effets spéciaux et des scènes d’actions. Hugo Weaving (l’agent Smith de Matrix) et Natalie Portman sont parfaits dans des personnages pleins de contradictions, et amenés à évoluer et à se rapprocher au fur et à mesure des évènements.

Le seul point faible du film est cette complaisance par rapport au terrorisme, censé être le seul remède à la dictature. L’expérience montre pourtant qu’un terrorisme généralisé (Irlande, Pays Basque, Palestine, Liban, Irak, etc.) ne règle jamais rien. Que le seul moyen d’arriver à renverser une dictature est au contraire la mobilisation pacifique de tous les citoyens (Révolution des Œillets portugaise, chute du bloc soviétique, révolutions oranges en Ukraine et Georgie, Philippines, etc.), quand ceux-ci arrivent à surmonter leurs peurs et s’unir contre le pouvoir en place, dès que celui-ci commence à se déliter. Ce n’est évidemment pas toujours facile et le succès n’est jamais assuré [4], mais la Démocratie se porte toujours mieux quand elle naît sans sang sur les mains.
Espérons que le Népal nous donnera dans les semaines à venir un nouvel exemple d’une issue heureuse.

Note: 8/10

[1] l’Allemagne de Hitler née après l’incendie du Reichstag, mais aussi la Russie de Poutine (pseudo attentats tchétchènes à Moscou) ou les USA de Bush (affaire de l’Anthrax) sont évidemment des références incontournables.
[2] Cf. sa superbe tirade en V: "Voilà! In View, a humble Vaudevillian Veteran, cast Vicariously as both Victim and Villain by the Vicissitudes of Fate. This Visage, no mere Veneer of Vanity, is it Vestige of the Vox populi, now Vacant, Vanished. However, this Valorous Visitation of a by-gone Vexation, stands Vivified, and has Vowed to Vanquish these Venal and Virulent Vermin Vanguarding Vice and Vouchsafing the Violently Vicious and Voracious Violation of Volition. The only Verdict is Vengeance; a Vendetta, held as a Votive, not in Vain, for the Value and Veracity of such shall one day Vindicate the Vigilant and the Virtuous. Verily, this Vichyssoise of Verbiage Veers most Verbose so let me simply add that it's my Very good honor to meet you and you may call me V."
[3] Auteur d’une tentative de destruction du Parlement anglais le 5 novembre 1605.
[4] Hongrie en 1956, Tchécoslovaquie en 1968, Tibet de 1959 à nos jours, Birmanie et Népal actuellement.

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site officiel du film.
> Les critiques du film sur 'ObjectifCinéma', 'Telerama', 'Cinoche', 'CommeAuCinéma', 'EcranLarge', 'Excessif', 'FilmDeCulte', 'FinDeSéance'.
> sur les blogs d'Allociné, de 'Pangloss', 'Culturofil', 'AprèsTout'.
> La critique de la BD sur CritiquesLibres.
> Voir aussi "Hamlet" de Shakespeare (1603) pour le thème de la vengeance personnelle conduisant à éliminer la dictature.