28/05/2008
Babylone (Musée du Louvre)
Metropolis, Origines et Fantasmes.
Superbe expo cette saison qui présente la particularité de montrer à la fois la réalité de ce que fut Babylone à partir de ce qu’on en a retrouvé sur le terrain, mais aussi l’influence énorme et majoritairement fantasmée qu’à eu la ville dans l’imaginaire occidental.
Babylone, c’est d’abord la 'Mégapole', construite de façon raisonnée et ordonnée pour être la capitale d’un empire qui est à l’origine des premiers Codes de Lois écrits. On y trouve sous une forme assez imagée ce que nous connaissons maintenant sous le nom de 'Loi du Talion'.
C’est une Cité qui a livré des archives en nombre incommensurable sur des tablettes de terre cuite, permettant de tout connaître de l’organisation de la Société, ses préoccupations, ses mythes fondateurs. Les vitrines fourmillent de textes administratifs, législatifs, topographiques, historiques, diplomatiques, judiciaires, fiscaux, mais aussi mathématiques, astrologiques, divinatoires, médicaux, mythologiques, etc.
Les grandes épopées (Gilgamesh, …) ou les récits initiaux du Déluge et de la Création du Monde (largement plagiés par les auteurs de la Bible) voisinent avec les premiers pas du Zodiaque et de l’Astrologie Occidentale.
Cette première partie archéologique culmine avec les superbes reconstitutions d’animaux qui bordaient la voie sacrée menant au grand Temple de Mardouk via la Porte d’Ishtar.
La deuxième partie est tout aussi passionnante.
Après avoir sombrée dans les sables du désert suite au déplacement des centres de pouvoir, Babylone devient la référence absolue des villes mythiques disparues de la surface de la Terre [*] et enflamme l’imagination des auteurs occidentaux.
L’Apocalypse de Saint-Jean diabolise la ville au même titre que Sodome et Gomorrhe, alors que rien ne prouve une quelconque dépravation des mœurs locales.
Les dieux régionaux sont évidemment repeints aux couleurs du démon. Le Dragon tutélaire de la ville fait un Serpent très adéquat (le Jardin d’Eden n’est pas loin). Pazuzu, dieu du vent et protecteur des femmes enceintes, devient un diable des plus effrayants (tout le monde se souvient de lui dans le prologue irakien de l’Exorciste). On assimile la Reine de la Nuit, une Déesse Mère proche d’Isis/Astarté, avec Lilith, la femme-démon qui s’attaque à la ‘vitalité’ des hommes.
On confond allègrement la Tour de Babel citée dans la Genèse (assimilée à la ziggourat de Borsippa), avec le grand Temple de Mardouk/Baal dont l’allure évoque plutôt les pyramides mayas.
Symbole de la vanité des Hommes, l’orgueilleuse Babel/Babylone est donc pour des raisons politiques, renvoyée dans l’Axe du Mal pour le profit de Jérusalem censée être la Ville idéale et bénies de(s) dieu(x). On retrouve donc le même antagonisme qu’entre Carthage et Rome, Troie et Sparte, ou … entre Bagdad et Washington. Les mêmes recettes continuent à s’appliquer au cours des siècles.
Tout comme le Salammbô de Flaubert revisitait de façon très fantasmée le Carthage antique, Babylone a également énormément inspiré les dramaturges (Sardanapale de Byron), les peintres classiques (de Bruegel à Delacroix), les cinéastes (Intolérance de D.W.Griffith, Metropolis de Fritz Lang, Rintaro, Inarritu, …), ou les musiciens (du Nabucco de Verdi à Bob Marley). On n’en retrouve malheureusement qu’une faible partie dans cette grande expo, à voir absolument.
[*] : les jardins suspendus, une des 7 merveilles du monde, sont situés dans son périmètre.
Compléments :
> Le mini-site de l'Expo.
> Photos de l'Expo sur LesEchos.
> L'expo sur le web: France24, RFI, LeMonde, LesEchos, Fluctuat, Historia.
> Sur les blogs: AgoraVox, LouvrePassion, CaféGéo, Romanes.
> A lire: "Babylone, à l'Aube de notre Culture" par Jean Bottero (Découvertes Gallimard n°230).
20:00 Publié dans Arts, Expos, Histoire | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : culture, histoire, expos, paris | Imprimer
23/02/2008
Umwelt (2004) de Maguy Marin
Images du Monde Flottant.
4 ans après sa création, et après de nombreuses reprises, on pouvait penser que le public parisien accepterait mieux cette performance assez inclassable. Il n’en a rien été, abandons en cours de représentation et huées finales se sont succédés avec heureusement quelques applaudissements nourris. Les spectateurs parisiens achètent-ils leurs places les yeux fermés, seulement pour la pédantise de pouvoir dire « je suis allé au théâtre hier soir » ?
Quoi qu’il en soit, Maguy Marin a réussi là une oeuvre géniale. En un peu plus d’une heure, elle arrive à exposer de façon particulièrement maîtrisée l’essence même de la Vie humaine.
Amour, travail, gestes de la vie quotidienne et familiale, conflits individuels et collectifs, réduits à leur plus simple expression se répètent de façon apparemment aléatoire, sans paraître ni prévus et ni totalement effectués au hasard. Les individus sont à la fois indépendants les uns des autres, mais sont soumis aux mêmes contingences. Les déchets produits tout au long du spectacle s’accumulent progressivement sur le plateau, transformé en décharge.
Le fond sonore est lui-même le produit d’une génération en partie aléatoire. Outre le bruit du vent soufflant entre les plaques métallisées, 3 guitares électriques accordées différemment, vibrent sous l’effet d’une corde glissant le long de la scène. L’effet est assez saisissant, et s’accorde particulièrement bien aux aspects visuels du spectacle. Mieux vaut néanmoins apprécier l'oeuvre de Stockhausen.
Le tout forme un kaléidoscope d'images futiles, représentatif de la banalité et de l’absurdité du quotidien. La conjonction du hasard et la répétition des figures de base générent la complexité de l’ensemble, la variété et la diversité des situations finissant cependant par transparaître sous la finitude et l’uniformité apparente.
La représentation se passe finalement sans qu’on ressente un quelconque ennui, ni impression de vivre une expérience de laboratoire digne d’un musée d’art moderne.
A recommander à toute personne ayant l’esprit un peu ouvert, et désireux de se plonger dans une œuvre poético-philosophique assez atypique.
Note: 8/10
Umwelt
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Compléments :
> "Umwelt" au Théatre de la Ville de Paris.
> Le spectacle sur le site de la Compagnie Maguy Marin.
> Les critiques de LesEchos, LeMonde, LeFigaro, L'Humanité, Telerama, ParisArt, ScènesMagazine.
> Sur les Blogs: Paris-evous, FavoriteChoses, ImagesDeDanse, Clochettes, LeDernierKilomètre, UnAirDeThéâtre, ResMusica.
20:00 Publié dans Arts, Sur les Planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Culture, Danse, Théatre, Maguy Marin | Imprimer