11/01/2009
Che: l'Argentin (The Argentine) de Steven Soderbergh
La Guérilla Cubaine, Théorie et Pratique.
Après l’excellent "Carnets de Voyage" de Walter Salles (2004), deuxième étape dans la vie de l'icône révolutionnaire qu'est Ernesto 'Che' Guevara.
A la lecture de nombreuses critiques vues ici ou là, je commençais à craindre que le premier volet de ce diptyque ne soit raté, et que l’industrie cinématographique américaine n’ait une fois de plus massacré le récit de la vie d’un des personnages les plus mythiques du 20ième siècle.
Il n’en est rien. Il faut rendre hommage à Soderbergh et à son équipe d’être resté fidèle aux écrits du ‘Che’, sans céder aux pressions de toutes sortes. Inspiré par les propres écrits de Guevara, le film se révèle passionnant de bout en bout, malgré sa relative longueur.
Certes, ce n’est pas un 'film d’action', ce que regrettent apparemment les aficionados des ‘blockbusters’ hollywoodiens. Mais qui de sensé s’en plaindrait.
Les "Carnets de Voyages" s’intéressaient à l’éveil idéologique du jeune médecin, découvrant la misère du sous-continent et l’exploitation de la population par une minorité privilégiée.
"L’Argentin" en constitue le prolongement, décrivant son passage à l’acte et la théorisation de ses actions.
Le ton est plutôt doctoral, alternant les cours théoriques professés à la tribune de l’ONU, lors d’interviews journalistiques, de sauteries mondaines ou de formations de jeunes recrues, avec la pratique du terrain lors d’épisodes dans la Sierra Maestra, puis la région de Santa Clara.
L’aspect du film est donc très didactique, sans être trop scolaire, ce qui semble gêner ses détracteurs. Les mêmes dénigreront sans doute tout autre ‘biopic’ qui ne serait ni une simple évocation filmée, ni une œuvre de propagande (dans un sens ou dans l’autre).
Au delà de la vie du Che, le film parle surtout des conditions d’une révolution réussie, de la nécessité d’une forte implantation locale, de l’impossibilité d’une dictature de se maintenir dans la durée, malgré l’appui de quelque Grand Frère (ici, l’Oncle Sam).
Il aurait pu noircir encore plus la situation locale en en rajoutant sur le régime de Batista, ses accointances avec la Mafia, les nombreux tripots et bordels pour militaires et touristes yankees. Il ne le fait pas.
Pas plus qu’il ne parle de certaines zones d’ombres du Che, régulièrement mises en avant par les anti-castristes pour essayer de le discréditer. Toute guerre de libération a toujours eu des à côtés pas très reluisants, n’en déplaise aux nombreux donneurs de leçons qui ne connaissent pas toujours leur propre Histoire, et sont souvent très complaisants avec les dictateurs de tous bords. On en a eu malheureusement encore de nombreux exemples pendant l’année écoulée (Chine, Proche et Moyen-Orient, Afrique, Russie, …).
Le film est donc plutôt équilibré de ce point de vue là.
Il préfère mettre l’accent sur l’aspect politique et militaire, rappelant que le mouvement castriste était d’abord et avant tout un mouvement anti-impérialiste et anti-colonialiste, qui ne se rapprocha des mouvements communistes que dans un deuxième temps, par pur opportunisme. De nombreuses références à José Marti, héros de l’Indépendance contre le pouvoir colonial espagnol émaillent d’ailleurs tout le début du film.
Finalement, loin du portrait hagiographique décrié par certains, c’est une belle leçon d’Histoire que devraient méditer ceux qui croient encore pouvoir imposer un nouveau régime de l’extérieur. Les pérégrinations ratées de Guevara au Congo et en Bolivie montrent d’ailleurs qu’on peut se tromper soit même sur les possibilités de déroger aux règles.
L’interprétation de Benicio del Toro mérite en tout cas son prix reçu à Cannes, le reste du casting ne déméritant pas. Une mention particulière à l’acteur incarnant Castro (Demian Bichir), mais également aux nombreux figurants (mexicains ?, portoricains ?) ayant su faire revivre la situation de l’époque.
Vivement le prochain, et nécessairement dernier épisode.
Hasta Siempre, Comandante !
Découvrez Tradicional Habana!
Note : 8/10
Compléments :
> Le site du film.
> Le Dossier Pédagogique de l'Agence Cinéma Education.
> A Lire: "La Guerre de Guérilla" et "Souvenirs de la Guerre Révolutionnaire Cubaine".
> Questions-réponses sur DrapeauRouge.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Telerama, Excessif, Fluctuat, KrinEin, AVoirALire, ZéroDeConduite, CritiquesClunysiennes, BlogCulturel, Barberousse, JanAbbie, BebeAlien.
20:00 Publié dans Cinémathèque, Destins, Ecrans Larges, Ethiques & Politiques, Le Village Global | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, histoire, amériques | Imprimer
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