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29/11/2009

Pororoca de Lia Rodrigues

Pororoca de Lia RodriguesTristes Tropiques.

"Pororoca", c'est la vague qui vient de l'océan et qui remonte le fleuve (l'Amazone) à contre-courant.
C'est une bonne métaphore pour ce (triste) spectacle, tsunami d'eau salée qui détruit l'écosystème fluvial dans lequel il s'est engouffré.

Il n'y a en fait pas grand chose à sauver de cette 'performance', analogue à celles qui sont d'habitude filmées pour être projetées dans les musées d'Art Moderne, où personne ne les regarde (sauf peut-être à Beaubourg).
Pendant à peine 50 minutes (mais ça parait très long), gesticulations incohérentes et maladroites se succèdent, entrecoupées de séances de poses mettant en évidence la vacuité du propos.
Censé être une "évocation des relations entre le collectif et le singulier" (dixit le programme), ça ressemble plutôt aux mouvements browniens d'un groupe d'amibes vues sous un microscope.
Seul (petit) moment intéressant: la sortie de scène, où le groupe coule dans la salle comme du lait qui déborderait de sa casserole, puis remonte les gradins comme un 'blob' visqueux. Mais les 4/5-ièmes de la salle ne peuvent le voir (il faut vraiment être très près d'eux).
A part ça, il ne se passe rien, hormis les habituels dérivatifs des troupes médiocres, à savoir l'exhibition des quelques seins et quéquettes, et la simulation de quelques actes sexuels, qui laissent la salle plutôt froide, tellement on en a vus ces dernières années.

J'avais choisi ce spectacle en pensant que le Brésil était capable d'apporter du sang neuf dans un milieu où la consanguinité a fait pas mal de ravages. Mais il faut se rendre à l'évidence. Les favelas de Rio ont également été infectées par les grands virus occidentaux (Lia Rodrigues a été formée par Maguy Marin). Au lieu de valoriser leur patrimoine (Samba, Capoeira, danses indiennes, ...), ils ont préféré la verroterie de leurs (neo)colonisateurs, et finissent dans le caniveau comme leurs ancêtres, contaminés par la variole et l'alcool frelaté.
C'est d'autant plus dommage que mercredi (le 25/11), Renata Rosa et son groupe présentaient un excellent concert mélangeant la musique traditionnellement métissée du Brésil avec les polyphonies amazoniennes des tribus Kariri-Xoco. Comme quoi, il est possible d'innover sans se couper de ses racines (et sans montrer son cul).

Note: 1/10

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et du Festival d'Automne.
> Les avis de BlogCulturel, Palpatine, UnSoirOuUnAutre, ImagesDeDanse, ConfitureDansLesOreilles.

20/11/2009

By the rivers of BabyLoan

BabyLoanPetits Ruisseaux et Grandes Rivières.

La "Crise" entame déjà sa 2-ième année.
Les banquiers, après avoir bénéficié d’un plan de relance massif, ont repris du poil de la bête et ont repris leurs bonnes vieilles habitudes faites de spéculations aventureuses et de bonus faramineux.
Le contribuable, lui, est invité à combler les déficits en se serrant la ceinture, et est contraint à alléger un peu son train de vie, surtout quand il fait partie des charrettes de licenciements mises en place pour préserver la rentabilité des entreprises.
Certains pays ont fait faillite (l’Islande), d’autres ne survivent que grâce à la générosité (parcimonieuse) d’Etats et d’organisations ayant des visées sournoises sur leurs richesses naturelles et humaines.
Pour les classes les plus défavorisées de ces contrées, l’accès aux ressources bancaires de base est illusoires. Impossible de faire fructifier leurs maigres avoirs, ou de profiter de l’effet de levier d’un crédit. Les organismes bancaires ne prêtent qu’à ceux qui ont déjà des moyens de garantir leur créance.

De l’autre côté, dans les pays dits ‘riches’, les particuliers aisés ont peu de possibilités pour manifester leur solidarité avec les plus démunis.
Soit leurs impôts ou leurs frais bancaires servent à effectuer de grands prêts étatiques assortis de clauses léonines, en vue d’effectuer de grands projets pharaoniques et dont le principal intérêt est surtout d’enrichir l’organisme prêteur et la famille du politicien local.

Soit, via des ONG philanthropiques, il est possible d’effectuer des dons dont une partie finit par arriver à ceux qui en sont théoriquement destinataires. Outre le fait qu’une grande partie des sommes versées s’évapore en cours de route (le "Charity Business" est toujours très rentable pour ceux qui s’en occupent [1]), le système conforte des rapports très inégalitaires entre le 'parrain' et ses obligés. Le bénéficiaire dépend totalement du donateur, demeure dans la précarité, peut perdre toute aide du jour au lendemain, et est fortement incité à aligner son mode de vie sur celui de son mécène. Le don est alors une arme au profit des différents groupes politiques, religieux, ethniques, etc. Et beaucoup ne se privent pas d'en abuser.

La 3-ième solution est une évolution récente du concept de micro-crédit, qui a valu à Muhammad Yunus le Prix Nobel de la Paix 2006. Jusqu’à présent, les fonds utilisés n’étaient fournis que par les banques et les organismes financiers internationaux.
Il y a quelques années, PlaNet Finances avait innové en permettant aux particuliers de devenir des bailleurs de fonds pour le micro-crédit. Mais cela avait été fait en gardant les inconvénients des solutions traditionnelles. Il s’agissait toujours de dons, versés dans un pot commun, sans possibilité de choisir son destinataire, sans garanties de bonne fin et sans transparence. De plus, la société étant dirigée par Jacques Attali, dont on se souvient des agissements contreversés à la BERD, on pouvait craindre quelques dérives quand aux frais généraux du système.
Grâce à la généralisation d’Internet, le modèle pouvait être simplifié et offrir les garanties minimales de transparence que tout financeur est en droit d’attendre. C’est ce qu’ont réalisé des organismes hybrides, qu’on pourrait assimiler à des courtiers pour le compte d’associations de micro-crédit, d’abord aux Etats-Unis (Kiva), puis en France (BabyLoan, Adie).

 

Le principe est simple.
Le courtier récupère des fonds auprès de sa clientèle, est rémunéré pour ce service par des frais de souscription (1€ par tranche de 100€ chez BabyLoan), les stockent transitoirement chez ses banques partenaires (en général engagées dans le secteur coopératif), et les reversent auprès d’organismes de micro-crédit étrangers [2] sélectionnés, à intermèdes réguliers de façon à minimiser les frais de change et de transferts.
L’organisme de micro-crédit (IMF) prête à des personnes exclues du circuit bancaire traditionnel, en effectuant un travail complémentaire de soutien, de conseil et de formation. Il prête à des taux certes supérieurs à ceux des banques traditionnelles, mais très largement inférieurs à ceux des usuriers qui sévissent habituellement dans les quartiers pauvres. Les prêts sont faits à des familles ou des groupes de familles en vue de financer des activités rémunératrices. Les remboursement se font en fonction des coutumes locales (souvent de petites sommes à des fréquences rapprochées) et les bénéficiaires sont incités à épargner leurs profits supplémentaires dans des livrets d’épargne permettant d’assurer leur autonomie financière en cas de coup dur. On retrouve l’esprit des premières caisses d’épargne mutualistes mises en place en occident au 19-ième siècle. La durée du prêt varie entre 3 et 12 mois, selon l'activité financée et les capacités de remboursement du bénéficiaire.
Une fois le prêt remboursé, les fonds sont re-transférés de l’organisme de micro-crédit vers le courtier occidental et sont de nouveau disponibles pour le donateur qui peut soit les récupérer, soit les réinvestir sur un autre projet de son choix. Au contraire d’un don qui est versé à fond perdu, et ne sert qu’une fois, il y a un effet multiplicateur assez appréciable, la même somme pouvant servir à financer un grand nombre de projets.

Sur le terrain, l’intérêt est multiple. En plus de fournir à des populations déshéritées des ressources financières qu’elles ne pouvaient auparavant trouver que chez les mafieux locaux, il y a un accompagnement vers un niveau de vie supérieur, respectant la dignité de la personne et lui permettant de prendre en charge sa destinée. C’est la mise en place d’un cercle vertueux qui n’aurait pas pu démarrer sans l’impulsion financière initiale. En prêtant au niveau local sur de microprojets, collants au plus près des besoins des populations, on évite aussi les dispendieuses gabegies dont sont coutumières les grands organismes internationaux censés financer le décollage économique du Tiers-Monde.

Chez BabyLoan, les pays couverts sont actuellement le Bénin, l’Equateur, le Cambodge, les Philippines, le Tadjikistan, le Vietnam. Il est prévu de rajouter prochainement l'Afrique du Sud, le Mali, le Nicaragua, le Togo. Il est donc possible de diversifier géographiquement son risque, ou de privilégier certains pays en fonction de ses convictions personnelles (politiques ou religieuses par exemple).
Le nombre de 'babyloaniens' est d’environ 4400, ayant financé plus de 1500 projets pour un montant d'environ 420.000 €.
Dans le cas de BabyLoan, les fonds versés par l’internaute le sont sans intérêts pour éviter de majorer le taux du prêt final aux bénéficiaires, déjà élevé pour cause d’inflation locale endémique et de frais de fonctionnement importants de l'IMF [3]. Il faut donc considérer le montant des intérêts qui auraient pu être facturés comme un don solidaire, moins coûteux néanmoins que le don de la totalité du capital correspondant.
Pour l’avoir testé depuis près d’un an, je trouve le système particulièrement bien pensé, facile à utiliser et qui mérite de connaître une plus grande diffusion.
A l’approche de Noël c'est l'occasion, pour ceux qui ne connaissent pas ce site, d'aller y jeter un œil (et de sortir sa carte bancaire).

 

[1] sur les dérives du "Charity Business", lire "Donateurs, si vous saviez", cet article de Capital, ...
[2] les réglementations françaises et européennes interdisent ce genre d’activités pour des organismes non bancaires, et ceux-ci ne prêtent pas aux pauvres car c’est trop risqué et trop peu rentable.
[3] ces taux relativement élevés sont le principal argument utilisé par les adversaires du micro-crédit, qui n'ont par contre rien contre les taux usuraires de certains crédits à la consommation en occident (Cf. le reportage d'Envoyé Spécial). Il faut quand même noter que ces sommes servent en partie à créer de l'emploi sur place, et donc oeuvrent également au développement local.

 

 

Compléments:
. Les blogs : BabyLoan et NouvellesSolidarités.