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29/12/2012

Dans les Théâtres à Paris en 2012

ThéatreMa Sélection de l'Année 2012.

Dans la prolongation de ma note de l'année dernière, les spectacles vivants que j'ai vu et que je recommande (ou pas) dans les théatres privés ou publics.

Comme quoi il est facilement possible de voir des spectacles intéressants dans la foultitude de théâtres que compte Paris (et encore j'en ai raté quelques uns par faute de temps, ou à cause d'une information trop tardive).

 

Mes impressions: 

. "Les Affaires sont les Affaires" (1903) d'Octave Mirbeau par Rui Ferreira (vu le 17/5 au Théâtre du Nord-Ouest): Dans l'intimité de ces affairistes arrivistes qui depuis 2 siècles monopolisent argent et pouvoirs (financier, politique et médiatique), tout en ayant l'impudence de se prétendre démocrates et sociaux, voire socialistes. La pièce d'Octave Mirbeau reste d'une actualité confondante, tant cette apologie du fric comme mesure de toute chose, alliée à une inculture et une vulgarité revendiquées est devenue la norme de la "réussite". Le texte est particulièrement bien rendu par les interprètes, avec tout le mordant nécessaire, dans une version légèrement modifiée (quelques personnages secondaires en moins). A voir sans hésitations.

. "Aïda" (1871) de Verdi (retransmission HD-Live du MET de New-York vue le 15/12 au Gaumont Opéra): visuellement suberbe (décors et costumes époustouflants), musicalement très beau (avec un casting essentiellement est-européen), cette version du MET vaut le coup d'oeil (et d'oreille).C'est aussi toujours très intéressant de voir le travail, proprement pharaonique, effectué en coulisses lors des entractes sur la machinerie complexe entourant la scène. 

. "L'Apollon de Bellac" (1942) de Jean Giraudoux par Odile Mallet et Geneviève Brunet (vu le 26/5 au Théâtre du Nord-Ouest): charmante petite pièce à la Sacha Guitry, qui peut être comprise de diverses façons: poétique (vive l'ajout de beauté dans un monde qui en a besoin), cynique (vive la promotion canapé pour parvenir rapidement en haut de l'échelle), critique (triste monde qui préfère se focaliser sur les apparences, la beauté et le jeunisme), tragique (la vraie beauté du coeur est inaccessible). Belle performance des acteurs, sachant exprimer avec subtilité et sincérité toutes ces interprétations possibles.

. "Autopsie des Contes de Fées" (2012) de Christophe Delessart par Cyril Jarousseau (vu le 14/12 au Proscenium): 2 comédiens qui jouent 2 comédiens qui répètent une parodie de contes de fées, avant que ça commence à déraper vers la scène de ménage entre adolescent attardé et emmerdeuse arriviste. C'est plutôt pas mal, avec des bons acteurs, de bonnes idées, bien mises en scènes, des décors recherchés. Par contre, les rebondissements sont un peu confus, et les dialogues un peu trop sophistiqués pour une simple comédie, avec des références culturelles pas à la portée de tout le monde. Par ailleurs l'actrice n'a que la peau sur les os, ce qui est plutôt bien au moment de faire une espèce de danse macabre, mais se révèle un peu léger quand il s'agit d'effectuer une séance de strip-tease !.

. "Avenue Q" (vu le 3/3 à Bobino): une bonne comédie musicale créée à Broadway en 2003, prenant place dans l'univers des marionnettes de Jim Henson et très bien adaptée par Bruno Gaccio. Toutes les chansons ne sont pas du même niveau, mais les personnages sont attachants, le propos sympathique, la narration tient la route malgré l'entracte qui casse un peu le rythme. La troupe de chanteurs/marionnettistes est excellente. A voir pour ceux qui aiment les 'musicals' et "Sesame Street". Par contre, vu les propos très crus et certaines scènes explicites, c'est évidemment déconseillé aux enfants.

. "La Belle Vie" (1979) de Jean Anouilh par Jean-Philippe Daguerre (vu le 5/5 au Théâtre des Variétés): la "Ferme aux Célébrités" version 'paradis socialiste' d'Europe de l'Est. Une fable intelligente mélant les codes du théâtre de boulevard, la satire politique et une critique de la société du spectacle. Bons acteurs et belle mise en scène sachant faire participer le public dans le rôle des masses laborieuses. A (re)découvrir sans hésitation.

. "Bérengère Krief" (vue le 18/5 au Point-Virgule): drôle, dynamique, sans complexes, n'ayant pas sa langue dans sa poche et sachant occuper le terrain, une version blonde d'une Florence Foresti sur-vitaminée. Les types relous en prennent pour leur grade, mais aussi les pintades du 16-ième ou le mercantilisme autour de Natasha Kampusch. Une (seulement) petite heure dans une petite salle, qu'on espère voir se transformer un jour en spectacle plus important dans une vraie grande salle.

. "Caligula" (1944) d'Albert Camus par Jean-Luc Jeener (vu le 19/5 au Théâtre du Nord-Ouest): les derniers jours de la vie de Caligula, conduisant à s'interroger sur le Pouvoir absolu, l'absurdité de la Logique poussée à ses extrêmes, l'impossibilité de vivre en niant les valeurs qui font de l'Humanité ce qu'elle est. Un modèle de gouvernance malheureusement si souvent repris plus tard (Hitler, Staline, Amin Dada, Khadafi, Assad, ...). Belle interprétation des acteurs, très habités par leur rôle.

. "La Cantatrice Chauve" (1950) d'Eugène Ionesco par Paul Clément (vu le 21/4 à l'Alambic Comédie): excellente prestation des acteurs, maitrisant un texte pas toujours facile à dire, et sachant bien exprimer le non-dit de la pièce dans une mise en scène inventive tout en restant classique. A voir sans hésiter, qu'on ait déjà vu ou pas ce monument du théâtre de l'absurde, à la logique imparable.

. "Cantique des Cantiques" (1938) de Jean Giraudoux par Edith Garraud (vu le 22/9 au Théâtre du Nord-Ouest): La pièce est l'exact contraire de "l'Appolon de Bellac". Au discours optimiste de ce dernier (où il est possible d'influer sur sa destinée par un discours et une attitude positive), le Cantique oppose un Fatum aveugle, inéluctable et tragique, indifférent aux sentiments, aux liens tissés ensemble ou même à l'appât du gain. Bonne interprétation des acteurs, malgré la longueur des tirades centrales qui plombe un peu la dynamique de la pièce.

. "Les 5 Tentations de Jean de La Fontaine" (1938) de Jean Giraudoux par Nathalie Hamel (vu le 8/9 au Théâtre du Nord-Ouest): Les Bios scéniques des dramaturges sont à la mode en ce moment (Racine par la racine, L'importance d'être Wilde, ...). Comme toutes les pièces de ce genre, elle a les défauts de ses qualités, mais a l'avantage d'être écrite par Giraudoux, qui y a sans doute mis une bonne part de ses préoccupations d'auteur provincial monté à Paris. L'ensemble est en tout cas plaisant, instructif et bien joué. Pour un Français ayant eu une éducation classique, c'est aussi une sacrée madeleine de Proust, tant les Fables déclamées font indissociablement partie de notre mémoire identitaire.

. "La Cité du Rêve" (d'après "L'Autre Côté" d'Alfred Kubin), de et par Krystian Lupa (vu le 6/10 au Théâtre de la Ville): Le sujet est pourtant intéressant: l'évolution d'une cité utopique idéale, habitée par une sélection des meilleurs représentants de l'Humanité, vue également comme la construction d'une oeuvre théâtrale peuplée par les personnages de la pièce, et aurait pu donner quelque chose de passionnant. Mais l'adaptation de Krystian Lupa est mortellement bavarde et ennuyeuse, sa mise en scène est outrageusement statique et soporifique, les acteurs sont sans grand charisme. Un signe qui ne trompe pas, comme dans toutes les productions médiocres de ces dernières années, on y voit un acteur nu et des personnages qui fument sur scène. A éviter absolument, si on ne veut pas mourir d'ennui. Heureusement, un entracte intervient au bout de 2 heures (sur les 6h au total), ce qui permet de s'éclipser facilement...

. "Le Crépuscule des Dieux" (1876) de Richard Wagner (retransmission HD-Live du MET de New-York vue le 11/2 au Gaumont Opéra). Dernier épisode de la Tétralogie mise en scène par Robert Lepage. Tout aussi excellent que les 3 premiers. Une version qui fera date dans l'Histoire du Ring.

. "Dans l'Air du Temps" de et avec Anne BerneX (vu le 28/12 à la Comédie des Boulevards): Quadra esseulée, lionne ascendant vierge, cherche jardinier pour s'occuper d'une touffe en friche. Un sujet de société traité avec beaucoup d'humour, avec pas mal de variations dans la forme (comédie, chanson parodique, danse, ventriloquie, transformisme, ...). Une capacité à passer d'Edith Piaf à Lady Gaga, via Brigitte Bardot, Francis Cabrel ou Johnny Hallyday, toujours avec l'intonation juste. Des textes oscillant entre des jeux de mots sophistiqués et la crudité la plus totale. Un défilé vestimentaire impressionnant. Une petite salle où on est proche de la scène (et pour certains, Anne Bernex se rapproche vraiment TRES près!). En bref, un one-woman show complet, qui mérite le déplacement. Puritains s'abstenir.

. "Didier Porte fait rire les Masses" (vu le 28/4 au Dejazet): le meilleur des humoristes politiques actuels (il est vrai qu'ils ne sont pas si nombreux). Il tape toujours là où ça fait mal, avec un talent et une présence scénique jamais pris en défaut. A l'heure où le trône du Nixon français vacille, il est particulièrement en forme et c'est un vrai plaisir de le voir avant un 2-ième tour qui s'annonce libérateur.

. "Electre" (1937) de Jean Giraudoux par Odile Mallet et Geneviève Brunet (vu le 24/3 au Théâtre du Nord-Ouest): le conflit entre un désir personnel de Justice, de Vérité et de Vengeance, et la cohésion sociale du groupe impliquant Oubli, Repentir et Realpolitik, que ce soit dans les affaires privées ou publiques. Le texte de Giraudoux (excellemment servi par les acteurs) est toujours autant d'actualité. Dommage que le programme du Théâtre du N-O ne comprenne pas aussi "Les Mouches" de Sartre pour pouvoir comparer les 2.

. "Les Emmerdeurs" de Jérôme Paquatte et Jean-Marc Magnoni (vu le 27/8 à l'Alambic Comédie): Beau florilège de situations où l’Égoïsme et la mauvaise foi règnent en maître, en pourrissant la vie de l'entourage et en aggravant sérieusement le Karma de leurs responsables. C'est parfois un peu limite (la rencontre entre l'aveugle et le sourd-muet) mais pas tant que ça si on considère le profond autisme des vrais emmerdeurs. Le sujet est inépuisable et aurait pu être facilement prolongé (au boulot, dans les transports en commun, ...). Il en tout cas bien traité, bien croqué, avec des personnages attachants quoique souvent horripilants. Cerise sur le gâteau en ces temps caniculaires, la salle est climatisée, contrairement à beaucoup de théâtres parisiens dont le personnel aurait pu faire l'objet d'un des sketchs. 

. "La Folle de Chaillot" (1945) de Jean Giraudoux par Jean-Luc Jeener (vu le 6/4 au Théâtre du Nord-Ouest): comment se débarrasser d'une caste de parasites cupides, qui prolifère aux dépends de la Société, tel un cancer ? Giroudoux propose une solution radicale que ne rejetterait pas l'extrême gauche, tout en restant fidèle à sa culture gréco-romaine (Cf la mort de Crassus). Quelques belles scènes sont assurées par le chiffonnier, la Folle de Chaillot, le policier ou les affairistes. Par contre, celles avec la serveuse ou son pseudo-amoureux sont nettement plus faibles et pèsent malheureusement sur la dynamique de l'ensemble. Les comédiens sont un peu moins charismatiques que leurs collègues des autres pièces de la rétrospective (un manque de conviction du au faible nombre de spectateurs?). 

. "Gentleman Usurpateur" de et par Gérald Dahan (vu le 3/11 à La Nouvelle Eve): Nouveau spectacle en rodage, dans la lignée du précédent avec les mêmes personnages imités, mais avec un rééquilibrage quant aux têtes de turcs visées (il tape un peu plus à gauche qu'avant). ça reste toujours aussi bon, tant dans l'analyse des tics corporels et de langage, que dans la reproduction du look et de la gestuelle de ses cibles. C'est vraiment un des grands du moment.

. "L'Ile des Esclaves" (1725) de Marivaux par Karine Tabet (vu le 13/10 à la Folie Théâtre): Bonne petite pièce politico-philosophique sans doute inspirée par la tradition du "Jour des Fous", bons acteurs, petit théâtre de quartier sympa. Dommage que ça soit en partie joué comme une farce bouffonne, plutôt outrancière. Marivaux est un auteur quand même assez subtil, qui sait amener ses idées tout en finesse, sans qu'il y ait besoin de le jouer avec les excès de la Commedia dell'Arte. C'est dommage, car ça détourne un peu l'attention du propos, tout à fait dans la lignée du Figaro de Beaumarchais ou du Jacques de Diderot.

. "L'Impromptu des Philosophes" (1947) d'Albert Camus par Monique Beaufrère (vu le 10/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Courte pièce (1h) à charge contre les philosophes de salon parisiens, toujours prêts comme Tartuffe à pratiquer sophismes et syllogismes pour s'assurer le gîte et le couvert. Le style littéraire est un peu désuet, mais le propos reste d'actualité tant qu'il existera des gourous manipulateurs et des gogos naïfs prêts à les suivre les yeux fermés. La distribution des rôles est plutôt adéquate, malgré (encore) quelques petites hésitations sur le texte. Jeu et mise en scène sont néanmoins à un bon niveau, et l'ensemble est tout à fait recommandable.

. "Intermezzo" (1933) de Jean Giraudoux par Daniel Berlioux et Gregory Questel (vu le 16/6 au Théâtre du Nord-Ouest): petite pièce sans prétention, dans laquelle s'opposent le merveilleux et la fantaisie vécus par une jeune fille, au rationalisme, à la rigueur scientifique et à l'application stricte des règles administratives imposés par la Société. Telle Wendy (Peter Pan), Alice (au Pays des Merveilles) ou Dorothy (le Magicien d'Oz), Isabelle passe du monde de l'enfance à celui des adultes, tout aussi illogique, en y perdant son innocence. J'ai trouvé les acteurs particulièrement bons, exprimant bien le côté 'enchanté' de la pièce, qu'il s'agisse de la fragilité enfantine d'Isabelle à la dureté dogmatique de l'inspecteur d'académie, en passant par le sérieux dérisoire du contrôleur des poids et mesures.

. "Jacques et son Maître" (1981) de Milan Kundera d'après Diderot (vu le 7/4 à La Pépinière Théâtre): le poids de la Destinée, le Libre-Arbitre, l'égalité des hommes face à l'adversité malgré leurs conditions de naissance et de vie. Des thèmes qui n'ont pas perdu de leur acuité. A une époque où une certaine oligarchie cherche à accroître sans limites son pouvoir et ses profits au détriment des autres classes sociales, il est bon de se remettre en tête les principes fondamentaux de l'après Révolution Française (Liberté, Egalité, Fraternité). Kundera propose une relecture virtuose du texte de Diderot, excellemment mise en scène par Nicolas Briançon (qui joue également le rôle-titre). Un conte picaresque, truculent et corrosif, à déguster sans modération.

. "Judith" (1931) de Jean Giraudoux par Céline Bédéneau (vu le 7/7 au Théâtre du Nord-Ouest): quels sont les ressorts de l'héroïsme ? L'altruisme et la pureté d'âme, ou des motivations beaucoup plus alambiquées ? Jeune fille d'un banquier, riche et courtisée, cosmopolite et futile, réputée comme étant la plus belle, flattée d'être désignée comme agneau sacrificiel, émoustillée à l'idée de subjuguer un tyran sanguinaire, désirant voir Dieu en face, à l'instar des prophètes de l'Histoire juive, mais dépitée à l'idée qu'on puisse la remplacer par une simple prostituée, telle est la Judith de Giraudoux. Elle rêve d'une nuit de noce avec Holophène qui serait un sacrifice suprême, mais celle-ci se révèle être d'une affligeante banalité. Le patriotisme et la sainteté prennent parfois des chemins détournés. Excellente pièce qui permet de comprendre comment on peut être collabo un jour, et résistant le lendemain, et bonne interprétation de l'ensemble des acteurs.

. "Le Misanthrope" (1666) de Molière par Laetitia Leterrier (vu le 20/10 à la Comédie Nation): Un Misanthrope qui se veut contemporain, mais les costumes et maquillages sont assez datés. Il aurait mieux valu envisager carrément un environnement de jeunes bobos. La mise en scène est également un peu déroutante (personnages présents même quand ils sont censés ne pas être là). Et pourquoi faire pleurer Alceste et Célimène à la fin alors que leurs caractères orgueilleux ne sauraient le permettre ? Malgré tout, le jeu des acteurs est bon, et la pièce de Molière est assez intemporelle pour évoquer des échos dans notre vie de tous les jours.

. "Ondine" (1939) de Jean Giraudoux par Diane de Segonzac (vu le 7/12 au Théâtre du Nord-Ouest): 2 bonnes surprises ce soir au N-O: la salle est pleine, ce qui n'arrive pas si souvent, et les acteurs sont tous particulièrements bons (une relation de cause à effet ?). Il faut dire que la pièce s'y prète: mi-tragédie (un Romeo et Juliette inter-ethnique, dont l'amour est menacé par son absolutisme même, les différences culturelles et les discriminations associées, la rivalité des autres prétendant(e)s et l'interventionnisme des différentes familles), mi-comédie (le procès de l'ondine est particulièrement gratiné), elle offre à tous l'occasion de se distinguer. Une mention spéciale néanmoins à Clémentine Stépanoff, pivot de la pièce, qui excelle à camper une ondine naïve, touchante et effrayante dans son amour inconditionnel, très wagnérien.

. "Pierre Dac, le Parti d'en Rire" de Jacques Pessis (vu le 14/4 au Théâtre des 2 Anes): biographie loufoque et musicale, en hommage au maître de l'absurde des années 50-60. Une belle rétrospective, malheureusement trop courte (tout juste 1h15) polarisée sur les moments clés de la vie de Pierre Dac, émaillée de bons mots, de chansons parodiques, d'extraits de Signé Furax, du Schmilblick et de divers sketchs dont le célèbre Sâr Rabindranath Duval. Si c'est toujours aussi drôle, on reste un peu sur sa faim et on en aurait aimé un peu plus, quitte à utiliser la vidéo, comme pour le rappel fait en diffusant l'hymne du Parti d'En Rire.

. "Potins d'Enfer" (2000) de et par Jean-Noël Fenwick (vu le 25/5 au Théâtre du Gymnase): revisitation moderne et comique du "Huis-Clos" de Sartre. Toutes les considérations philosophiques sont passées à la trappe au profit d'un comique de situation proche du théâtre de boulevard. Mais c'est assez drôle, pas trop caricatural, bien joué, les rebondissements bien amenés, et la fin (ouverte) est plutôt futée. A l'inverse de la pièce de Sartre, la rédemption est possible, grâce à la repentance et l'ouverture sur les autres.

. "Pour Lucrèce" (1953) de Jean Giraudoux par Alain Michel (vu le 17/11 au Théâtre du Nord-Ouest): Une fois de plus, Giraudoux s'attaque à des personnages intégristes dont il dénonce le fanatisme et le jusqu'auboutisme. Dans "Pour Lucrèce", le combat puritains/libertins fait rage sur fond de guerre des sexes et d'émancipation des femmes. Quelques problèmes techniques (lumières, sono) pour cette représentation, mais les acteurs assurent et s'étripent joyeusement dans une mise en scène efficace. Un bon cru.

. "Présumé Timide" ["Les 2 Timides" (1860) + "Un Garçon de chez Véry" (1850)] de Labiche par Isabelle Desalos (vu le 1/11 au Théâtre Aktéon): Deux courtes pièces se passant à 10 ans d'intervalle, et dont le thème commun est le courage de ses actes. La première des 2 est sans doute la plus drôle et la plus inventive, et la deuxième plus classique, mais l'ensemble est plaisant et bien joué. Un bon moment passé dans un petit théâtre sympathique.

. "Racine par la racine" (2010) de et par Serge Bourhis (vu le 21/7 au Théâtre Essaion): 11 tragédies en 1h10. Pari tenu, avec en plus quelques bonus sur la méthode et les coulisses de la vie de Racine, par des comédiens au top, dans une superbe cave voutée qui participe à l'ambiance. Devrait être obligatoirement joué dans les écoles, tellement ça donne envie de (re)découvrir certaines pièces.

. "Le Roi Lear - Prologue" (inspiré de Shakespeare), par Vladimir Troitskyi (vu le 30/11 au Théâtre Monfort): Le titre est un peu trompeur, car 2 tableaux se succèdent: l'un inspiré par le premier acte (partage du royaume entre les 3 filles dans ce qui ressemble à une fête chez un gang mafieux), l'autre par l'acte final (guerre fratricide et déchéance complète de la famille). Les 2 parties sont sublimes, tant sur le plan visuel, que sur la musique et les chants du groupe DakhaBrakha. Mélant pantomime et masques énigmatiques, bimbos sexy et marionnettes humaines façon Bunraku, pole-dance et cérémonie mystique, musique suberbe et voix envoutantes, leur performance respecte l'esprit de l'oeuvre de Shakespeare tout en l'actualisant (nombreux sous-entendus à une Ukraine rurale, dépecée et meurtrie depuis la fin de l'URSS). Un foisonnement et un dynamisme à l'opposé des pensums slaves habituels.

. "Romeo et Juliette: la Version Interdite" (2009) de et par Hubert Benhamdine (vu le 24/11 au Point-Virgule): La tragédie de Shakespeare, revue et corrigée sous forme de comédie-farce. Les personnages sont là, la progression de l'intrigue est respectée, seuls la psychologie et les comportements des protagonistes sont actualisés et poussés dans leurs retranchements. ça flirte avec le mauvais goût (et y tombe parfois), mais c'est plutôt bien fait (costumes et décors compris), bien joué et assez drôle quand on a en mémoire la pièce d'origine, malgré des dialogues pas assez écrits. Une version décalée à voir pour explorer le mythe des amants de Vérone de façon nettement moins romantique.

. "Siegfried" (1928) de Jean Giraudoux par Olivier Bruaux (vu le 4/8 au Théâtre du Nord-Ouest): Belle pièce, inspirée des sagas des Niebelugen (dans la rivalité entre une Brunehilde française et une Gudrun allemande), sur la stupidité du concept d'identité "nationale", tellement d'actualité entre les 2 guerres mondiales avant d'être remis au (dé)goût du jour par qui on sait, traitant des relations entre inné et acquis, nature et Culture, raison et sentiments. Bonne prestation d'ensemble des 6 acteurs, plutôt biens dans leurs rôles. Par contre, dommage que le hall du théâtre ait été envahi par leurs collègues, venus fêter je ne sais quoi, certains étant vautrés sur les sièges à (en)fumer sans vergogne le public présent. Apparemment certains jeunes acteurs (ceux de Roméo & Juliette ?) se prennent très au sérieux, et ont un Ego plus démesuré que leur talent sur scène ou le respect de ceux qui les financent.

. "Si je t'attrape, je te mort !" de et par Olivier Maille (vu le 1/9 aux Blancs Manteaux): Le pitch est intéressant: une Mort maladroite qui enchaine les bévues, chez un couple en crise qui ne la reconnait pas comme telle. Mais si les scènes avec LA Mort sont particulièrement bien écrites, avec un festival de bons (jeux de) mots, les scènes de ménages sont par contre un peu trop manichéennes et manquent de vécu. Heureusement, les comédiens ont assez d'abattage et de sens de l'improvisation pour mettre l'ambiance, jouant avec le public ou rattrapant les imprévus du jour. Globalement, on rit beaucoup, ce qui est quand même le but recherché.

- "Simplement Compliqué" (1986) de Thomas Bernhard par Claus Peymann (vu le 21/1 au Théâtre de la Ville): le crépuscule d'un vieil acteur abandonné de (presque) tous, qui ressasse ses rancoeurs pendant une longue journée. Une belle prestation d'acteur, dans une pièce aride,  glauque, dépressive, répétitive. Un bel exercice de style, mais à ne pas voir un jour de déprime.

. "Sodome et Gomorrhe" (1943) de Jean Giraudoux par Vincent Gauthier (vu le 22/12 au Théâtre du Nord-Ouest): La fin suicidaire de l'Humanité vue par le petit bout de la lorgnette, et résumée à quelques scènes de ménage et un appartheid homme/femme. Un Giraudoux décevant, malgré l'implication des comédiens. Des efforts du côté des décors, mais une sono trop forte empêchant parfois la bonne compréhension des dialogues. Dommage.

. "Les Souvenirs d'un Pauvre Diable" (1895) d'Octave Mirbeau adapté par Anne Revel-Bertrand (vu le 8/12 au Théâtre du Marais): Souvenirs truculents d'une enfance petite-bourgeoise dans une famille provinciale de la fin du 19-ième siècle, dans la lignée de Gide, J.Vallès et tant d'autres. Où le 'héros', petit génie contrarié, curieux et sensible, sympathique mais naïf, subit les pires avanies de ses proches peu gâtés par la Nature, et les restitue avec humour et candeur, dans un comique né du désespoir. Le monologue originel a été transformé en une partition à 2 voix, brillament interprêté par les 2 comédiens qui se répartissent les répliques dans un échange endiablé. Mérite d'être vu dans ce petit théâtre à l'agencement bien pensé. 

. "Testament" (2010, d'après "Le Roi Lear" de Shakespeare) de et par She She Pop (vu le 1/12 au Théâtre de la Ville): Un théâtre expérimental, issu de la contre-culture allemande, revendiquant une absence d'auteur, d'acteurs et de metteur en scène. "Testament" explore le thème de l'héritage, de la transmission du pouvoir et des richesses, des relations entre générations et éclaire de façon décalée certaines problématiques économiques et sociales à partir de l'exemple du "Roi Lear". Il y a des moments émouvants ou drôles, une vraie compréhension des problèmes liés à la vieillesse et au contrat social inter-générationnel, ainsi que des interactions entre les protagonistes, une mise en lumière intéressante de la pièce de Shakespeare. Au final, une belle performance, mais le résultat global est assez mitigé, car trop brouillon. Il montre en tout cas que pour faire une bonne pièce, il faut toujours un bon metteur en scène...

. "Ubu Enchainé" (1899) d'Alfred Jarry par Dan Jemmett, avec Eric Cantona (vu le 31/3 à l'Athénée Louis-Jouvet): superbe texte toujours très moderne et bien rendu par les acteurs. Les salopards prêts à tout pour s'arroger un pouvoir absolu, et transformer les hommes libres en esclaves sont malheureusement intemporels (toute ressemblance avec un actuel président de la république inculte et vulgaire n'est pas vraiment une coïncidence). Par contre la mise en scène est assez déroutante, et pas vraiment adaptée au sujet. Dommage! Ubu méritait mieux.

- "Victor ou les Enfants au Pouvoir" (1929) de Roger Vitrac par Emmanuel Demarcy-Mota (vu le 17/3 au Théâtre de la Ville): une belle pièce, assez prophétique du règne de l'Enfant-Roi, égoiste et méchant, sans trop de scories dues à son âge. Une belle brochette d'acteurs. On regrettera seulement quelques éléments assez stupides dans la mise en scène (les arbres qui pendent au plafond, ...) destinés sans doute à faire plus 'surréaliste'.

. "Volpone ou le Renard" (1606) de Ben Jonson par et avec Nicolas Briançon (vu le 29/9 au Théâtre de la Madeleine): Richesse et Pouvoir, tel est le fumet exhalé par le fromage que tentent de se dérober les cupides personnages de cette fable, toujours autant d'actualité. Personne n'échappe à ce jeu de massacre, y compris les innocents, emportés par la tourmente et condamnés par une justice aveugle. La pièce de Ben Jonson est aussi intemporelle que celles de ses contemporains Shakespeare ou Philip Marlowe. Sur scène, la troupe de Nicolas Briançon est toujours aussi bonne et Volpone est un des spectacles indispensables de cette fin d'année.

. "When the Mountain changed its clothing" de Heiner Goebbels, par Carmina Slovenica (vu le 27/10 au Théâtre de la Ville): Au début, mises à part les superbes voix du Carmina Slovenica, on a l'impression d'assister à une banale fête de fin d'année dans un collège de banlieue, avec une chorégraphie aussi médiocre (manipulation de chaises par des gamines en survêtement, qu'on imagine dans un gymnase) que les textes utilisés (Robbe-Grillet, ...). Heureusement, à l'occasion d'un changement de décor (avec de très belles toiles de Ferenc Pataki, Henri Rousseau, puis Ivan Generalic), la mise en scène devient intéressante et la mayonnaise finit par prendre avec notamment des textes de Rousseau et Gertrude Stein. Finalement, si on fait abstraction de la première moitié, on obtient quelque chose d'assez superbe et poétique, quoique sans véritable lien entre les différents tableaux. Comme pour "I Went to the House, But Did not Enter", le travail d'Heiner Goebbels est à moitié baclé, ce qui est désespérant quand on imagine ce que ça aurait pu donner avec un même niveau de qualité.

. "Y a comme un X" de et avec David Sauvage (vu le 13/7 au Théâtre Clavel): Trans en transition, familles éclatées et recomposées, vie en colocation, crises identitaires et psychanaliste pas contrariant passent à la moulinette pour donner cette comédie de genre(s) plutôt bien fichue sur un sujet pas souvent traité. Malgré de petites baisses de rythme à certains moments, il y a quand même de bons ressorts comiques, une mécanique bien huilée, pas mal de rebondissements, quelques dialogues virtuoses, des répliques cultes tirées de films célèbres, et des clins d'oeils improvisés à l'actualité récente. Le tout dans un petit théâtre bien agencé, avec une excellente visibilité, et de bons acteurs, dont le sexy auteur de la pièce. A découvrir, et plus si affinités.

 

Cerise sur le gâteau, tous ces spectacles sont (ou étaient) accessibles à des tarifs très raisonnables en passant par les agences de location spécialisées, tels que Ticketac ou BilletReduc.

Commentaires

Bonjour,

Je tenais juste à vous informer que "Les souvenirs d'un pauvre diable" d'Octave Mirbeau se joue depuis le 23 octobre et ce jusqu'au 22 décembre

Bien à vous

Écrit par : Mercier Florence | 04/12/2012

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