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05/08/2005

Le Destin

Ombres et Lumières à la veille de la Renaissance occidentale

« La pensée a des ailes, nul ne peut arrêter son envol ».

En ces temps d’intolérance patriotique et religieuse, il est parfois bon de revenir sur notre passé.
C’est ce que fait dans certains de ses films Youssef Chahine, cinéaste égyptien francophone, né dans le creuset cosmopolite qu’est Alexandrie, et parfois interdit par les censures islamistes ou gouvernementales.

Dans "Le Destin" (1997), il reconstitue une tranche de vie du philosophe, juge et médecin Averroès (1126-1198), un des plus grands penseurs du 12-ième siècle, commentateur de l’œuvre d’Aristote, sage, érudit, généreux, bon vivant.
Formaté comme une comédie musicale de style 'Bollywood', le film profite des intermèdes dansés et chantés pour souligner ce côté chaleureux et humain du personnage.

L’action se passe en Andalousie, riche province de l’empire almohade (où cohabitent paisiblement musulmans, juifs, chrétiens, gitans), à une époque où les royaumes catholiques nord-européens vivent dans la crasse, l’ignorance et la misère.
Une période où les bûchers se multiplient pour éliminer les ‘hérétiques’ coupables d’avoir professé des idées contraires aux dogmes du Vatican.

C’est un film grave, où obscurantistes de tout poil (Inquisition ou groupes islamistes) font tout pour subvertir les consciences, et pour éliminer toute opposition rationnelle via les mouvements de foules et les autodafés.
C’est l’occasion de montrer comment un jeune homme moralement faible et désœuvré, vivant sans perspectives d’avenir, peut se faire endoctriner par des intégristes prêts à tout pour prendre le pouvoir.

Dans ce contexte, Averroès, tel Gandhi ou Martin Luther King, prône l’amour du prochain, la tolérance et le partage, seules solutions pour une coexistence pacifique et mutuellement enrichissante.
Pour lui, philosophe des lumières avant la lettre, la connaissance universelle, la science, les arts sont un remède à la haine, le rigorisme, le fanatisme, l’obscurantisme.
Il refuse le fatalisme, et enseigne que chacun peut être maître de sa destinée, en forgeant son caractère et sa morale aux feux de la connaissance.

En bref, un film moderne, entraînant, réaliste, militant, qui bien que n’étant pas non plus une parfaite reconstitution historique, est assez loin des clichés véhiculés dans le "Kingdom of Heaven" de Ridley Scott (ah! ces arabes qui apprennent des occidentaux comment creuser un puit, ça m‘a fait beaucoup rire).

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25/07/2005

The Element of Crime

Quelque chose de pourri au royaume du Danemark (Hamlet, I,4) ?

Lars von Trier a toujours travaillé selon des cycles.
Il y a eu ses mélos larmoyants ("Breaking the Waves","Dancer in the Dark"), ses films 'dogmatiques' ("Les Idiots", ...), ses mises en scène théâtrales ("Dogville","Manderlay"), ses feuilletons télévisuels ("The Kingdom", ...), et même un film porno ("Pink Prison") !

Sa période la plus intéressante se situe à mon avis au début de sa carrière.
Il commet alors 3 petits chefs d'oeuvre qui sondent les bas-fonds de l'esprit humain ("The Element of Crime","Epidemic" et "Europa").
Le premier, malheureusement peu connu, mérite qu'on s'y intéresse.

L'histoire:
En Egypte, dans un environnement sec et étouffant de chaleur, un homme, probablement schizophrène, se fait hypnotiser par un médecin pour se débarrasser des cauchemars qui l'assaillent continuellement.
Ensuite retour-arrière au Danemark, où l'homme, inspecteur de police, enquête sur un serial killer qui assassine sauvagement des petites vendeuses de billets de loterie (référence à la petite vendeuse d'allumettes d'Andersen ?).
Il vient de reprendre le dossier, précédemment traité par son supérieur hiérarchique, criminologue réputé, mais celui-ci a mystérieusement disparu.
Les indices étant minces, il va donc essayer de refaire le parcours du tueur en essayant de se mettre à sa place, en vivant et en pensant comme lui, selon les méthodes définies et mises en pratique par son chef.
Mais peut-on sans risques plonger dans les tréfonds d'un esprit humain psychotique ?

Tout le film baigne dans une ambiance glauque, humide et poisseuse.
Les changements climatiques (augmentation des températures et fonte des glaces) ayant entrainé une montée des eaux, tous les habitants vivent dans un environnement moisi, particulièrement bien rendu à l'écran grâce au travail sur les couleurs.
Dans "The Cell" de Tarsem Singh, l'esprit du serial killer était particulièrement esthétisant, léché, avec un aspect sado-maso marqué (un style très 'cuir et soie').
Rien de tout celà dans "The Element of Crime", au contraire !
Les paysages, reflets du mental du meurtrier, sont plus proches de l'ambiance développée dans "Se7en" de David Finsher (sans les effets gores à répétition) et sont destinés à instiller le malaise chez le spectateur.
Mis à part l'odeur, on ressent parfaitement cette sensation de pourriture qui gangrène cette société déchue.

La révélation finale est au moins aussi forte que celles de "Se7en" ou de "La Secte sans Nom" (de Jaume Balaguero).
Ici pas de happy-end hollywoodien.
Seulement l'espoir de tout oublier grâce à l'hypnose.
Mais est-il possible d'échapper à ses mauvais rêves, surtout quand ceux-ci sont des souvenirs réels ?

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Grand Prix Technique de la Commission Supérieure Technique au Festival de Cannes 1984

> Fiche Cinéfil

17/07/2005

Carnets de Voyage

¡Hasta la victoria siempre!

Quoi qu'en disent certains, ce film n'est pas un simple récit de voyage avec de beaux paysages et des indigènes charmants, sponsorisé par les offices du tourisme locaux.

Certes, il donne envie de partir, et de mieux connaître et comprendre la réalité de l'Amérique Latine.
Mais il n'est pas anodin que les 2 voyageurs soient Ernesto Guevara et Alberto Granado.
C'est d'abord et avant tout un récit initiatique.
Celui d'un jeune bourgeois argentin, étudiant en médecine, non politisé, qui pour se changer les idées et rejoindre sa belle au Venezuela décide de jouer les routards et de faire le chemin sur une veille moto rafistolée, avec un copain d'un milieu plus populaire mais aussi superficiel que lui.

Le problème est qu'en chemin, ils vont être amenés à faire tout un tas de rencontres qui vont changer leur vie à jamais.
Celles de paysans exploités par de grands propriétaires terriens, de mineurs traités comme des esclaves, d'indiens traités comme des sous-hommes, de lépreux relégués à une non-existence en marge de la société.
En subissant comme eux la faim, le froid, le racisme, le mépris des classes dirigeantes, ils vont prendre conscience de la futilité de leur vie antérieure (l'insouciance, la bohème, la drague facile, ...) et s'engager dans ce qui sera le combat de leur vie...

Ceux qui n'ont pas compris pourquoi un petit étudiant en médecine sans histoires est finalement devenu 'el Commandante Che Guevara', nouveau Don Quichotte juste et intègre, trouveront ici matière à réflexion, même s'ils ne partagent pas les idées politiques que finira par épouser Guevara.

Le tout est filmé de façon très simple, sans pathos, sans effets spéciaux inutiles, avec des acteurs parfaits dans leurs rôles.
En résumé: un grand film pour mieux comprendre la genèse d'un grand homme qui est allé jusqu'au bout de son idéal.
A voir absolument.

PS: Bon, si vous êtes un lepéniste convaincu, et que vous croyez que l'homme DOIT être un loup pour l'homme, ce n'est peut-être pas la peine d'y aller !
Dans ce cas, regardez plutôt "Hitler, la naissance du mal", qui montre comment un autre jeune homme, obscur peintre raté, bascule du côté obscur en laissant sa haine et son cynisme prendre le pas sur lui.
C'est tout aussi instructif !

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