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30/06/2010

La Voie du Tao, un autre Chemin de l'Etre

La Voie du TaoL'Evanescence comme Immortalité.

Belle expo de printemps au Grand Palais.
Comme elle finit le 5 juillet, les retardataires ont intérêt à se dépêcher.

Bizarrement, bien que le thème n'ait jamais été traité en tant que tel à Paris, il y a assez peu de monde, et on peut donc tout voir facilement sans se marcher sur les pieds.

Les pièces présentées viennent principalement du Musée Guimet (beaucoup d'objets 'récoltés' au début du 20-ième siècle dans les environs de Dunhuang), de la Bibliothèque Nationale (manuscrits taoïstes), du Musée National de Taïpei, du Cleveland Museum of Art (Ohio) et du Victoria & Albert Museum de Londres.

L'expo est organisée autour de 5 grands aspects du taoïsme dans la culture chinoise :

  • la cosmogonie, la cosmologie et l'astrologie chinoise.
  • la légende de Lao-Tseu (Laozi) et les écrits du canon taoïste.
  • la mythologie créée autour du Tao (Xiwangmu, les 8 Immortels, les divers dieux et démons, ...)
  • les influences sur les Arts et le mode de vie (peintures, sculptures, jades, médecine, gymnastique, ...)
  • les rites et liturgies conçus pour glorifier le Tao.

Le seul regret de cette exposition est l'accentuation très importante mise sur le Tao en tant que religion collective institutionnalisée, analogue au confucianisme et au bouddhisme. On y fait complètement l'impasse sur les aspects individualistes, ésotériques, mystiques et anarchistes du taoïsme, semblables à ce qu'on peut trouver chez les alchimistes européens.

Mais le regroupement en un seul lieu de tous ces objets (certains d'une beauté et d'une fraicheur extra-ordinaires pour leur âge !) permet des comparaisons intéressantes avec les conceptions bouddhistes.

Je suis assez frappé par les ressemblances existantes entre le mythe de Xiwangmu et celui de Guanyin (leur androgynie, Ile Penglai des Immortels / Mont Putuo, Mont Kunlun / Terre Pure de l'Ouest, le Roi-Singe Sun Wugong, ...). Qui a copié l'autre ? Les deux s'inspirent-ils d'une tradition plus ancienne, issue du culte des déesses-mères ?

Un des objets, présenté comme taoïste m'a paru plutôt typique de la statuaire bouddhiste. Le personnage, assis sur une fleur de Lotus, doté de '1000 bras', tenait les habituels moyens habiles, dont un vajra. Il semblait donc s'agir d'une représentation classique du bodhisattva Avalokitésvara, courante le long de la Route de la Soie. Il était pourtant étiqueté comme représentation taoïste (!?). Il faudra que je creuse le sujet... [*]

Laozi & Tao

Cette expo, organisée par des français (Musée Guimet, Macif) ne semble pas devoir être exportée dans d'autres lieux. Après le retour des objets exposés dans leur musée d'origine, on pourra donc avantageusement aller se replonger dans les collections permanentes du Musée Guimet (gratuit pour les jeunes, quasi-gratuit si on visite l'exposition temporaire).

Compléments :
> Le mini-site de l'Expo (RMN).
> Les infos pratiques sur le site de la Réunion des Musée Nationaux.
> Le dossier pédagogique.
> L'expo sur le web: Artscape, L'Intermède, ArtistikRezo, ActualitéDesArtsFranceInfo.
> Sur les blogs: CaféGéoCeci, BigMammy, ElogeDeL'Art, L'OeilDuChat
> A lire: "Le Taoïsme, la Révélation continue" par Vincent Goossaert et Caroline Gyss (Découvertes Gallimard n°558).
> A lire: le Tao Te King de Lao-Tseu.
> A lire: "Le Singe Pélerin" (version courte du "Voyage en Occident". 
> A voir: La Voie du Tao, documentaire de Yves de Peretti (Arte Video).
> A (re)voir: Tigre & Dragon (2000) de Ang Lee.

 

[*]: Après quelques recherches, il s'avère que cette statuette représentait Doumu, la mère du Boisseau (la constellation de la Grande Ourse). La porcelaine (blanc de chine de Dehua, à décor incisé) date du XVII-ième siècle (dynastie Qing).
Doumu est la mère des 7 étoiles de la Grande Ourse, est également assimilée à la Lune, dérive d'une Deva du bouddhisme appelée Marîci (déesse de la naissance et de la fécondité). Elle est arrivée en Chine sous les Tang, possède 18 bras, une tiare, un troisième oeil.
Elle est encore vénérée au temple taoïste des Nuages Blancs de Pékin, où une salle lui est dédiée. 
Comme Avalokitésvara/Guanyin, elle est donc le mélange des traditions indo-bouddhistes et des déesses locales liées aux cultes de la fécondité.

 

23/05/2009

Bonté Divine!, de Louis-Michel Colla et Frédéric Lenoir

Bonté DivineNourritures Spirituelles et Crise de Foi.

 

Un curé, un rabbin, un imam et un moine bouddhiste sont dans un bateau. Dieu tombe à l’eau. Qu’est ce qui reste ? Tel est en gros le thème de cette pièce, mélange de comédie et de réflexion philosophique, écrite par Louis-Michel Colla et Frédéric Lenoir, et menée de main de maître par Roland Giraud.

 

En posant les questions qui fâchent, la première partie permet de resituer le débat et d’évacuer les controverses sur lesquels se focalisent malheureusement les intégristes et les médias. Très consensuelle, chacun peut se voir conforter dans ses opinions sans se sentir obligé de critiquer celles de son voisin.

 

Heureusement, la deuxième partie vient mettre un peu de piquant dans l’ensemble. En multipliant les petites vacheries, les aphorismes, les histoires ‘drôles’, chacun souligne en se moquant des particularismes idiots de chacun de ses confrères ou de ses propres coreligionnaires (protestants, autres traditions bouddhistes, …). Néanmoins, la critique est équilibrée, soulignant surtout la prétention à l’universalité, la place inférieure des femmes, le dogmatisme des règles. Malgré tout, la cohérence globale des 3 religions du Livre n’en est que plus évidente, malgré leurs petites différences dues aux causes politiques ou aux vicissitudes de l’Histoire. Il est par contre dommage que le rôle du moine Theravada soit plus fade que celui des 3 autres. Malgré quelques aphorismes bien envoyés [*], il est trop souvent passif face aux autres, l’essentiel de la doctrine, à l’exception des "4 Nobles Vérités", étant le plus souvent exprimé par un des autres protagonistes. D’où quelques approximations un peu trop expéditives.

 

La crise existentielle du prêtre permet toutefois de remettre l’Homme à sa place. Quelques soient les règles professées, il y a souvent un abîme entre la théorie et la pratique. Combien de religieux seraient prêts à mettre en jeu leur vie, qu’il prétendent pourtant éternelle, pour prouver la réalité de leurs dires ? Les personnages de la pièce sont surtout formatés par leurs dogmes, plus que par leurs principes moraux. Mesquinerie, calculs, égoïsme, lâcheté, sont plus sûrement répandus que l’altruisme, la générosité et la compassion. Heureusement le twist final permet à chacun de retrouver le droit chemin.

 

L’épilogue est finalement très sympathique : l’amour et l’amitié valent mieux que les différents idéologiques et les querelles religieuses. Une profession de foi œcuménique, apparemment partagée par le public, qu’on aimerait plus souvent retrouver en dehors des salles de spectacles.

 

[*] Notamment le très beau : « Le plaisir est le bonheur des fous, le bonheur est le plaisir des Sages » dont l'auteur est en fait Barbey d'Aurevilly (tout vrai bouddhiste sait que le 'bonheur' est une notion aussi égoïste, fugace et illusoire que le 'plaisir').

 

Note: 7/10

 

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théâtre de la Gaité-Montparnasse et de Frédéric Lenoir.
> Les analyses et critiques de Les3Coups, CritikArtPremièreLeParisien, LaCroixLaVoixDu14ième, Critikator, BlissInTheCity, Antipode.

09/05/2009

Maria-Magdalena (Wayn Wash III) de Wayn Traub

Maria-Magdalena (Zhibo Zhao)Rituels et Déca-Danse. 

 

Wayn Wash III:  3-ième partie du cycle comprenant "Maria Dolores" (2002) et "Jean-Baptiste" (2004), mais théoriquement indépendante du récent "NQZC" (2006).

A se fier au livret et au dossier de presse, c'est de la Danse [1], ça parle de Jean-Baptiste (annonciateur du Messie) et de Marie-Madeleine (disciple de Jésus, sinon plus), Wayn Traub serait affublé d'un masque d'oiseau (alors qu'il est seulement maquillé) et serait le chef d'orchestre d'un opéra initiatique.

Sur scène, on voit plutôt un démiurge proche de Faust, évoquant le retour de démons et de femmes castratrices (Salomé, ...), une danse des 7 voiles effectuée par des nonnes asiatiques [2], une société en déclin gangrenée par le consumérisme et la prostitution, des tentatives de retour à la mer/mère (suicide océanique, immersion dans une grotte préhistorique, réincarnation d'un soldat mort).
On y parle de sacrifices rituels, de manipulations médiatiques, de la peur comme fondement du système religieux et social, des différences entre les 2 hémisphères du cerveau, de l'opposition entre un 'Moi' surdéveloppé et un 'Nous' occulté, de l'abandon du sentiment religieux et de ses lieux d'exercice (cimetière abandonné, abbaye à vendre), de l'adoration du Vice au détriment de la Vertu, de l'approche de la Fin du Monde et de l'absence de réponses apportées par les religions officielles, du rôle de l'Art dans le devoir de Mémoire.
L'ensemble est rythmé par une dizaine d'enregistrements vidéo d'origines diverses, censés apporter un point de vue différent à la démonstration (sic).

 

Maria-Magdalena (Wayn Traub)Wayn Traub assure les transitions, oscillant malheureusement entre un sérieux prophétique et un second degré goguenard.
Le spectacle ne semble pas encore très figé, puisque dans certains pays on ne voit/verra pas exactement la même chose (Cf. à Glasgow où on parle aussi d'un archéologue cherchant une statue de Salomé, d'un exorciste colombien et d'un chanteur aveugle dans un couvent, le tout sur 3 écrans).
En bref, la Performance ne semble pas complètement finalisée, et ne peut que dérouter ceux qui ne connaissent pas déjà l'oeuvre protéiforme de Wayn Traub. Il aurait été préférable de ne la présenter que dans quelques années après avoir réussi à en faire un montage un peu plus digeste. Dans l'état actuel, on est loin des chefs d'oeuvre absolus que sont "Maria Dolores" et "NQZC".

Les différents participants sont par contre toujours d'un excellent niveau, que ce soit la troupe belge, les invités de prestige (Simonne Moesen, Omar Porras, Gabriel Rios, ...) ou l'ensemble des acteurs et danseuses chinois.
Un sans faute également pour la partition de Jaan Hellkvist, particulièrement envoutante et bien adaptée au contexte.

 

Note: 6/10

 

[1]: Ceux qui ont l'habitude de voir du Wayn Traub savent pourtant que ses productions sont toujours empreintes d'un mélange complexe de TOUS les arts scéniques et multimédias. A croire que les programmateurs ne sont pas capable d'envisager autre chose que le Théâtre OU la Danse OU la Musique. L'Opéra de Pékin, ça se classe dans quelle catégorie ?
[2]: Référence au "Couvent de la Bête Sacrée" et à tout un cinéma d'exploitation érotico-religieux ?

 

Compléments :
> Le spectacle sur le site du Théatre de la Ville et de la ToneelHuis.
> Le site de Wayn Traub.
> Les analyses et critiques de LaLibreBeDeMorgen, EveneResMusica, Telerama, Froggys, CokoladickaBienCulturel.

31/05/2008

La Divinité de l'Homme

Brahma

Une vieille légende hindoue raconte qu'il y fut un temps où tous les hommes étaient des dieux.
Comme ils abusèrent de ce pouvoir, Brahma, le maître des dieux, décida de le leur retirer et de le cacher dans un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Oui, mais où ?
Brahma convoqua en conseil les dieux mineurs pour résoudre ce problème.
- Enterrons la divinité de l'homme, proposèrent-ils.
Mais Brahma répondit :
- Cela ne suffit pas, car l'homme creusera et trouvera.
Les Dieux répliquèrent :
- Dans ce cas, cachons-la tout au fond des océans.
Mais Brahma répondit :
- Non, car tôt ou tard l'homme explorera les profondeurs de l'océan. Il finira par la trouver et la remontera à la surface.
Alors, les dieux dirent :
- Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou sous la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour.
Mais Brahma répondit :
- Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.
Et depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme explore, escalade, plonge et creuse, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui.

Cité dans "Fous de l'Inde : Délires d'Occidentaux et sentiment océanique" de Régis Airault (Editions Payot 2000).

02/03/2008

Inde des Dieux et des Hommes, de Dominique Rabotteau et Frédéric Soltan

Inde des Dieux et des Hommes6 Pas dans l'Eternité.

En prélude à mon prochain voyage en Inde, un petit coup de projecteur sur une des meilleures séries documentaire jamais sortie sur cette nation.
Consacrée à 6 des plus importants groupes religieux du pays, elle s’attache à en faire connaître les us et coutumes, leurs buts et leurs modes de vie. Chacun des reportages prend place à l’occasion d’une des grandes fêtes de la communauté (certaines n’ont lieu que tous les 12 ans), et se focalise sur quelques personnages représentatifs en les filmant au plus près, sans voyeurisme mais sans complaisance.
Si les commentaires sont peu nombreux, et restent parfois un peu trop descriptifs, ils n’oublient pas de signaler certains faits dérangeants sur l’influence politique de tel ou tel groupe, leurs abus du haschisch, ou les aspects socio-économiques tels que la condition des femmes ou le rapport à l’Argent.

On peux ainsi mieux faire connaissance avec les sâdhus à l’occasion de la "Kumbhamelâ" de Haridwar (sources du Gange), avec les sculpteurs de Calcutta à l’occasion de la fête de Durga, avec les 'acteurs' de Teyyam du Kerala, avec les milices religieuses des Sikhs du Penjab, avec les confréries fakirs (soufis) de Rajasthan à l’occasion de la fête de l’Urs à Ajmer, avec les nonnes jaïns de Shravanabelagola au moment de la Grande Onction.
On regrettera seulement qu’il n’ait pas quelques reportages supplémentaires sur des groupes moins importants numériquement (bouddhistes du Ladakh, chrétiens tamouls ou Bâuls du Bengale par exemple).

En à peu près 6 heures, on apprend énormément de choses, qu’on soit un parfait néophyte en la matière, ou qu’on soit déjà familier avec la mosaïque indienne.
Des témoignages inoubliables et une réussite exemplaire.

Note: 9/10

> Biographie et Interview des auteurs.
> Le site de SanghaProductions.
> Les critiques de DvdCritiques.

Extraits: