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24/03/2007

300 de Zack Snyder

300Une Sparte US contre le reste du Monde.

A première vue, "300" est un péplum de plus, avec un fond historique plus ou moins respecté, des culturistes aux muscles saillants, des batailles spectaculaires avec beaucoup de morts et de sang versé. Le genre n’est pas nouveau, mais les techniques se sont améliorées ces dernières années, notamment depuis "La Bataille des Thermopyles", nanard sorti en 1962.
"300" est assez impressionnant visuellement et le mode de vie spartiate est globalement respecté. Le film est du niveau d’"Apocalypto" de Mel Gibson, ni vraiment excellent, ni particulièrement mauvais. On est en tout cas un cran au dessus des navets historiques récents ("Troie", "Kingdom of Heaven", "Alexandre") qui réécrivaient l’Histoire de façon assez bizarre. Mais vu la minceur du scénario et de la psychologie des personnages, le challenge n’était pas trop difficile.

Xerxès (300)Là où le bât blesse, c’est dans la multitude de petits détails qui s’infiltrent insidieusement dans le décor.
Que Sparte ait été une nation guerrière pratiquant l’eugénisme à grande échelle, certes. Mais était-il nécessaire de faire d’Éphialtès un spartiate difforme qui trahit son pays ? Pourquoi autant d’handicapés, d’homosexuels/lesbiennes à la cour de Xerxès, dépeint lui-même comme un éphèbe efféminé sur un char de Gay-Pride ? On notera également les athéniens traités avec mépris (car ‘ils préfèrent les garçons’), l’émissaire perse d’origine africaine, les visages hideux des ‘immortels’, le rôle des autres grecs fortement minimisé.
Une pseudo-démocratie obsédée par la pureté génétique d’un côté, un empire pluri-ethnique et multi-culturel systématiquement présenté comme dégénéré de l’autre. Qui sont les ‘bons’, qui sont les vrais ‘méchants’ ?

Bref, c’est assez beau esthétiquement, mais à prendre avec de nombreuses réserves. Le scénario est malheureusement une copie conforme (à part les développements avec la reine de Sparte) de la la BD de Franck Miller, qui vient d'être également rééditée, et qui contient les mêmes éléments fascistes, xénophobes et homophobes. C'est assez décevant de la part de l'auteur de "Sin City" et de "Liberty / Martha Washington". Mais il semble que Miller soutienne dorénavant sans limites les néo-conservateurs américains et leur croisade contre tous ceux qui ne leur ressemblent pas. Ce qui explique que cette 'busherie' ait été portée à l'écran. Faut-il leur rappeler que Sparte, épuisée par les guerres continuelles, a fini par disparaître des nations qui comptaient (après une alliance avec la Perse!), et que c'est finalement Athènes, vrai modèle de démocratie, qui finit par devenir la référence de l'ensemble du monde grec classique ?

Note : 6/10

Compléments :
> Le site du film.
> Le dossier de "Peplum".
> Les critiques de "CommeAuCinema", "DvdCritiques", "iMedias (1)", "iMedias (2)", "Fluctuat", "FilmDeCulte", "Excessif (pour)", "Excessif (contre)", "Critikat", "AVoirALire", "KrinEin".
> Sur les Blogs: "Blogywoodland", "LeBalDesVauriens".

19/08/2006

Ikkyu (6 vol.)

Esprit Zen, Esprit Neuf.

Le Zen est souvent mal compris des occidentaux. Devenu un adjectif du langage courant, il est en général considéré comme un synonyme de 'décontracté', 'cool', 'relax', 'sans soucis', 'détaché du monde', 'je m’en foutiste'. C’est évidemment un contresens complet par rapport à la réalité d’une doctrine ayant de hautes exigences morales et intellectuelles.

Passons rapidement sur les aspects historiques, sa filiation avec le 'Chan' chinois, ses différentes écoles de pensée ('Soto' et 'Rinzaï'), ses relations ambiguës avec les samouraïs japonais, il y aurait beaucoup trop à dire en quelques lignes. Il est surtout connu en Occident pour avoir été aux origines d’une certaine contre-culture américaine (Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Léonard Cohen, …) et donner lieu à des 'koans' très hermétiques pour notre pensée (trop) cartésienne.
Comme tout bouddhisme, le Zen est d’abord une pratique éthique et morale: rester serein face à la maladie, la vieillesse et la mort, adopter le bon comportement face à l’injustice, l’indigence et l’obscurantisme. Le Zen n’est pas là pour juger, pour dire ce qui est 'bien' ou 'mal', mais vise à une prise de conscience directe, intuitive et immédiate de notre nature profonde de façon à vivre pleinement 'ici et maintenant'.

Le meilleur moyen pour approcher le Zen est alors de s’intéresser à la vie de quelques grands maîtres, et à leur façon d’avoir résolu les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Ikkyû (1394 - 1481) fut l’un des plus iconoclastes, remettant en cause les pratiques 'officielles' au profit d’une recherche plus personnelle et plus désintéressée. Dans ce contexte, la BD est un support idéal. En éliminant le discours superflu au profit du dessin, et en ne gardant de l’image que les traits essentiels, elle permet au message de se frayer un passage plus facile au fond de notre cerveau. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les mandalas sont de bons supports de méditation, le 'Satori' étant par nature une expérience au-delà des mots.
Les 6 volumes que lui consacre Hisashi Sakaguchi retranscrivent très bien ce qu’a pu être la vie d’Ikkyû. Aucun aspect n’en est occulté, que ce soient ses débuts de jeune moinillon, bâtard de l’empereur Gokomatsu, son parcours intellectuel et religieux, ses relations avec les femmes et l’alcool, son attitude face aux nombreux aléas de l’époque (guerres, famines, épidémies, …).
Au final, un comportement qu’on peut rapprocher de certaines figures du bouddhisme tantrique himalayen ou des saints à l’origine des ordres mendiants en Europe, et un personnage qu’on peut sans problème mettre dans son panthéon personnel parmi les grands hommes qui ont éclairés ce monde.
Une vraie réussite pour mettre à la portée de tous, une pensée trop mal connue en France.

Note: 9/10

Compléments :
> La vie d'Ikkyû sur "ArtsLivres".
> Les chroniques de "Benzine", "WebOtaku", "ActuaBD", "PassionDesLivres".

> Voir aussi les excellentes séries de planches de Tsai Chih Chung ("Soyons Zen", "Les Origines du Zen", ...) parues chez différents éditeurs, et à savourer avec gourmandise.

03/06/2006

X-men 3

Eloge de la Différence dans un Monde Normalisé

La sortie de X-Men 3 restera sans doute une grande déception pour tous les fans du 'comics'.
Les grands studios américains semblent plus intéressés à tuer la poule aux œufs d’or que de se donner les moyens de produire des films de qualité, pourtant plus rentables à long terme. Avoir remplacé un réalisateur et un scénariste talentueux par 2 tacherons besogneux en fournit un nouvel exemple. Je ne détaillerais pas ici tous les défauts de ce 3-ième opus, d’autres l’ayant déjà fait avant moi, et sans doute mieux que je ne saurai le faire. C’est d’autant plus dommage que, à part les "Spiderman" (de Sam Raimi), les X-men étaient les seuls films de 'super-héros' capables d’allier grand spectacle de qualité pour le grand public et discours humaniste compréhensible par tous.

En ces temps de replis identitaires, de revendications communautaristes, de guerres ethniques, de comportements racistes et xénophobes de plus en plus exprimés et justifiés par des pseudos considérations scientifiques, morales et religieuses, où 'les autres' sont niés en tant qu’êtres humains véritables pour mieux être marchandisés, exploités ou massacrés, la saga des X-Men est une ode à la différence, à la tolérance, à la mixité, au respect de l’autre. Sous le vocable générique de 'mutants', on retrouve en effet toutes les minorités possibles et imaginables, certaines étant d’ailleurs représentées plus particulièrement par un des personnages (femmes, handicapés, surdoués, minorités ethniques ou religieuses, étrangers, homosexuels, …).
Bien que le développement de ce 3-ième récit reste très superficiel et très orienté 'pop-corn movie', des questions intéressantes sont posées tout au long du film :
- faut-il choisir une normalité médiocre, plutôt que de développer ses dons dans un contexte difficile ?
- peut-on se renier soi-même par amour ?
- que faire quand on est forcé de vivre dans le camp qu’on n’a pas choisi ?
- l’amitié est-elle possible entre 2 personnes ayant une conception de la vie différente, ou des avis divergents sur les mesures à prendre ?
Face aux discriminations, au rejet, à la persécution, 3 attitudes sont possibles, illustrées par les différents groupes en présence :
- ceux qui prônent la lutte armée, le développement séparé des 'races' et des sexes, l’avènement d’un nouveau 'peuple élu', symbolisés par Magneto, pourtant rescapé des camps de la mort nazis, mais idéologue d’une nouvelle 'race supérieure'.
- ceux qui prônent l’intégration, l’enrichissement mutuel, la discrimination positive pour permettre à tous une meilleure adaptation, symbolisés par le groupe du professeur Xavier.
- ceux qui préfèrent l’individualisme forcené, l’incommunicabilité, l’anarchie, le retrait de la vie commune, et qu’on retrouve dans le Wolverine des débuts, dans le Phénix, et dans le groupe des mutants Omega.
La force de la série X-Men est de renverser les rapports dominants/dominés. Les simples humains, en haut de l’échelle du pouvoir, se retrouvent dépassés par l’Evolution Darwinienne et se retrouvent à un stade d’animaux savants, condamnés à disparaître comme les néanderthaliens avant eux. Face à la future espèce dominante qui commence à proliférer, ils réagissent alors en animaux primitifs, laissant s’exprimer leurs peurs et leur refus d’évoluer.

L’ensemble de la trilogie est donc un discours d’utilité publique, qu’on aimerait voir plus souvent dans les 'blockbusters' hollywoodiens, au lieu du modèle idéologique américain habituel (bon blanc chrétien riche aux yeux bleus, méchants étrangers fourbes et basanés, femmes soumises et stupides, etc.). On regrettera d’autant plus la petite dérive de "X-Men 3" qui prend pour nouveaux méchants toute une bande de latinos, drogués, punks, femmes intelligentes, et autres racailles de série Z, alors le côté des bons s’enrichi d’un fils de bonne famille (blanche évidemment). On est loin du sulfureux Diablo de l'épisode 2 !
Comme beaucoup d’autres trilogies, cet épisode ne satisfera donc que ceux qui ont vu les précédents, et leur permettra de patienter avant la probable sortie d’un nouvel opus, annoncé pas très finement par une courte séquence après le générique de fin (Spoiler: l’esprit du professeur Xavier est passé dans le corps de l’homme vu dans le coma au début du film). On espère que la qualité du scénario et de la réalisation aura le temps de s’améliorer en route. Il serait dommage de devoir se contenter que des bandes dessinées et des dessins animés (d’ailleurs pas entièrement sortis en France) pour retrouver l’esprit du génial Stan Lee.

Note: 6/10

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site officiel du film.
> Les critiques du film sur 'CommeAuCinéma', 'DvdCritiques', 'EcranLarge', 'FilmDeCulte', 'Fluctuat', 'Excessif', 'Telerama'.
> Sur les blogs d'Allociné, de 'SebInParis', 'TheBloggingCircus', 'A Rebours'.

08/02/2006

Jack Palmer: L'Affaire du Voile

Caricatures et Reflet du Réel.

Caricaturer, c’est grossir le trait pour faire ressortir des défauts préexistants. Ce n’est pas diffamer ou dénigrer, en faisant des amalgames grossiers à des fins partisanes.
L’affaire des caricatures danoises montre que 'la liberté de blâmer', nécessaire à toute société démocratique est parfois confondue avec le droit de faire n’importe quoi aux dépends des autres. Mahomet n’était pas plus terroriste que ne l’étaient Jésus ou Marx. Leurs actions doivent de plus être replacées dans le contexte de leurs époques respectives.
En assimilant l’Islam au terrorisme de certains et en gommant d’un trait de crayon tous les musulmans modérés, les dessinateurs danois ne font que le jeu des extrémistes qu’ils prétendent condamner. Quoi de commun en effet entre un musulman noir américain, un arabe wahhabite, un chiite iranien, un sunnite berbère ou turc, ou les groupes soufis et ismaéliens ? Le respect d’un certain nombre de règles (les 5 piliers) basées sur le Coran. Leurs différences religieuses sont aussi nombreuses que les sociétés dans lesquelles se sont développés et exprimés ces différents courants, reflétant les divers contextes historiques et coutumiers.
On retrouve d’ailleurs les mêmes différences dans les autres religions. Quoi de commun en effet entre des catholiques polonais ou africains, des anglicans, des luthériens, des baptistes américains et autres évangélistes, des mormons, des coptes égyptiens, des arméniens, des orthodoxes grecs ou slaves, sinon le respect d’un (très) petit nombre de règles communes, et la sacralisation d’un livre interprété de façons si différentes.

C’est le mérite de Pétillon de nous livrer dans le style humoristique propre à ses 'Jack Palmer', une nouvelle 'Lettre Persane' sur les petits travers de la société française. Véritable 'Candide', Jack Palmer mène son enquête dans tous les milieux, des salafistes revendicatifs aux imams progressistes, des bobos branchés aux jeunes beurs sans avenir. De même que dans "l'Enquête Corse", il donne la parole à tous, soulignant les incohérences, la mauvaise foi, les extrémismes, les manipulations, la misogynie… Tout le monde en prend pour son grade, mais sans dénigrer personne et sans faire de procès d’intention.
Au final, un album équilibré, prônant la tolérance et l’amour du prochain, la discussion plutôt que l’invective. On est donc plus proche du "Munich" de Steven Spielberg que de certaines caricatures provocatrices et irresponsables.
On lui souhaite autant de succès que pour "L'Enquête Corse", unanimement appréciée aussi bien sur le continent que sur l’île de beauté.

Compléments:
> Interview de Pétillon sur "ToutenBD".
> Réactions musulmanes sur "LeMatin" (Suisse).
> Réactions de dessinateurs sur "LeMonde" (France).
> Le blog de "Michel Edouard Leclerc", PDG des magasins E.Leclerc, sponsor du Festival de BD d'Angoulême.
> Sur EuropeUs: l'affaire des caricatures danoises, ses dessous et leur publication en octobre dans un journal égyptien!.