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01/08/2006

Le Cycle des Dames du Lac

De la Déesse-Mère à la Vierge Marie.

La légende arthurienne a fait l’objet de nombreuses adaptations ces 10 derniers siècles. Depuis les romans de Chrétien de Troyes jusqu’aux films de chevalerie hollywoodiens [1], en passant par de nombreuses BD, le trame du récit a toujours été vers une apologie du christianisme triomphant sans contestation possible des anciennes religions celtiques, pratiquées uniquement par des barbares. Pour assurer cet objectif, les différents auteurs n’ont jamais hésité à enjoliver la réalité, quitte à modifier des éléments substantiels de l’histoire. Le principal a été de faire se passer les faits en plein Moyen Age, avec des chevaliers en armure, alors que l’origine de la légende se situe au moment de l’écroulement de l’Empire Romain d'Occident (5-ième siècle), quand les populations britanniques durent s’unir pour résister aux invasions saxonnes, les légions romaines étant devenues incapables d’assurer leur protection. La religion dominante était alors le druidisme, et le christianisme n’était présent que par l’intermédiaire de quelques missionnaires, couvents et monastères.

L’intérêt du cycle de romans de Marion Zimmer Bradley est d’une part de replacer l’histoire dans son époque, d’autre part de la relater en prenant le point de vue des femmes, bien trop souvent réduites au rang de potiches dans les sagas héroïques. La principale narratrice est d’ailleurs Morgane, sœur d’Arthur et dernière grande prêtresse d’Avalon [2], dont le destin est à la croisée de tous les chemins.
Extrêmement bien documenté, son récit est sans doute le meilleur jamais écrit sur le sujet, naviguant sans cesse entre les aspects politiques (les intrigues de cour et la naissance de la nation britannique), privés (le destin personnel des protagonistes) et religieux (la suprématie progressive du christianisme intolérant et sectaire sur les cultes liés à la Nature). L’ensemble du cycle est l’occasion de rappeler que le christianisme, pour s’imposer, dût récupérer et intégrer un grand nombre de croyances et de pratiques locales, bien que combattues officiellement. Le troisième tome est d’ailleurs une fantastique plongée dans la genèse de la légende depuis la difficile occupation de l’île par les romains et les derniers jours de Joseph d‘Arimathie (celui qui apporta le Graal en Angleterre), jusqu’à l’avènement de Viviane et de Merlin. Le folklore celtique est également très présent, notamment dans ses aspects ésotériques et chamaniques [3]. La Grande Déesse n’a finalement pas complètement disparue, puisque dans les cultes rendus à la Vierge Marie et à certaines saintes, on retrouve celui que les hommes ont toujours rendu à la "Déesse Mère", depuis ses origines préhistoriques, en passant par Isis, Ishtar, Aphrodite ou Guanyin/Kannon.

Note: 10/10

[1] La meilleure étant celle de John Boorman "Excalibur" (1981).
[2] Sans doute situé sur le site actuel de Glastonbury (mais les marais ont été asséchés depuis longtemps). Une bonne présentation du site ici.
[3] Pour en avoir un aperçu, il existe un très bon documentaire sur les croyances actuelles de ce genre en Islande: "Enquête sur le Monde Invisible".

Compléments :
> Les chroniques de CritiquesLibres sur "Les Dames du Lac" et "Les Brumes d'Avalon".
> Les sites de la légende, présenté par l’Office du Tourisme de Grande-Bretagne.
> Un bon site de référence pour s'y retrouver dans tous les noms et sites.
> Une belle iconographie sur "TerraNova".

> A voir : l’excellente adaptation télévisée de Uli Edel (2001) "Les Brumes d’Avalon", disponible en DVD.
> Ainsi que les versions modernes du mythe arthurien :
. celle de JRR Tolkien ("Le Seigneur des Anneaux"), où la quête du Graal est remplacée par celle de l’Anneau, et où la vision est celle du 'Petit Peuple', mais tend vers la même fin : le repli des non-humains vers Avalon, et l’occupation exclusive de l’espace terrestre par les humains.
. celle de Mamoru Oshii ("Avalon"), adaptée à l’univers du jeu vidéo, analogue aux univers féériques des temps anciens.

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