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25/11/2007

Les Promesses de l’Ombre (Eastern Promises) de David Cronenberg

Les Promesses de l’OmbreWestern Shadows.

Cronenberg continue d’explorer le côté obscur de l’être humain. Mais le propos a évolué depuis ses premiers films. L’accent était alors mis sur l’organique, la sexualité, les mélanges contre-nature. Le malaise venait de l’absence de frontières entre Soi et Non-Soi, à grand renfort d’effets gores et de substances visqueuses et poisseuses.

Depuis "A History of Violence", l’analyse se fait au contraire plus subtile et plus psychologique. Si les corps sont toujours montrés de façon très crue, à la Paul Verhoeven, les fluides sont devenus plus liquides (eau, sang, alcool, …), et la violence est souvent plus psychique que physique, malgré une animalité impressionnante.
Les situations décrites illustrent la permanence des illusions et des rapports de domination dans l’impermanence de l’Existence (immigrés dans un nouveau pays, repenti dans une nouvelle vie, …). Il n’y a pas de Paradis en ce monde, sauf à l’organiser de façon très monastique, comme le font les truands de Cronenberg. L’aspect religieux est souligné par les tatouages multipliants les croix et les églises (orthodoxes), et se répandant sur les corps comme des stigmates. Ceux des doigts de Viggo Mortensen font d’ailleurs penser à ceux du pasteur joué par Robert Mitchum dans "La Nuit du Chasseur". A l’inverse, les gros méchants sont très typés musulmans (tchétchènes, turcs). On regrettera aussi l'apologie du mythe du bon tchékiste, protecteur de la société.

Si le film ne fera sans doute pas date dans la filmographie de Cronenberg, il se laisse néanmoins voir sans déplaisir (surtout grâce à la mise en scène et aux acteurs), malgré son côté ambigu et un message beaucoup moins explicite que d’habitude. Espérons que cette dérive Lynchienne ne finira pas par rendre son discours aussi obscur que celui de l’auteur de "Inland Empire".

Note: 8/10

Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, LaLibreBe, Libération, Telerama, Excessif, Fluctuat, FilmDeCulte.
> Sur les blogs: CriticoBlog, PibeSan, SebInParis, ARebours, KleoInParis.

20:00 Publié dans Ecrans Larges | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma |  Imprimer

24/11/2007

Regarde Maman, Je Danse de Vanessa Van Durme

Regarde Maman, Je DanseHistoire Ordinaire d'Une Femme Extra-Ordinaire.

Souvenirs de la vie quotidienne d’une femme malmenée par la vie (enfance difficile, premiers pas professionnels pitoyables, prostitution, mariage raté, …) qui s'interroge à l'orée de ses 60 ans.

Naissance laborieuse dans une famille flamande nombreuse et populaire, difficulté de vivre d’un enfant timide et trop sensible, cruauté des relations scolaires, vocation contrariée pour la danse et le théâtre, sensation étouffante de ne pas être comme les autres.
Tout ceci ne serait déjà pas banal pour une actrice lambda, si Vanessa n’était pas en plus née de sexe masculin. Et les années 60-70 n’étaient pas vraiment le terreau idéal pour revendiquer un changement de genre.

Inspiré des faits marquants de sa vie, la pièce navigue entre nostalgie et ironie, égrenant la difficile condition d’une femme pas tout à fait comme les autres, accumulant les peines et les douleurs trop souvent liées au 2-ième et au 3-ième sexe.
En définitive, cela valait-il le coup de quitter le confort d’une vie 'normale' de mâle dominant ?
Vanessa répond 'Oui' sans trop d’hésitations, certain(e) de n’avoir fait que remettre dans l’ordre une vie perturbée à la naissance par un détail sans importance.
Le Vilain Petit CanardElle a heureusement pu bénéficier de la compréhension de ses parents, dépassés par les événements, mais n’ayant jamais rejeté leur vilain petit canard.
Finalement, le cygne s’est révélé dans toute sa splendeur (chez Alain Platel entre autres [*]), ce qui nous vaut ce One-WoMan Show aussi émouvant que réussi. La scène gantoise est décidément toujours aussi géniale que surprenante.

[*] "Tous des Indiens" (1999), "White Star" (2005).

Note: 9/10

Compléments :
> Le spectacle sur le site du Théatre de la Ville, CharleroiCulture et de SwanLake.
> Les dates de la tournée en France, Belgique, Pays-Bas.
> Les analyses et critiques de LeMonde, ThéatreContemporain, LeBlogDeBlanche, Tadorne, D'UneVoixàL'Autre, LaMémoireQuiFlanche.

10/11/2007

N.Q.Z.C./Arkiologi de Wayn Traub

NQZCL'Amour, la Science, le Diable.

Wayn Traub est certainement le plus grand dramaturge belge actuel. L'idée m'avait déjà effleuré lors de la représentation de "Maria Dolorès", sa première grande création (2002), mais après "N.Q.Z.C." le doute n'est plus permis.

"N.Q.Z.C." est l’aboutissement d’un atelier de création théâtrale appelé "Arkiologi" qui a exploré un certain nombre de pistes pas toujours retenues dans la version finale.
Le thème principal est en fait proche de celui du film "The Fountain" de Darren Aronofsky, à savoir celui d’un scientifique/astronaute essayant de retrouver l’amour de sa femme, dont on ne sait si elle l’a quitté ou s’il l’a supprimée un jour de colère.

Trois époques s’entremêlent.
L’une est moyenâgeuse, qui voit un damoiseau et une damoiselle se jurer fidélité éternelle, et le Diable mettre à profit leurs inquiétudes pour les amener à pactiser avec lui. L’éternité promise est évidemment trompeuse, comme le montrait déjà Marcel Carné dans "Les Visiteurs du Soir".
La deuxième est contemporaine, et met en scène un couple mal assorti, composé d’une danseuse/psychothérapeute délurée et sensuelle, et un professeur pédant et cynique ne rêvant que de partir dans l’Espace. Le rôle du démon est joué par la psychologue chargé d’effectuer les tests d’évaluation et d’aptitude des candidats astronautes. La signature du contrat et ses prémices impliquent aussi la rupture du couple, aucune réponse du QCM n'étant compatible avec la durabilité d’une notion impermanente.
La troisième est futuriste, et correspond à un univers fantasmé, celui de l’astronaute revivant son passé à l’approche d’une nouvelle planète de style "Solaris". Le récit s’inspire alors du mythe d’Orphée essayant de retrouver son Eurydice, et de l’impossibilité de refaire une nouvelle réalité à partir des souvenirs passés.

Les 3 univers se mélangent, se répondent par delà l’espace et le temps, s’éclairent l’un l’autre dans la répétition des situations et de leurs décalages. Interrogeant notre humanité/animalité, il pose la question de l’éternité, du sacrifice, de la justesse de nos choix.

Esthétiquement, la pièce est une vraie réussite, jouant avec les ombres et les lumières, le symbolisme des couleurs très primaires (noir/blanc/gris/rouge), les accessoires très typés, une musique techno/hypno/religieuse. Les 4 acteurs qui ont participé à la conception de la pièce sont absolument excellents, appuyés de temps en temps par Wayn Traub, coryphée masqué/casqué (inspiré par l'Actarus de Goldorak ?) qui assure le prologue musical (à la Daft Punk) ainsi que certains enchaînements.
Quand traditions et modernité se combinent de façon aussi virtuose, on en redemande.

Note: 10/10

Compléments :
> Le spectacle sur le site du Théatre de la Ville et de la ToneelHuis.
> Les analyses et critiques de LaTerrasse, ThéatreContemporain, AllegroVivace.

05/11/2007

Le Dernier Voyage du Juge Feng (Mabei Shang De Fating) de Liu Jie

Le Dernier Voyage du Juge FengLa Mort annoncée du Communisme et des Minorités.

C’est toujours intéressant de voir un film se passant dans une région qu’on a soi-même visité. Cela permet de repérer et comprendre de nombreux petits détails qui seraient autrement passés inaperçus. En retour, on comprend mieux le mode de vie des populations qu’on n’a fait que côtoyer, sans avoir le temps et les moyens de fréquenter de façon plus approfondie.

Le récit du "Dernier Voyage du Juge Feng" se passe dans le nord du Yunnan, sur les contreforts de l’Himalaya. Le comté de Ninglang, dépendant de Lijiang, est essentiellement peuplé de Naxi et de Yi avec une petite communauté Mosuo autour du lac Lugu. La région est très montagneuse, formé de petites vallées constituées autour des affluents du Fleuve aux Sables d’Or (Jinsha), le fleuve qui en grossissant finira par devenir le célèbre Yangzi Jiang (vu dernièrement dans "Still Life"). De nombreuses prises de vues montrent l’une de ses boucles, située dans la région du Mont du Dragon de Jade (Yulong Xue Shan). La région est proche de l’ancien Tibet historique (on voit d’ailleurs à un moment, une caravane de marchands tibétains venu vendre leur sel et acheter des produits locaux).

MosuoProvince pluriethnique, le Yunnan essaie de conjuguer les traditions des nombreuses minorités locales avec les institutions de l’Etat central. Evidemment, Justice, Police, Armée, Ecoles sont entièrement contrôlées par Pékin. Mais la vie des villages telle qu’elle est montrée dans le film est en complète voie de disparition. Si la vie des paysans les plus pauvres et isolés (notamment les Yi noirs) ressemble à peu près à ce qu’on voit, celle des Naxi (près de Lijiang) et des Mosuo (concentrés autour du lac Lugu) a profondément changé suite aux travaux d’infrastructures (routes, ponts, relais télécoms, …) menés ces dernières années, et à l’invasion touristique qui s’en est suivi, aussi bien par les chinois aisés du littoral que par les étrangers occidentaux. Le centre-ville de Lijiang, à peine aperçu lors du départ du 4x4, est aussi fréquenté au mois d’août que les sites touristiques des grandes villes européennes. Les jeunes fuient leurs villages pour trouver du travail, rêvent de se marier à l’occidentale (grande robe blanche de rigueur) et ont tous un portable, même s’ils s’en servent peu (surtout des SMS) car les communications sont relativement chères pour eux.
Les coutumes périclitent, les costumes traditionnels ne sont plus portés que par les vieilles femmes et les employées du secteur touristique. Le Dongba, ancienne langue sacrée des Naxi, n’est plus parlé et écrite que par une quinzaine de personnes. Ses jours sont donc irrémédiablement comptés.

LijiangLe film de Liu Jie présente tout ceci de façon symbolique avec les personnages du vieux juge (représentant des idéaux du communisme paysan, juste et impartial), de la greffière (une Mosuo, mise à la retraite d’office pour faire place aux jeunes apparatchiks Han), du jeune juge (prétentieux, dogmatique, égoïste, faisant passer ses intérêts personnels avant ceux de la Justice) et de sa fiancée (représentant les jeunes des minorités subjugués par les attraits de la modernité).
Comme ces personnages, la Chine actuelle marche les yeux fermés, indifférente aux dangers de la route, remplaçant la solidarité ancestrale par le ‘chacun pour soi’, laissant derrière elle ceux qui sont trop vieux pour suivre le mouvement. Jusqu’à la chute finale…

Note : 9/10

Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Libération, L'Humanité, Telerama, Excessif, Fluctuat.
> Sur les blogs: CriticoBlog, LaSenteurDeL'Esprit, CosmopolitanStories, BenzineMag.

03/11/2007

Films d'Automne (2007)

Très bon cru, cet automne, dans les salles obscures. On ne sait plus où donner de la tête (et du clavier). Les grêves risquent par contre d'être fatales aux films les plus fragiles et les moins médiatiques. Dommage.

L'Assassinat de Jesse James "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" d'Andrew Dominik (9/10) : Ceux qui n’ont pas aimé "Le Nouveau Monde" ou "La Ligne Rouge" de Terrence Malick vont détester ce film, qui prend également son temps pour poser ses personnages, les laisse évoluer à leur rythme (celui de l’époque, moins stressée que la nôtre), et fait de la Nature dans laquelle ils évoluent un individu à part entière. Le Far-West rural est en train de disparaître, colonisé par les usines, les voies ferrées et les financiers de Wall Street. Comme dans "Mémoire de nos Pères" ou "A History of Violence", le film pose la question du héros, de l’anti-héros, et de la célébrité factice entretenue par les médias. Il rejoint tous les grands films qui ont traité de la naissance des USA modernes ("La Porte du Paradis", "Gangs of New-York", …). Une vraie réussite.
(Voir critiques sur CriticoBlog, CommeAuCinéma, Telerama, Excessif, Fluctuat, FilmDeCulte, KrinEin, PibeSan, SebInParis, BenzineMag).

Le Deuxième Souffle "Le Deuxième Souffle" d’Alain Corneau (7/10) : Un bon petit polar à l’ancienne, qui rappelle les chefs d’œuvres du genre (Melville, …). Il ne révolutionnera pas le palmarès, mais se laisse voir sans déplaisir, grâce à une pléiade d’acteurs talentueux et bien adaptés à leur rôle. Seuls regrets, récurrents dans le cinéma actuel, des effets à la John Woo pour la fusillade finale, un placement de produits pas très subtil (champagne Lanson à tous les repas !) et la réutilisation de la même voie ferrée pour des scènes à priori sans rapports entre elles.
(Voir critiques sur CriticoBlog, CommeAuCinéma, Excessif, FilmDeCulte, KrinEin, PibeSan).

Chrysalis "Chrysalis" de Julien Leclercq (8/10) : Injustement massacré ou ignoré par les critiques professionnels, ce film est la bonne surprise du mois. Polar très noir, dans ses couleurs comme sa thématique, il fait un peu penser au dessin animé "Renaissance", sorti début 2006. Flic intègre et borné, femmes manipulatrices, secrets d'Etats et technologies dévoyées, le scénario n'a rien de très original, mais c'est la loi du genre depuis les années 40 ("En Quatrième Vitesse" par exemple) et le film accumule les bons points (acteurs excellents, décors et design impressionnants, mise en scène efficace, réalisation sans temps morts). A aller voir urgemment pour faire échec à un système qui se permet de dénigrer de tels films en même temps qu'il encense des navets d'une beaufitude incommensurable.
(Voir critiques sur CommeAuCinéma, Excessif, LaSenteurDeL'Esprit, TotalCiné).

Et aussi :
> "Le Dernier Voyage du Juge Feng" de Liu Jie.
> "Secret Sunshine" de Lee Chang Dong.
> "This Is England" de Shane Meadows.
> "Le Rideau de Sucre" de Camila Guzman Urzua.
> "Mon Meilleur Ennemi" de Kevin Mac Donald.
> "Dans la Vallée d’Elah" de Paul Haggis.
> "Les Promesses de l'Ombre" de David Cronenberg.
> "De l'Autre Côté" de Fatih Akin.
> "La Nuit nous appartient" de James Gray.
> "La Graine et le Mulet" d'Abdellatif Kechiche.
> "Un Baiser, s'il vous plaît" d'Emmanuel Mouret.
> "La Visite de la Fanfare" d'Eran Kolirin.
> "XXY" de Lucia Puenzo.

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