03/05/2008
Les Seigneurs de la Mer (SharkWater) de Rob Stewart
Les Dents de l'Amer.
Faire un film écologique, ce n’est pas seulement filmer de gentils animaux photogéniques en déplorant qu’on ne puisse bientôt plus les voir que dans les zoos. C’est aussi, comme l’avait brillamment montré Al Gore, mettre en évidence un certain nombre de faits incontestables et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, à partir des lois régissant notre environnement naturel.
C’est ce que fait Rob Stewart, canadien passionné par les requins et révolté par les massacres de masse qui déciment le milieu marin.
L’essentiel du film est consacré d’une part à des rappels sur le rôle écologique essentiel du Requin (organisme si parfait qu’il n’a pas eu besoin d’évoluer ces 100 derniers millions d’années pour s’adapter aux nouvelles conditions de vie sur Terre, fatales à tant d’espèces) et la peur injustifiée qu’il inspire. D‘autre part à une campagne de protection assez mouvementée du navire "Ocean Warrior", menée par Paul Watson et son ONG "Sea Shepherd".
Que ce soit au Costa Rica ou aux Galápagos, des supposés réserves animalières sont en fait la proie de braconnages méthodiques pour alimenter une industrie florissante, celle qui alimente en ailerons de requins les restaurants branchés asiatiques ou les pharmacies ‘traditionnelles’, déjà coupables de l’extinction du Tigre. Les lois supposées autoriser la pêche vivrière des populations locales sont systématiquement détournées, avec la complicité des autorités locales alliées aux mafias chinoises. La méthode de ‘pêche’ consiste à laisser traîner des hameçons le long de lignes dérivantes qui peuvent faire plusieurs dizaines de kilomètres, et sur lesquelles viennent mourir toutes les espèces présentes dans la zone (requins, mais aussi tortues, phoques ou poissons de toutes sortes). Un gâchis considérable, puisque seuls les ailerons des requins sont récupérés pour être revendus à prix d’or.
Résultat, la population de requins est en chute constante et l’espèce est en voie de disparition, sans bénéficier d’une protection même théorique de la part des organismes internationaux.
Pourtant le requin, en tant que super prédateur des océans, est un maillon extrêmement important de l’équilibre écologique de la planète. En se nourrissant des poissons, il évite que ceux-ci prolifèrent trop et épuisent le stock de plancton indispensable à l’absorption du gaz carbonique par les océans. Eliminer les requins, c’est contribuer à l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère, et donc à accentuer encore plus le réchauffement climatique induit par une consommation effrénée des énergies fossiles.
Le principal poumon vert de la Terre, ce ne sont pas les forêts en régression constantes, mais d’abord et avant tout le phytoplancton maritime (les océans couvrent les 2/3 de la planète).
L’Homme, qui croit être devenu un dieu, ferait bien de s’en souvenir avant de vouloir jouer à la roulette russe avec un barillet plein.
Note : 8/10
Compléments :
> Le site français du film (Site en anglais).
> Le site de SharkAlliance.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Excessif, ChronicArt, LePoint, LeMonde, LeFigaro, QuotidienDeMonaco, UniversNature, WWF.
> Sur les Blogs: ThroughMyEyes, SurLaRouteDuCinéma, ZéroDeConduite, cDurable, Surf4All.
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27/04/2008
Chasseurs de Dragons d’Arthur Qwak et Guillaume Ivernel
Un Voyage vers l'Occident.
Coup de coeur du mois pour ce dessin animé franco-luxembourgeois qui revisite le thème des Dragons, de façon nettement plus intéressante que l’essai récent de Goro Miyazaki.
Dans un monde onirique, où les terres morcelées flottent au milieu du ciel, vivent des peuples médiévaux harcelés par des dragons aussi divers que variés. Pour les combattre, 4 jeunes héros partent au bout du monde en vue de le sauver. En chemin, ils apprendront à mieux se connaître et triompheront d’abord d’eux-mêmes.
Le thème est classique, c’est celui de la plupart des récits héroïques, mais il est particulièrement bien traité. La 3D se mélange plutôt harmonieusement avec les parties dessinées. Les personnages sont assez variés et originaux pour ne pas se croire dans un énième rabâchage du "Seigneur des Anneaux" ou de la Quête Arthurienne.
Outre les superbes décors aériens, proches de ceux de la série télévisée "Skyland", on trouve tout un univers assez diversifié associant des villages typiquement indonésiens, des temples-montagnes hindous, une belle muraille de Chine, ainsi que d’un château occidental moyenâgeux qui fait immédiatement penser à Laputa (le "Château dans le Ciel").
Si les influences disneysiennes et miyazakienne sont évidentes, on retrouve aussi les plus anciens mythes asiatiques et bouddhistes. Le dragon (symbole du pouvoir) qu’il faut apprivoiser pour éviter le désordre du monde, est évidemment l’un d’entre eux, de même que l’idée d’un univers en éternel recommencement, la vie future se nourrissant de la mort du passé (Cf. les très belle fins de "Wolf’s Rain" ou de "Final Fantasy"), même si tout aspect trop violent est gommé, film tout public oblige.
Le voyage vers l’Ouest pour y trouver la connaissance est également un grand modèle scénaristique. Les personnages sont d’ailleurs assez proche du "Voyage en Occident", le drôle de chien (?) bleu remplaçant le dragon blanc, et le roi-singe emprisonné sous la montagne étant remplacé par une gamine orpheline tout aussi insupportable.
Le mélange est en tout cas magnifique, et permet une vision à plusieurs niveaux qui intéressera aussi bien les enfants que les adultes. Certains y ont même vu une histoire crypto-gay avec un couple de héros (dont l’un est le roi des aiguilles à tricoter) cherchant à installer leur couple dans la chaumière de leurs rêves. Les interprétations possibles sont donc très nombreuses.
Note : 9/10
Compléments :
> Le site du film.
> Le site perso de Guillaume Ivernel (voir Projects / Dragon Hunters).
> Les critiques de CommeAuCinéma, Excessif, àVoiràLire, SanchoAsia, FeatureAnimation.
> Sur les Blogs: CriticoBlog, ThePlaceToBe, Kapalsky, BoF, WeekEndsDon'tCount, PersistanceRétinienne, CritikCiné, LeCinéDeL'Eponge.
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12/04/2008
Mongol (Монгол) de Sergei Bodrov
L'enfance du Grand Khan.
Film germano-kazakh, "Mongol" arrive en France sans beaucoup de publicité, mais auréolé d’une nomination aux Oscars. On pourrait craindre une mauvaise hollywooderie telle qu’en ont produite récemment les chinois ("La Cité Interdite", "Hero", "Le Secret des Poignards Volants", …). Heureusement, il n’en est rien, et "Mongol" (le titre aurait quand même pu être mieux choisi) se place résolument parmi les meilleures biographies comparables, privilégiant la psychologie et les sentiments à l’apologie de la force brute caractéristique des cinémas américains ou chinois.
Tourné principalement en Mongolie, au Kazakhstan et en Chine, tire en grande partie son charme de paysages sublimes, déjà mis en valeurs dans les films germano-mongols de Byambasuren Davaa. Mais il faut compter également sur une très belle musique, soit purement locale (le groupe "Altan Urag"), soit d’inspiration mongole (le compositeur finlandais Tuomas Kantelinen) avec force chants de gorges. Les acteurs ne sont pas en reste, puisqu’à l’exception de Tadanobu Asano (japonais) et de Sun Hong Ley (chinois), les rôles principaux sont joués par de parfaits inconnus de la région, aussi talentueux à cheval que devant la caméra.
Largement inspiré par "L’Histoire Secrète des Mongols", premier récit littéraire écrit de la nation mongole, le film est avant tout l’histoire du destin extra-ordinaire d’un homme ballotté par les événements de la vie, qui passe de l’état d’enfant-esclave à celui de chef suprême, en essayant d’assurer la survie de sa famille. Placé dans des conditions difficiles, il arrivera à ses fins en sachant être assez atypique tout en respectant les traditions de son peuple et les croyances de chacun. Il a également la chance de rencontrer très tôt une femme au caractère bien trempé et prête à tout pour le succès de ses entreprises.
Bref, un bon film à voir pour ses qualités historiques autant qu’esthétiques, et qui prend un intérêt particulier alors que le régime communiste chinois voudrait nous faire croire que toute la région est sous domination han depuis la nuit des temps. Conçu pour être une trilogie, les prochains épisodes devraient nous rappeler le temps où la Chine n’était qu’une province mongole parmi d’autres.
Note : 8/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, LeMonde, CourrierInternational, Cinémasie, KrinEin.
> Sur les blogs: Aléa, Darsh, PhenixWeb, HorizonEtudiant, AgoraVox, SanchoDoesAsia.
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10/02/2008
Brave Story (Bureibu stōrī) de Kôichi Chigira
La Quête de la Mort de l'Ego.
"Brave Story" est le 2-ième film produit par le studio Gonzo, réputé pour des séries comme "Hellsing", "Full Metal Panic", "Last Exile" ou "Gantz".
C’est un gage de qualité au point de vue du dessin et de l’animation. Pourtant "Origine", leur premier essai, avait plutôt déçu, à cause d’un scénario sans grande originalité.
"Brave Story" suit malheureusement le même chemin. Si le début fait parfois penser à "La Traversée du Temps" [1], il n’en a pas le charme et la magie. Le scénario, assez faiblard, lorgne plutôt sur "Les Contes de TerreMer" de Goro Miyazaki. La progression du héros s’effectue comme dans un jeu vidéo de style ‘jeu de rôles’, passant d’un plateau à l’autre en combattant des monstres, et en accumulant des points d’expérience. Du coup, on alterne sans discontinuer des ambiances complètement différentes, qui partent dans tous les sens sans assurer un minimum de cohérence.
C’est d’autant plus dommage que les décors sont souvent sublimes, et la morale de l’histoire consistante et bien amenée. A la recherche d’une Déesse du Destin qui ressemble furieusement à GuanYin, le héros est conduit à mesurer le poids de ses désirs, les conséquences de ses actes, l’interdépendance des agissements humains. Souffrant à cause des autres, il prend conscience de la Souffrance qu’il cause aux autres comme à lui-même, et de l’impossibilité d’échapper à ce cercle vicieux en effectuant une fuite en avant et en se retranchant du monde réel. Être, ce n’est pas vouloir assouvir ses désirs de façon autistique, mais au contraire y renoncer en assumant ses propres limites [2].
Dans le stade final de son initiation, après s’être combattu lui-même, il renonce à la toute puissance qu’il possède en tant que personnage de jeu vidéo (une fausse réalité) pour retourner à une vie normale où il pourra affronter son destin, quel qu’il soit.
Une leçon que risque de ne pas comprendre le public visé, accro aux réalités virtuelles électroniques et à un Orient occidentalisé pour mieux être exporté sur le Grand Marché mondialisé.
[1] avec de superbes nuages, qui devraient être aussi remarqués que ceux de Mamoru Hosada.
[2] « La Liberté, ce n'est pas de pouvoir ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on peut » (Jean-Paul Sartre).
Note : 6/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, LeMonde, Télérama, Excessif, Cinémasie, Chronicart, Critikat, KrinEin, AVoirALire, EcranNoir, DvdAnime.
> Sur les Blogs: CriticoBlog, AsieVision, AnimeFrance, MargheritaBalzerani, YotaLand, Elbakin, AnimeKun, PlaneteBD.
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16/01/2008
Festival Cinéma Télérama 2008
A Voir et A Revoir.
Comme chaque année, dernières occasions pour les retardataires de voir les quelques films que la rédaction de Télérama a plébiscité. Il n'y a évidemment pas les blockbusters qui n'en ont pas besoin, mais une honnête sélection de qui est sorti de mieux en 2007.
Je suis plutôt d'accord avec leur palmarès étranger (je les ai presque tous vus avec intérêt), mais côté français un peu plus d'audace n'aurait pas été de trop. Ils auraient quand même pu mettre 99F, L'Avocat de la Terreur, Les Témoins, ou L'Ennemi Intime. Et je passe sur l'absence totale de films asiatiques (Still Life, Le Dernier Voyage du Juge Feng, La Traversée du Temps, ...).
Le Palmarès 2007 est le suivant :
1. "La Vie des Autres", de Florian Henckel von Donnersmark.
2. "De l’Autre Côté", de Fatih Akin.
3. "Les Chansons d’Amour", de Christophe Honoré.
4. "Les Climats", de Nuri Bilge Ceylan.
5. "Boulevard de la Mort", de Quentin Tarantino.
6. "Persépolis", de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaude.
7. "Les Promesses de l’ombre", de David Cronenberg.
8. "4 Mois, 3 Semaines, et 2 Jours", de Cristian Mungiu.
9. "Jesus Camp", de Heidi Ewing et Rachel Grady.
10. "Paranoïd Park", de Gus Van Sant.
11. "Angel", de François Ozon.
12. "La Fille coupée en Deux", de Claude Chabrol.
13. "Zodiac", de David Fincher.
14. "Le Fils de l’épicier", d’Eric Guirado.
15. "La Question humaine", de Nicolas Klotz.
NB : les séances sont à 3 €, sur présentation du 'Pass' fourni dans les magazines du 16 et du 23 janvier.
Compléments :
> La Liste des Salles participantes.
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