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07/01/2006

7 ans au Tibet: Heinrich Harrer

De la noirceur nazie à la Lumière Intérieure

L'alpiniste autrichien Heinrich Harrer est mort ce samedi à l'âge de 93 ans.
Rendu célèbre par le film de Jean-Jacques Annaud, il était entré dans l'histoire de l'alpinisme en gravissant pour la première fois la face nord de l'Eiger (Suisse) en juillet 1938, en compagnie de 2 allemands et d'un autre autrichien.
A l'époque fervent nazi, il avait été reçu 2 semaines plus tard par Hitler, ravi de ce symbole de coopération germano-autrichienne, 4 mois après l'Anschluss.
Membre du parti nazi et officier SS, Harrer est alors chargé par Himmler d'aller escalader les sommets du berceau de 'la race aryenne'.

La suite est connue par tout ceux qui ont vu "7 ans au Tibet", notamment sa transformation qui le voit devenir précepteur et confident du jeune Dalaï-Lama.
Après sa fuite de Lhassa envahi par la Chine, en décembre 1950, il avait regagné l'Europe, écrit une vingtaine de livres et effectué de nombreuses expéditions d'alpinisme et d'ethnographie dans le monde entier (notamment chez les Papous de Nouvelle-Guinée).

Continuant à voir de temps en temps le Dalaï-Lama, il avait été décoré de la médaille de la 'Lumière de la Vérité' du gouvernement tibétain en exil et devait poser en mai la première pierre d'un Centre Européen du Tibet dans sa commune.

Comme Hergé, passé des groupuscules rexistes à l'humanisme de "Tintin au Tibet", ou Milarepa, criminel passé de la magie noire au plus haut niveau de la spiritualité tibétaine, il est la preuve qu'on ne nait pas mauvais, et qu'il est toujours possible de s'amender après avoir suivi un mauvais chemin.
Un exemple à méditer, alors que certains voudraient imposer des peines de prisons à vie incompressibles, déniant à chacun le droit de revenir sur ses erreurs de jeunesse.

A lire et à voir:
> Condoléances du Dalaï-Lama
> Condoléances du Gouvernement Tibétain en exil
> "7 ans d'aventures au Tibet" de Heinrich Harrer.
> "7 ans au Tibet" de Jean-Jacques Annaud.
> Les "Oeuvres Complètes de Milarepa" traduites et commentées par Marie-José Lamothe.

15/12/2005

La Théorie des Cordes (Strings Theory)

La Musique de l’Univers se joue avec des Cordes…

On ne s’en rend pas toujours compte, mais le 20-ième siècle a été aussi important dans l’Histoire de l’Humanité, que la période de la Renaissance.

Avant le 15-ième siècle, on était dans une représentation de l’univers héritée de l’Antiquité, en 2 dimensions (pas de perspective dans le dessin), plate, géocentriste et anthropocentriste (le Soleil et les étoiles tournent autour de la Terre, centrée sur la Méditerranée). Le monde était considéré comme immuable, car créé par (les) Dieu(x) à son image. Il n’y avait donc pas de raisons de le remettre en cause.

Le progrès technique (redécouverte des sciences indiennes et chinoises, via les arabes), les nouvelles découvertes liées à la recherche d’une route des Indes maritime, ont entraîné ce qu’on appelle un changement de paradigme : une révolution complète dans la façon de voir et de penser le monde.
Arts et Sciences se sont développés pour donner le modèle classique, celui que l’on apprend à l’école, et qui a culminé au 19-ième siècle, enfantant la révolution industrielle (et l’art 'pompier').

Ce modèle a commencé à craquer au début du 20-ième siècle avec la découverte de la radioactivité, et de nombreux objets célestes incompatibles avec la mécanique newtonienne. Cela a entraîné la création des théories de la Relativité (Einstein), des Quanta (Bohr, Heisenberg, …) et autres théories essayant de recoller les morceaux épars (ElectroDynamique Quantique de Feynman par exemple).

Mais les tentatives de compréhension de l’origine du 'Big Bang' ou du fonctionnement des trous noir ont montré que ces théories n’étaient pas suffisantes, et ne permettaient pas de tout expliquer.
C’est ce que tente de faire la 'Théorie des Cordes', développée dans les années 1970-80.
Selon cette théorie, les Cordes sont objets ultimes de la matière, brins d’énergie dont les différentes vibrations possibles donnent les particules élémentaires du 'modèle standard' (comme celles des cordes d'un violon donnent les différentes notes).
Elle implique que l’on vive dans un univers à au moins 11 dimensions (1 pour le temps, 3 pour les dimensions spatiales visibles, 7 pour des dimensions cachées correspondant à des rotations et des symétries) qui équivalent à autant de 'degrés de liberté'.
Certaines conséquences de la théorie sont complètement hypothétiques (il faudra attendre d’avoir des télescopes et des accélérateurs de particules suffisamment puissants pour pouvoir les valider). Mais il est à noter que, malgré les critiques de certains, il n’existe actuellement aucune autre théorie qui soit capable d’unifier toutes les théories parcellaires précédentes.

Après la période Antique (polythéiste, monde fini) et la période Classique (monothéiste, monde infini), nous sommes donc entré dans une nouvelle ère (monde indéfini) qui implique de nouveaux repères, de nouveaux arts, de nouvelles philosophies, des nouvelles religions (athées ?).
Pour les Arts, c’est en cours depuis la fin du 19-ième siècle (Impressionnisme, puis divers mouvements conceptuels non figuratifs). Pour la Philosophie, on peut penser que Nietzsche, Schopenhauer, Jung, Freud, etc. ont été des étapes incontournables. Pour la Religion, c’est plus confus. Les doctrines judéo-islamo-chrétiennes sont clairement dépassées, et les sectes ont tendance à proliférer, surfant sur le vide ainsi créé. Seul le Bouddhisme semble tirer son épingle du jeu, ses concepts de base (incertitude, impermanence, interdépendance, vacuité, ...) se retrouvant presque identiques dans les sciences modernes.

La musique de l’univers se jouera-t-elle sur le sitar du Bouddha ?

"Si la corde du sitar est trop tendue, elle casse, si elle est trop lâche, elle ne produit aucun son. Pour résonner au mieux, elle doit se trouver au Milieu." (crédo bouddhiste)
___
"Sachez que toutes choses sont ainsi,
un mirage, un château de nuages, un rêve, une apparition, sans réalité essentielle.
Pourtant, leurs qualités peuvent être perçues.

Sachez que toutes choses sont ainsi,
comme la lune dans un ciel clair, reflétée dans un lac transparent.
Pourtant, jamais la lune n'est venue jusqu'au lac.

Sachez que toutes choses sont ainsi,
comme un écho, issu de la musique, de sons, de pleurs.
Pourtant, dans cet écho, nulle mélodie.

Sachez que toutes choses sont ainsi,
comme un magicien nous donne l'illusion de chevaux, de boeufs, de charrettes et d'autres objets.
Rien n'est tel qu'il y parait.
" (Bouddha)

Compléments :
> "Du Monde Clos à l’Univers Infini" d’Alexandre Koyré : la révolution scientifique à la Renaissance.
> "La Théorie de la Relativité" sur L'Internaute.
> Sur "un site Web perso" : un très bon résumé de la physique moderne et des particules élémentaires.
> "Le Chaos et l'Harmonie : La fabrication du réel" de Xuan Thuan Trinh: les concepts clefs de la Science moderne.
> "L’Univers Elégant" de Brian Greene, excellente vulgarisation des différentes théories scientifiques actuelles.
> "La Magie du Cosmos" de Brian Greene, les aspects cosmologiques des théories modernes.
> "La Théorie des Cordes": une série de 3 émissions de vulgarisation d’Arte du 7 au 9 mars 2005, présentée par Brian Greene et inspirée de ses livres, particulièrement claire pour comprendre le sujet (pas encore en DVD, malheureusement).

10/08/2005

La Guerre des Etoiles (Star Wars)

Jedi : une nouvelle religion ?

Je suis tombé récemment sur des articles de presse rapportant que des fans de Star Wars avaient, lors de recensements, indiqués 'Jedi' dans la case religion du formulaire.
Ils étaient environ 390.000 en 2001 au Royaume-Uni, 70.000 en 2002 en Australie, 20.000 en 2003 au Canada !
Venant venir le coup, le 'Bureau des Statistiques' australien avait pourtant menacé d'une amende de 1000 $ australiens quiconque donnerait de fausses informations. Plutôt cher payé pour se dire 'Jedi' !

Est-ce la preuve du degré de crétinisation des mangeurs de pop-corn en salle obscure, incapables de faire la différence entre fiction et réalité ?
Est-ce un indice du glissement du sentiment religieux des religions traditionnelles vers un comportement sectaire, qui fait croire à n’importe quoi du moment que l’emballage est suffisamment convaincant ?
Ce serait semble-t-il un bon sujet de thèse pour un doctorant en sociologie.

Quelques rappels s’imposent.

D’après George Lucas lui-même, Star Wars est fortement 'inspiré' de la "Forteresse cachée" (1958) de Akira Kurosawa.
La trame de l’épisode 4 (premier de la série) est en effet la même : une princesse au caractère bien trempé fuit une guerre civile, pourchassée par ses ennemis du clan rival, et est aidée dans sa fuite par un preux chevalier et par deux hommes pas très malins attirés par l'argent.

Tout le côté Jedi de la saga est inspiré par le monde samouraï et le bouddhisme zen (le côté Empire relevant plutôt du monde romain et du 3-ième Reich allemand, alors que la République recycle l’imagerie traditionnelle américaine, du western au film de G.I.) :
- Le mot 'Jedi' lui-même vient du japonais 'Jidaï Geki' (drame historique télévisé consacré aux samouraïs).
- La tunique Jedi est un décalque des kimonos de tous les jours.
- L’armure et le casque de Darth Vador sont, ornements en moins, semblables à celle des chefs samouraïs.
- Les combats au sabre laser (simple ou double) sont directement dérivés des techniques de combat samouraï (sabre et lance).
- Les noms des protagonistes (Obi Wan Kenobi, Qui-Gon Jinn, Yoda, …) sont clairement d’inspiration japonaise.

La religion Jedi reprend de nombreux éléments du bouddhisme zen, pratiqués par les samouraïs afin d’avoir une meilleure maîtrise de leur 'art' (la 'voie du sabre').
Dans ce contexte, la relation maître-disciple est très importante. Le rôle du maître n’est pas d’imposer des connaissances à son élève, mais de le guider vers le bon chemin en le soumettant à des épreuves à son niveau lui permettant de progresser. L’élève doit toujours apprendre par lui-même.
L’épisode 5 développe tous ces aspects lors de l’initiation de Luke par Yoda, archétype du moine bouddhiste.
Le pratiquant du Zen doit apprendre à trouver le calme dans son esprit, à ne pas se laisser distraire par des pensées inopinées, à vivre complètement dans l’instant présent, de façon à ne pas se laisser entraîner vers des illusions trompeuses.
Une totale communion avec l’Univers doit alors permettre l’Illumination ou connaissance parfaite de toutes choses.

Dans ce contexte, la 'Force' ressemble beaucoup au 'Ki' des arts martiaux, énergie vitale intérieure et cosmique qui permet au combattant de transcender sa force physique.
Le 'Ki' est notamment considéré comme un équilibre dynamique entre le Ying et le Yang, qui sont les 2 aspects opposés et indissociables de l’Univers (à ne surtout pas confondre avec le Bien et le Mal occidentaux, comme le film le laisse croire).
'Qi-Gong' veut d’ailleurs dire 'art d’augmenter le Ki', bonne définition du rôle joué par Liam Neeson.

Comme dans tous les arts martiaux, le 'Ki' sert pour la défense ou l’attaque, mais jamais pour l’agression délibérée.
Le pratiquant zen doit ressentir de la compassion pour tout être vivant, même s’il est son 'ennemi'.
Il doit éliminer toute émotion passionnelle (amour, haine) risquant d’obscurcir son jugement et son action.
Ceci est très bien résumé par Yoda dans l’épisode 1 pendant son enseignement à Anakin :
« La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance! ».
C’est cet enchaînement, à partir de la peur de perdre Padmé, qui finira par mener Anakin du côté obscur.

Le reste de la religion Jedi respecte la plus pure orthodoxie bouddhiste (causes de la souffrance, impermanence et non indépendance des choses, règles de vie des disciples, etc.), comme pourra aisément le remarquer toute personne un peu familière avec elle.

Ce cycle de films est donc un bon travail de vulgarisation de philosophies orientales pas toujours faciles à comprendre pour des occidentaux.
Il est dommage que tant de fans soient restés à un niveau assez superficiel et n’aient pas pris la peine de s’intéresser aux concepts originels cachés derrière le mythe.
Ça leur éviterait de dériver vers des mouvements plus ou moins sectaires (new-age ou autres).

On peut regretter à cet égards les tentatives de récupération de certains mouvements 'chrétiens' (sic) d'extrême-droite, qui comparent la saga au cycle arthurien des Chevaliers de la Table Ronde.
Il n'y a pas d'influences 'arthuriennes' directes dans Star Wars.
George Lucas a par contre reconnu s'être inspiré du livre de Joseph Campbell, expert en mythologie, "Le Héros aux Mille Visages" qui démonte les principes des grands mythes 'héroïques' de l'humanité (pas seulement chrétiens).
TOUS ces mythes suivent la même progression du récit, avec les mêmes types de personnages.
"Matrix" a également repris le schéma campbellien, qu'on retrouve aussi dans "Le Seigneur Des Anneaux", "Dune" ou "Harry Potter", pour ne citer que des exemples connus.

« Recherchez la liberté et vous deviendrez esclave de vos désirs. Recherchez la discipline et vous trouverez la liberté. » [Koan Zen]

A Voir également sur le sujet:
Star Wars Origins
Star Wars Origins: Joseph Campbell
Campbell, Star Wars et le mythe
The Hero With a Thousand Faces

> sur "Matrix", une intéressante étude sur ce blog.