31/05/2008
La Divinité de l'Homme
Une vieille légende hindoue raconte qu'il y fut un temps où tous les hommes étaient des dieux.
Comme ils abusèrent de ce pouvoir, Brahma, le maître des dieux, décida de le leur retirer et de le cacher dans un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Oui, mais où ?
Brahma convoqua en conseil les dieux mineurs pour résoudre ce problème.
- Enterrons la divinité de l'homme, proposèrent-ils.
Mais Brahma répondit :
- Cela ne suffit pas, car l'homme creusera et trouvera.
Les Dieux répliquèrent :
- Dans ce cas, cachons-la tout au fond des océans.
Mais Brahma répondit :
- Non, car tôt ou tard l'homme explorera les profondeurs de l'océan. Il finira par la trouver et la remontera à la surface.
Alors, les dieux dirent :
- Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou sous la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour.
Mais Brahma répondit :
- Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher.
Et depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme explore, escalade, plonge et creuse, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui.
Cité dans "Fous de l'Inde : Délires d'Occidentaux et sentiment océanique" de Régis Airault (Editions Payot 2000).
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13/01/2007
U, de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde
Paresseux, mais Sympathique.
U est une jeune fille licorne apparue auprès de Mona, jeune princesse anorexique dans un monde silencieux et quasi-désert. Comme Jiminy Cricket auprès de Pinocchio, elle va être confrontée à la croissance de sa protégée et son passage à l’age adulte. Symbole de la pureté virginale, la licorne est condamnée à disparaître avec la puberté de l’héroïne.
Histoire a priori plutôt destinée à des ados, "U" traite des années difficiles de adolescence, de la découverte de la liberté, des changements corporels et des premiers émois, des remises en causes induites dans les relations avec les autres. En confrontant une famille de nantis, héritiers d’un monde abandonné, à une troupe de saltimbanques qui ne possèdent rien d’autre que leur bonne humeur, on retrouve aussi le récit classique des romans feuilletons du 19-iéme siècle.
La réalisation est particulièrement soignée. Dessins et animation, quoique faits en Chine, Corée et Europe de l’Est sont superbes, les voix des acteurs sont de haut niveau et la partition musicale (du jazz manouche joué par Sanseverino) parfaitement adaptée au sujet. Les personnages sont attachants et loin des stéréotypes trop souvent rencontrés dans les réalisations américaines ou japonaises.
Il est donc dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur, et que les dialogues (en partie improvisés ?) alignent les banalités.
Présenté comme un film pour enfants, le film risque de leur passer largement au-dessus de la tête. Le récit est par contre trop simpliste et gentillet pour intéresser des adolescents. Certaines scènes ambiguës et sous-entendus grivois sont plutôt destinés aux adultes. Finalement, en voulant courir plusieurs lièvres à la fois, on obtient quelque chose de bancal qui ne satisfait personne. C’est malheureusement souvent le cas en France, où le dessin animé reste, à l’inverse de la bande dessinée, un sous genre destiné à remplir à bas coût les programmes télévisés pour enfants.
Note: 6/10
Compléments :
> La Fiche du film sur Wikipedia.
> Le Site du film.
> Critiques sur "CommeAuCinéma", "Libération", "OuestFrance", "AVoirALire", "CitizenGlam".
> Sur les Blogs: "GillesCiment", "ImagesMouvantes", "LesMinots", "LeWebPédagogique".
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26/11/2006
Le Labyrinthe de Pan (El Laberinto Del Fauno)
De l'Autre Coté du Miroir.
Le conte de fées est un genre cruel où les ogres se nourrissent de chair fraîche, et où les grands-mères finissent souvent dévorées par les loups. Rien de gentillet donc, même si les héros sont souvent des enfants à une période charnière de leur vie (âge de raison ou puberté).
Transmis souvent oralement, quelquefois depuis la nuit des temps, il n’est cependant pas 'intemporel', chaque génération de conteur l’enrichissant et l’adaptant au contexte de son époque. Il peut même être créé de toute pièce, comme l’ont brillamment fait au siècle dernier Lewis Carroll ("Alice") ou James M. Barrie ("Peter Pan"). A notre époque, le foisonnement des œuvres fait qu’il est difficile de discerner ceux qui resteront dans les mémoires.
Au niveau cinématographique en tout cas, Guillermo Del Toro réussit là où M.Night Shyamalan avait lamentablement échoué ("La Jeune Fille de l’Eau"). Son fantastique fonctionne parce qu’il se nourrit d’un univers cohérent, et qu’il offre plusieurs niveaux de lecture qui se superposent et se complètent.
D’abord, on a évidemment le niveau du monde physique, celui de l’action, qui traite de la dénonciation du fascisme. Le monde des hommes côtoie celui des demi-dieux, des esprits de la Terre et de la Forêt (Pan est le dieu de la Nature. Mais le temps où la communication était possible est déjà bien loin. Les lieux de passages sont oubliés, le souvenir de l’ancien monde ne subsiste que dans les livres. Le fascisme qui suppose le formatage des esprits à une pensée unique, entraîne le refoulement des pensées vers l’inconscient. Il nie la Raison (symbolisée par le médecin). Son illogisme, basé sur la force brute, est bien mis en évidence lors de l’interrogatoire des braconniers, assez surréaliste. Doctrine liée aux prêtres catholiques et aux bourgeois, il s’oppose à la simplicité des paysans qui trouvent refuge dans la forêt.
A un second niveau, on a toute la symbolique des contes de fées sur le passage à l’âge adulte d’une jeune fille qui perd son innocence en même temps quelle se transforme physiquement. Ofelia doit subir 3 épreuves visant à la préparer à une nouvelle naissance, et donc le symbolisme sexuel est assez marqué (fécondation dans la matrice de l’arbre, abandon au désir devant la table chargé de douceurs, perte du sang marquant la fin de son enfance). Dans cet environnement, le temps est relatif et ne s’écoule pas aussi vite que dans le monde des hommes. Chronos, dieu du temps et dévoreur d’enfants (Cf. le tableau de Goya), est d’ailleurs abondamment représenté sur les murs de l’antre du croquemitaine. Le sablier utilisé dans cette épreuve s’oppose directement à la montre du capitaine, symbole du temps humain moderne.
Enfin on a la supériorité évidente des œuvres de l’esprit (intemporelles) sur la prétention à vouloir créer des empires éternels. Au contraire du fascisme, des montres mécaniques qu’il faut sans cesse réparer et des êtres humains qui disparaissent les uns après les autres, le monde des contes de fées existe de toute éternité et continuera à exister même quand toute construction humaine (labyrinthe, statues, …) aura disparu. Comme la Rose d’immortalité citée par Ofélia, il refleuri sans cesse, sans se soucier du monde qui l’entoure.
Le monde de la mythologie gréco-latine est ici particulièrement bien rendu, sans le côté un peu excessif lié aux mythes de Pan et de Chronos. Avec un coté graphique qui m’a beaucoup fait penser à l’univers de Loisel (avec le même genre de fées que dans son Peter Pan). Une belle réussite qui tranche dans l’univers des films fantastiques en général assez bourrins.
Note: 9/10
Compléments :
> La Fiche du film sur Wikipedia.
> Le Site du film.
> Critiques sur "Excessif", "Fluctuat", "FilmDeCulte", "iMedias", "ObjectifCinéma", "KrinEin".
> Sur les Blogs: "Niklas", "HellJohn", "L'Ouvreuse".
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02/09/2006
La Jeune Fille de l'Eau (Lady in the Water)
Une Jeune Fille à l'Eau de Rose, qui finit par couler.
Il y a des critiques que je préférerai ne pas écrire. Mais il faut se rendre à l’évidence. Le dernier film de M.Night Shyamalan est raté.
Autant "Sixième Sens", "Incassable", "Signes" et "Le Village" proposaient des histoires riches et originales, de vrais personnages et savaient gérer la progression du récit avec un twist final qui était devenu une caractéristique du réalisateur, autant "La Jeune Fille de l'Eau" pêche sur tous ces points.
L’histoire, qu’on dit avoir été créée pour être racontée à des enfants, est particulièrement simpliste et mélange différentes traditions pas toujours compatibles entre elles. Une Nymphe vient sur la terre ferme pour servir de Muse à un écrivain paresseux, mais est menacée par des monstres terrestres, symboles des tares du genre humain. C’est censé être une légende orientale (référence aux Nagas, génies des eaux asiatiques ?). Mais la sauce à du mal à prendre. Les rebondissements sont cousus de fil blanc, et sont vraiment du niveau d’enfants pas trop regardants sur la cohérence du récit. D'un autre côté, vu la violence liée aux monstres, ce film n’est pas du tout adapté à un public enfantin.
Les personnages sont également très caricaturaux et réduits à leur rôle de symboles. Ils sont majoritairement interprétés par des acteurs de seconde zone, plus crédibles dans des séries télé insipides que dans des films de première catégorie. Quand à Bryce Dallas Howard, son rôle se résume à jouer les plantes vertes qu’on arrose et à montrer ses jambes.
La progression du récit est assez linéaire, et s’enlise assez vite dans un jeu de rôle sans intérêt. Seuls aspects positifs, la prestation de l’acteur principal (Paul Giamatti, excellent), le prologue dessiné et la vision de l’œuvre au second degré (les tribulations des créateurs et de leur entourage face aux conformismes et aux critiques). Mais c’est bien peu face à l’impression de gâchis généralisé qui se dégage de l’ensemble.
Le projet ayant été refusé par ses producteurs habituels, M.Night Shyamalan s’est entêté à vouloir le produire malgré tout en l’état. Le résultat est à la hauteur des moyens employés, c'est-à-dire très faible. Espérons qu’après cette parenthèse malheureuse, il saura retrouver le chemin d’une création plus sereine, et que ce n’est pas le premier signe d’un assèchement de son génie cinématographique.
Note : 4/10
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film.
> Les critiques du film sur "Fluctuat", "Excessif", "EcranLarge", "LeMonde", "Libération", "Telerama", "CommeAuCinéma", "AvoirAlire", "FilmDeCulte", "ObjectifCinéma".
> Sur les blogs: "KrinEin", "CultureCafé", "NiklasBlog".
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24/01/2006
Les Ailes Grises (Haibane Renmei)
Quand le poids des fautes empêche de s’envoler vers le Ciel…
Un petit coin de campagne paradisiaque, entouré de hauts murs infranchissables, une petite ville charmante où vit une communauté humaine sans passé et sans histoires, paisiblement occupée par l’agriculture et l’artisanat. Des éoliennes procurent l’énergie de cet environnement très écologique.
Il arrive parfois qu’une graine tombe du ciel, tel un météore, dans un monastère à l’écart de la ville où vivent quelques jeunes filles pourvues d’ailes grises, quelquefois tachées de noir.
La graine germe, forme un cocon d’où finit par sortir une de leurs congénères, ayant tout oublié de sa vie antérieure, se rappelant seulement avoir fait quelque chose de terrible, et de la sensation d’une chute sans fin.
Vivant en communauté, elles doivent travailler pour les humains afin de subvenir à leurs besoins.
Quelque fois l’une d’elles entend l’Appel et s’envole vers le Ciel. Mais nul ne revoit jamais non plus celles qui échouent. Deviennent-elles les gardiens du Mur, muets et masqués ?
Sommes nous dans les Limbes et/ou le Purgatoire, isolés dans un recoin du monde réel, ou un instant transitoire au moment du Bardo (*) ?
Est-ce une seconde chance pour elles de retrouver un sens à leur vie et de racheter leurs fautes passées ?
Peut-être les oiseaux, seuls êtres vivants à pouvoir passer au dessus du mur, pourraient ils le leur dire s’ils pouvaient parler.
Cette superbe série animée est vraiment à découvrir pour ceux qui ne la connaîtraient pas.
Dans un contexte paisible, loin des visions de Dante ou de Jérôme Bosch, elle reprend la mythologie chrétienne pour aborder de façon poétique les notions de responsabilité, de faute, de culpabilité, de rachat, de rédemption.
Comme dans toute bonne fiction japonaise, pas de 'Happy End', mais une fin ouverte, et la promesse d’un renouveau cyclique lié au karma (la 'Roue de la Vie').
En tout cas, si j’ai un jour le choix après ma mort, c’est dans un endroit comme çà que j’aimerai aller.
(*) période intermédiaire entre la mort et la re-naissance dans le bouddhisme tibétain.
Note : 10/10
> Fiche et Critique DvdAnime.net, KrinEin.
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