29/09/2006
Les Particules Elémentaires (Elementarteilchen)
Les 4 Nobles Vérités de Michel Houellebecq.
Il est toujours difficile d’adapter un bouquin aussi important que le pavé de Michel Houellebecq. Le roman est riche en événements, s’étend sur la durée d’une vie, et n’est pas avare d’explications destinées à nous faire comprendre les tenants et les aboutissements de ce qui se passe sous nos yeux (même si de nombreux lecteurs sont restés aveugles).
En faire un film était donc une gageure. Au final, Oskar Roehler s’en sort plutôt bien. En éliminant les nombreuses digressions, les commentaires scientifico-philosophiques ainsi que l’aspect très franchouillard de nombreuses descriptions, on recentre le récit sur son message primordial. Passé la bizarrerie de voir l’action se dérouler en Allemagne plutôt qu’en France, on retrouve rapidement les scènes clef du roman. Même si l’enfance des personnages est plutôt bien résumée, ceux qui n’ont pas lu le bouquin gagneront néanmoins à se plonger dans la prose houellebecquienne pour comprendre les nombreux non-dits du film.
Deuxième roman de la lignée, entre "Extension du Domaine de la Lutte" et "Plateforme" qui détaillent les aspects socio-économiques et éthiques de la relation humaine, "Les Particules Elémentaires" sont les "4 Nobles Vérités" [1] de la pensée houellebecquienne.
Toute vie est Souffrance, et Michel Houellebecq en analyse les causes à travers la vie de 2 demi-frères, qui par delà leurs différences sont soumis aux règles implacables des lois de causalité.
Que ce soit dans les excès des sens (sexe, alcool, drogues, …) ou dans un ascétisme moderne (refuge dans une science aseptisée et idéalisée), le bonheur ne peut exister et les personnages sont soumis aux atteintes de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Il souffrent de leur attachement à l’Ego, de leur insatisfaction à obtenir ce qu’ils recherchent (gloire, plaisirs, …), de la crainte de perdre ce qu’ils croient posséder (situation sociale, êtres aimés, …).
Le film pêche néanmoins par excès d’optimisme. En s’arrêtant avant la mort d’Annabelle des suites de son cancer, il semble vouloir dire qu’il suffit d’adhérer à un amour platonique et sage pour atteindre un semblant de bonheur. Cette idée est évidemment à mille lieues du propos de Houellebecq, même si celui-ci prône comme Aldous Huxley la séparation des sentiments et de la fonction reproductive, ainsi que l’évolution vers un monde asexué qui permettrait d’éliminer une des causes majeures de la Souffrance [2]. Pour lui, les 2 styles de vie sont équivalents, et ne peuvent conduire qu’à l’aliénation, la folie (l’internement de Bruno) ou la mort (le suicide de Michel). En effet, l’Octuple Sentier qui mène à la Libération ne peut se parcourir en restant ballotté par les évènements et soumis aux illusions de ses sens, mais se doit de suivre une voie moyenne, active et responsable.
En résumé, le film, bien que fidèle au récit houellebecquien, est souvent malheureusement assez édulcoré. Il risque de décevoir les amateurs de l’écrivain qui n’y retrouveront pas la noirceur et le cynisme des romans. C’est néanmoins une bonne introduction à son univers, ce qui incitera peut-être certains à se pencher sur l’ensemble de son œuvre écrite. En simplifiant le propos, il permet également de mettre en lumière l’aspect assez bouddhiste de la pensée houellebecquienne, à moins que son pessimisme apparent ne soit plutôt le reflet d’un nihilisme schopenhauerien [3].
Note: 8/10
[1] Un résumé synthétiques des 4 Nobles Vérités sur le blog de l'Association Zen Soto de Genève.
[2] Esquissée dans "Les Particules Elémentaires", cette idée est reprise et développée dans "La Possibilité d’une Ile" où la succession des clones permet d’exprimer la notion de 'réincarnation' d’un être dans des corps successifs, le dernier de la série choisissant de mourir sans avoir de successeur.
[3] Pour une analyses des points communs et des différences entre les doctrines de Bouddha et de Schopenhauer, voir "La Rencontre du Bouddhisme et de l'Occident" de Frédéric Lenoir.
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film.
> Les critiques du film sur "Fluctuat", "Excessif", "Telerama", "CommeAuCinéma", "iMedia".
> Sur les blogs: "KrinEin".
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08/09/2006
Chine du Nord: Route de la Soie
Route de la Soie, Route du Bouddha
La « Route de la Soie » : un mot magique qui recouvre deux mille ans d'histoire. Un voyage d'oasis en oasis au cœur de ce qui fut longtemps pour les Chinois « l'Ouest barbare ». Du couloir du Kan Su à la dépression de Tourfan, en bordure des déserts de Gobi et du Takla Makan, on peut suivre pas à pas l'éclosion puis l'épanouissement du bouddhisme chinois. On y découvre les traces des grands courants de civilisation et on pénétre dans le domaine des populations turco-mongoles, à la porte de l'Asie centrale.
Quelques informations complémentaires ci-dessous.
Bibliographie:
. "Marco Polo et la Route de la Soie": de Jean-Pierre Drège (Gallimard Découvertes).
. "Route de la Soie": Guide Olizane.
. "Routes de la Soie: Sur les Traces des Caravanes": de Elise, Louis-Marie et Thomas Blanchard (Editions Ouest-France).
Cinématographie:
. "Chine: la Route de la Soie" (2005): documentaire de la série Dvd Guides (TF1).
. "Eurasia: A la conquête de l'Orient" (2006): documentaire historique franco-japonais (NHK/TV5).
Infos - Web:
. Une "carte détaillée" en pdf.
. Une synthèse historique.
. Sur "Wikipepia".
. Dossier "Route de la Soie" sur Chine-Informations.com.
. Office du Tourisme Chinois au Canada (en français).
. Dossier Chine sur le site de "l'Université Canadienne de Laval"
. "Easy Voyage": Informations pratiques .
. Chez "Clio": dossier culturel sur la Chine.
Photoramas:
. Sur le "Blog de JF Bossard": photos d'un voyage effectué en 2004.
. Le PhotoBlog de Nicolas Monnier (Juin 2005).
. Mes propres photos sur Picasa :
Chine - Route de la Soie 2006 |
La Route de la Soie en France:
. Le "Festival d'Ile de France" 2006 (3 septembre au 15 octobre) sera consacré à la Route de la Soie (tous les détails sur leur site).
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30/08/2006
Zen, Femmes et Loup
Où est la Vérité ?
Pour l'amoureux, une jolie femme est un objet de réjouissance,
Pour un Ermite, un sujet de distraction,
Pour un loup, un bon repas.
[Proverbe Zen]
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19/08/2006
Ikkyu (6 vol.)
Esprit Zen, Esprit Neuf.
Le Zen est souvent mal compris des occidentaux. Devenu un adjectif du langage courant, il est en général considéré comme un synonyme de 'décontracté', 'cool', 'relax', 'sans soucis', 'détaché du monde', 'je m’en foutiste'. C’est évidemment un contresens complet par rapport à la réalité d’une doctrine ayant de hautes exigences morales et intellectuelles.
Passons rapidement sur les aspects historiques, sa filiation avec le 'Chan' chinois, ses différentes écoles de pensée ('Soto' et 'Rinzaï'), ses relations ambiguës avec les samouraïs japonais, il y aurait beaucoup trop à dire en quelques lignes. Il est surtout connu en Occident pour avoir été aux origines d’une certaine contre-culture américaine (Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Léonard Cohen, …) et donner lieu à des 'koans' très hermétiques pour notre pensée (trop) cartésienne.
Comme tout bouddhisme, le Zen est d’abord une pratique éthique et morale: rester serein face à la maladie, la vieillesse et la mort, adopter le bon comportement face à l’injustice, l’indigence et l’obscurantisme. Le Zen n’est pas là pour juger, pour dire ce qui est 'bien' ou 'mal', mais vise à une prise de conscience directe, intuitive et immédiate de notre nature profonde de façon à vivre pleinement 'ici et maintenant'.
Le meilleur moyen pour approcher le Zen est alors de s’intéresser à la vie de quelques grands maîtres, et à leur façon d’avoir résolu les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Ikkyû (1394 - 1481) fut l’un des plus iconoclastes, remettant en cause les pratiques 'officielles' au profit d’une recherche plus personnelle et plus désintéressée. Dans ce contexte, la BD est un support idéal. En éliminant le discours superflu au profit du dessin, et en ne gardant de l’image que les traits essentiels, elle permet au message de se frayer un passage plus facile au fond de notre cerveau. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les mandalas sont de bons supports de méditation, le 'Satori' étant par nature une expérience au-delà des mots.
Les 6 volumes que lui consacre Hisashi Sakaguchi retranscrivent très bien ce qu’a pu être la vie d’Ikkyû. Aucun aspect n’en est occulté, que ce soient ses débuts de jeune moinillon, bâtard de l’empereur Gokomatsu, son parcours intellectuel et religieux, ses relations avec les femmes et l’alcool, son attitude face aux nombreux aléas de l’époque (guerres, famines, épidémies, …).
Au final, un comportement qu’on peut rapprocher de certaines figures du bouddhisme tantrique himalayen ou des saints à l’origine des ordres mendiants en Europe, et un personnage qu’on peut sans problème mettre dans son panthéon personnel parmi les grands hommes qui ont éclairés ce monde.
Une vraie réussite pour mettre à la portée de tous, une pensée trop mal connue en France.
Note: 9/10
Compléments :
> La vie d'Ikkyû sur "ArtsLivres".
> Les chroniques de "Benzine", "WebOtaku", "ActuaBD", "PassionDesLivres".
> Voir aussi les excellentes séries de planches de Tsai Chih Chung ("Soyons Zen", "Les Origines du Zen", ...) parues chez différents éditeurs, et à savourer avec gourmandise.
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02/05/2006
La Rencontre du Bouddhisme et de l'Occident
La Longue Marche du Bouddhisme vers l'Ouest.
Il aura fallu près de 2500 ans pour que le Bouddhisme finisse par s’implanter durablement en Occident, à la suite de l’exode massif des tibétains fuyant l’invasion chinoise. Jamais aucun mouvement spirituel n’aura mis autant de temps à se déployer hors de ses régions d’origine. Il est vrai que le Bouddhisme est l’une des seules (la seule restante ?) à ne s’être jamais imposée par les armes contre les religions en place.
Ses premiers pas hors d’Asie sont largement méconnus. S’il est probable que des textes et des moines ont très tôt voyagé le long de la Route de la Soie, aucune trace écrite n’en est restée. Tout au plus peut-on relever une possible influence de certains concepts sur ce qui deviendra un jour le Christianisme (Jésus est d'ailleurs supposé par certains avoir passé une partie de sa jeunesse en Inde [1]).
Les premiers textes datent de la redécouverte de l’Orient à partir du Moyen Age par les explorateurs, marchands (Marco Polo), missionnaires jésuites, colonisateurs, etc., propagateurs de légendes telles que celle de Saint Josaphat (récit christianisé de la vie du Bouddha) ou de celle du royaume du prêtre Jean (inspirée des théocraties lamaïstes ?) successeur présumé de l’apôtre Saint Thomas, ainsi que des fantasmes liés à des territoires inaccessibles (Chine d’abord, Tibet ensuite).
Tout au long de ces époques, on remarque une profonde méconnaissance des doctrines, une incompréhension totale des pratiques, une tendance à vouloir toujours tout ramener à une pure interprétation européenne aux dépends de la réalité du terrain. Il faudra attendre le 19-ième siècle, à la suite des explorations consécutives à la colonisation et des études linguistiques sur les langues anciennes de ces régions (sanscrit, pali, tibétain, chinois ancien) pour s’apercevoir que le Bouddhisme n’était qu’une seule et même religion, au-delà de ses différentes formes.
Le Bouddhisme fait alors l’objet d’une comparaison systématique avec le Christianisme, soit pour glorifier ce dernier (en soulignant les points positifs en commun), soit pour remettre en cause sa prétention à l’universabilité (Jules Ferry et les anti-cléricaux de la 3-ième République Française). Mais il est en général confondu avec la philosophie de Schopenhauer, avec laquelle il possède de nombreux points de convergence, entraînant l’idée fausse que le Bouddhisme est une pensée nihiliste.
On le voit également très utilisé comme alibi pour la renaissance de doctrines ésotériques au sein de sociétés secrètes ou de sectes initiatiques, comme l’avaient été avant lui l’hindouisme ou les 'mystères' égyptiens, et le sujet de nombreux livres bidons, prétendument écrits par des sages tibétains, décrits comme les derniers dépositaires de la sagesse des Anciens habitants de l’Atlantide.
Au début du 20-ième siècle, de nombreuses interactions se créent avec les psychanalystes et les philosophes (Freud, Jung, Huxley, etc.), notamment via le Zen japonais, ce qui conduira à la révolution culturelle et spirituelle des années 60-70 (Allen Ginsberg, mouvement beatnik, routards partant à Katmandou).
Le tournant majeur se fait au moment de l’exode des lamas tibétains en occident suite à l’invasion chinoise de 1959 et la prédiction qui en avait été faite au 16-ième siècle [2], conduisant à la re-création de nombreux monastères en Europe et aux Etats-Unis, permettant aux différentes écoles d’assurer la continuité de leur lignée et de leurs spécificités.
Actuellement, le remplacement des maîtres nés en Asie par des moines nés et éduqués en Occident permet d’espérer une nouvelle mutation du Bouddhisme vers une doctrine plus laïque et plus universelle. L’échec des idéologies purement matérialistes (écroulement du communisme, faillite conceptuelle de l’idéologie libérale consumériste), la crise du Catholicisme et la montée des intégrismes dogmatiques (fondamentalistes chrétiens, Hébreux, Islamistes, Orthodoxes, Hindous) lui ouvrent un boulevard pour tous ceux qui recherchent une idéologie pragmatique, responsable, universelle, ouverte sur le monde, respectant l’Humanité et la Nature, alliant éthique individuelle et collective, où la science matérielle occidentale moderne se mélange facilement avec une science du mental qui a fait de l’expérience introspective son principal outil.
L’ouvrage de Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et historien des religions à la vaste culture, permet de revisiter en détail ces 2000 ans d’Histoire qui, dans une république laïque digne de ce nom, devraient être enseignés à tous afin d’éviter les incompréhensions, caricatures et amalgames trop souvent rencontrés [3].
Note: 10/10
[1] Voir "Qui était Christ ?" et "Jésus était un sannyasi hindou" sur le site du yogi hindou Ramsuratkumar Bavan, ainsi que "Jésus et les Esseniens" sur les influences possibles du Bouddhisme sur la secte des Esseniens.
[2] «Quand volera l’oiseau de fer et que les chevaux auront des roues, le peuple tibétain sera dispersé sur terre, telles les fourmis, et le Dharma viendra dans le monde des visages rouges» prophétie tibétaine du 16-ième siècle, souvent attribuée rétroactivement à Padmasambhava, complétée par la prédiction du 13-ième Dalaï-lama (1931): «Il se pourrait qu'ici, au centre du Tibet, la religion et l'administration séculière seraient attaquées à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. A moins que l'on sache garder notre propre pays, il arrivera alors que les Dalaï et Panchen Lamas seront brisés et resteront sans nom. En ce qui concerne les monastères, les moines et les nonnes, leurs terres et autres propriétés seront détruites. Les coutumes administratives ancestrales seront affaiblies. Les fonctionnaires de l'Etat religieux et séculier, se verront saisis de leurs terres et de leurs autres possessions. Et, eux-mêmes devront servir leurs ennemis, ou errer dans le pays comme des mendiants. Tous les êtres seront plongés dans des grandes difficultés, les jours et les nuits sombreront lentement dans les souffrances. Ne soyez pas des traîtres vis à vis de la communauté religieuse ou de l'Etat en travaillant pour un autre pays que le vôtre. Le Tibet est heureux, et dans le confort maintenant. La situation est entre vos mains.».
[3] Cf. l’affaire Ram Bahadur Bomjon (le 'Little Bouddha' du Népal).
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