21/02/2008
Devoir de Mémoire
Mémoire Sélective ?
Décidément, certains ont la mémoire bien courte.
'Il' nous avait déjà appris que l'Afrique n'a pas d'Histoire (bien pratique pour oublier la Traite des Nègres, la Colonisation, les guerres de décolonisation, l'abandon des harkis, le génocide rwandais, le soutien à toutes les dictatures africaines, ...).
Il se veut l'ami de tous les dirigeants qui se fichent des Droits de l'Homme (Chine, Russie, USA, Libye, Gabon, Tchad, ...).
Tout à la volonté de donner des gages aux lobbies qui l’ont fait élire, on en profite pour rayer de la mémoire collective toutes les victimes des guerres et génocides appartenant aux minorités indésirables. La Shoah devient le seul génocide qui compte, au détriment des arméniens, des tibétains, des palestiniens, des cambodgiens, des birmans, des rwandais, du Darfour, et de toutes les victimes des camps nazis (handicapés, homosexuels, communistes, tziganes, … et autres populations ‘inférieures’ ou ‘dégénérées’) ou japonais (chinois, coréens, ...).
Plus ça va, plus on a l’impression de revivre la situation des protagonistes de "1984", où l’Histoire est réécrite en fonction de la politique du moment, et où une ‘novlangue’ s’impose, modifiant le sens des mots tout en appauvrissant le niveau culturel de la population.
Réduire l’Histoire à quelques dates et personnages importants [*], les maths à quelques formules apprises par cœur, privilégier l’émotionnel par rapport au factuel, l’anecdotique par rapport au raisonnement, tout ça nous prépare une belle autocratie qui pourra s’épanouir lors d’une prochaine guerre (‘de civilisation’) avec un ennemi désigné comme bouc émissaire. Des méthodes utilisées avec succès dans toutes les dictatures passées ou présentes, celle que notre ‘grand timonier’ aime bien citer en exemple pour leur dynamisme ou leur religiosité.
Il ne restera plus qu’à créer des ‘jeunesses patriotiques’ chantant la gloire du Père de la Nation Nouvelle, le matin à l’école en hissant le drapeau, pour renouer avec l’esprit des années 30, au bon vieux temps des ‘100 familles’, des ligues nationalistes et de l’alliance de sabre et du goupillon.
Sacré retour en arrière, étonnant de la part du fils d’un émigré hongrois, petit-fils d’un bijoutier juif de Salonique. Mais Hitler n’était pas non plus le meilleur exemple de la ‘race aryenne’ désignée comme étant supérieure aux autres.
Mais la France semble bien aimer se payer le luxe d'un tyran tous les 60-70 ans (Robespierre 1793-94, Napoléon III 1851-70, Pétain 1940-44). Il pourra en tout cas se documenter auprès des dirigeants chinois, qui cette année vont nous refaire le coup des J.O. de Berlin de 1936.
Merci à Delize, Chappatte, à Bati et aux autres caricaturistes pour nous rappeler avec leurs crayon que le devoir de mémoire n'est pas qu'une manigance politicienne.
[*] surtout des symboles nationalistes : Jeanne d’Arc, Charles Martel, Napoléon, Guy Moquet, …
20:00 Publié dans Actualité, Ethiques & Politiques, Images | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualités, médias, histoire, chine | Imprimer
16/02/2008
Hop Là, Nous Vivons! (Ernst Toller) par Christophe Perton
Le Crépuscule du 'Grand Soir'.
Après "Retour à la Citadelle" et "Puntila", "Hop Là, Nous Vivons" (1927) est la 3-ième représentation de la saison au Théâtre de la Ville à traiter de politique et de rapports de classes. C’est sans doute la plus impressionnante des 3. Il faut dire que l’auteur, Ernst Toller, connnaissait particulièrement bien son sujet pour l’avoir lui-même vécu dans l’Allemagne des années 20-30.
Malgré tout la pièce est d’une modernité des plus étonnantes. Le parallèle entre les 2 époques est saisissant. Espoirs vites déçus liés à la fin des guerres (Der des Der ou Guerre Froide), crise économique, krach boursiers, montée des nationalismes et du communautarisme, star system et people-isation, remplacement des valeurs morales des périodes précédentes par un affairisme forcené, etc. se retrouvent de façon frappante à 70 ans d’intervalle.
Le ‘héros’ est un révolutionnaire idéaliste qui redécouvre la société après en avoir été isolé pendant plusieurs années. Il subit de ce fait un fort décalage temporel, et est obligé de réapprendre à vivre dans un milieu qui n’est plus le sien, ce qui facilite également la compréhension du spectateur moderne. On imagine facilement Jean-Marc Rouillan redécouvrant la vie parisienne après ses longues années de prison dans les quartiers d’isolement.
Le texte de Toller est fort et pertinent, les scènes s’enchaînent de façon efficace, très bien servies par la mise en scène de Christophe Perton. Ils n’hésitent pas à mettre l’accent sur les scènes ‘explicites’ pour dénoncer un monde dans lequel les faibles sont toujours victimes d’une ‘loi de la jungle’ parées des justifications les plus moralement contestables. Cynisme et retournement de vestes, intellectuels prétendument de gauche au service d’une idéologie néolibérale et anti-sociale, profits spéculatifs privilégiés au développement harmonieux de l’économie, lobbies au service des plus offrants, avec leur cortège habituel de corruption, de drogue et de prostitution.
Triste constat qui résonne de façon encore plus significative dans la France du Bling-Bling.
Liberté, Humanité, Justice, Fraternité ne sont plus que des mots creux dans la bouche de ceux qui sont chargés de les défendre. Tout homme, ou presque, est corruptible. Il suffit d’y mettre le prix. Chacun aura toujours de bonnes raisons de défendre ses propres intérêts sans se soucier de ceux des autres. La trajectoire du héros de l’histoire ne peut donc qu’être tragique. Soit il accepte la situation et se renie lui-même, soit il reste l’ennemi public numéro 1 qui remet en cause les fondements du système et doit être éliminé par tous les moyens possibles. Tous les opposants à des régimes non démocratiques ont été un jour ou l’autre confrontés à ce dilemme et y ont répondu selon leur sensibilité. La façon d’Ernst Toller de traiter le problème est en tout cas passionnante [*].
Evidemment tout est désormais complet au Théâtre de la Ville (petite salle et petits prix obligent), mais ceux qui auront l’occasion d’être sur le parcours de la tournée de la troupe (Vanves, St-Etienne, Andrezieux, ...) peuvent réserver leurs places sans hésiter.
[*] Lui-même s’est malheureusement suicidé en 1939, ayant sans doute désespéré du genre humain.
Note: 9/10
Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et de la Comédie de Valence.
> Les analyses et critiques de RadioLibertaire, LaTerrasse, L'Express, LeMonde, Les3Coups, Paris.evous, ThéâtreEtCompagnies, Webthea, ChezGaland, AllegroVivace.
Prologue :
Toller. - Les hommes ont-ils tiré les leçons des sacrifices et des souffrances, du désespoir d'un peuple, ont-ils compris le sens et l'avertissement, les devoirs imposés par ces temps ?
Les républicains, qui livrent la république à ses ennemis.
Les bureaucrates, qui étouffent courage et liberté, audace et foi.
Les écrivains qui, après avoir créé une image romanesque du travailleur en lutte, renoncent, dès qu'ils se trouvent en face du véritable travailleur, avec sa force et sa faiblesse, sa grandeur et sa petitesse.
Les politiciens réalistes, sourds à la magie du mot, aveugles à la puissance de l'idée, muets devant la force de l'esprit.
Les fétichistes de l'économie, pour lesquels les forces morales du peuple et les grandes impulsions de l'homme, sa soif nostalgique de liberté, de justice et de beauté, ne sont que vices.
Non, ils n'ont rien appris— tout oublié et rien appris.
La barbarie triomphe, le nationalisme, la haine raciale abusent les yeux, les sens et les coeurs.
Le peuple attend son salut de faux sauveurs et non de son jugement, de son travail et de sa responsabilité propres. Il se réjouit des chaînes qu'il se forge lui-même et, pour les faux fastes d'un plat de lentilles, vend sa liberté et sacrifie la raison.
Car le peuple est fatigué de la raison, fatigué de la pensée et de la réflexion — « Qu'a donc fait la raison, ces dernières années ? demande-t-il, et de quelle aide lumières et jugement nous ont-ils été ? »
Et il croit ce que lui disent les contempteurs de l'esprit, qui enseignent que la raison paralyse la volonté, ronge les racines de l'âme et détruit les fondements de la société, que toute misère, sociale ou privée, est son oeuvre.
C'est toujours la même absurde croyance en la venue d'un homme, d'un chef, d'un César, d'un messie qui fera des miracles, prendra sur lui la responsabilité des temps à venir, réglera la vie de tous, bannira la peur, supprimera la misère.
C'est toujours le même absurde désir de trouver le coupable qui endosse la responsabilité des temps passés, sur lequel on puisse se décharger de son propre renoncement, de ses propres fautes et de ses propres crimes.
Liberté, humanité, fraternité et justice, autant de phrases vénéneuses — qu'on les jette aux ordures !
Apprends les vertus du barbare, opprime le faible, élimine-le, brutalement et sans pitié, désapprends à sentir la souffrance d'autrui, n'oublie jamais que tu es né pour être un vengeur, venge-toi pour les offenses d'aujourd'hui, celles d'hier et celles que l'on peut te faire demain !
Où est la jeunesse de l'Europe ?
Elle, qui avait reconnu que les lois du vieux monde sont en pièces, qui a vécu jour après jour, heure après heure, leur effondrement ?
Elle vivait et ne savait pas pourquoi. Elle avait soif de buts directeurs, de réaliser ses grands rêves hardis — on la consolait avec l'ivresse du vide.
Suit-elle vraiment les faux prophètes, croit-elle le mensonge et méprise-t-elle la vérité ?
80 ans après, il n'y a rien à y changer.
20:00 Publié dans Ethiques & Politiques, Sur les Planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Culture, Théatre, Paris | Imprimer
26/01/2008
Maître Puntila et son Valet Matti (B.Brecht) par Omar Porras
La Lutte des Classes est-elle Soluble dans l'Alcool ?
En 1940, Brecht est obligé de vivre en exil en Finlande. C’est l’occasion d’écrire cette pièce, assez datée et dans la lignée des nombreuses comédies de maîtres et serviteurs qui parsèment l’œuvre des grands auteurs. Plutôt classique dans sa structure, elle permet de dénoncer la toute puissance d’un grand propriétaire terrien, gérant ‘ses’ gens de façon plus ou moins paternaliste selon son degré d’ébriété.
Ouvriers agricoles exploités, domestiques corvéables à merci, syndicalistes pourchassés, jeunes filles pauvres séduites et abandonnées, fille qui n’a pas son mot à dire sur son futur mariage forment la longue liste des victimes des notables, quand ceux-ci ne noient pas leur oisiveté dans l’alcool. Cette construction forme à la fois la force et la faiblesse de cette pièce.
D’un côté, ça permet de réactualiser des propos déjà dénoncés par Scapin, Sganarelle, Figaro et tant d’autres, tout en montrant que pas grand-chose n’a malheureusement changé dans la condition des petites gens. Les ressorts comiques sont largement éprouvés et toujours aussi efficaces. La mise en scène d’Omar Porras, particulièrement inventive et foisonnante, permet par ailleurs de gommer les aspects trop rébarbatifs du mélo pro-communiste de Brecht, tout en gardant la féroce dénonciation de l’exploitation des travailleurs par certaines classes dirigeantes. La forme de comédie musicale est particulièrement appropriée, les intermèdes chantés par le chœur soulignant l’action de façon comique comme dans les pièces antiques.
Le côté négatif de ce système est qu’il n’est pas très original, et qu’on a une forte impression de déjà-vu. Le décalage des situations de cette période avec notre époque à la fois si proche et si différente introduit également une distance préjudiciable.
Il est donc un peu difficile de rentrer dans la pièce, sensation renforcée par le jeu un peu outrancier des acteurs, par leurs masques, leurs voix faussées [*], et du décor volontairement décalé et biscornu.
Mais finalement, les 2h20 finissent par s’écouler rapidement, bien rythmées par le découpage de la pièce et les nombreux rebondissements. Rien à voir avec le "Homme pour Homme" dont j’avais l’année dernière dénoncé les faiblesses.
Côté interprétation, c’est un sans-faute, tant au niveau des premiers rôles, impressionnants, que des petites mains multipliant les apparitions sous de multiples identités. Le jeu sur les postures et les gesticulations est notamment remarquable (serviteurs toujours courbés par le travail et la déférence, bourgeois en équilibre instable signifiant leur ivresse et la fragilité de leur position sociale).
La pièce, quoique bourrée d’humour, est assez noire, constatant l’impossibilité du dialogue entre travailleurs pauvres et nantis imbus d’eux-mêmes, les 2 catégories étant conditionnées dès la naissance à être ce qu’elles sont. Matti, le chauffeur, est le valet traditionnel qui symbolise la conscience collective du peuple, intelligent, persifleur, mais condamné à subir les injustices de ses patrons, tout en rêvant au jour 'où chacun pourra enfin être son propre maître'. Il est le descendant direct de Figaro, dont le discours annonçait la Révolution Française, modèle mythique de toutes les luttes visant à libérer les peuples de leurs ‘élites’ héréditaires.
Bref, un bon Brecht, à découvrir même par ceux qui craindraient la prise de tête politico-philosophique.
Note: 8/10
[*] accentuées par le fait que certains rôles masculins sont joués par des femmes et vice-versa.
Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et du Teatro Malendro.
> Les analyses et critiques de Evene, LaTerrasse, Télérama, LesEchos, LeFigaro, LeMague, Webthea, Tartalacrem, ChezGaland, D.Dumas, AimablePetiteConne, Biffures.
20:00 Publié dans Ethiques & Politiques, Sur les Planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Culture, Théatre, Paris, Brecht | Imprimer
11/01/2008
Tributes to Carla Bruni
Nouvelle jeunesse pour les chansons emblématiques d'une chanteuse de seconde zone qui vient de relancer sa carrière de façon spectaculaire.
Elle aura en tout cas stimulé la création artistique en France.
Quelques exemples réussis :
Les Voyoucrates:
Les Lofteurs:
Bonjour La Gaule:
The PearsMusic:
Pleasewhite:
Carlakozy:
Eric Mie:
Patrick Adler:
Jamservant:
Anne Roumanoff:
20:00 Publié dans Actualité, Ethiques & Politiques, Humour, Musiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Actualités, Musiques, Web | Imprimer
22/10/2007
Lettre de Guy Moquet
De Qui se Moque-t-on ?
Un superbe dessin de Lindingre, paru dans Telerama, qui remet bien en perspective le contexte révisionniste actuel.
Ne mélangeons surtout pas les vrai-faux résistants bien français (qui ont rejoint Jeanne d'Arc parmi les images d'Epinal) avec les vrais résistants émigrés ou les 'indigènes' d'outre-mer qui ont réellement participé à la libération de la France.
Le 'Devoir de Mémoire' a bon dos quand il s'agit de manipuler l'Histoire à des fins partisanes.
Compléments :
> Les faits historiques sur Herodote.
> "Moquet Business" sur Rue89.
> "Guy Môquet : effacement de l’histoire et culte mémoriel" sur Libération.
> L'Affaire Guy Moquet sur agitateur.org.
20:00 Publié dans Actualité, Ethiques & Politiques, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Actualités, Médias, Histoire | Imprimer