30/08/2007
Lorelei de Shinji Higuchi
Les Fausses Notes de la Sirène du Pacifique.
Le cinéma japonais grand public, à l’exception notable des dessins animés, est en crise depuis plusieurs années et rien ne semble devoir l’en sortir. Quelques films obtiennent pourtant de temps en temps un important succès auprès du public local, comme "Lorelei" en 2005.
Se déroulant à un point clé de l’Histoire contemporaine nipponne (les bombardements nucléaires de la fin de la Seconde Guerre Mondiale), il partait à priori avec de bons atouts. Production à gros budget, réalisée par un ancien de "Neon Genesis Evangelion", casting intéressant (dont Koji Yakusho l'acteur fétiche de Kiyoshi Kurosawa), trucages réalisé par Skywalker Sound.
A l’arrivée, le résultat est assez mitigé.
Si le récit évite le manichéisme, et présente dans chaque camp des individus aux motivations contrastées, il n’évite pas certains écueils rédhibitoires.
Du côté japonais, le plus développé, on trouve notamment un équipage de loosers, conduit par un capitaine ayant refusé d’effectuer des missions suicide, des mutins rescapés des armées ‘oubliées’ dans les jungles du sud-est asiatique, un état-major va-t-en guerre explicitement accusé de lâcheté, une métisse judéo-nippone rescapée des camps de la mort et objet d’expériences parapsychiques de la part de médecins nazis.
Du côté américain, les personnages sont moins malveillants et stupides que d’habitude dans ce type de films, mais se voient reprocher à juste titre leurs bombardements aveugles sur les populations civiles.
Les effets spéciaux 3D sont plutôt bien réalisés, qu’ils concernent les avions, les bateaux ou les sous-marins.
La bande son est excellente, que ce soient les chants de notre sirène, ou l’ambiance sonore d’un sous-marin en plongée.
Là où le bât blesse, c’est dans l’accumulation de situations caricaturales, trop typiquement japonaises.
Le scénario multiplie en effet les individus qui se sacrifient pour le groupe, ou préfèrent se suicider plutôt que d’affronter le déshonneur. Ces comportements sont certes emblématiques de la culture japonaise des siècles passés, mais le film les assène avec un tel sérieux, et de façon tellement incongrue par rapport au reste de l’intrigue, qu’ils en sont complètement ridicules pour un spectateur occidental contemporain.
On comprend mieux pourquoi ce long métrage n’est pas passé dans les salles françaises, et est sorti directement en DVD.
Une grosse déception donc, à ne voir qu’à titre de curiosité. Sur le sujet, on lira/verra plutôt "Zipang" de Kaiji Kawaguchi, ou "L’Histoire des 3 Adolf" d’Osamu Tezuka, nettement moins simplistes dans leurs descriptions des militaires japonais d'avant 1946.
Note : 6/10
Compléments :
> Les critiques de CommeAuCinéma, SanchoAsia, CineAsie, DvdRama.
> Une très bonne Histoire du Cinéma Japonais sur Fluctuat.
> Le mythe allemand de la Loreleï, sirène/sorcière de la vallée du Rhin.
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16/08/2007
Chine du Sud: Notes de Voyage
Lotus Bleu, Péril Jaune, Étoile Rouge.
Un voyage en Chine est toujours l’occasion de confronter la réalité du terrain à une représentation fantasmée, issue du regard d’occidentaux pas toujours objectifs et d’une propagande communiste visant clairement à la désinformation.
Le tourisme y est une activité fortement encadrée, il n’est pas possible d’aller partout, mais malgré les clichés et les mensonges d’État, il n’est pas trop difficile de se faire une opinion raisonnée sur ce pays écartelé entre traditions et modernité.
A terme, l’introduction du ver capitaliste dans la grosse pomme rouge risque d’avoir le même effet qu’en URSS dans les années 80. A la vitesse où vont les choses, le rideau de bambou qui cloisonne encore une grande partie de la société chinoise ne devrait pas résister plus d’une dizaine d’années.
Guides:
Jeunes, inexpérimentés, parlant mal le français (et quelques fois mal l’anglais), peu cultivés, essayant de réciter par cœur des informations standardisées pas toujours exactes et souvent superficielles, ils sont néanmoins indispensables pour effectuer toutes les formalités administratives nécessaires sans perdre un temps trop précieux. Visiter un site en individuel n’est de toute façon pas dans la mentalité chinoise.
Cuisine:
Parfait pour faire un régime, sans se priver ! Diversifiée, restée proche des recettes traditionnelles, non chargée en additifs artificiels de toutes sortes, la cuisine chinoise des campagnes permet d’éviter le surpoids, tout en se faisant plaisir. Dans les villes, par contre, la malbouffe américaine commence à faire des ravages. Le nombre d’obèses est en augmentation constante. Dans un pays où la grosseur était signe de bonne santé, les maladies cardiovasculaires risquent de faire des dégâts importants.
Shopping:
La Chine est l’usine du Monde. C’est aussi le royaume de la contrefaçon. Résultat, difficile d’acheter quoi que ce soit sans risquer de se faire arnaquer. En général, en Europe, le prix de vente est égal à 2 ou 3 fois le prix d’achat. Donc, lors d’un marchandage, il suffit de partir d’un montant égal à la moitié ou au tiers du prix affiché, pour progresser vers un prix d’équilibre qui satisfasse les 2 parties. En Chine, les dés sont pipés dès le départ. J’ai vu des personnes acheter des objets 6 fois moins cher que le prix initial, et un guide nous a dit qu’on pouvait dans certains cas commencer au dixième de la valeur. Comment est-ce possible ? La réponse est simple. La majorité de ce qui est vendu ne correspond pas à la description qui en est faite. Marques contrefaites, antiquités fabriquées à la chaîne, copies pirates, etc., pratiquement tout est vendu comme étant authentique et de bonne qualité. Mais attention aux désillusions. Outre des passages en douane toujours risqués, des risques médicaux non négligeables, et de grosses déceptions financières, on peut être obligé de ressortir rapidement son portefeuille. Un de mes compagnons de voyage ayant acheté une nouvelle valise plus grande, s’est retrouvé fort dépourvu au bout de 2 jours, ayant perdu successivement ses roulettes, ses poignées, pour finir avec des parois déformées par les manipulations peu délicates des manutentionnaires. Les bonnes affaires coûtent souvent plus cher qu’on ne le croit.
Développement économique:
« Quand la Chine s’éveillera, le Monde tremblera » disait Napoléon. La prédiction s’est réalisée. Ces 10 dernières années, le pays a basculé dans un capitalisme débridé, ressemblant par bien des points à celui qui existait en Europe et aux États-Unis à la fin du 19-ième siècle. Puissance des grands conglomérats contrôlés par une petite oligarchie richissime, pas de droit de grève et de syndicats libres, répression des émeutes par l’armée, chasse aux idées démocratiques, libertaires et anti-impérialistes, rien ne manque à l’inventaire. On se croirait dans du Zola. Les plus malmenés sont comme toujours les paysans des régions pauvres, les habitants des régions industrielles sinistrées, les petits salaires, les vieux sans retraites, les migrants illégaux (sans passeport intérieur), les minorités ethniques. Les tensions s’accumulent entre Est et Ouest, riches et pauvres, privilégiés et laissés pour compte, purs chinois et minorités colonisées. Combien de temps la grenouille pourra-t-elle continuer à grossir sans éclater ?
Villes:
Du passé, faisons table rase ! Tel semble être le credo des responsables chinois, détruisant systématiquement les constructions anciennes pour implanter gratte-ciels, autoroutes et autres constructions modernes, fonctionnelles mais sans âme. La population, non indemnisée, n’a plus qu’à aller s’implanter un peu plus loin, et aller grossir les rangs des nouveaux pauvres, exclus de la croissance.
Patrimoine Culturel:
Pourquoi conserver des vieilleries ? Le chinois est pragmatique. Pour lui, ‘restaurer’ veut dire refaire à neuf. Tant pis pour le cachet d’une pièce ancienne. Reconstruction en béton de bâtiments anciens, peintures acryliques pour raviver les outrages du temps, rien n’est trop beau pour avoir de quoi satisfaire un tourisme de masse peu habitué aux subtilités des styles et des techniques anciennes. L’important est de pouvoir se faire tirer le portrait à côté de quelque chose de photogénique. Les quelques pièces historiques croupissent dans des vitrines poussiéreuses qui n’intéressent pas grand monde. Le communisme chinois, tourné vers un avenir forcément radieux, n’a que faire des reliques du Passé.
Drogue:
Le Yunnan n’est pas loin du Triangle d’Or. Ça se voit. Depuis l’ouverture de la région au tourisme, il y a une dizaine d’année, est apparue toute une faune analogue à celle qu’on rencontrait à Katmandou dans les années 70. Venu profiter du bon air des montagnes où poussent sans contraintes cannabis et pavot, ils ont profondément modelés l’offre touristique autochtone. Du coup, le confort n’est pas si mauvais pour un endroit aussi reculé, même si l’authenticité des habitants a beaucoup diminuée au profit d’une certaine folklorisation. Les touristes chinois adorent cette ambiance qui les change de ce qu’ils ont l’habitude de voir. Les policiers ne s’attaquent qu’aux gros trafiquants pour ne pas se mettre à dos les minorités locales. Pour le moment tout baigne. Jusqu’à la prochaine campagne "Frapper Fort" ?
Écologie:
Smog dans les villes, fleuves et lacs pollués, trafic automobile en hausse vertigineuse, la situation environnementale de la Chine se dégrade de jour en jour. L’incivisme chronique des chinois rend difficile toute tentative de réformes. Faudra-t-il une catastrophe écologique majeure avant qu’une petite partie des énormes profits commerciaux du pays soit réinvestie dans des industries plus propres et dans le nettoyage des nombreux sites pollués ?
Propreté:
Le cochon est un des animaux fétiche de la Chine. Symbole de prospérité, c’est aussi un composant essentiel de la nourriture quotidienne. Dans les campagnes, il vit à côté de ses propriétaires, mangeant ses déchets, jouant avec ses enfants, vaquant souvent en liberté avec les autres animaux de la maison. Pas étonnant dans ces conditions que se multiplient les épidémies contagieuses (grippe aviaire, SRAS, HIV, …). Comme en plus, il ne viendrait jamais à l’esprit d’un paysan chinois de se laver les mains régulièrement, de ne pas cracher partout, ou de ne pas fumer là où c’est interdit, il est évidemment difficile de mettre en place une politique sanitaire efficace. Quand aux WCs chinois, ceux qui ont eu l’occasion de les expérimenter savent combien il est difficile de ne pas être incommodé par les odeurs, la promiscuité, l’inconfort et le délabrement des installations, et combien il est important de ne pas oublier d’apporter son savon et son rouleau de papier, car il n’y en a généralement pas.
Minorités:
Théoriquement protégées par la Constitution, les minorités nationales sont en pratique réduites à un statut d’assistés, voyant leur échapper les postes de direction ou à forte expertise technique. Colonisés par les Hans, pur beurre, ils arrivent au mieux à conserver leurs spécificités dans des territoires peu autonomes du pouvoir central, et qui se rapprochent plutôt des réserves indiennes aux États-Unis. Au pire, ils sont culturellement en voie d’extinction, leurs langues et traditions n’étant plus pratiquées par un nombre suffisant d’individus (par exemple, seuls 15 personnes savent encore lire et écrire le dongba à l’heure actuelle).
Religion:
Les chinois ne sont pas religieux, mais ils sont superstitieux. Le communisme (surtout au moment de la Révolution Culturelle) avait pourtant tenté d’éradiquer l’Opium du Peuple. Peine perdue. La libéralisation de l’économie s’est accompagnée d’un renouveau impressionnant des pratiques cultuelles. Mais rien de spirituel là dedans. On se déplace surtout dans l’espérance de bonnes récoltes, dans l’espoir de réussir un examen ou d’avoir un fils destiné à perpétuer la lignée familiale. Outre l’autel des ancêtres, situé dans une des pièces de la maison, il existe de nombreux temples, œcuméniques, ‘restaurés’ ou reconstruits dans le style le plus kitch possible. Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme chinois se disputent l’essentiel du marché, fournis par de nombreux commerces proposant bâtonnets d’encens, statuettes votives ou breloques porte-bonheur. Chacun vient dans les temples comme dans une auberge espagnole, ressortant avec ses espoirs après des prosternations identiques quelque soit le lieu. De toutes façon, pas d’exclusives. Pour mettre toutes les chances de son côté, on ira prier de manière égale Confucius, Lao-Tseu, Bouddha, GuanYin, Jésus ou l’une des innombrables personnalités mythique ou divinisée que compte le panthéon chinois. L’efficacité avant tout.
Dalaï-Lama:
Sa photo est interdite partout. Il est considéré comme un dangereux terroriste, visant à séparer le Tibet de la "Mère Patrie". Mais c’est un personnage incontournable dans le cœur de tous les tibétains et des peuples pratiquant des religions apparentées au Bouddhisme. C’est grâce à lui qu’aucun attentat d’origine tibétaine ne se produit en Chine, alors que des bombes ouighoures y éclatent de temps en temps, posés par des islamistes formés en Afghanistan. On ne le voit pas, mais il est partout. Censé être la réincarnation du bodhisattva de la Compassion (Avalokiteshvara / GuanYin), il est présent à ce titre dans tous les temples, du plus petit au plus grand. La calligraphie du Kalachakra (enseignement dont il est le grand maître) fleurit un peu partout au Yunnan, sous forme d’autocollants apposés sur les vitres. Sa disparition entraînera une grande période d’incertitudes, et risque de sonner le glas de la politique pacifique des tibétains de l’intérieur. Il ne faut pas oublier que les nomades du Kham et de l’Amdo ont coopérés pendant des siècles avec leurs cousins mongols pour le contrôle des steppes asiatiques, et ont en commun la même épopée mythique, celle de Guésar de Ling, le héros qui reviendra restaurer la suprématie des nations tibéto-mongoles (rêve également caressé un temps par von Ungern-Sternberg). Le jour où les mongols s’éveilleront, la Chine tremblera...
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17/06/2007
Manifs de Droite
Ensemble tout est possible (même le pire).
En ce jour où un Tsunami bleu risque de transformer l’autoproclamé 'Pays des Droits de l’Homme' en démocratie à la Poutine, revenons sur un événement récent assez peu médiatisé.
Organisée le 12 juin par le collectif "Restons Vivant", cette vrai-fausse manifestation ‘de droite’ a consisté à défiler pour prôner avec humour les vraies valeurs de la France éternelle, celle qui glorifie en permanence la Révolution Française et la démocratie parlementaire, mais en combat les principes de base.
Alors que la presse française s’autocensure pour ne pas fâcher notre nouveau tsar [1], rions un peu tant qu’on peut encore le faire.
Retour donc à la France d’avant 68, quand les instituteurs pouvaient frapper les élèves (cancres, fils de paysans parlant en patois, ou simplement gauchers), quand les policiers pouvaient jeter à la Seine quelques centaines de manifestants magrébins (Charonne, 1961), quand le Ministre de l’Information dictait le sommaire des journaux télévisés aux directeurs des chaînes, quand la majorité légale n’était qu’à 21 ans (sauf pour aller se faire tuer en Algérie), quand la peine de mort permettait de pratiquer la politique du bouc émissaire (avec des condamnés innocents, mais trop pauvres pour se payer de bons avocats), quand les cancéreux étaient traités comme des pestiférés, quand les avortements se faisaient clandestinement ou à l’étranger, quand les femmes devaient demander à leurs maris l’autorisation de travailler ou d’ouvrir un compte en banque, quand les divorcés, les mères célibataires et les enfants naturels étaient mis au banc de la 'bonne' société.
Quelques suggestions supplémentaires:
- Accusons les Allemands d’être seuls responsables de la 2-ième Guerre Mondiale. Dédouanons nos courageux policiers qui n’ont fait que leur devoir en remplissant les stades. Oublions les exorbitants dommages de guerre réclamés dans le traité de Sèvres, ainsi que le charcutage des pays d’Europe Orientale qui les incitèrent à s’allier au régime nazi.
- Oublions le commerce triangulaire, le Code Noir, la conquête militaire de pays africains et asiatiques qui n’avaient rien demandé, leur exploitation systématique et le double statut de ceux qui y résidaient (Liberté, Egalité, Fraternité ?).
- Faisons passer l’agrégation de français à tous les candidats non européens désireux de s’établir en France.
- Concentrons toutes les HLMs d’Ile de France dans le 93. Cela permettra de mieux contrôler/isoler toutes les ‘racailles’, comme dans les homelands sud-africains.
- Etablissons un passeport intérieur pour tous les immigrés légaux des ‘cités’ autorisés à venir travailler à Paris et dans les banlieues résidentielles (avec port d'un fétiche ou d'un croissant jaune sur les vêtements ?).
- Instaurons une carte de séjour à points. A chaque infraction, même mineure, on enlève quelques points. Quand elle est épuisée, on réserve automatiquement une place pour le prochain charter.
- Mettons dans les asiles et les quartiers de haute sécurité, les déviants possédant les gênes du crime, de l’homosexualité, du suicide, et autres tendances libertaires et anti-nationales.
- Supprimons l’ISF et les impôts sur les revenus et les plus-values, au profit d’une augmentation massive de la TVA et de la CSG.
- Privatisons les élections et confions-les aux instituts de sondages.
Maintenant que nos SDF [2] se préparent à revenir de leur exil suisse, pour nous préparer une nouvelle Restauration et que les Ultras contrôlent le Parlement, espérons qu’on ne sera pas obligé comme Victor Hugo (l’auteur de "Napoléon le Petit" [3]: texte sur wikisource) d’aller goûter les charmes de nos cousins d’outre-quiévrain.
[1] A voir: la vidéo du discours de Sarkozy au G8 (Vodka, pétard, ou autres substances illicites ?).
[2] Sans Domicile Fiscal.
[3] Quand un président de la République assoiffé de pouvoir, veut se passer des politiciens qui ont permis son élection, on voit ce que ça donne. Rendez-vous dans quelques années...
Medias OnLine :
> Chansons de Nicolas Police en démo sur leur site.
> La vidéo de la manif de juin 2007 sur DailyMotion.
Compléments :
> Les sites de 'Manifs de Droite', 'Mille Babords' et 'Jeune France Rue'.
> Photorama de la manif sur '20Minutes'.
> La manif d’octobre 2003 organisée par des intermittents et artistes de rue sur DailyMotion.
> La manif de mai 2007 organisée par 'Nicolas Police', la 'Brigade Activiste des Clowns', 'Jeudi Noir' et le 'Ministère de la Crise du Logement' sur 'KarlZero.tv'.
> Commentaires sur les Blogs de ParisLibre, EgoBlog, Indociles, 'I.N-V.En.Terre', MadmoiZelle, MousquetairesStrasbourgeoises, DecOlorons.
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09/06/2007
L'Avocat de la Terreur
L'Avocat du Diable a-t-il signé un Pacte avec son Sang ?
Encore un documentaire passionnant qui sort sur grand écran. A l’heure où les fictions ne sont le plus souvent qu’un assemblage industriel de composants standardisés, les sujets les plus intéressants finissent par se trouver dans l'exploration du réel.
Ce film de Barbet Schroeder tente d’examiner l’énigme que pose la vie de l’avocat Jacques Vergès. Militant anticolonialiste, défenseur de sans grades (Omar Raddad), il a aussi été la voix d’activistes du FLN, ainsi que de nombreux terroristes palestiniens ou de la Fraction Armée Rouge. On s’interroge aussi sur ses amitiés avec les mouvements nazis, et les génocidaires cambodgiens.
La confrontation des témoignages et des images d’archives permet une très grande immersion dans le sujet, rappelant les faits qu’on n’a pas obligatoirement connu, ou qu’on a oublié, permettant également de mettre en évidence les petits arrangements avec la réalité de tel ou tel témoin. On se plonge notamment avec délice dans les détails de la lutte de libération du peuple algérien, mal connue de ce côté-ci de la Méditerranée.
Jacques Vergès y apparaît alors comme un révolutionnaire exalté, assez proche de personnages comme Che Guevara. De sa prise de conscience politique à la victoire contre les forces d’occupation, le parcours est assez identique. Ensuite vient l’ennui de redevenir un petit pion et de devoir vivre une existence banale. D’où son passage dans la clandestinité pour servir ses idées. Mais alors que le Che échoue sur le terrain, et devient une icône pour les générations futures, Vergès est confronté aux compromis et à la compromission. La logique des alliances passées et des intérêts communs fait que le défenseur de la Justice et le pourfendeur de l’Impérialisme se retrouve également du côté des communistes les plus staliniens, ainsi que de la nébuleuse nazie finançant les mouvements arabes anti-juifs.
Malgré les nombreux témoignages, il est difficile de savoir ce qu’il a fait entre 1970 et 1978, voyageant probablement beaucoup entre la France, le bloc soviétique et le Proche-Orient. Mais il est visiblement trop attaché au luxe pour pouvoir se contenter d’une vie de guérillero clandestin. Il refait donc surface à Paris (à la suite d’un accord avec les services secrets français ?) et commence sa vie de défenseur des stars du terrorisme international. Brillant avocat, il sert également de relais entre les gouvernements et les organisations terroristes, assure les relations avec les prisonniers (messages, colis, …).
Le personnage est énigmatique, secret, ambigu, provocateur, manipulateur, à l’image de l’affiche retenue pour le film. On le voit les 2 poings en avant dans une attitude qui fait penser au Robert Mitchum de "La Nuit du Chasseur" (et ses tatouages Love/Hate), au prisonnier qui tend les mains pour se faire menotter, mais aussi au joueur de bonneteau qui vous demande de choisir la main dans laquelle est caché ce que vous cherchez.
Le film ne donne malheureusement à voir que son côté le plus présentable, et fait complètement l’impasse sur la défense de nombreux dictateurs africains. Seul le générique de fin nous présente la liste de ces (nombreux) clients peu reluisants. Il pose néanmoins des questions importantes en ce qui concerne les limites du droit à la révolte, et de la lutte contre l’injustice. Là où Gandhi et les mouvements pacifistes ont choisi d’imposer une résistance passive à l’oppression et à l’injustice, Vergès choisit toujours l’action, le mouvement et le Verbe. Quitte à se noyer dans son propre discours, notamment quand il défend des femmes.
Au final, on obtient une excellente enquête, engagée mais non partisane, équilibrée et contradictoire, comme celle qu’on pourrait avoir dans l’enceinte d’un tribunal.
A voir absolument par tous ceux qui s’intéressent à l’Histoire contemporaine.
Note : 9/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les commentaires de CommeAuCinema, LaLibreBe, RFI, LeMonde, LaTribune, Rue89, Telerama, FilmDeCulte, Fluctuat, AVoirALire.
> Sur les Blogs: CriticoBlog, DrOrlof, CritiquesClunysiennes.
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19/05/2007
La Liste de Carla
De Srebrenica à La Haye, Espoirs et Désillusions.
Sorti dans l’indifférence générale, ce documentaire de la Télévision Suisse [1] suit pendant les derniers mois de 2005, les pérégrinations de Carla del Ponte, procureur(e) au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Depuis 1999, elle tente d’appréhender et de juger les responsables des crimes de guerre et contre l’Humanité perpétrés en Serbie, Croatie et Bosnie entre 1991 et 1995.
Elle ne possède aucune force dédiée, et est donc obligée de s’en remettre aux gouvernements locaux actuels, aux troupes internationales de maintien de la paix (ONU, OTAN) et aux services secrets européens et américains opérants dans ces pays. Le moins que l’on puisse dire, est que ceux-ci sont assez peu motivés et très peu efficaces [2]. Alors que le menu fretin a fini par être interpellé, les plus gros poissons (6 à ce jour), tous serbes, courent toujours sans être inquiétés.
Qui les protège ? Les militaires serbes, sans aucun doute. Mais les gouvernements européens et américains font-ils vraiment le nécessaire, ou préfèrent-ils fermer les yeux volontairement ?
Carla del Ponte penche plutôt pour une incompétence et une insuffisance de moyens, analogue à celles mise en oeuvre contre le terrorisme islamique.
Alors que les moyens modernes d’écoutes des télécommunications permettent de repérer rapidement n’importe qui (Cf. la capture du général croate Ante Gotovina effectuée par la police espagnole, et révélée pendant le reportage), comment quelques privilégiés continuent-ils d’échapper aux troupes chargées de les capturer ? Les Balkans ne sont quand même pas aussi impénétrables que les montagnes afghanes !
Au-delà de l’unité de façade exprimée pour condamner le génocide, on observe bien peu de volonté pour effectuer les actions politiques et militaires nécessaires. Le fait que les victimes de Srebrenica aient été musulmanes est-il déterminant pour qu’on préfère ne pas trop s’en préoccuper ? Le refus des Etats-Unis d’avaliser la création d’un tribunal pénal international permanent entre aussi certainement en ligne de compte. Mais le problème principal semble la guéguerre entre les officines des différents pays (voire entre les différents services de renseignement comme aux Etats-Unis), chacun conservant pour lui les informations recueillies sur le terrain sans en faire profiter les autres.
Ce documentaire est un très bon portrait de Carla del Ponte et de son équipe, de leurs espoirs, leurs doutes, leurs tactiques pour essayer d’amener les responsables internationaux à respecter leurs engagements. C’est également un portrait émouvant des victimes, femmes / filles / mères / amies des hommes exécutés à Srebrenica, leur combat contre l’oubli (analogue à celui mené par les femmes d’Argentine et du Chili contre les exactions des juntes militaires), leurs tristesses et leurs espoirs déçus.
C’est aussi un cruel compte à rebours. Le TPIY devant être dissous en 2008/2010, et le mandat de Carla del Ponte arrivant à échéance en septembre 2007, les chances de condamner les principaux responsables du génocide s’amenuisent de jour en jour.
A moins que d’ici là les pressions politiques de l’Union Européenne et des USA redevenus démocrate impulsent une nouvelle dynamique, face à des pays de l’ancienne Yougoslavie pressés de bénéficier des faveurs de l’Espace Economique Européen.
Note: 9/10
[1] réalisé avec l’appui de différents services de l’Etat Suisse.
[2] Cf. "No Man’s Land", l’excellent film de Danis Tanovic, relatant de façon tragi-comique la guerre serbo-croate et la façon particulière des forces de l’ONU de gérer la crise.
Compléments :
> Le site du film.
> Les commentaires d’Amnesty International, de SwissInfo, de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats, de Courrier International.
> les Critiques de Telerama, CommeAuCinema, CineMagazine, Fluctuat.
20:00 Publié dans Actualité, Ecrans Larges, Ethiques & Politiques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Europe, Histoire | Imprimer