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14/11/2008

La Danseuse Malade de Boris Charmatz

La Danseuse Malade de Boris CharmatzIci Git une Cata.

Le problème quand on est abonné, c’est qu’on choisit souvent ses spectacles en n’ayant qu’une vague idée du résultat final, en fonction de la note d’intention et du parcours du metteur en scène et de ses interprètes.
On peut être agréablement surpris, quand on s’attache à découvrir les futurs grands de ces prochaines années. On est quelquefois cruellement déçu.

Au vu du programme publié en Juin, la « Danseuse Malade » se voulait un hommage au créateur du Butô, le japonais Tatsumi Hijikata, à partir de ses écrits mais dans une vision plus occidentale.
La présence de l’actrice Jeanne Balibar, qui désirait revenir vers une pratique de la danse qu’elle avait abandonnée ces dernières années, ajoutait également un intérêt supplémentaire et laissait augurer d’une bonne qualité minimale. Quand on est déjà connue, on évite de faire n’importe quoi au risque de couler sa carrière.

La déception est immense.
Pochade de jeune chorégraphe désirant cracher dans la soupe avant même d’avoir eu plus qu’un succès d’estime ? Délire mal maitrisé, dû à l’abus de substances psychotropes illicites ? Travail baclé face à un projet trop ambitieux pour lui ?
Si les textes de Tatsumi Hijikata sont très intéressants (il suffisait de fermer les yeux pour pouvoir les apprécier à leur juste valeur), ils auraient mérités une bien meilleure interprétation théâtrale.
En plus d’une (trop longue) balade en camionnette électrique sur le plateau, quelques scènes difficilement intelligibles et/ou ridicules, soit finalement pas grand chose propre à satisfaire un amateur de danse ou de théâtre.
Certaines idées de mise en scène ne sont pourtant pas bêtes, tel l’intérieur du camion filmé et projeté sur les parois extérieures (c’est le genre de chose qu’on pourrait voir chez Guy Cassiers). Dommage que ce ne soit finalement pour ne rien dire.
Dommage également que le potentiel de Jeanne Balibar, réduite à débiter un long monologue, soit si peu exploité. Pour elle qui voulait (re)faire de la danse, c’est une occasion ratée.

Concernant le Butô, Charmatz passe complètement à côté. Au lieu d’une méditation physique et métaphysique ressassant des thèmes venant du plus profond de notre être (difficulté d’être, identité incertaine, culpabilité, …), il ne fait qu’illustrer littéralement le texte en ne proposant qu’une petite vadrouille sur les routes de la mémoire de l’auteur, sans en avoir compris la portée. L’aspect poétique et dérangeant des représentations de Ushio Amagatsu (Sankai Juku) par exemple, est complètement évacué au profit d’un vague n’importe quoi destiné à choquer le public.
Comparé à la scène belge en général, et aux troupes de Gand en particulier, la « Danseuse Malade » est particulièrement décevante. On rêve à ce qu’aurait pu faire de ce sujet un auteur comme Wayn Traub. Ni mysticisme, ni critique sociale, ni réflexion identitaire, La « Danseuse Malade » ne questionne rien, ni personne et ne reflète que l’Ego boursouflé de son concepteur.

Charmatz applique en fait à la scène, les recettes nauséabondes de Jackass et de Michaël Youn. Ses "11 Commandements du Butô" enchainent donc une suite de mini-performances hautement intellectuelles : il s’éclate la tête en fumant un feu d’artifice, il pousse un camion avec son cul, il se roule dans le chewing-gum, il fait des grimaces face à une caméra en gros plan, il se projette contre les parois d’un van en mouvement, il fait le singe sur le toit, il baise dans la cabine, il se bat avec un chien, etc.

On est donc très loin de l'esprit du Butô. Si Balibar ne s’en sort pas trop mal dans ce fiasco, et mérite qu’on suive ses prochaines tentatives autres que cinématographiques, on évitera par contre tout ce qui est estampillé Boris Charmatz. Je plains les habitants de Rennes qui vont avoir à le supporter à la tête du Centre Chorégraphique National de Bretagne.

Note: 2/10

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et du Festival d'Automne.
> Les analyses et critiques de Libération, LeMonde, LeNouvelObs, ResMusica, ParisArt, BlogCulturel, TuDéblogues, Palpatine, iPheel, ThéâtreAngevin.

04/10/2008

Wolfkers par Guy Cassiers

WolfkersTriptyque du Pouvoir (2): Huis Clos.

"Wolfskers" est inspiré des 3 long métrages d'Alexandre Sokourov ("Moloch", "Taurus" et "Le Soleil") dont je n'avais malheureusement vu que le dernier, leur diffusion ayant été assez confidentielle.
S'il est possible de voir la pièce sans connaitre ces 3 films, il me semble nécessaire de connaître un peu la vie des 3 protagonistes en question, Wolfskers n'en reprenant que quelques scènes clef, sans beaucoup approfondir la psychologie des personnages. Deux autres films récents s'étaient par ailleurs déjà penchés sur le sujet, à savoir "La Chute" d'Olivier Hirschbiegel (également sur les derniers jours d'Hitler) et "Khroustalov, ma voiture" d'Alexeï Guerman (sur la fin de Staline, étrangement semblable à celle de Lénine) tous les 2 éminemment recommandables.

Le but de Wolfskers est de comparer ces 3 destins en même temps sur la même scène, en en soulignant les similitudes, les personnages secondaires étant joués par les mêmes acteurs.
Si ça marche plutôt bien pour Hitler et Lénine, ça a plus de mal à passer avec HiroHito dont la vie est sensiblement différente. Si les 2 premiers sont devenus des despotes du fait de leur volonté propre, et n'ont cessé leur 'carrière' que du fait de la maladie et de la mort, le dernier a eu un parcours qui s'est déroulé en sens inverse. Né pour régner, considéré comme un dieu vivant de par son ascendance, il a su évoluer vers une condition d'homme ordinaire plus proche de ses désirs.
De même si les serviteurs, courtisans et personnages féminins sont assez passe-partout pour rentrer dans le cadre imposé, il est difficile de voir en Speer, Staline et McArthur des personnages équivalents, notamment au vu de leur parcours ultérieur.

Le discours de Wolfskers est donc très réducteur par rapport à celui de Sokourov/Arabov. Il souligne l'hypertrophie des Egos qui conduit à nier l'individualité des autres, ravalés au rang de simples accessoires. Il rappelle que le pouvoir corrompt de façon consciente ou inconsciente.
Mais l'exercice se révèle assez scolaire et décevant, niant les spécificités de chacun des dictateurs et du contexte particulier à chaque époque.
Le dispositif scénique habituel à Cassiers est également assez mal utilisé, avec seulement quelques gros plans de vidéos floues. On aurait aimé voir utilisées quelques photos historiques, comme par exemple celle de McArthur avec HiroHito, seulement matérialisée par des effets de flashs.

Dans le même registre de 3 individualités enfermées dans un lieu clos en attendant leur jugement dernier, et dont on examine les crimes de leurs vies passées et leur future déchéance perpétuelle, Sartre avait réussi à faire quelque chose de beaucoup plus simple et nettement plus efficace.


Note: 6/10

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville, du Festival d'Automne et de la ToneelHuis.
> Les dates de la tournée sur LesArchivesDuSpectacle.
> Le dossier pédagogique du CRDP Paris.
> Les analyses et critiques de ThéatreContemporain, RueDuThéâtre, Telerama, SpectateurTurbulent, KissingAndHorridStrife, Les3Coups, L'Humanité, Tadorne.

27/09/2008

Mefisto for Ever par Guy Cassiers

Mefisto for EverTriptyque du Pouvoir (1): To Be Or Not To Be ?

"Hop Là, Nous Vivons!", présenté l'année dernière au Théâtre de la Ville, relatait le cas de conscience d'un militant d'extrême-gauche au moment de l'avênement du nazisme dans l'Allemagne des années 30. Militant pur et dur, il refusait évidemment toute collaboration avec le pouvoir en place, quitte à passer pour fou dans ce monde où les valeurs morales étaient complètement inversées.

"Mephisto" raconte la même histoire, mais vue du côté de celui qui a choisi de collaborer avec le nouveau régime, prétextant pouvoir mieux résister en étant à l'intérieur du système.
Ecrit en 1936, le récit de Klaus Mann, revu par Tom Lanoye et mis en scène par Guy Cassiers, est assez prophétique de ce que fut la réalité pour tous les intellectuels qui choisirent de rester au lieu de fuir à l'étranger. De compromis en compromissions, de petits arrangements avec la réalité à l'obéissance servile, le collabo finit par accepter de faire tout ce qu'il refusait, y compris et surtout le pire. On est loin des pastiches d'Ernst Lubitsch ou de Mel Brooks.

Théâtralement, la pièce est un vrai régal, compilant de larges extraits de Shakespeare (Hamlet, Roméo et Juliette, Jules César, Richard III), Goethe (Faust), Tchékhov (La Cerisaie). Les dialogues de la pièce jouée entrent alors en résonance avec la situation en cours, multipliant les sous-entendus et permettant un éclairage décalé des événements vécus par les 'héros'.
La censure devenant de plus en plus implacable, toute œuvre favorisant une réflexion personnelle devient suspecte et est éliminée au profit d’épopées nationalistes ou infantilisantes. Le répertoire du théâtre est en effet marqué par les récits de déchéances individuelles et collectives.

L’histoire n’est pas idyllique car elle ne fait pas l’impasse sur les difficultés des émigrés politiques, également mal reçus dans les démocraties occidentales, pourtant censées incarner leur idéal.
A noter, le personnage de l’acteur facho qui se retrouve trahi par ceux qu’il a porté au pouvoir. Un parcours à méditer pour les tenants de l'extrême droite flamande en Belgique, aux idéaux racistes et xénophobes, mais qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à la France sarkoziste qui a vu nombre d’intellectuels prétendument de gauche retourner leur veste pour quémander prébendes et honneurs.

Les acteurs sont bons, la mise en scène inventive. L’utilisation de la langue flamande n’est pas gênante, car assez proche de l’allemand dans ses sonorités. Les seul bémols: la longue entracte d'une demi-heure (avec évacuation de la salle) alors qu'il n'y avait pas grand-chose à changer sur scène, et la mauvaise vision des sous-titres par les premiers rangs, l'écran très bas étant beaucoup trop proche du public. Heureusement, la même erreur n'a pas été faite pour Wolfskers (Triptyque du Pouvoir n°2).

Le personnage principal ne vit que par et pour le théâtre, et est assez représentatif d'une certaine intelligentsia imbue d’elle-même et prétendant incarner un rôle de guide moral et de formateur culturel. Malgré les fanfaronnades, le verbe est creux, la pensée est formatée par le milieu ambiant, et la marionnette est facilement manipulée par les puissants, qui jouent d’abord sur l’orgueil et la vanité, sans avoir besoin d’user de menaces physiques. L’absence de pensée personnelle s'exprime magistralement quand il est confronté à ceux qui ont évolués pour pouvoir survivre. Un ‘Je’ qui ne pense pas, peut-il prétendre Être ?


Note: 8/10



Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville, du Festival d'Automne et de la ToneelHuis.
> Les dates de la tournée sur LesArchivesDuSpectacle.
> Les analyses et critiques de ThéatreContemporain, Webthéa, RueDuThéatre, Fluctuat, SpectateurTurbulent, MaVieEnStilettos, KissingAndHorridStrife, ChezGalland, OdileQuirrot, Les3Coups, Tadorne.

24/05/2008

Théatre de la Ville 2008 (Paris)

Théatre de la VillePassage de Témoin.

Gérard Violette s'en va et est remplacé par Emmanuel Demarcy-Mota à la tête du Théatre de la Ville. Mercredi 21 mai a eu lieu la réunion annuelle de présentation du programme aux abonnés, beaucoup plus nombreux que d'habitude.

Tous les deux se sont défendus de vouloir privilégier le théâtre aux autres formes de spectacles dans la nouvelle programmation. Donc acte. On notera néanmoins que les précédentes réunions de ce genre étaient plutôt consacrées à la promotion des Musiques du Monde, alors que celle-ci a été exclusivement consacrée aux pièces de la nouvelle saison. Le système d'abonnement a été également modifié pour attirer plus de spectateurs vers le théâtre. Si on retrouve à peu près les mêmes têtes d'affiche (pourquoi pas, puisque ce sont les meilleures), il semble y avoir un peu moins de reprises et un peu plus de créations originales. Ce point est néanmoins à pondérer, puisque certains spectacles qualifiés de 'création' ont apparement déjà été mis en scène à l'occasion des festivals de l'été dernier.

Dans la programmation à venir, j'aurai tendance à recommander:

Théatre/Opéra:
. "Le Soleil ni la Mort ne peuvent se regarder en face" de Wajdi Mouawad, par Dominique Pitoiset, du 16 septembre au 4 octobre 2008.
. "Mefisto for Ever" (Triptyque du Pouvoir 1) d'après Klaus Mann, par Guy Cassiers, du 19 au 27 septembre 2008.
. "Wolfskers" (Triptyque du Pouvoir 2) d'après Youri Arabov, par Guy Cassiers, du 30 septembre au 4 octobre 2008.
. "Atropa" (Triptyque du Pouvoir 3) d'après Euripide, par Guy Cassiers, du 6 au 10 octobre 2008.
. "Madame de sade" (1965) de Yukio Mishima, par Jacques Vincey, du 8 au 24 octobre 2008.
. "Le Retour au Désert" (1988) de Bernard-Marie Koltès, par Catherine Marnas, du 4 au 9 novembre 2008.
. "BlackBird" de David Harrower, par Claudia Stavisky, du 3 au 19 décembre 2008.
. "Regarde Maman, Je Danse" (reprise) de et avec Vanessa Van Durme, par Frank Van Laecke, du 11 au 16 mai 2009.

Danse:
. "La Danseuse Malade" par Jeanne Balibar et Boris Charmatz, du 12 au 15 novembre 2008.
. "IN-I" par Juliette Binoche et Akram Khan, du 19 au 29 novembre 2008.
. "Namasya" (reprise) par Shantala Shivalingappa, du 25 au 30 novembre 2008.
. Bhârata Natyam par Alarmel Valli, du 27 au 30 novembre 2008.
. "(purgatorio) IN VISIONNE" et "(purgatorio) POPOPERA" par Emio Greco et Pieter C.Scholten, du 9 au 19 décembre 2008.
. "Turba" par la compagnie Maguy Marin, du 3 au 7 février 2009.
. "Entracte" par Josef Nadj, du 10 au 14 février 2009.
. "Maria-Magdalena" de Wayn Traub, du 28 avril au 9 mai 2009.
. "Orphée et Eurydice" par la compagnie Marie Chouinard, du 12 au 19 mai 2009.

Concerts:
. Monâjât Yultchieva (Ouzbékistan), le 18 octobre 2008.
. Bardes d'Asie Centrale (Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizie, Ouzbékistan), le 15 novembre 2008.
. Chant et Musique Soufie du Pakistan, le 31 janvier 2009.
. Zarsanga (Pakistan), le 7 février 2009.
. Chant et Musique de Mongolie, le 31 et 22 mars 2009.
. Pushparaj Koshti (Dhrupad, Inde du Nord), le 9 mai 2009.
. Ensemble Shanbehzadeh (Iran), le 16 mai 2009.
. Tefa (chanteuse de sarandra, Madagascar), le 6 juin 2009.
. Ensemble de Khênes et Molam (Laos), le 13 juin 2009.

> Le programme sera disponible en pdf début juin.

23/02/2008

Umwelt (2004) de Maguy Marin

Umwelt de Maguy MarinImages du Monde Flottant.

4 ans après sa création, et après de nombreuses reprises, on pouvait penser que le public parisien accepterait mieux cette performance assez inclassable. Il n’en a rien été, abandons en cours de représentation et huées finales se sont succédés avec heureusement quelques applaudissements nourris. Les spectateurs parisiens achètent-ils leurs places les yeux fermés, seulement pour la pédantise de pouvoir dire « je suis allé au théâtre hier soir » ?

Quoi qu’il en soit, Maguy Marin a réussi là une oeuvre géniale. En un peu plus d’une heure, elle arrive à exposer de façon particulièrement maîtrisée l’essence même de la Vie humaine.

Amour, travail, gestes de la vie quotidienne et familiale, conflits individuels et collectifs, réduits à leur plus simple expression se répètent de façon apparemment aléatoire, sans paraître ni prévus et ni totalement effectués au hasard. Les individus sont à la fois indépendants les uns des autres, mais sont soumis aux mêmes contingences. Les déchets produits tout au long du spectacle s’accumulent progressivement sur le plateau, transformé en décharge.

Le fond sonore est lui-même le produit d’une génération en partie aléatoire. Outre le bruit du vent soufflant entre les plaques métallisées, 3 guitares électriques accordées différemment, vibrent sous l’effet d’une corde glissant le long de la scène. L’effet est assez saisissant, et s’accorde particulièrement bien aux aspects visuels du spectacle. Mieux vaut néanmoins apprécier l'oeuvre de Stockhausen.

Le tout forme un kaléidoscope d'images futiles, représentatif de la banalité et de l’absurdité du quotidien. La conjonction du hasard et la répétition des figures de base générent la complexité de l’ensemble, la variété et la diversité des situations finissant cependant par transparaître sous la finitude et l’uniformité apparente.

La représentation se passe finalement sans qu’on ressente un quelconque ennui, ni impression de vivre une expérience de laboratoire digne d’un musée d’art moderne.
A recommander à toute personne ayant l’esprit un peu ouvert, et désireux de se plonger dans une œuvre poético-philosophique assez atypique.

Note: 8/10

Umwelt

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Compléments :
> "Umwelt" au Théatre de la Ville de Paris.
> Le spectacle sur le site de la Compagnie Maguy Marin.
> Les critiques de LesEchos, LeMonde, LeFigaro, L'Humanité, Telerama, ParisArt, ScènesMagazine.
> Sur les Blogs: Paris-evous, FavoriteChoses, ImagesDeDanse, Clochettes, LeDernierKilomètre, UnAirDeThéâtre, ResMusica.