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20/10/2007

Vsprs d’Alain Platel

Vsprs 2007Vesperas sine Anima.

"Vsprs" (Vesperas sans les voyelles) se présente de prime abord comme un exercice de style oulipien (comme dans "La Disparition" de George Perec, roman écrit sans jamais utiliser la lettre E). Mais multiplier les expérimentations suffit-il à créer un bon spectacle ?

La base en est les "Vêpres de la Vierge" (1610) de Monteverdi, messe baroque revue et corrigée par des apports de jazz manouche particulièrement bien intégrés. Côté oreille, rien à dire au travail de Fabrizio Cassol, à l’interprétation des différents musiciens et au travail vocal de la soprano du jour (il y en a 3 en alternance).

Mais le spectacle est censé être aussi être visuel, et c’est là que ça se gâte.
Si j’ai bien compris, Alain Platel a voulu mélanger le déroulement d’une messe, principalement effectuée le soir dans les monastères, avec les aspects extatiques liés à la religion.
On rompt donc le pain en début de spectacle, et on enchaîne une succession de numéros censée exprimer le ressenti d’une Foi extrême.
Parmi les plus réussis, ceux de 2 contorsionnistes qui ne dépareraient pas la "Cour des Miracles".
Parmi les plus pitoyables, un poème ‘merdique’ (???) et une séance de masturbation collective (le monachisme rime-t-il obligatoirement avec onanisme ?).
Entre les deux, quelques solos dansés pas trop mal faits, des jeux de rimes sur des listes de mots (mais les mots choisis désamorcent l’effet hypnotique des psalmodies), ou l’escalade d’une montagne de sous-vêtements blancs (la Foi déplace les montagnes ?).
Bref, entre extase, transe, épilepsie et branlette hystérique, il y en a pour tous les (mauvais) goûts, mais on cherche en vain une cohérence d’ensemble. Les quelques rires de la salle semblent avoir plutôt avoir été causés par une sensation de gêne, que par le côté pas vraiment comique du spectacle.

Original donc, mais j’attendais mieux d’un spectacle créé en 2006, et repris à différentes occasion. Mieux vaut le voir les yeux fermés.

Vsprs 2007

Note: 5/10

Compléments :
> Le site des Ballets C de la B.
> Le spectacle sur le site du Théatre de la Ville.
> Les analyses et critiques de Libération, LaLibreBe, TheFakeCh, LesCulturelles, DanseLight, Fluctuat.
> Sur les blogs: AllegroVivace, ParisWeekEndDanse, Design, BienCulturel, Viennoiseries, Panopticon, Clochettes, Festivalier, ImagesDeDanse, FavoriteChoses, FrankSinatraEtMoi.

12/10/2007

Huis Clos (Jean-Paul Sartre) par Michel Raskine

Huis Clos aux AbbessesL’Enfer dans le Regard des Autres.

"Huis Clos" est sans doute la pièce la plus célèbre de Sartre, que beaucoup de personnes pensent connaître sans jamais l’avoir vue ("L'Enfer, c'est les Autres"). Bonne idée donc pour le Théâtre de la Ville de demander à Michel Raskine de re-créer son adaptation de 1991 (Théâtre de la Salamandre de Lille).
Seize ans après, le monde a changé, ses acteurs ont vieilli, l’aspect vaudeville métaphysique est-il encore d’actualité à l’heure de la télé-réalité et de ses émissions lofteuses ?

Pas de surprise, les bons textes vieillissent bien, et le postulat de base est toujours aussi efficace. Trois personnes qui ne se connaissent pas sont condamnées à vivre ensemble pour l’Eternité, dans un espace sans ouvertures qui tient à la fois de la prison et de l’hôtel bourgeois décadent. L’aspect Loft décrépi, au personnel limité, correspond bien à notre monde moderne, gagné par l’obsession du low-cost et de la rentabilité maximale.
Tous 3 sont à la fois différents, mais complémentaires.
. Joseph Garcin est un homme lâche, âgé, fusillé depuis 1 mois, habillé dans des tons verts très classiques. Homme à femmes et journaliste, il aime parler, diriger, mais à du mal à s’imposer. Il finit par récupérer le canapé contemporain vert.
. Inès Serrano est une employée des Postes âgée et lesbienne, dominatrice et sadique, empoisonnée au gaz depuis 1 semaine, habillée en cuir rouge et noir. Ses poumons sont ravagés par le tabac, et elle est maigre comme une anorexique croyant à la beauté de la minceur extrême. Elle obtient un canapé moderne rouge.
. Estelle Rigault est une jeune femme infantile et narcissique, emportée depuis 1 jour par une pneumonie, qui joue à la femme du monde blonde et raffinée sans en avoir le pedigree. Elle exige le canapé classique bleu, plus accordé avec son style et sa tenue.

3 PoisonsUn tel triangle est obligatoirement instable, chaque mouvement d’attraction ou de répulsion entraînant nécessairement des alliances temporaires, des jalousies, des déchirements, des intérêts divergents. Ce qui est intéressant à remarquer, c’est que ce trio correspond bien aux 3 Poisons de la tradition bouddhiste : Joseph est le Serpent (arrogance-aversion), Inès est le Coq (désir-attachement), Estelle est le Cochon (ignorance-indifférence). Ces 3 poisons de l’esprit sont symboliquement représentés au centre de la Roue de la Vie, et sont la cause de la Souffrance humaine.
Avoir l’Eternité devant soi enlève le sentiment d’urgence qui pousserait à vouloir régler aujourd’hui le problème qu’on ne pourra pas corriger demain. Conséquence, le temps passe vite, et si les contraintes du corps (dormir, manger, boire, se laver, …) n’existent plus, les désirs/addictions sont toujours là (alcool, tabac, maquillage, sexe, besoin d’être aimé, …). Chacun d’eux est prisonnier de ses désirs, de ses passions, de son attachement à la vie, à la peur de perdre ses repères, de l’idée qu’il se fait de lui-même.

Huis ClosPourtant, la prison n’est que virtuelle, car la porte de la cage est ouverte. Chacun d’eux pourrait sortir, s’il l’osait. Encore faut-il être capable de voir en soi-même, plutôt que d’essayer de se définir par rapport aux autres. L’absence de miroirs [1] entraîne à vouloir se voir dans le regard des autres.
En ne prenant pas conscience de l’illusion dans laquelle ils sont, ils perpétuent donc le cycle sans fin de leur enchaînement.
C’est peut-être ce que signifie le Christ menotté, affalé sur un quatrième canapé et dont personne ne se soucie. Si Lui n’a pas été capable de s’en sortir au bout de 2000 ans, l’Enfer des Passions a devant lui un avenir radieux.

[1] Dans le Zen, le miroir est le symbole de l’esprit à polir et nettoyer.

Note: 9/10

Compléments :
> Le spectacle sur le site du Théatre de la Ville.
> Les analyses et critiques de LaThéâtrothèque, ATP-Aix, LesCulturelles, L'Humanité.
> Sur les blogs: BienCulturel, LuVuEntendu, FranceBlog.

10/10/2007

Monkey, Journey to the West de Chen Shi Zheng

Monkey au ChateletA l’Ouest, du Nouveau.

Succès incontestable pour le Théâtre du Châtelet, qui était sorti de sa programmation habituelle en nous proposant une variante modernisée du "Voyage en Occident". Il faut dire que le metteur en scène, Chen Shi Zheng, n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il avait déjà (re)créé une exceptionnelle version intégrale du "Pavillon aux Pivoines (Mudan Ting)" (La Villette, Nov.99) [*].

La salle était pleine, et plutôt peuplé d’une faune de bobos et d'otakus entre 2 âges, peu courante en ces lieux. Il est vrai que le message délivré par les pérégrinations du Roi-Singe est assez universel, et supporte facilement plusieurs niveaux de lecture.
Il y a d’abord le récit d’aventures fantastiques animalières, aptes à captiver les plus jeunes, et qui ont assuré sa transmission au cours des siècles sous forme de conte enfantin.
Il y a ensuite la fable politique, où un moins que rien, né de la Terre et sans ascendants prestigieux, finit par arriver au sommet de la Création, après avoir remis en cause l’ordre établi par les puissants, la bonne société et ses conventions, malgré un passage en prison qui dure quand même 500 ans.
Il y a enfin la parabole bouddhiste, particulièrement présente dans "Monkey", même si de nombreux spectateurs n’y ont peut-être pas été très sensibles (textes en chinois, sur-titrés en français). Le Singe est au départ le symbole de la pensée anarchique, non maîtrisée. Animal, né de la roche, il parcourt successivement les 5 éléments (Terre, Eau, Air, Feu, Ether), en s’élevant au passage, matériellement comme spirituellement. Le cheminement au cours des 9 tableaux renvoie à l’Octuple Sentier et sa mise en œuvre des qualités qui vont le conduire à devenir un Bouddha accompli. La symbolique standard de ce trajet est celle qui est représentée dans tous les stupas/pagodes et mandalas du monde bouddhiste.

L’Opéra chinois est déjà un spectacle complet incluant le théâtre, la musique, le chant, le mime, la danse, les acrobaties, les arts martiaux. Avec Jamie Hewlett, on a en plus des décors, des effets spéciaux et des dessins animés (excellents) qui en font un spectacle total parfaitement intégré. Le résultat est remarquable, quelque que soit le tableau et les personnages (Forêt des Singes, Mer Orientale, Royaume des Cieux, Paume de Bouddha, Femmes Araignées, Montagne Volcanique, …).
A côté, la partition musicale de Damon Albarn, bien qu’intéressante parait un peu trop sage et en retrait. Il réussit néanmoins parfaitement à concilier un style occidental plutôt pop symphonique avec un type mélodique plutôt asiatique (sans les crin-crins des erhus). Seule petite faiblesse, le chant de certains interprètes chinois, sans doute peu habitués à une musique aussi occidentalisée.

Bref une petite merveille, à ne pas manquer pour ceux qui auraient encore l’occasion de le voir (au pire à Berlin en 2008).

[*] CD disponible dans la collection Inédits, Enregistrement video effectué par Arte.

Note: 9/10

Compléments :
> Les critiques de Rue89, Fluctuat, LeMonde, LaLibreBe.
> Sur les blogs: Etapes, Agoravox, Matoo, Cizion, PierreEquoy.
> Video explicative/illustrative de Vincent Durand-Dastès sur Telerama:



Sur la légende du Roi-Singe :
> la version originale ("Xi You Ji") de Wu ChengEn, paru dans la Pléiade.
> la meilleure version ciné: celle de Jeffrey Lau et Stephen Chow (Cf DeVilDead, CinéAsie, DvdRama).
> la version mythique en dessin animé du studio de Shanghai.
> la meilleure adaptation en dessin animé: celle de Saiyuki.
> la version bande dessinée chinoise, "Le Voyage en Occident" par Chen WeiDong et Peng Chao, en cours de publication en France chez Xiao Pan.

30/09/2007

Myth, de Sidi Larbi Cherkaoui

Myth de Sidi Larbi CherkaouiMytho et Mité.

Une bibliothèque et un labyrinthe peint aux côtés de grands battants ressemblant aux "Portes du Paradis" de Ghiberti à Florence.
Des musiciens/chanteurs classiques [1] (le cœur des anges ?) jouant des morceaux plutôt moyenâgeux en italien.
Plusieurs personnages attendant leur tour comme dans le "Huis Clos" de Jean-Paul Sartre. Des ombres les suivent, s’attachent à eux. Démons ? Anges gardiens ? Certains ressemblent aux fantômes japonais popularisés par des films comme "Ring" de Hideo Nakata. Deux personnages font penser aux commentateurs de "Riget", la série fantomatique de Lars Von Trier.
Un militaire en grand uniforme fait tapisserie, sans qu’on comprenne la raison de sa présence.
Une suicidée francophone crêpe le chignon d’une intello anglophone, qui s’attaque à une demeurée néerlandophone, pendant qu’une 'grande folle' black se pose des questions existentielles.
Les langues se mélangent et s’interpellent, reflet de la diversité du monde. Mais pourquoi ne pas avoir sous-titré certaines parties des dialogues (japonais et néerlandais) ?

MythCertaines scènes de danse sont très belles et poétiques, et très spectaculaires.
Mais trop, c’est trop. Vouloir mélanger un scénario mystique (de nombreuses références à "La Divine Comédie" de Dante), des scènes de comédie (style "Cage aux Folles"), des contes pour enfants ("Le Magicien d’Oz"), de longues tirades philosophico-religieuses, avec une esthétique de film fantastique, ça fini par finit par conduire à un gloubi-boulga écoeurant et pas très digeste.

Au bout de 2 heures, on cherche toujours le Mythe, et le sens de ce déballage mal maîtrisé.
Le final semble suggérer une rédemption pour tous les ‘pêcheurs’, autorisés à franchir les portes après avoir communié avec une sorte de Christ jouant de bâtons comme d’une Croix.
Mais pourquoi la 'tapette' est-elle la seule à rester dans ce 7-iéme cercle du Purgatoire ? Faut-il comprendre que tout est il pardonnable, sauf l’homosexualité ?

Note: 7/10

[1] Le très bon ensemble Micrologus.

Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et de la ToneelHuis.
> Les critiques de 'De Morgen', 'Le Soir', 'Jérôme Bosch', 'La Libre', 'Le Monde', 'ResMusica', 'gPlog', 'InTheMoodForJazz', 'BienCulturel'.
> Des photos sur 'Frans Brood', 'Evene'.

21/06/2007

Théâtre du Châtelet 2007 (Paris)

Théâtre du Châtelet saison 2007-2008Monkey Business.

Deux théâtres sur la même place, deux politiques commerciales différentes.
Autant le Théâtre de la Ville est dans la tradition du "théâtre populaire", avec une programmation riche et variée, des salles modernes et confortables, et une tarification accessible à tous, autant le Théâtre du Châtelet s'incrit dans la lignée du spectacle élististe pour CSP++, dans une salle historiquement tarabiscotée, et des tarifs aussi diversifiés que les catégories de confort visuel et acoustique.

Dans le programme de la nouvelle saison, on notera tout de même un spectacle qui devrait mériter de se déplacer (du 26 septembre au 13 octobre 2007).
Il s'agit d'une nouvelle version du "Voyage vers l'Occident", chef d'oeuvre de la littérature chinoise, mainte fois adapté sous forme d'Opéra de Pékin [1], de spectacle de marionnettes, de film, de téléfilm, de dessin animé classique ou de japanime (Dragon Ball, Saiyuki, ...).

Mélange de tradition chinoise, revue et interprétée par Damon Albarn (créateur de "Blur" [2], "Gorillaz" [3], "The Good, the Bad & the Queen" [4]), le résultat ne devrait pas être trop mauvais...

On évitera tout de même d'avoir un compte bancaire en difficulté, car à 75 ou 90 € pour une bonne place, on se demande comment ils vont arriver à remplir la salle à toutes les dates.

> Tous les détails du programme sur le site du théâtre du Châtelet et sur Chine-Informations.

[1] présenté à Paris en 1994, au Théâtre du Rond-Point (Champ-Elysées), par la troupe de Li Bao Chun (Taïwan).

[2] ('Song 2', 1997)
[3] ('Clint Eastwood', 2001)
[4] ('History Song', 2007)