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02/01/2007

Laurent Gerra Flingue la Télé

Laurent GerraPan sur le PAF.

Laurent Gerra aimait bien la télé. Celle de son enfance. Celle de ses débuts comme amuseur public. D’où sa déception quand il regarde ce qu’est devenu son media préféré, et les évolutions de certains de ses anciens collègues.

Plutôt qu’un imitateur, genre qui tombe en désuétude, c’est avant tout un humoriste et un caricaturiste. Qu’importe si ses imitations n’ont pas toujours la bonne intonation, c’est d’abord ses textes et ses attitudes qui le rendent intéressant. On retrouve dans l’écriture de ses sketches les mêmes qualités qui l’ont fait devenir le scénariste des derniers "Lucky Luke". Sans s’élever au chef d’œuvre, son travail ne dépare pas celui des regrettés Morris et Goscinny.

A l’évocation nostalgique des émissions d’il y a vingt ans, revisitées de façon plus que facétieuse, succède un mitraillage en règle de la télé poubelle de ces dernières années.
Abandonnant la langue de bois en usage dans le milieu, il pointe de façon féroce et corrosive les dérives de la course à l’audience, le nivellement par le bas, le passage de la culture au cul, du service public aux sévices en public.
Toute la faune interlope des plateaux de télé en prend pour son grade. Pseudo-vedettes à la gloire bien passée, chanteurs ringards élevé en batterie, rappeurs bas du front, ‘experts’ racoleurs, animateurs vulgaires et ripoux côtoient les hommes politiques habitués du fenestron. Certes, il n’est visiblement pas socialiste, mais il tape aussi bien à gauche qu’à droite avec le même plaisir jubilatoire (Jack Lang, Delanoë, Chirac, Le Pen, ...). D’autres sketches évoquent néanmoins avec tendresse et sympathie quelques grandes figures du music-hall et du petit écran.

Enregistré au Palais des Sports de Paris en février 2006, le DVD ne prend pas en compte les derniers rebondissements du PAF. Mais le recul d’un an n’en rend que plus drôle les promesses électorales jamais tenues, et le jeu de chaises musicales des animateurs sur les chaînes. De facture assez classique, le spectacle rappelle le travail qu’effectuait Thierry Le Luron à son époque. Très politiquement incorrect, il a la force des sketches les plus corrosifs de Florence Foresti (Ségolène Royal ou Cécilia Sarkozy).
Bref une salutaire thérapie par le rire, que n’aimeront pas les accros de la télé commerciale française d’aujourd’hui. Mais, outre ceux qui ont jeté leur poste, ce spectacle devrait faire le bonheur des francophones étrangers toujours prêts à remettre dans son tas de fumier un coq gaulois trop imbu de lui-même.

Note: 9/10

Compléments :
> Sa bio sur Evene.
> Un point de vue belge sur "DhNet".
> Quelques critiques sur "CommeAuCinéma", "DvdRama", "KrinEin", "DvdAlliance", "InfosJeunes".
> Les Videos disponibles sur YouTube.

Illustration :
> La télé selon Jean-Luc Delarue.

09/10/2006

Florence Foresti: Sketches

Florence ForestiUne bonne Cervelle de Canut.

J’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais de cette actrice/humoriste à l’occasion de la sortie de "Dikkenek". Elle y interprétait le rôle d’une commissaire de police belge lesbienne, avec une force de conviction redoutable.

Un DVD de son spectacle à La Cigale, vient également de sortir, suites de satires de la vie quotidienne où elle brocarde les bobos, les célibattantes, les 'pipôles', etc.

Foresti à l'OlympiaCeux qui regardent encore la TV peuvent également la retrouver dans les émissions de Laurent Ruquier (France2), avec des personnages hauts en couleurs qui commentent l’actualité franco-parisienne. Pour ceux qui ont jeté leur poste depuis plusieurs années, il est possible de retrouver ces petits bricolages, en partie improvisés sur le site de vidéos partagées YouTube [1]. Il y du bon (Ségolène Royal, 'Brigitte', 'Clotilde', …) et du moins bon, mais c’est souvent très drôle et ça dénote un vrai talent, tant dans la construction des sketches que dans leur interprétation. A Voir sans modération [2].

Note: 8/10

[1] Merci à "Matoo" et au "Nain de Jardin Masqué" de m’avoir fait indirectement connaître ce site.
[2] A l’Olympia (Paris) du 26 au 31 décembre 2006, et en tournée actuellement en province.

> Son site.
> Sa bio sur Evene.
> Interview à l’occasion de la sortie de Dikkenek.

12/07/2006

Rome # 1 (HBO) : Jules César

Il est Venu, On a Vu, Il a Vaincu.

Rome ne s’est pas faite en un jour. Le passage de la République à l’Empire non plus. De nombreux films ont déjà relaté la décomposition des institutions démocratiques et la lutte fratricide des généraux romains ayant entraîné le passage à un pouvoir absolu. Le problème est qu’il est difficile de résumer en moins de 2 heures, une histoire qui s’est étendue sur plus d’une dizaine d’année. Le point de vue de l’auteur conduit alors à faire des choix dans les épisodes clés et à privilégier soit le point de vue tragique (la grandeur et la décadence du nouveau tyran, d’abord adoré puis haï), soit le point de vue romantique (ses amours fantasmées avec la reine d’Egypte). Les aspects politiques sous-jacents, les mobiles des forces en présences et les raisons socio-économiques ayant rendu possible le coup d’état sont en général complètement occultés.
L’avantage des séries TV est au contraire de pouvoir développer une intrique sur la durée. Quand la production s’en donne la peine, et vise la qualité plutôt que le soap-opéra de masse, cela donne d’incontestables réussites (les documentaires de la BBC, les docu-fictions de France Télévision, ou certaines fictions des réseaux câblés américains).

"Rome", actuellement diffusé sur Canal+ après être passé en Belgique et en Amérique du Nord, fait partie de cette catégorie. HBO a mis le paquet sur le récit des premières années de l’Empire Romain. La première saison démarre au moment de la prise d’Alésia (-52) et s’achève avec l’assassinat de César lors des Ides de Mars (-44). Chacun des 12 épisodes est l’occasion de traiter et d’approfondir les différentes étapes de la guerre civile et de la consolidation du nouveau pouvoir, tout en suggérant de nombreuses analogies avec notre monde prétendument moderne (corruption des élites, clientélisme, importance du paraître, divertissements et aventures militaires comme moyen de gouvernement, etc.). Tout en étant traité de façon très contemporaine et prenant parfois des libertés avec la tradition (pas de 'Tu Quoque mi Fili' par exemple), la série respecte assez fidèlement le contexte historique. Ceux qui jusqu’à présent confondaient Cicéron et Caton, Octave et Marc Antoine, n’auront à l’issue de la série plus d’excuses pour ignorer les bases de l’Histoire Romaine. Certains personnages s’en trouvent du coup grandis (Octave, Brutus) ou au contraire diminués (Marc Antoine, Cicéron, Cléopâtre). Le rôle des femmes n’est pas oublié non plus, contrairement à l’usage habituel des péplums. Le mélange de personnages fictifs de première importance avec les grandes figures de l’époque permet de détailler de façon très réaliste la vie quotidienne de l’époque (sociale, administrative, religieuse, …), même si certains commentaires manquent parfois pour en expliquer le sens (par exemple la cérémonie avec le taureau, caractéristique du culte de Mithra, ce qui n’est pas dit explicitement). Il est dommage que le DVD qui sortira bientôt (en zone 1), ne fournisse pas les bonus nécessaires pour combler ces lacunes, et permettre à chacun de mieux comprendre les us et coutumes de l’époque.
En attendant, ne boudons pas notre plaisir pour ce qui est une des plus belle réussite fictionnelle dans le domaine de l’antiquité romaine.

Note : 10/10

Compléments :
> Le site officiel de la série.
> Le dossier de "Peplum".
> Le dossier de "L'Internaute".
> Les critiques de la série sur "Télérama", "LePoint", "EcranLarge", "KrinEin".

01/04/2006

Dead Like Me

La Mort, Ecole de la Vie.

Dans l’Antiquité gréco-romaine, les morts rejoignaient les Enfers en traversant le Styx sur la barque de Charon. Au Moyen Age chrétien, la Mort prend la forme d’un squelette vêtu de noir et armé d’une faux. Le 19-ième siècle en fait plutôt une jeune femme en noir au teint cadavérique [1]. De nos jours la mort est devenue impersonnelle, et se réduit souvent à un ordinateur de surveillance qu’on débranche quand l’encéphalogramme est devenu plat [2]. En Chine, après le passage devant les juges infernaux, on rejoindra selon les cas le "Paradis de la Terre Pure" ou les Enfers, on transmigrera dans un nouveau corps, ou on restera hanter les vivants [3][4]. Les personnes décédées de façon violente sont condamnées à errer ici-bas sous forme d’esprits vampiriques, notamment les jeunes filles vierges, mortes sans descendance [5][6].
"Dead Like Me" est plutôt proche de cette dernière conception, qui implique tout un univers bureaucratique chargé de gérer les transferts d’un univers à l’autre.

Georgia (extraordinaire 'Ellen Muth'), 18 ans, ex-élève médiocre, en conflit avec ses parents et qui n’a jamais rien fait de sa vie (même pas de petit ami), se retrouve pulvérisée, le premier jour de son premier job, par la retombée sur Terre des toilettes de la station Mir. Elle est obligée d'intégrer un groupe de 'faucheurs' ('soul reapers') ou 'non-morts' ('undead') chargés d’accueillir les défunts et de faciliter leur passage vers l’Au-delà. Ils reçoivent chaque jour la liste des victimes prévues (noms, lieux et heures estimées de décès), la mort étant causée par des espèces de petits monstres invisibles, personnification du Destin.
Le nombre de victimes pouvant être pris en charge par un 'faucheur' ne pouvant qu’être faible, il existe ainsi tout un deuxième monde d’Entre-deux, vivants en nombre à nos côtés en attendant de passer définitivement 'de l’autre côté'. C’est le monde des spectres et des fantômes, visible à la fois par les morts et les vivants, et qui se nourrit en parasitant le monde réel. En effet, pour nourrir et loger leur nouveau corps, ils sont bien obligés de se débrouiller, car il n’est pas question pour eux d’être payé par l’administration céleste! Selon leurs personnalités, certains prennent un job légal sous leur nouvelle identité factice, d’autres détroussent leurs 'clients' ou se livrent aux trafics les plus divers.

Les récits sont assez jubilatoires, surfant sur les fêlures et le cynisme des personnages (il en faut pour ce 'métier') et explorant leurs réactions face à la diversité des situations. Pas facile en effet de récupérer l’âme d’un enfant innocent, ou celle d’un membre de son entourage proche. C’est aussi une excellente réflexion sur la Vie et la Mort dans notre société, une très bonne satire de la vie de famille traditionnelle nord-américaine, et une critique féroce de la vie de bureau et de ses rites obligés (rapports hiérarchiques, relations entre collègues, hypocrisies, consensus factices, inutilité de certaines tâches, …).

Une série à consommer donc sans modération. La seule chose que vous risquez, c’est d’en mourir … de rire.

Note: 9/10

Compléments :
> Le site officiel de la série.
> Les fiches de "LaSériethèque", de "Jimmy" et de "Wikipedia".
> Les critiques de "DvdRama", "EcranLarge", "DvdCritiques", "SerialMaster".
> Sur les blogs et sites perso: "DeadLikeMe", "Hypnoweb", "AuBoutDuMonde".

Connexions :
[1] Cf. "La mort du fossoyeur" de Carlos Schwabe (Musée du Louvre, Paris).
[2] Cf. "L’Heure du Grand Passage: Chronique de la Mort" de Michel Vovelle (Découvertes Gallimard): l’évolution des rites et cérémoniaux funèbres en Occident, ainsi qu’une iconographie très riche.
[3] Cf. "La Mort dans les Religions d’Asie" de Bernard Faure (Dominos Flammarion): les pratiques rituelles funéraires asiatiques.
[4] Cf. "Le Roi-Singe" de Stephen Chow.
[5] Cf. "The Grudge" de Takashi Shimizu.
[6] Cf. les "Histoires de Fantômes chinois" de Ching Siu-Tung.

27/07/2005

Les Envahisseurs (The Invaders)

Les Petits Hommes Verts sont Rouges et Gris

"Les envahisseurs. Ces êtres étranges venus d'une autre planète. Leur destination: la Terre. Leur but: en faire leur univers. David Vincent les a vus. Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci qu'il ne trouva jamais. Celà a commencé par une auberge abandonnée, et par un homme que le manque de sommeil avait rendu trop las pour continuer sa route. Celà a commencé par l'atterrissage d'un vaisseau venu d'une autre galaxie. Maintenant, David Vincent sait que les Envahisseurs sont là, qu'ils ont pris forme humaine, et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé."

Diffusée au Etats-Unis en 1967-68, cette série de 43 épisodes était au confluent des 2 grandes peurs de l'époque:
- celle de l'invasion soviétique, préparée par des 'rouges' infiltrés et destinée à saboter l'American Way of Life, alors à son sommet.
- celle des soucoupes volantes et des 'petits hommes verts' dont les observations s'étaient multipliées depuis 1947, et qui faisaient régulièrement la une des journaux.
Les 2 phénomènes étaient en outre étroitement imbriqués (la peur de l'autre, de l'étranger, de l'alien).

Cette série eut un succès considérable en France (1969, année de l'alunissage d'Apollo 11), comparable à celle d'X-Files bien plus tard.
Dans les cours de récré, on jouait à l'envahisseur, le petit doigt en l'air.
Des BD spécifiques furent même éditées, qui côtoyaient dans des éditions bon marché les X-Men, Spiderman ou les Fantastic 4.

Roy Thinnes, au même titre que Patrick McGoohan ("Le Prisonnier") ou Patrick McNee ("Chapeau Melon et Bottes de Cuir") fut malheureusement piégé par ce rôle, et ne fit que des apparitions épisodiques dans d'autres séries de science-fiction, ou des films de seconde zone.

Doté d'effets spéciaux simples mais efficaces (les soucoupes bleutées, l'auriculaire raidi, la désintégration rougeoyante des envahisseurs) , il était également souligné par une musique angoissante du même compositeur que "Au Delà du Réel".
Décors glauques et scénarios paranoïaques étaient du même niveau que "X-Files", dont il est un véritable précurseur.

De quoi regretter qu'aucune réédition DVD n'ait encore été faite.
Un complot des envahisseurs infiltrés ?

Plus d'infos:
Le dossier de la Série-thèque