23/07/2006
Vol 93 (United 93)
Faits et Fiction, Réalisme et Réalité.
Avec le développement du trafic aérien dans les années 70, était né un nouveau genre de films axé sur le sensationnel et le morbide, prétexte à des huis clos angoissants et donnant lieu au fil des ans à une surenchère d’effets spéciaux. Derniers spécimens du genre: "Destination Finale", "Flight Plan" ou "Des Serpents dans l’Avion", de bons nanards qui montrent bien qu’il est difficile d’innover sans tomber dans le grotesque.
Il y avait donc tout lieu d’être inquiet en apprenant, dans la foulée d’autres films 'patriotiques', le projet américain de reconstituer la destinée du vol "United 93", le 11 septembre 2001.
Heureusement c’est à Paul Greengrass ("Bloody Sunday", "La Mort dans la Peau"), que la réalisation a été confiée. En adoptant un style de docu-fiction, il a habilement évité les écueils du genre. Les acteurs sont soit de parfaits inconnus, soit jouent leur propre rôle (beaucoup de contrôleurs aériens). Pas d’héroïsme déplacé, pas d’effets spéciaux incongrus, pas de musique grandiloquente. Seuls sont montrés la banalité des faits, la routine des comportements, l’aspect ordinaire des personnes prises au piège d’une situation que personne ne maîtrise. A la différence de nombreux suspenses artificiels, l’émotion naît de la connaissance du dénouement final, et de la description méticuleuse de la machine infernale que rien ni personne ne pourra arrêter (contrôleurs débordés, militaires dépassés, décisionnaires absents, …). La tragédie se nourrit du sang des victimes innocentes, et de l’inéxorabilité du Destin.
L’image est fruste et privilégie les gros plans de façon à renforcer l’aspect réaliste du film. La caméra est à hauteur d’homme, bouge et tremble comme le ferait un témoin invisible.
Le contraste est total avec les plans larges de CNN qui, en occupant au maximum l’espace et le temps, prétend informer et montrer une 'Réalité' objective, mais échoue totalement dans ses objectifs, ceux qui regardent ses images étant incapables de les interpréter.
En faisant abstraction du 'bruit de fond' médiatique, qui pollue toute émission télévisée 'de flux' (reportage ou télé-réalité), le cinéma permet de retrouver les informations pertinentes et d’apporter une vraie explication aux événements du '09/11'.
En résumé, "Vol 93" se révèle une excellente reconstitution qui ringardise complètement tous les films du genre, ainsi que toutes les prétentions des télévisions à être le média de 'la Vérité'.
Note : 9/10
Compléments :
> Les enregistrements de la Boite Noire du vol.
> Un témoignage de Ben Sliney.
> Pour les rapports entre la forme et le fond des médias, voir "Pour Comprendre les Médias" de Marshall MacLuhan.
> Fiche Cinéfil.
> Les sites du film: américain et français.
> Les critiques du film sur "EcranLarge", "Fluctuat", "iMédias".
> Sur les blogs: "SebInParis", "SurLaRouteDuCinéma", "LaSenteurDel'Esprit", "GloubiBlogua", "AuBoutDuMonde".
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19/07/2006
The Passenger
Voyage au Bout de l'Ennui.
Sur le papier, tout semblait intéressant. Une coproduction franco-nippo-canadienne avec un bon casting international. Une sélection à Cannes et à Locarno. Un scénario qui promettait beaucoup en confrontant les univers des mafias japonaises et canadiennes, sur un fond de désenchantements amicaux et sentimentaux.
A l’arrivée, on regrette de s’être fait berné par les (quelques) critiques favorables. On est en présence d’un premier long métrage français typique, qui cherche à faire de l’artistique façon ‘nouvelle vague’, mais sans avoir ni le talent, ni l’inventivité de ses prédécesseurs. Les dialogues sont réduits à leur plus simple expression, les acteurs (volontairement) inexpressifs, les décors tristes et gris. Résultat: c’est creux, mou, incohérent. Le scénario, aux situations déjà peu explicites, est de plus handicapé par un montage épileptique, où de très brefs flash-backs se succèdent sans aucune logique, entre deux longs plans pendant lesquels il ne se passe rien.
Si le but était de faire un film ennuyeux, reflet des crises existentielles du monde moderne, c’est réussi. Mais le vendre comme étant un thriller psychologique, c’est vraiment prendre le spectateur potentiel pour un pigeon. Heureusement, il n’est à l’affiche que dans très peu de salles, et ne devrait pas y rester très longtemps. Quand à François Rotger, ex-photographe de mode n'ayant pas compris que le cinéma n'est pas seulement une succession d'images, il vaudrait mieux éviter ses prochaines réalisations.
Note : 3/10
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film.
> Les critiques du film sur "LeMonde", "Excessif", "AVoirALire", "Nihon".
> Sur les blogs: "Matoo", "NiklasOnLine", "MHF", "Zohilof".
20:00 Publié dans Ecrans Larges, Karmas | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Japon, Canada | Imprimer
14/07/2006
Kamikaze Girls (Shimotsuma Monogatari)
Kawaï Attitude: la Vie en Rose.
Sorti au Japon 2 ans avant "Volver", voilà encore un film peuplé presque uniquement de femmes, les quelques spécimens masculins étant particulièrement en dessous de tout. Mais là où l’espagnol ressassait les fantômes du passé, Tetsuya Nakashima s’incruste résolument dans le présent et la modernité.
Momoko, petite philosophe Zen pourvue de parents ratés, vit chez sa grand-mère dans une très lointaine banlieue de Tokyo. Détachée des contingences relationnelles, elle ne s’intéresse qu’à une chose: la mode tendance rococo, pleine de frous-frous rose bonbon et de dentelles brodées à la main.
Elle rencontre alors son exact opposé, Ichigo, garçon manqué, membre d’un gang de 'bikeuses', qui pratique comme personne le crachat et le coup de boule, en réaction à une enfance difficile.
La juxtaposition des contraires est alors la source d’une très bonne comédie à la japonaise, où les individus, même quand ils se définissent par rapport à des traditions occidentales (rockeurs, lolitas, motardes, fashion-victimes, …) n’oublient jamais leur appartenance à un même groupe humain. L’esprit du Japon moderne y est particulièrement bien retranscrit, écartelé entre développement de l’individualisme et respect forcené de la communauté. La présence du Bouddha géant de Ushiku, qui plane sur une partie du film est également là pour nous rappeler cette interdépendance de toute choses et l’impermanence des situations.
Visuellement, le film mélange un scénario de mangas pour adolescentes, l’humour des films de yakusas de Takeshi Kitano et l’esthétisme Kawaï tout en couleurs pastel et acidulées.
Bourré d’énergie et de bonne humeur, il est largement au dessus du "Marie Antoinette" de Sofia Coppola qui explorait le même thème d’adolescentes ayant du mal à trouver leur voie, avec le même univers kitsch, sucré et surchargé.
Note : 9/10
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Les sites du film: français et japonais.
> Une Interview de Tetsuya Nakashima.
> Les critiques du film sur "Fluctuat", "Excessif", "FilmDeCulte", "EcranLarge", "Chronic'Art", "iMedias", "WebOtaku", "LaCouture".
> Sur les blogs: "DragonSpot", "SurLaRoute DuCinéma", "CultureCafé", "Sancho does Asia".
> Une analyse du Kawaï dans l'univers du Manga.
> L'Art Contemporain Kawaï.
20:00 Publié dans Ecrans Larges, Humour, Le Village Global | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, japon, lgbt | Imprimer
12/07/2006
Rome # 1 (HBO) : Jules César
Il est Venu, On a Vu, Il a Vaincu.
Rome ne s’est pas faite en un jour. Le passage de la République à l’Empire non plus. De nombreux films ont déjà relaté la décomposition des institutions démocratiques et la lutte fratricide des généraux romains ayant entraîné le passage à un pouvoir absolu. Le problème est qu’il est difficile de résumer en moins de 2 heures, une histoire qui s’est étendue sur plus d’une dizaine d’année. Le point de vue de l’auteur conduit alors à faire des choix dans les épisodes clés et à privilégier soit le point de vue tragique (la grandeur et la décadence du nouveau tyran, d’abord adoré puis haï), soit le point de vue romantique (ses amours fantasmées avec la reine d’Egypte). Les aspects politiques sous-jacents, les mobiles des forces en présences et les raisons socio-économiques ayant rendu possible le coup d’état sont en général complètement occultés.
L’avantage des séries TV est au contraire de pouvoir développer une intrique sur la durée. Quand la production s’en donne la peine, et vise la qualité plutôt que le soap-opéra de masse, cela donne d’incontestables réussites (les documentaires de la BBC, les docu-fictions de France Télévision, ou certaines fictions des réseaux câblés américains).
"Rome", actuellement diffusé sur Canal+ après être passé en Belgique et en Amérique du Nord, fait partie de cette catégorie. HBO a mis le paquet sur le récit des premières années de l’Empire Romain. La première saison démarre au moment de la prise d’Alésia (-52) et s’achève avec l’assassinat de César lors des Ides de Mars (-44). Chacun des 12 épisodes est l’occasion de traiter et d’approfondir les différentes étapes de la guerre civile et de la consolidation du nouveau pouvoir, tout en suggérant de nombreuses analogies avec notre monde prétendument moderne (corruption des élites, clientélisme, importance du paraître, divertissements et aventures militaires comme moyen de gouvernement, etc.). Tout en étant traité de façon très contemporaine et prenant parfois des libertés avec la tradition (pas de 'Tu Quoque mi Fili' par exemple), la série respecte assez fidèlement le contexte historique. Ceux qui jusqu’à présent confondaient Cicéron et Caton, Octave et Marc Antoine, n’auront à l’issue de la série plus d’excuses pour ignorer les bases de l’Histoire Romaine. Certains personnages s’en trouvent du coup grandis (Octave, Brutus) ou au contraire diminués (Marc Antoine, Cicéron, Cléopâtre). Le rôle des femmes n’est pas oublié non plus, contrairement à l’usage habituel des péplums. Le mélange de personnages fictifs de première importance avec les grandes figures de l’époque permet de détailler de façon très réaliste la vie quotidienne de l’époque (sociale, administrative, religieuse, …), même si certains commentaires manquent parfois pour en expliquer le sens (par exemple la cérémonie avec le taureau, caractéristique du culte de Mithra, ce qui n’est pas dit explicitement). Il est dommage que le DVD qui sortira bientôt (en zone 1), ne fournisse pas les bonus nécessaires pour combler ces lacunes, et permettre à chacun de mieux comprendre les us et coutumes de l’époque.
En attendant, ne boudons pas notre plaisir pour ce qui est une des plus belle réussite fictionnelle dans le domaine de l’antiquité romaine.
Note : 10/10
Compléments :
> Le site officiel de la série.
> Le dossier de "Peplum".
> Le dossier de "L'Internaute".
> Les critiques de la série sur "Télérama", "LePoint", "EcranLarge", "KrinEin".
20:00 Publié dans Destins, Ethiques & Politiques, Histoire, Videothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, rome, séries, tv | Imprimer
09/07/2006
Changement d'Adresse
Petits Marivaudages Désuets, mais Drôles.
Le cinéma français est désespérant. La majorité des nouveaux premiers films se passe invariablement au sein de la petite bourgeoisie parisienne, et tourne en général autour des émois amoureux de quelques jeunes gens pas très modernes dans leur langage et leur façon de vivre. On citera par exemple récemment : "Fauteuils d’Orchestre" ou "Mensonges et Trahisons" pour ne citer que ceux qui sortaient du lot.
"Changement d’Adresse" ne fait pas exception à la règle. Petit marivaudage classique, où un jeune provincial joueur de cor (!?) hésite entre une pauvre blonde piquante et pas très futée, et une brune aisée et ennuyeuse, amoureuse d’un bellâtre affabulateur. Rien de bien neuf depuis "Le Jeu de l’Amour et du Hasard".
Les cinéaste français ont semble-t-il beaucoup de mal à se débarrasser de leurs habitudes de petits bourgeois intellos du Quartier Latin. C’est dommage, parce qu’avec un scénario un peu plus moderne et un cadre un peu moins désuet, ça aurait pu donner une histoire de la trempe de "Quand Harry rencontre Sally".
Cette comédie douce-amère est néanmoins très plaisante grâce à l’abattage de Frédérique Bel, plus 'blonde' que jamais, servie par des dialogues qui allient un humour très français à une philosophie de la vie amoureuse que ne renierait pas Dorothy Doll.
A voir donc par tous ceux qui ont aimé "La Minute Blonde", mais on espère que son interprète saura sortir de ces rôles de blonde idiote (qu’elle joue également dans "Camping"), car la qualité de son jeu révèle le potentiel d’une grande actrice.
Note : 7/10
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site officiel du film.
> Les critiques du film sur 'iMédias', 'Libération', 'LesEchos', 'CommeAuCinéma', 'EcranLarge', 'Fluctuat', 'Excessif', 'Telerama', 'LeMonde', 'ChronicArt', 'aVoir-aLire'.
> Sur les blogs d'Allociné, de 'Critico-Blog', 'BlogCulturel', 'SebInParis', 'LaVoieLactée', 'SurLaRouteDuCinéma'.
20:00 Publié dans Ecrans Larges, Humour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, France, Humour, Blondes | Imprimer