16/01/2008
Festival Cinéma Télérama 2008
A Voir et A Revoir.
Comme chaque année, dernières occasions pour les retardataires de voir les quelques films que la rédaction de Télérama a plébiscité. Il n'y a évidemment pas les blockbusters qui n'en ont pas besoin, mais une honnête sélection de qui est sorti de mieux en 2007.
Je suis plutôt d'accord avec leur palmarès étranger (je les ai presque tous vus avec intérêt), mais côté français un peu plus d'audace n'aurait pas été de trop. Ils auraient quand même pu mettre 99F, L'Avocat de la Terreur, Les Témoins, ou L'Ennemi Intime. Et je passe sur l'absence totale de films asiatiques (Still Life, Le Dernier Voyage du Juge Feng, La Traversée du Temps, ...).
Le Palmarès 2007 est le suivant :
1. "La Vie des Autres", de Florian Henckel von Donnersmark.
2. "De l’Autre Côté", de Fatih Akin.
3. "Les Chansons d’Amour", de Christophe Honoré.
4. "Les Climats", de Nuri Bilge Ceylan.
5. "Boulevard de la Mort", de Quentin Tarantino.
6. "Persépolis", de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaude.
7. "Les Promesses de l’ombre", de David Cronenberg.
8. "4 Mois, 3 Semaines, et 2 Jours", de Cristian Mungiu.
9. "Jesus Camp", de Heidi Ewing et Rachel Grady.
10. "Paranoïd Park", de Gus Van Sant.
11. "Angel", de François Ozon.
12. "La Fille coupée en Deux", de Claude Chabrol.
13. "Zodiac", de David Fincher.
14. "Le Fils de l’épicier", d’Eric Guirado.
15. "La Question humaine", de Nicolas Klotz.
NB : les séances sont à 3 €, sur présentation du 'Pass' fourni dans les magazines du 16 et du 23 janvier.
Compléments :
> La Liste des Salles participantes.
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08/01/2008
De l'Autre Côté (Auf Der Anderen Seite) de Fatih Akin
Le Miroir à 2 Faces.
La vision des bilans de fin d’année est l’occasion de me rendre compte que je n’ai pas eu le temps de chroniquer l’excellent dernier film de Fatih Akin, primé à Cannes (Prix du scénario et Prix du Jury œcuménique), mais qui aurait mérité le Grand Prix du Jury à la place de la (surestimée) Forêt de Mogari.
Question scénario, le découpage est pourtant très classique (thèse, anti-thèse, synthèse).
La première partie s’attache aux immigrés turcs en Allemagne (Ali, Yeter), la seconde aux allemands en Turquie (Lotte, le libraire), la troisième voit les germano-turcs (Nejat, ...) renouer avec leurs racines et se réconcilier avec leurs origines.
Le thème est très proche du très bon XXY de Lucia Penzo. D’un côté un(e) hermaphrodite cumule dans ses gênes le meilleur des 2 sexes (l’Inné), de l’autre un fils d’immigré est la combinaison du meilleur des cultures dans lesquelles il a été élevé (l’Acquis).
Le parallèle effectué entre les 2 mondes montre qu’ils ne sont finalement pas si différents l’un de l’autre, malgré ce que veulent nous faire croire certains discours xénophobes. Manifestations anti-gouvernementales, Police inflexible, Justice sourde et aveugle, prisons déshumanisées, bureaucratie démotivante se retrouvent des 2 côtés avec des nuances moins importantes qu’il n’y parait au premier abord [1]. Dans les 2 cas, les jeunes se révoltent contre l’ordre établi, réitérant le comportement des plus anciens usés par la Vie et ayant oubliés leurs rêves de jeunesse.
Au final, un film profondément humaniste, qui rejette les extrémismes (terroristes, islamistes, bureaucrates, machos, …), prône le juste milieu, la compassion, la solidarité active, l’ouverture aux autres, l’abolition des frontières artificielles qui sont d’abord et avant tout dans nos têtes.
Le choix de Trabzon (ville de l’Est de la Turquie, où se mélangent cultures turque, géorgienne et arménienne), d’Istanbul (ville cosmopolite à cheval sur l’Europe et l’Asie) et de Brême (célèbre pour son conte des Musiciens, symbole de la solidarité des petites gens) participe également de cette entreprise éminemment sympathique.
[1] Le comportement de la police anti-terroriste turque rappelle furieusement celui des allemands du temps de la Fraction Armée Rouge (bande à Baader).
Note : 9/10
Compléments :
> Le site du producteur du film et le site turc.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Arte, LaLibreBe, Rue89, LeMonde, Telerama, Excessif, Fluctuat, FilmDeCulte, AVoirALire, Critikat.
> Sur les blogs: CriticoBlog, Itinéraires, CaféBabel, BenzineMag, NightSwimming, CinéJade, Raccord, ZéroDeConduite.
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03/01/2008
XXY de Lucia Puenzo
D'un Genre à l'Autre, ou Entre les Deux ?.
Un chromosome en plus peut changer bien des choses. Si l'homme (XY) ou la femme (XX) peuvent être considérés comme incomplets (de nombreux gênes sont manquants ou ne peuvent s'exprimer), que doit-on penser des individus possédant l'ensemble du code génétique humain ? Sont-ils des monstres de foire, à rejeter au nom d'une 'normalité' assez sujette à caution, ou l'expression de l'être humain idéal tel que le concevait Platon dans "Le Banquet" ?
Alex ne se pose pas ces questions. Elevée comme une fille, et traitée médicalement pour éviter toute manifestation de masculinité excessive, elle a été toujours protégée par ses parents qui se sont isolés loin de toute curiosité malsaine. Mais à l’âge où la puberté commence à se faire sentir, il est évident qu’Alex ne pourra pas éternellement rester à l’écart d’une remise en question qui frappe tous les adolescent(es) de son entourage.
Ce film est vraiment intéressant, car si la question de l’homosexualité, du travestissement ou du transgenre, a été plus ou moins souvent mise à l’écran dans le passé, c’est à ma connaissance la première fois que le sujet de l’hermaphrodisme est évoqué au cinéma.
Dans ce cas, il ne s’agit d’ailleurs pas de la forme finalement banale du syndrome de Klinefelter (1 naissance sur 700 !, dont des sportifs célèbres) dans laquelle les organes sexuels sont masculins, bien que peu développés, mais plutôt d’une vraie forme d’hermaphrodisme avec une apparence sexuelle complètement féminine, à l’exception d’un clitoris exagérément masculin.
La question essentielle devient alors de savoir s’il est possible de vivre sa vie sans avoir à renoncer à une partie de soi-même (c'est-à-dire une forme de castration). A la différence d’un homosexuel qui ne fait qu’adopter un comportement opposé à celui que la société considère comme normal pour ses chromosomes, l’hermaphrodite possède au niveau génétique les caractéristiques des 2 sexes. Hormonalement et psychologiquement (même si Freud n’avait pas envisagé le cas), il est soumis à des influences qui ne peuvent que le différencier du reste de l’Humanité. Difficile en tous cas pour lui/elle de vivre dans un monde binaire (M/F) où rien n’est prévu, ni envisagé pour ce qui correspond à un vrai troisième sexe [1].
Intelligemment, "XXY" rappelle quand même que les mammifères ne sont pas la référence absolue de la Nature, et que de nombreuses espèces végétales et animales (reptiles, amphibiens) connaissent une sexualité non booléenne. En faisant du père un biologiste spécialiste de ces questions, il en fait un symbole de la Science éclairée opposé à l’utilitarisme conformiste du chirurgien esthétique, dont le métier est de charcuter les corps [2] pour les obliger à se conformer à la vision idéale véhiculée par notre société.
Très bien filmé, avec des acteurs convaincants, sans pathos mais avec beaucoup de sensibilité ce film devrait réjouir tous ceux qui apprécient les film d’adolescents intelligents, les films libertaires, les films de réflexion identitaire en plus des cinéphiles amateurs d’un cinéma argentin en plein renouveau.
[1] D’ailleurs non représenté dans les mouvements LGBT ?!.
[2] Lifting, Rhinoplastie, Excision, Castration, … même logique normalisatrice.
Note : 9/10
Compléments :
> Le site du film.
> Le syndrome de Klinefelter.
> Le site de l'Organisation Internationale des Intersexués.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Libération, LeMonde, Telerama, Excessif, Fluctuat, AVoirALire.
> Sur les blogs: CriticoBlog, Cinemaniac, TroughMyEyes, LieuxCommuns, Roomantic, Cinépark.
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22/12/2007
La Forêt de Mogari (Mogari no mori) de Naomi Kawase.
The Nara Chaman Project.
Primé à Cannes, "La Forêt de Mogari" est malheureusement assez représentatif des choix habituels des jurys. On sait que ça va être beau, bien joué, mais qu’on va s’y ennuyer mortellement. Les Palmes ont tendance à récompenser l’auteur plutôt que l’œuvre présentée. Le dernier film de Naomi Kawase ne déroge pas à la règle. C’est d’autant plus dommage que le précédent ("Shara") était un bon film, sachant ménager l’intérêt du spectateur tout au long de sa durée.
La première partie en est de toute beauté. La vision du vent soufflant dans les forêts et les rizières de la région de Nara est vraiment spectaculaire. Arriver à rendre visible un phénomène aussi immatériel montre bien la maîtrise technique de la réalisatrice (et de son équipe). Mais de belles images et une remarquable bande-son ne suffisent pas à faire un bon film.
Le film pêche beaucoup du côté du scénario et de la direction d’acteurs (inexistante).
Ça semble commencer comme une leçon zen sur le sens de la vie, avec un moine qui essaie quelques notions de base à des retraités très diminués mentalement, mais cette piste est rapidement abandonnée. La peinture impressionniste mélangeant et opposant la Ville et la Nature, les jardins et les plantations de thé, la multitude des personnages, suscite néanmoins l’intérêt, même si elle est assez peu développée, faute d’acteurs professionnels pour la soutenir.
Le problème est le ralentissement considérable de la narration qui étire pendant une (trop) longue seconde partie, une ballade en forêt assez artificielle, sur-jouée, aux trucages (débordement du torrent) mal faits, et aux intentions plutôt creuses. Le rythme trop elliptique du début a empêché de s’attacher aux personnages principaux. On a d’ailleurs du mal à comprendre comment ils sont passés d’une communication assez difficile à une telle complicité. Quand au message véhiculé, très animiste, il est en complète contradiction avec le discours bouddhiste du début.
"La Forêt de Mogari" est finalement assez emblématique du cinéma japonais actuel. Tombé dans le coma il y a quelques années, on espère toujours un signe y voir un signe de vitalité et de renouveau, mais on est finalement déçu du résultat. Mieux vaut se tourner vers le cinéma coréen, qui lorsqu’il traite les mêmes thèmes du deuil et de la rédemption ("Old Boy", "Samaria", "Secret Sunshine", …) se révèle autrement plus inventif et dynamique.
Note : 5/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de OrientExtreme, CommeAuCinéma, Fluctuat, FilmDeCulte, Excessif.
> Sur les blogs: CriticoBlog, LeMeilleurDuCinéma, LesRosesDeDécembre, JournalD'UnExcessif, Benzine.
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25/11/2007
Les Promesses de l’Ombre (Eastern Promises) de David Cronenberg
Western Shadows.
Cronenberg continue d’explorer le côté obscur de l’être humain. Mais le propos a évolué depuis ses premiers films. L’accent était alors mis sur l’organique, la sexualité, les mélanges contre-nature. Le malaise venait de l’absence de frontières entre Soi et Non-Soi, à grand renfort d’effets gores et de substances visqueuses et poisseuses.
Depuis "A History of Violence", l’analyse se fait au contraire plus subtile et plus psychologique. Si les corps sont toujours montrés de façon très crue, à la Paul Verhoeven, les fluides sont devenus plus liquides (eau, sang, alcool, …), et la violence est souvent plus psychique que physique, malgré une animalité impressionnante.
Les situations décrites illustrent la permanence des illusions et des rapports de domination dans l’impermanence de l’Existence (immigrés dans un nouveau pays, repenti dans une nouvelle vie, …). Il n’y a pas de Paradis en ce monde, sauf à l’organiser de façon très monastique, comme le font les truands de Cronenberg. L’aspect religieux est souligné par les tatouages multipliants les croix et les églises (orthodoxes), et se répandant sur les corps comme des stigmates. Ceux des doigts de Viggo Mortensen font d’ailleurs penser à ceux du pasteur joué par Robert Mitchum dans "La Nuit du Chasseur". A l’inverse, les gros méchants sont très typés musulmans (tchétchènes, turcs). On regrettera aussi l'apologie du mythe du bon tchékiste, protecteur de la société.
Si le film ne fera sans doute pas date dans la filmographie de Cronenberg, il se laisse néanmoins voir sans déplaisir (surtout grâce à la mise en scène et aux acteurs), malgré son côté ambigu et un message beaucoup moins explicite que d’habitude. Espérons que cette dérive Lynchienne ne finira pas par rendre son discours aussi obscur que celui de l’auteur de "Inland Empire".
Note: 8/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, LaLibreBe, Libération, Telerama, Excessif, Fluctuat, FilmDeCulte.
> Sur les blogs: CriticoBlog, PibeSan, SebInParis, ARebours, KleoInParis.
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