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08/12/2005

Saw

Not to be Seen

Quel est la différence entre un bon et mauvais film, notamment quand il y a une grosse surprise à la fin ?
C'est que le bon ("Se7en", "6ième Sens", "Les Autres", "L'Armée des 12 Singes", ...), on le voit et revoit même quand on connaît la chute.
Ca n'est pas le cas de "Saw", qui surfe sur la mode de films comme "Se7en", "Cube", "Le Projet Blair Witch", ...

Pour avoir une idée de TOUS les défauts de ce (mauvais) film, le mieux est d'aller voir sur cet avis publié dans DvdRama (je ne pourrais pas dire mieux que cette critique, que je partage entièrement).

Mieux vaut oublier ce film et son DVD, et (re)voir plutôt "Se7en". Les originaux sont toujours meilleurs que les copies.

Note: 2/10

> Fiche Cinéfil

Compléments:
> Sur le blog de "LaBulleDuSiècle".

08/11/2005

Extension du Domaine de la Lutte

Socio-Economie de la Relation Humaine

Comme l’a très bien montré Michel Houellebecq dans ses romans, le monde occidental a radicalement changé d’orientation au niveau des rapports humains.

On était, jusqu’au milieu du 20-ième siècle, dans un système relationnel relativement artisanal, patriarcal, dont le but était de créer une famille dans l’intérêt du clan. On prenait son temps (engagement, fiançailles puis mariage).
Pour ceux qui étaient exclus ou insatisfaits du système, le substitut en était la prostitution (bordels institutionnalisés) ou l’adultère (séparation des fonctions entre l’être aimé et le conjoint) [1].
Ce système était en phase avec une économie dirigée, paternaliste, colonialiste, où l’emploi était souvent à vie dans la même région et la même entreprise.

On est passé depuis à une économie de marché basée sur la consommation de masse, le libre-échange, l’ouverture des frontières, la loi de l’offre et de la demande, une précarité plus grande de l’emploi.
Dans le domaine relationnel, la liberté prévaut (ce ne sont plus les parents qui choisissent le conjoint) et la norme est désormais de vivre avec l’être aimé.
La libération sexuelle des années 1960-70 est passée par là, et l'échangisme a remplacé la prostitution. En France, les maisons closes sont d'ailleurs devenues illégales en 1946 (Loi Marthe Richard) et la prostitution est régulièrement combattue, même si elle ne peut évidemment être éradiquée.
Les effets secondaires sont néanmoins les mêmes dans les 2 cas.
L’augmentation du volume permet une augmentation du profit global, mais le profit individuel est souvent plus réduit (diminution des marges).
La rapidité des échanges implique qu’on se trompe plus souvent (pas le temps d’être sûr avant de s’engager).
Afin de permettre la fluidité du système, le turn-over et la mobilité doivent être importants (c’est le seul moyen d’adapter l’offre et la demande). On remplace une gestion de stocks par une gestion à flux tendus.
Il y a baisse globale de la qualité (on ne construit plus pour durer éternellement) et accroissement de l’obsolescence des produits (divorces et déchets ménagers ou industriels sont très importants).
Pour ceux qui sont exclus ou insatisfaits du système, le substitut en est la pornographie (films X, Internet, …). La notion d’adultère devient vide de sens, car le mariage a tendance à disparaître et les divorces sont en augmentation constante, les couples se faisant et défaisant très vite.
Avec Internet, on arrive au stade ultime où l’espace s’est étendu à toute la planète, alors que le temps d’une relation peut se contracter jusqu’au minimum possible.

Concernant la situation de la femme, on est passé d’un statut de soumission (au père, au mari) à une réelle liberté théorique.
Cette évolution se rapproche de l’émancipation des 'nègres', après les lois anti-esclavagistes de la fin du 19-ième siècle.
Le problème est que la Liberté n’est pas une notion innée. Elle demande un apprentissage et se construit pendant l’enfance, en reproduisant les modèles sociaux en vigueur.
Dans beaucoup de cas, à cause d’une éducation inadaptée, les sujets se retrouvent incapables à vivre de façon réellement libre et indépendante.
C’est le 'syndrome de l’Oncle Tom', beaucoup de Noirs ayant continué à travailler comme domestiques ou journaliers pour leurs ‘maîtres’, faute de pouvoir concevoir un autre destin. De nos jours, il existe également de nombreuses femmes islamistes défendant leur soumission à leur seigneur et maître.
Sur le Net, je suis assez effaré de voir le nombre important de femmes qui recherchent encore un 'Prince Charmant, grand, protecteur' ou un 'Suggar Daddy généreux', préférant la sécurité de leurs chaînes à l’exercice d’un droit fondamental si chèrement acquis. N’est-ce qu’une mauvaise résolution du complexe d’Œdipe ? ou une vénalité bien comprise ?

Psychologiquement, les dégâts sont importants.
Les personnages houellebecquiens, issus des classes moyennes cultivées, sont écrasés par le quotidien, et sombrent dans la dépression et le suicide, quand ils ont eu la chance d'échapper à la maladie. Plus lucides que la moyenne, ils n'ont pas les moyens d'être dans le haut du panier, ni la ressource de se décerveler devant la télé ou dans les stades.

Le film de Philippe Harel est particulièrement fidèle à l'univers de l'auteur, et est à recommander à tout ceux qui ne supportent pas l'écrivain. Cela leur permettra de ne pas rater une des meilleures analyses de la société moderne jamais écrite ces dernières années, et les incitera peut-être à aller vers les bouquins [2][3][4].
C'est tout le bien qu'on peut leur souhaiter.

Note: 9/10

> Fiche Cinéfil

A (re)lire :
[1] ‘Histoire des Passions Françaises’ par Théodore Zeldin, historien britannique spécialiste de la vie sociale et sentimentale des français à la fin du 19-ième siècle (en 5 volumes).
[2] ‘Extension du Domaine de la Lutte’
[3] ‘Les particules élementaires’
[4] ‘Plateforme’

28/09/2005

Les Ames Grises

Fondu Enchaîné vers un monde de Grisaille

Un film superbe, intelligent, roublard, sans ‘héros’ bien défini et dont le point de vue du spectateur change au cours de la progression du récit, servi par des acteurs toujours excellents: Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret (un de ses derniers rôles), Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Serge Riaboukine, ...

Au début, les choses sont claires, les rôles bien tranchés.

Dans un village près de la ligne de front, riches bourgeois et pauvres ouvriers se côtoient sans se mélanger, tandis que des soldats malgré eux sont envoyés à l’abattoir pour nourrir l’offensive en cours.
Selon sa sensibilité politique, on s’attachera plutôt aux prolétaires exploités par les notables, ou à ces esprits éclairés et cultivés tentant de gérer au mieux leurs troupeaux abrutis par le travail et l’alcool.
Le maire, l’institutrice, le procureur, le juge d’instruction, le flic, le curé, la bonne, l’aubergiste, les permissionnaires permettent de tracer rapidement les caractéristiques de cette société d’avant guerre (la première), aujourd’hui désuète, où tout le monde semble ‘à sa place’, y compris un assassin promptement ‘raccourci’ pour avoir eu un coup de sang, proprement inadmissible dans un monde si ‘bien comme il faut’.
Seule tâche dans l’ensemble, le juge d’instruction ostracisé pour avoir côtoyé des nègres, lors de son précédent poste en Afrique.

Mais la vie ne peut se décrire en n’utilisant que le noir et le blanc.
La guerre est là qui s’introduit partout, brasse les populations, remet en cause les habitudes bien établies, révèle les caractères et noie les âmes dans une brume grise.
L’Enfer n’est-il pas dans ce mélange des couleurs, où la pureté des extrêmes se corrompt en heurtant ‘le bon goût’ ?
Est-on bien sûr que ce juge si zélé est bien le défenseur intègre de la veuve et de l’orphelin ?
Et ce procureur, que la rigidité morale, le veuvage et la haine du ‘vulgaire’ isole dans son château, est-il le pervers qu’il semble être quand il s’attarde avec une jeune femme, ou caresse la joue d’un enfant ?
L’aubergiste si sympathique et si dur au travail ne profite-t-il pas du charme de sa fille pour attirer sa clientèle ?
Les déserteurs ne sont ils que des pauvres hères dépassés par les événements et victimes d’officiers sadiques ?

Seul les anti-héros (l’institutrice, le flic, sa femme enceinte), âmes innocentes qui ne font que subir les aléas de l’existence, semblent posséder effectivement les qualités morales d’une vraie humanité.
Mais est-ce suffisant pour affronter les duretés de la vie ?
Où est-il préférable d'abandonner le combat ?

Note: 9/10

> Fiche Cinéfil

31/08/2005

Bombon el perro (Bombon le chien)

2 Vies de chiens, mais pas de niches entre eux

L’un survit comme il peut, avec toute la bonté qui le caractérise.
Laissé sur le bord de la route par la crise économique, abandonné par sa femme depuis des années, il vit de la charité de sa fille et de petits boulots, au gré de ses rencontres avec d’autres compagnons d’infortune.
Son seul plaisir, dont il aimerait tirer profit, est la fabrication de manches de couteaux sculptés.
Mais, pas facile à vendre dans une Argentine ruinée par le FMI (voir à ce sujet l'excellent documentaire "Mémoire d'un saccage").

L’autre ne s’est pas remis de la mort de son maître.
Aristocrate au pedigree prestigieux, destiné à être le premier d’une longue lignée (disparue en même temps que le propriétaire du chenil), il laisse s’écouler le temps, indifférent à tout même aux femelles en chaleurs tortillants leur cul sous son nez.

Deux laissés pour compte de la société qui n’auraient jamais dus se rencontrer sans une série de coups de chance providentiels.
Petit à petit, chacun apprivoise l’autre et l’espoir d’une vie meilleure se profile.
Sera-ce l’or des trophées et la gloire des podiums, ou plus simplement l’amour et la joie de vivre retrouvés au détour du chemin ?
Le profit doit-il primer sur tout, quitte à se leurrer avec des faux-semblants ?
Les sentiments ne deviennent ils pas évident au moment de la séparation ?

Vous le saurez en visionnant ce film qui a du chien, et laisse pas cabotiner ses acteurs.
A recommander à tous ceux qui n’ont pas peur de se laisser mordre par l’émotion.

> Fiche Cinéfil

25/07/2005

The Element of Crime

Quelque chose de pourri au royaume du Danemark (Hamlet, I,4) ?

Lars von Trier a toujours travaillé selon des cycles.
Il y a eu ses mélos larmoyants ("Breaking the Waves","Dancer in the Dark"), ses films 'dogmatiques' ("Les Idiots", ...), ses mises en scène théâtrales ("Dogville","Manderlay"), ses feuilletons télévisuels ("The Kingdom", ...), et même un film porno ("Pink Prison") !

Sa période la plus intéressante se situe à mon avis au début de sa carrière.
Il commet alors 3 petits chefs d'oeuvre qui sondent les bas-fonds de l'esprit humain ("The Element of Crime","Epidemic" et "Europa").
Le premier, malheureusement peu connu, mérite qu'on s'y intéresse.

L'histoire:
En Egypte, dans un environnement sec et étouffant de chaleur, un homme, probablement schizophrène, se fait hypnotiser par un médecin pour se débarrasser des cauchemars qui l'assaillent continuellement.
Ensuite retour-arrière au Danemark, où l'homme, inspecteur de police, enquête sur un serial killer qui assassine sauvagement des petites vendeuses de billets de loterie (référence à la petite vendeuse d'allumettes d'Andersen ?).
Il vient de reprendre le dossier, précédemment traité par son supérieur hiérarchique, criminologue réputé, mais celui-ci a mystérieusement disparu.
Les indices étant minces, il va donc essayer de refaire le parcours du tueur en essayant de se mettre à sa place, en vivant et en pensant comme lui, selon les méthodes définies et mises en pratique par son chef.
Mais peut-on sans risques plonger dans les tréfonds d'un esprit humain psychotique ?

Tout le film baigne dans une ambiance glauque, humide et poisseuse.
Les changements climatiques (augmentation des températures et fonte des glaces) ayant entrainé une montée des eaux, tous les habitants vivent dans un environnement moisi, particulièrement bien rendu à l'écran grâce au travail sur les couleurs.
Dans "The Cell" de Tarsem Singh, l'esprit du serial killer était particulièrement esthétisant, léché, avec un aspect sado-maso marqué (un style très 'cuir et soie').
Rien de tout celà dans "The Element of Crime", au contraire !
Les paysages, reflets du mental du meurtrier, sont plus proches de l'ambiance développée dans "Se7en" de David Finsher (sans les effets gores à répétition) et sont destinés à instiller le malaise chez le spectateur.
Mis à part l'odeur, on ressent parfaitement cette sensation de pourriture qui gangrène cette société déchue.

La révélation finale est au moins aussi forte que celles de "Se7en" ou de "La Secte sans Nom" (de Jaume Balaguero).
Ici pas de happy-end hollywoodien.
Seulement l'espoir de tout oublier grâce à l'hypnose.
Mais est-il possible d'échapper à ses mauvais rêves, surtout quand ceux-ci sont des souvenirs réels ?

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Grand Prix Technique de la Commission Supérieure Technique au Festival de Cannes 1984

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