07/07/2007
La Traversée du Temps (Toki wo Kakeru Shôjo) de Mamoru Hosoda
Retour vers Maintenant.
Entre romance adolescente et considérations philosophiques, "La Traversée du Temps" est un japanime des plus intéressants, à mi-chemin entre la complexité foisonnante de "Paprika" [1] et les simplifications trop réductrices des "Contes de TerreMer" [2].
Mélange de thèmes déjà traités dans d'autres films, il les revisite de façon originale, dynamique et humoristique, tout en pouvant prétendre à la primauté, puisque le roman dont il est inspiré date de 1965.
Dans le genre, "Un Jour Sans Fin" se focalisait surtout sur l’aspect social de nos relations, "L'Effet Papillon" mettait essentiellement l'accent sur les conséquences de nos actes, "La Jetée" et "Happy Accidents" jouaient avec les mouvements d’attraction/répulsion entre 2 êtres d’époques différentes.
"La Traversée du Temps", tout en intégrant ces différents thèmes, est plus axé sur l’individu qui découvre, expérimente et finalement maîtrise ou subit un pouvoir qui le dépasse. Il est en ce sens très proche de "Retour vers le Futur", et utilise d’ailleurs la même technique qui consiste à transformer un mouvement rapide dans l’espace pour se déplacer dans le temps.
On a d’un côté toute la thématique adolescente, qui consiste à faire son deuil de l’innocence et de l’insouciance pour entrer dans une ère de responsabilité et d’indépendance. La fin de l’année scolaire est un moment particulier où se cristallise la fin d’une époque, où les groupes éclatent avant de se recomposer autrement. Les amitiés se fissurent pour laisser passer les premiers émois amoureux.
De l’autre, le film creuse un certain nombre de sillons typiquement Zen. La vie est dans l’instant présent. Le Passé n’existe plus, le Futur n’existe pas encore. A l’instar du tableau restauré par la tante de l’héroïne, et qui exprime la joie intérieure de l’Éveillé, l’existence n’est qu’une parenthèse fragile entre un passé oublié et un futur incertain.
L’aspect le plus intéressant du film s’exprime en fait en filigrane. Au-delà de Makoto qui monopolise notre attention par ses espiègleries, ses gesticulations, ses interrogations, se profile la vie de sa tante (la ‘sorcière’) qui a déjà vécu le même genre d’événements, en a épuisé les possibilités et en a intégré les enseignements.
La vie est un subtil équilibre entre Liberté et Déterminisme. Si l’individu peut se mouvoir à sa guise dans le temps et dans l’espace, il reste soumis a des règles qui le ramènent invariablement à des croisements obligés, tels ce passage à niveau où passe tous les jours, à la même heure, le même train, dans le même sens.
[1] réalisé lui-aussi par les studios "MadHouse", et dont l'auteur originel est également Yasutaka Tsutsui.
[2] Mamoru Hosoda fut pressenti pour réaliser "Le Château Ambulant", mais quitta finalement Ghibli pour rejoindre MadHouse.
Note : 8/10
Compléments :
> Le site du film.
> Les critiques de CommeAuCinéma, Libération, LeMonde, Télérama, Excessif, Cinémasie, Chronicart, Critikat, KrinEin, AVoirALire, OrientExtreme, AsieVision, SanchoAsia, Matoo, NihonNoSashin, MaXoeRama, AnimeFrance.
Complément² :
> Ma chronique du roman de Yasutaka Tsutsui.
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28/05/2007
Genshiken de Takashi Ikehata
Otakus, Mode d’Emploi.
Genshiken, c’est le "Club d'Etude de la Culture Visuelle Moderne", un nom pompeux pour un petit club universitaire comme il en existe des milliers au Japon et dans lequel se retrouvent quelques étudiants pas très dynamiques. Il est dédié aux mangas, aux animes, et à toutes leurs déclinaisons (figurines, jeux vidéos, 'cosplay', fanzines, parodies, sous-genres gays et lesbiens, etc.).
A l’occasion de la rentrée universitaire, il va s’enrichir de 2 nouveaux membres, Kanji, étudiant timide et complexé, et Saki, amoureuse d’un des piliers du club. Bien qu’allergique à ce genre d’activités, elle essaie de s’y incruster en espérant le conquérir.
C’est l’occasion pour le spectateur de découvrir l’intimité de ces drogués des nouvelles cultures visuelles, capable de visionner les pires dessins animés jamais diffusés à la télé, ou de discourir pendant des heures sur le destin comparé de héros de série B. Sans compter leurs incursions dans les magasins spécialisés de Akihabara, les 'conventions' destinées aux fans, ou la fête annuelle de la fac destinée à se montrer pour continuer à exister l’année suivante.
Le ton est très humoristique, brocardant tous les travers d’une communauté repliée sur elle-même, se passionnant pour des sujets superficiels et à mille lieux de la vie réelle. Univers intellectuel limité, difficultés relationnelles, achats compulsifs, luttes de chapelles, comportements parfois sectaires, c’est la vie quotidienne de l’otaku de base qui est abordée.
Malgré tout, le sujet est traité sans excès, sans anathème, en mettant en scène des personnages très typés, mais non caricaturaux. On sent que les créateurs de la série ont eu l’occasion de vivre de nombreuses situations analogues.
La série est d'autant plus sympathique qu'elle a un côté universel. Au-delà du petit monde des otakus, on y retrouve en effet le fonctionnement de toutes les communautés un peu à l’écart, que ce soit dans le domaine religieux, culturel, sportif ou technique. Tous les pratiquants des blogs sont bien placés pour le savoir.
Note : 9/10
Compléments :
> Les critiques de DvdAnime, AnimeKa, AnimeKun, DvdRama, Kanpai, Didje2k2, Japanbar, RatonLaveur.
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29/03/2007
Zipang de Kaiji Kawaguchi
Japon d'Hier et d'Aujourd'hui.
Clint Eastwood vient de nous gratifier d’un diptyque retraçant la bataille d’Iwo Jima, en essayant d’alterner la vision des 2 protagonistes. L’ensemble est plutôt bien réalisé, mais la partie japonaise m’a semblé un peu trop classique dans son traitement. La confrontation de l’individualisme du boulanger face à l’obéissance servile de ses camarades préfigure la naissance du Japon moderne. Mais en restant essentiellement dans le Présent, à part quelques flash-back expliquant la personnalité des personnages, le film a du mal à mettre en évidence la révolution qui est en train de se mettre en branle.
Avec "Zipang", la confrontation entre Japon ancien et moderne est nettement plus nette. Le postulat de départ est celui qui avait été utilisé pour "Nimitz, Retour vers l’Enfer", une sympathique série B de SF qui revisitait l’attaque de Pearl Harbor.
Le 'Mirai' (l'Avenir) est un croiseur japonais des Forces d’Autodéfense (Jieitai), chargé en 2001 d’une mission conjointe avec les américains dans le Pacifique sud. Mais en cours de route, il est pris dans une étrange tempête, et se retrouve au moment de la bataille de Midway.
"Nimitz" étant un film américain privilégiait surtout l’action, le suspense et les effets spéciaux. S’il posait bien le problème des paradoxes temporels, il évitait toute remise en cause de l’Histoire en faisant bien vite revenir le porte-avions dans son époque d’origine.
Avec "Zipang", pas de happy-end aussi grossier. Le manga s’étend sur au moins 26 épisodes (la série originelle est toujours en cours de publication), il faut donc de quoi soutenir l’intérêt du lecteur sur une aussi longue durée. Et l’auteur a beaucoup de chose à dire.
C’est l’occasion de confronter les japonais du 20-ième et du 21-ième siècle, leurs points communs et leurs différences. A l’inverse des soldats expérimentés de l’Empire, les militaires de la Jieitai ont été entraîné à sauver des vies et n’ont jamais tué personne. Si leur navire à la capacité de détruire une escadre entière, il est néanmoins vulnérable pour tout ce qui concerne son ravitaillement. A 60 ans de distance, les mentalités ne sont surtout plus du tout les mêmes pour des japonais qui sont devenus une des plus grandes puissances économiques du monde, malgré une défaite totale et le traumatisme d’Hiroshima. Kaiji Kawaguchi est assez habile pour éviter les stéréotypes, et sa parfaite connaissance historique de l’époque permet d’expliciter au mieux les enjeux politiques et militaires qui se posaient alors.
Quand toute action modifie nécessairement le présent, et affecte obligatoirement le futur, comment se comporter pour sauver ses idéaux, à défaut de pouvoir conserver en l’état le monde d’où l’on vient ? Peut-on rester un observateur impartial, et laisser mourir des innocents ? Faut-il aider le pays des ses ancêtres ou les alliés du pays de ses enfants ? Comment se défendre face aux agressions venant des 2 côtés ? C’est le problème qui va se poser à chaque rencontre entre l’équipage du Mirai et les différents intervenants au conflit (Marine et Armée de Terre japonaises, politiciens, troupes américaines, populations civiles de l’Asie du Sud-Est, …).
Au total, c’est une très belle exploration de la mentalité japonaise présente et passée, et de son évolution d’une société militariste belliqueuse vers une société moderne consciente de ses responsabilités. Loin des manifestations nationalistes de certains nostalgiques de l’Empire, régulièrement montées en épingle dans la presse, "Zipang" est au contraire une réflexion humaniste qui prolonge et amplifie celle que Clint Eastwood a esquissée dans "Lettres d’Iwo Jima".
NB: Zipang (en français : Cipangu) est le nom du Japon tel qu'il est décrit par Marco Polo dans son "Livre des Merveilles". C’est un Japon mythique et idéalisé, qui se trouve dans les imaginaires des occidentaux comme ceux des orientaux.
Note : 9/10
Compléments :
> Le dossier de Mangakana.
> Les critiques du Manga (13 volumes sortis) sur "KrinEin", "La Bédéthèque de BD’Gest", "MangaSanctuary".
> Les critiques du Japanime (disponible en DVD zone1) sur "OrientExtrême", "Animeka".
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07/03/2007
L'Odyssée de Kino (Kino No Tabi)
"Le Monde n’est pas Beau : Donc il l’est".
Kino est une jeune fille solitaire et peu bavarde, qui fait la route avec une vieille moto retapée [1]. Ce n’est pas son vrai nom, elle n’a pas de but, ne peut revenir dans le pays où elle a grandi (un des épisodes permet de connaître les raisons tragiques de son errance), elle ne fait que voyager en essayant de ne jamais passer plus de 3 jours au même endroit.
L’univers de ses exploits est un mélange chimérique de pays européens et asiatiques de la 2-ième moitié du 20-ième siècle, mais où les différents pays visités ne sont que des Cités-États analogues à celle de la Grèce antique ou la Chine ancienne. Leur niveau technologique est variable, allant jusqu’à des machines cybernétiques évoluées (les motos, dotées d’une intelligence artificielle, sont capables de parler), mais où l’avion n’a pas encore été inventé.
L’ensemble se rapproche des récits utopiques et uchroniques qui fleurissent depuis au moins Homère ("L’Odyssée", "Les Voyages de Gulliver", "Le Voyage en Occident", …). Le héros est un voyageur étranger confronté à des situations extra-ordinaires qui l’obligent à se questionner et à (re)définir sa relation au monde.
Modes de gouvernements, relation au travail, choc des cultures, fanatismes, meurtres, guerres, infanticides, cannibalisme, …, les thèmes abordés ne sont pas des plus plaisants, mais permettent d’explorer les recoins les plus sombres de l’esprit humain.
Androgyne, insensible, froide, déterminée, pacifiste et respectueuse de la vie, Kino aborde toute nouvelle expérience avec flegme, curiosité, empathie, cherchant à comprendre sans (presque) jamais prendre parti. Tireur d’élite, elle est capable, lorsque les évènements l’exigent, de retourner la situation en sa faveur. L’ensemble m’a souvent fait penser à la série télé "Kung Fu" avec David Carradine, où le 'Petit Scarabé' devenu grand confrontait sa sagesse orientale à la rudesse de l’ouest américain.
Mélange des compétences du réalisateur de "Serial Experiments Lain" et du scénariste de "Perfect Blue" et de "Millennium Actress", c’est une série qui devrait plaire à tous les amateurs de japanimes intelligents, où la beauté des images se conjugue avec une réflexion philosophique très Zen sur le sens de la Vie.
Note : 9/10
[1] appelée Hermès, dieu des voyageurs et des voleurs, messager des dieux et guide des héros (Persée, Héraclès).
Compléments :
> Le site de la série.
> Les critiques de "Animeka", "DvdAnime", "DvdRama", "Coolture".
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13/01/2007
U, de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde
Paresseux, mais Sympathique.
U est une jeune fille licorne apparue auprès de Mona, jeune princesse anorexique dans un monde silencieux et quasi-désert. Comme Jiminy Cricket auprès de Pinocchio, elle va être confrontée à la croissance de sa protégée et son passage à l’age adulte. Symbole de la pureté virginale, la licorne est condamnée à disparaître avec la puberté de l’héroïne.
Histoire a priori plutôt destinée à des ados, "U" traite des années difficiles de adolescence, de la découverte de la liberté, des changements corporels et des premiers émois, des remises en causes induites dans les relations avec les autres. En confrontant une famille de nantis, héritiers d’un monde abandonné, à une troupe de saltimbanques qui ne possèdent rien d’autre que leur bonne humeur, on retrouve aussi le récit classique des romans feuilletons du 19-iéme siècle.
La réalisation est particulièrement soignée. Dessins et animation, quoique faits en Chine, Corée et Europe de l’Est sont superbes, les voix des acteurs sont de haut niveau et la partition musicale (du jazz manouche joué par Sanseverino) parfaitement adaptée au sujet. Les personnages sont attachants et loin des stéréotypes trop souvent rencontrés dans les réalisations américaines ou japonaises.
Il est donc dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur, et que les dialogues (en partie improvisés ?) alignent les banalités.
Présenté comme un film pour enfants, le film risque de leur passer largement au-dessus de la tête. Le récit est par contre trop simpliste et gentillet pour intéresser des adolescents. Certaines scènes ambiguës et sous-entendus grivois sont plutôt destinés aux adultes. Finalement, en voulant courir plusieurs lièvres à la fois, on obtient quelque chose de bancal qui ne satisfait personne. C’est malheureusement souvent le cas en France, où le dessin animé reste, à l’inverse de la bande dessinée, un sous genre destiné à remplir à bas coût les programmes télévisés pour enfants.
Note: 6/10
Compléments :
> La Fiche du film sur Wikipedia.
> Le Site du film.
> Critiques sur "CommeAuCinéma", "Libération", "OuestFrance", "AVoirALire", "CitizenGlam".
> Sur les Blogs: "GillesCiment", "ImagesMouvantes", "LesMinots", "LeWebPédagogique".
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