30/09/2007
Myth, de Sidi Larbi Cherkaoui
Mytho et Mité.
Une bibliothèque et un labyrinthe peint aux côtés de grands battants ressemblant aux "Portes du Paradis" de Ghiberti à Florence.
Des musiciens/chanteurs classiques [1] (le cœur des anges ?) jouant des morceaux plutôt moyenâgeux en italien.
Plusieurs personnages attendant leur tour comme dans le "Huis Clos" de Jean-Paul Sartre. Des ombres les suivent, s’attachent à eux. Démons ? Anges gardiens ? Certains ressemblent aux fantômes japonais popularisés par des films comme "Ring" de Hideo Nakata. Deux personnages font penser aux commentateurs de "Riget", la série fantomatique de Lars Von Trier.
Un militaire en grand uniforme fait tapisserie, sans qu’on comprenne la raison de sa présence.
Une suicidée francophone crêpe le chignon d’une intello anglophone, qui s’attaque à une demeurée néerlandophone, pendant qu’une 'grande folle' black se pose des questions existentielles.
Les langues se mélangent et s’interpellent, reflet de la diversité du monde. Mais pourquoi ne pas avoir sous-titré certaines parties des dialogues (japonais et néerlandais) ?
Certaines scènes de danse sont très belles et poétiques, et très spectaculaires.
Mais trop, c’est trop. Vouloir mélanger un scénario mystique (de nombreuses références à "La Divine Comédie" de Dante), des scènes de comédie (style "Cage aux Folles"), des contes pour enfants ("Le Magicien d’Oz"), de longues tirades philosophico-religieuses, avec une esthétique de film fantastique, ça fini par finit par conduire à un gloubi-boulga écoeurant et pas très digeste.
Au bout de 2 heures, on cherche toujours le Mythe, et le sens de ce déballage mal maîtrisé.
Le final semble suggérer une rédemption pour tous les ‘pêcheurs’, autorisés à franchir les portes après avoir communié avec une sorte de Christ jouant de bâtons comme d’une Croix.
Mais pourquoi la 'tapette' est-elle la seule à rester dans ce 7-iéme cercle du Purgatoire ? Faut-il comprendre que tout est il pardonnable, sauf l’homosexualité ?
Note: 7/10
[1] Le très bon ensemble Micrologus.
Compléments :
> Le spectacle sur les sites du Théatre de la Ville et de la ToneelHuis.
> Les critiques de 'De Morgen', 'Le Soir', 'Jérôme Bosch', 'La Libre', 'Le Monde', 'ResMusica', 'gPlog', 'InTheMoodForJazz', 'BienCulturel'.
> Des photos sur 'Frans Brood', 'Evene'.
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23/08/2007
La Possibilité d'une Ile, de Michel Houellebecq
Karma-Sutra
En plus de s’intéresser aux aspects socio-économiques de la relation humaine ("Extension du Domaine de la Lutte", "Plateforme"), Houellebecq développe aussi souvent des notions plus métaphysiques liées au sens de la Vie. "Les Particules Élémentaires" posait la question de la cause de la Souffrance, et de la Voie à suivre pour y remédier. "La Possibilité d’une Île" en est la suite logique, envisageant les conséquences des travaux de Michel Djerzinski.
Matériellement, le roman prend la forme des romans d’anticipation de tradition française ("L'Éternel Adam" de Jules Verne, "Le Grand Secret" de René Barjavel ou "L’Ève Future" de Villiers de L'isle-Adam) en lorgnant un peu sur les équivalents américains ("Je Suis une Légende" de Richard Matheson, par exemple).
Le récit se développe sur plusieurs siècles, tenant pour acquis un désastre écologique majeur, allié à des guerres entres nations riches et pauvres pour s’assurer les dernières ressources naturelles disponibles. L’Humanité finit par se scinder en 2 groupes, les riches se reproduisant en vase clos, grâce au meilleur de la technologie, les pauvres finissant par régresser vers un stade de sauvagerie animale.
Son prétexte scientifique repose sur le clonage, prôné par une secte promettant l’immortalité individuelle. On fait vite le rapprochement avec les raéliens, que l’auteur a fréquenté quelques temps. La description féroce des motifs et des agissements du gourou, montre bien que Houellebecq est bien trop malin pour se faire avoir par ce genre de manipulations, et que le procès d’intention qui lui a été fait par certains n’était pas du tout fondé. Il a dû certainement prendre un grand plaisir à aller observer de l’intérieur le fonctionnement de ce genre de machine à décerveler. Il ironise d’ailleurs encore beaucoup sur les écrivaillons du milieu culturel franco-parisien, réalisateurs de produits marketing plus destinés à flatter les bas instincts du public pour se remplir les poches, qu’à délivrer des œuvres destinées à rester dans la postérité.
Si ses thèmes de base restent les mêmes (humanité conduite par le sexe, fuite vers le néant, pessimisme généralisé quand à la nature humaine), le style est un peu plus léger que dans ses ouvrages précédents. Le personnage principal étant un comique de bas niveau (style Arthur ou Bigard), les considérations philosophiques volent un peu moins haut. Les descriptions, quoique crues, de la vie quotidienne sont moins longues, moins obsessionnelles et moins sulfureuses que d’habitude. Les lecteurs énervés par le ‘style Houellebecq’ devraient donc le supporter plus facilement.
Sur le fond, 2 niveaux de lecture se détachent.
Le premier brasse les thèmes de la place de la vieillesse et de la jeunesse dans notre société, de la compétition naturelle entre vieux/riches et jeunes/pauvres, de la prépondérance absolue du paraître qui gangrène la société moderne en imposant le mythe d’une nécessaire jeunesse éternelle.
Le second reprend une thématique bouddhiste déjà esquissée dans "Les Particules Élémentaires". La partie contemporaine insiste sur le désir, et son insatisfaction chronique, comme cause essentielle de la souffrance existentielle de notre vie moderne. La maladie, la vieillesse et la mort sont systématiquement cachées, dans une tentative illusoire de vouloir se créer un Paradis artificiel. La partie future décrit un monde qui a cru supprimer la douleur de vivre en supprimant les émotions. La succession des clones est une forme de réincarnation, dont les corps sont à la fois identiques (même patrimoine génétique) et différents (pas de transmission des souvenirs). La continuité de l’Identité d’un individu doit donc se faire par l’enseignement (via l’étude et le commentaire des journaux intimes des générations précédentes). Dans la secte Elohimiste, les ‘Néo-humains’ correspondent donc à des Bodhisattvas artificiels, non soumis aux désirs (du sexe, de la nourriture, …), et les ‘Futurs’ à des Bouddhas pleinement réalisés, n’ayant plus besoin de se réincarner. Cette solution technologique ne peut pourtant que conduire à une impasse. La Cessation de la Souffrance a en effet été obtenu par des manipulations génétiques, sans tenter de résoudre le problème au niveau psychologique. Les clones obtenus deviennent alors une autre espèce animale, incapable de comprendre leurs prédécesseurs, ou même d’avoir quelque relation que ce soit avec leurs semblables. Devenir un Bodhisattva ne consiste pas à couper tous les ponts avec le Monde qui nous entoure, dans une démarche autistique, mais au contraire à augmenter son niveau de conscience pour interagir avec l’ensemble de l’Univers et ne faire plus qu’Un avec lui.
"La Possibilité d’une Île" est le récit d’une recherche d’un Paradis illusoire, par des méthodes insensées et périlleuses pour l’espèce humaine. Espérons que le clonage humain restera du domaine de la fiction, et que des fous dangereux n’auront pas un jour les moyens d’effectuer ce genre de réalisations.
Note: 8/10
Compléments :
> Le site officiel consacré à Michel Houellebecq.
> Les critiques de Lire, CritiquesLibres, KrinEin, eLittérature, LeMague, MoutonRebelle, DiscussingBooks, Valclair.
> Un très bon film qui traite d’une problématique identique : Samsara de Nalin Pan, portrait d’un jeune moine bouddhiste écartelé entre ses aspirations spirituelles et ses contraintes d’être humain.
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21/06/2007
Théâtre du Châtelet 2007 (Paris)
Monkey Business.
Deux théâtres sur la même place, deux politiques commerciales différentes.
Autant le Théâtre de la Ville est dans la tradition du "théâtre populaire", avec une programmation riche et variée, des salles modernes et confortables, et une tarification accessible à tous, autant le Théâtre du Châtelet s'incrit dans la lignée du spectacle élististe pour CSP++, dans une salle historiquement tarabiscotée, et des tarifs aussi diversifiés que les catégories de confort visuel et acoustique.
Dans le programme de la nouvelle saison, on notera tout de même un spectacle qui devrait mériter de se déplacer (du 26 septembre au 13 octobre 2007).
Il s'agit d'une nouvelle version du "Voyage vers l'Occident", chef d'oeuvre de la littérature chinoise, mainte fois adapté sous forme d'Opéra de Pékin [1], de spectacle de marionnettes, de film, de téléfilm, de dessin animé classique ou de japanime (Dragon Ball, Saiyuki, ...).
Mélange de tradition chinoise, revue et interprétée par Damon Albarn (créateur de "Blur" [2], "Gorillaz" [3], "The Good, the Bad & the Queen" [4]), le résultat ne devrait pas être trop mauvais...
On évitera tout de même d'avoir un compte bancaire en difficulté, car à 75 ou 90 € pour une bonne place, on se demande comment ils vont arriver à remplir la salle à toutes les dates.
> Tous les détails du programme sur le site du théâtre du Châtelet et sur Chine-Informations.
[1] présenté à Paris en 1994, au Théâtre du Rond-Point (Champ-Elysées), par la troupe de Li Bao Chun (Taïwan).
[2] ('Song 2', 1997)
[3] ('Clint Eastwood', 2001)
[4] ('History Song', 2007)
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19/06/2007
Théatre de la Ville 2007 (Paris)
Bis Repetita Placent.
La programmation de la saison 2007/2008 est désormais connue, et les locations sont ouvertes sur abonnement.
Pas de bouleversement cette année. On retrouve à peu près les mêmes têtes que d'habitude, avec un grand nombre de reprises des années précédentes. C'est avantageux pour ceux qui ont raté certains spectacles des années passées, mais ça dénote une certaine routine chez les programmateurs, qu'on a connu plus à l'écoute des nouveaux talents.
Quoi qu'il en soit, il reste largement de quoi satisfaire les habitués de ces 2 salles, mais on espère un petit renouveau la saison prochaine...
J'ai particulièrement noté cette année:
Théatre/Opéra:
. "Huis Clos" (1944) de Jean-Paul Sartre, par Michel Raskine, du 2 au 26 octobre 2007.
. "N.Q.Z.C Arkiologi" de et par Wayn Traub, du 7 au 10 novembre 2007.
. "Regarde Maman, Je Danse" de et avec Vanessa Van Durme, par Frank Van Laecke, du 20 au 24 novembre 2007.
. "Retour à la Citadelle" (1984) de Jean-Luc Lagarce, par François Rancillac, du 5 au 21 décembre 2007.
. "Maitre Puntila et son Valet Matti" (1940) de Bertolt Brecht, par Omar Porras, du 8 au 26 janvier 2008.
. "Hop Là, Nous Vivons!" (1927) de Ernst Toller, par Christophe Perton, du 6 au 23 février 2008.
Danse:
. "Myth" par Sidi Larbi Cherkaoui, du 25 septembre au 6 octobre 2007.
. "Vsprs" (2006) par Alain Platel (Ballets C. de la B.), du 16 au 27 octobre 2007.
. "Umwelt" (2004) par la compagnie Maguy Marin, du 21 au 23 février 2008.
. "Prélude à l'Après-Midi d'un Faune" (1994) et "Le Sacre du Printemps" (1993) par la compagnie Marie Chouinard, du 1 au 6 avril 2008.
. Sankai Juku (buto) du 5 au 17 mai 2008.
. "Pushed" (2006) par Padmini Chettur, du 5 au 7 mai 2008.
Concerts:
. Musique des Steppes (Mongolie, Kalmoukie), le 13 octobre 2007 [Ecouter un titre].
. Ballaké Sissoko (kora, Mali), le 20 octobre 2007 [Ecouter un titre].
. Wu Man (pipa, Chine), le 24 novembre 2007 [Ecouter un titre].
. Farez Ayaz & Party (qawwali, Pakistan), le 13 décembre 2007 [Ecouter un titre].
. Hussein Al-Bechari et Mohamed Abou Zied (chants nomades, Egypte), le 19 janvier 2008 [Ecouter un titre].
. Musique du Sind et du Baloutchistan, le 18 février 2008 [Ecouter un titre].
. Homayoun Sakhi (rubâb), Noor Mohammad Keshmi (ghijak) et Ustad Bahauddin (tanbur) (Afghanistan), le 29 mars 2008 [Ecouter un titre].
. Ensemble Tyva Kyzy (chant diphonique féminin, Touva), le 5 avril 2008 [Ecouter un titre].
. Chant et Musique du Khorezm (Ouzbékistan), le 24 mai 2008 [Ecouter un titre].
> Le programme en pdf.
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06/04/2007
Peplum (Pop Life II) de Nasser Martin-Gousset
Danse et Décadence.
Décidément, Antoine et Cléopâtre sont mis à toutes les sauces en ce moment. Mais avec un mauvais chef, même les meilleurs ingrédients donnent une pitoyable tambouille. Après le "A & C" à moité raté de Lewis Furey, c’est Nasser Martin-Gousset qui essaie de passer au micro-ondes le sublime "Cléopâtre" de Mankiewicz avec Richard Burton et Liz Taylor.
Malgré un point de vue original et quelques bonnes idées, c’est malheureusement globalement raté. Vouloir reprendre en à peine 1h15 la légende des 2 amants antiques, plus celle des 2 acteurs mythiques, plus quelques considérations politico-historiques, plus un peu de n’importe quoi, en seulement quelques scènes et extraits de films, est beaucoup trop court pour exprimer quelque chose de cohérent.
Il y est absolument impératif de connaître la légende pour espérer suivre un peu ce qui se passe, car les saynètes se succèdent avec de nombreuses ellipses. Etait-il alors nécessaire de rejouer la 'scène des huîtres et des escargots' de "Spartacus" entre Laurence Olivier et Tony Curtis, éloge masqué de la bi-sexualité ?
Quelques moments-clef surnagent néanmoins, tel cette bataille d’Actium, filmé avec une caméra numérique suivant en gros plan un légionnaire rampant sur le sable après le désastre, ou le déplacement cadencé d’une légion progressivement décimée.
D’autres sont complètement ridicules comme la mort de Cléopâtre, sans grâce ni émotions, ou celui où des danseurs se jettent contre le mur de fond de scène. A quoi rime également les 2 individus qui se baladent les couilles à l’air à 2 reprises, ou ceux qui fument sur scène ? La nudité est apparemment très à la mode dans certaines compagnies actuelles, mais qu’est-ce que ça apporte à la pièce ?
Musicalement, le groupe rock (batterie, basse, guitare) présent sur scène est assez efficace. Mais l'épisode de fête disco, sur l’air de "I Feel Love" par la pop-star gay Jimmy Somerville, est plus qu’incongru dans le contexte.
Bref un spectacle confus, brouillon, vulgaire, ennuyeux, inutilement provocateur, plus à l’aise dans une petite salle de Las Vegas que sur une scène de Broadway. Plus qu’au chef d’œuvre de Mankiewicz, ce péplum renvoie plutôt aux nanards italiens de années 60, et est aussi insignifiant.
Note : 5/10
Compléments :
> "Peplum" au Théatre de la Ville de Paris en 2007.
> Les critiques de Télérama, Libération, TheFake.
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