21/02/2007
My Sassy Girl (Yeopgijeogin Geunyeo)
Plus laborieuse qu'insolente.
Déception sur ce titre, pourtant encensé par de nombreuses critiques (voir en bas de page).
Sorti en 2001, ce film avait à l’époque battu des records de fréquentation dans toute l’Asie, mais n’est jamais sorti sur les écrans en France, malgré un passage au Festival du Film Asiatique de Deauville en 2004.
Censé être une comédie romantique, "My Sassy Girl" n’est en fait jamais vraiment drôle.
La première partie accumule les scènes sado-maso, où un jeune étudiant fainéant et dragueur, très 'tête à claques', se fait malmener par une emmerdeuse de première, petite fille riche, agressive et alcoolique. C’est sans doute ce qui a plu aux spectateurs, l’attitude traditionnelle des hommes et des femmes en Asie étant complètement inversée. Comme dans tout film coréen qui se respecte, on a également le droit à des scènes parodiques louchant ici vers les films d’action, de sabre ou de gangsters, ou le mélo historique, mais dont l'intérêt est ici assez limité.
C’est dans la deuxième partie, plus mélodramatique, que l’intérêt rebondit un peu. Il devient évident qu’ils ne peuvent se passer l’un de l’autre, et doivent alors lutter contre l’adversité (notamment les parents) pour avoir la possibilité de se revoir. On revient donc vers un cinéma classique, plutôt orienté vers les ados et les lectrices de romans à l’eau de rose.
Heureusement, l’épilogue réserve une surprise qui relève le niveau global et empêche de finir avec une mauvaise impression.
En filigrane, transparaît comme toujours le problème nord-coréen. Il suffit d’assimiler le Sud au jeune étudiant plein de bonne volonté, et la jeune fille au Nord qu’on veut aimer malgré tout, en dépit de ses exactions sans cesse renouvelées. Mais c’est vraiment hyper léger.
Globalement, l’ensemble manque malheureusement de rythme, les seconds rôles sont anecdotiques, les péripéties sont un peu nunuches comparées à ce que nous ont habitué les films pour ados récents, et ses 2h17 se font longuement sentir.
Le seul intérêt du film est dans l’interprétation des acteurs, qui le sauve en grande partie. Espérons que Jeon Ji Hyeon sera à l’affiche d’œuvres un peu plus ambitieuses.
En attendant, "My Sassy Girl" n’est à voir que pour se faire une idée de ce qu’est la comédie romantique à la coréenne, genre jusqu’à présent assez peu développé au pays du matin calme, plus intéressé par les films d'action ou les comédies dramatiques [1].
Note: 4/10
[1] Dans le genre, on pourra également voir "Au Revoir UFO", nettement plus abouti.
Compléments :
> La Fiche du film sur Wikipedia.
> Critiques sur "Cinémasie", "CinéAsie", "SanchoAsia", "FantastikAsia", "Eurasie", "DvdCritiques".
> Sur les Blogs: "Nihon", "Cinétudes".
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02/01/2007
Laurent Gerra Flingue la Télé
Pan sur le PAF.
Laurent Gerra aimait bien la télé. Celle de son enfance. Celle de ses débuts comme amuseur public. D’où sa déception quand il regarde ce qu’est devenu son media préféré, et les évolutions de certains de ses anciens collègues.
Plutôt qu’un imitateur, genre qui tombe en désuétude, c’est avant tout un humoriste et un caricaturiste. Qu’importe si ses imitations n’ont pas toujours la bonne intonation, c’est d’abord ses textes et ses attitudes qui le rendent intéressant. On retrouve dans l’écriture de ses sketches les mêmes qualités qui l’ont fait devenir le scénariste des derniers "Lucky Luke". Sans s’élever au chef d’œuvre, son travail ne dépare pas celui des regrettés Morris et Goscinny.
A l’évocation nostalgique des émissions d’il y a vingt ans, revisitées de façon plus que facétieuse, succède un mitraillage en règle de la télé poubelle de ces dernières années.
Abandonnant la langue de bois en usage dans le milieu, il pointe de façon féroce et corrosive les dérives de la course à l’audience, le nivellement par le bas, le passage de la culture au cul, du service public aux sévices en public.
Toute la faune interlope des plateaux de télé en prend pour son grade. Pseudo-vedettes à la gloire bien passée, chanteurs ringards élevé en batterie, rappeurs bas du front, ‘experts’ racoleurs, animateurs vulgaires et ripoux côtoient les hommes politiques habitués du fenestron. Certes, il n’est visiblement pas socialiste, mais il tape aussi bien à gauche qu’à droite avec le même plaisir jubilatoire (Jack Lang, Delanoë, Chirac, Le Pen, ...). D’autres sketches évoquent néanmoins avec tendresse et sympathie quelques grandes figures du music-hall et du petit écran.
Enregistré au Palais des Sports de Paris en février 2006, le DVD ne prend pas en compte les derniers rebondissements du PAF. Mais le recul d’un an n’en rend que plus drôle les promesses électorales jamais tenues, et le jeu de chaises musicales des animateurs sur les chaînes. De facture assez classique, le spectacle rappelle le travail qu’effectuait Thierry Le Luron à son époque. Très politiquement incorrect, il a la force des sketches les plus corrosifs de Florence Foresti (Ségolène Royal ou Cécilia Sarkozy).
Bref une salutaire thérapie par le rire, que n’aimeront pas les accros de la télé commerciale française d’aujourd’hui. Mais, outre ceux qui ont jeté leur poste, ce spectacle devrait faire le bonheur des francophones étrangers toujours prêts à remettre dans son tas de fumier un coq gaulois trop imbu de lui-même.
Note: 9/10
Compléments :
> Sa bio sur Evene.
> Un point de vue belge sur "DhNet".
> Quelques critiques sur "CommeAuCinéma", "DvdRama", "KrinEin", "DvdAlliance", "InfosJeunes".
> Les Videos disponibles sur YouTube.
Illustration :
> La télé selon Jean-Luc Delarue.
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09/12/2006
Heaven’s Soldiers (Cheon Gun)
Une Corée pour Tous, Tous pour une Corée.
A la suite d’un phénomène surnaturel, 2 petits groupes de soldats nord et sud coréens se retrouvent propulsés dans le passé. La Corée est alors envahie par des 'barbares' venus de l’Ouest, et le mythique général Lee Soon-Shin est un 'looser' bien loin de la légende rapportée dans les livres d’histoire.
Les thèmes sont assez classiques, mais adaptés au contexte particulier à la Corée.
La manipulation d'une société du passé par des individus possédant une technologie évoluée a été utilisée dans nombre de films de SF ou autres ("Les Guerriers de l’Apocalypse", "Nimitz", "TimeCop", "l’Armée des 12 Singes", "TimeScape", "Terminator", "Le Dernier Samouraï", …). La rivalité entre frères ennemis est aussi un thème récurrent dans les pays partitionnés (USA durant la 'Civil War', Allemagne pendant la 'Guerre Froide', etc.)
Le résultat est un film typiquement coréen où aucun aspect n’est occulté, et où on mélange allégrement scènes d’action, comédie bouffonne, aspects historiques, réflexion sur les différences entres Nord et Sud, et tentatives de réconciliations au delà d’un nationalisme sectaire. C’est à la fois sa force et sa faiblesse, le film orienté tout public n’ayant pas la force de démonstration du chef d’œuvre qu’est "JSA". Mais l'ensemble est bien réalisé, bien joué, et est à prendre avec le même sérieux qu'on aurait pour visionner une adaptation des "3 Mousquetaires".
En résumé, un petit film assez sympathique, à voir pour passer le temps en permettant de mieux se familiariser avec les obsessions de la société coréenne. Un achat du DVD reste néanmoins très dispensable, sauf si vous êtes un fanatique des séries B coréennes.
Note: 7/10
Compléments :
> La Fiche du DVD sur DvdFr.
> Critiques sur "SanchoAsia", "CinéAsie".
> Sur les Blogs: "DvdAlliance", "MrToutLeMonde".
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20/08/2006
Gantz
Jeux de Rôles: Tuer n’est pas Jouer.
"Gantz" est une série particulièrement frustrante. Elle allie d’une part un concept de base intéressant, quelques bonnes idées de scénario, mais une réalisation qui n’a pas su se porter au niveau des ambitions affichées.
La série est une adaptation du manga du même nom, lui-même certainement inspiré en partie d’oeuvres telles que "Le Prisonnier", "Battle Royale", "Outrages" ou "Voyage au Bout de l’Enfer". Des personnages brutalement enlevés de leur milieu habituel, sont forcés à collaborer avec une organisation mystérieuse et toute puissante qui exige leur collaboration totale, en vue de tuer des individus désignés comme 'ennemis'. Mais peut-on se définir comme 'humain' quand on est amené à tuer sans réfléchir d’autres êtres vivants ? Les thèmes abordés sont la perte des valeurs humanistes de notre société, sa violence, l’incommunicabilité entre personnes, le droit à la différence, la soumission à l’autorité, l’influence de la télé et des jeux vidéo sur les dernières générations.
Ses points forts sont la variété des personnages présentés, de tous âges et de toutes catégories socio-professionnelles. Ceux-ci ne sont pas introduits ex-nihilo, mais sont présentés dans leur environnement habituel bien avant leur implication dans le 'Jeu'. Les séquences de la vie quotidienne sont d’ailleurs particulièrement réussies, ouvrant des parallèles intéressantes entre les 2 environnements. Il n’y a pas de 'héros' invincible et sans défauts. Le traitement très cru du sujet, les difficultés croissantes (quand la cible a les moyens de se défendre, tuer est beaucoup moins facile…), et l’amoncellement d’actes de barbarie conduit rapidement à une nausée salutaire. Au fil des épisodes, la sensation de malaise s’accroît et les vraies questions se posent. Peut-on assassiner quelqu’un de sang-froid seulement parce qu’il a été désigné comme cible et qu’on en a reçu l’ordre ? Peut-on éliminer impunément tous ceux qui ne font pas partie de notre groupe ? Peut-on rester inactif en se dégageant de ses obligations morales envers les autres ? A l’heure où de nombreuses guerres et génocides, perpétués par des auto-proclamés 'peuples élus', défigurent la planète, le sujet est fortement d’actualité.
Malheureusement, les défauts sont assez nombreux.
Techniques d’abord. L’utilisation massive de la 3D conduit à des mouvements de caméra assez peu naturels. Même si les décors sont plutôt réussis, les couleurs nocturnes sont parfois un peu bizarre. Du fait d’une réalisation pour la télé japonaise, certains épisodes ont été faits dans l’urgence, et le dessin en a visiblement pâti. Le système des 'missions' décalquées des niveaux des jeux vidéo, conduit à un aspect répétitif marqué gênant à long terme. Les personnages secondaires sont également souvent 'figés' quand un personnage principal agit.
Scénaristiques ensuite. L’aspect moralisateur du récit est trop marqué. Les tirades des personnages, très immatures et particulièrement typés, sont longues et ennuyeuses. Entre ceux qui ne font que parler sans agir, et ceux qui sont prêts à tout massacrer sans se poser de questions sur les conséquences de leurs actes, il n’y a guère de juste milieu. A une exception près, vite tuée, les femmes n’ont aucune épaisseur psychologique, et ne font que se lamenter en essayant de manipuler les hommes. Les nombreuses séances d’autocritiques, très japonaises, sont assez indigestes pour un public occidental.
Malgré tout, le scénario sait évoluer dans le bon sens, et ceux qui ont le courage de rester jusqu’aux derniers épisodes seront récompensés par une vrai réflexion sur notre société, et sur la place des boucs émissaires dans la cohésion des groupes.
Au final, une série intéressante dans son propos et aux objectifs salutaires, qui essaie de dénoncer certaines situations en faisant une démonstration par l’absurde, mais qui risquera d’en irriter plus d’un.
A noter que, contrairement à l'esprit de la série, un éditeur a sorti un jeu sur PS2 prétexte à tirer sur tout ce qui bouge! Consternant.
Note : 6/10
Compléments :
> Des critiques plutôt favorables sur "DvdRama (vol.1)" (+ Vol.2, Vol.3, Vol.4), "ZakAnime" et "KrinEin".
> Une critique plutôt défavorable sur "DvdAnime (vol.1)" (+ Vol.2, Vol.3).
> La critique du manga par "KrinEin", "AnimeLand".
> Un site de fan consacré à l'univers de la série.
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01/08/2006
Le Cycle des Dames du Lac
De la Déesse-Mère à la Vierge Marie.
La légende arthurienne a fait l’objet de nombreuses adaptations ces 10 derniers siècles. Depuis les romans de Chrétien de Troyes jusqu’aux films de chevalerie hollywoodiens [1], en passant par de nombreuses BD, le trame du récit a toujours été vers une apologie du christianisme triomphant sans contestation possible des anciennes religions celtiques, pratiquées uniquement par des barbares. Pour assurer cet objectif, les différents auteurs n’ont jamais hésité à enjoliver la réalité, quitte à modifier des éléments substantiels de l’histoire. Le principal a été de faire se passer les faits en plein Moyen Age, avec des chevaliers en armure, alors que l’origine de la légende se situe au moment de l’écroulement de l’Empire Romain d'Occident (5-ième siècle), quand les populations britanniques durent s’unir pour résister aux invasions saxonnes, les légions romaines étant devenues incapables d’assurer leur protection. La religion dominante était alors le druidisme, et le christianisme n’était présent que par l’intermédiaire de quelques missionnaires, couvents et monastères.
L’intérêt du cycle de romans de Marion Zimmer Bradley est d’une part de replacer l’histoire dans son époque, d’autre part de la relater en prenant le point de vue des femmes, bien trop souvent réduites au rang de potiches dans les sagas héroïques. La principale narratrice est d’ailleurs Morgane, sœur d’Arthur et dernière grande prêtresse d’Avalon [2], dont le destin est à la croisée de tous les chemins.
Extrêmement bien documenté, son récit est sans doute le meilleur jamais écrit sur le sujet, naviguant sans cesse entre les aspects politiques (les intrigues de cour et la naissance de la nation britannique), privés (le destin personnel des protagonistes) et religieux (la suprématie progressive du christianisme intolérant et sectaire sur les cultes liés à la Nature). L’ensemble du cycle est l’occasion de rappeler que le christianisme, pour s’imposer, dût récupérer et intégrer un grand nombre de croyances et de pratiques locales, bien que combattues officiellement. Le troisième tome est d’ailleurs une fantastique plongée dans la genèse de la légende depuis la difficile occupation de l’île par les romains et les derniers jours de Joseph d‘Arimathie (celui qui apporta le Graal en Angleterre), jusqu’à l’avènement de Viviane et de Merlin. Le folklore celtique est également très présent, notamment dans ses aspects ésotériques et chamaniques [3]. La Grande Déesse n’a finalement pas complètement disparue, puisque dans les cultes rendus à la Vierge Marie et à certaines saintes, on retrouve celui que les hommes ont toujours rendu à la "Déesse Mère", depuis ses origines préhistoriques, en passant par Isis, Ishtar, Aphrodite ou Guanyin/Kannon.
Note: 10/10
[1] La meilleure étant celle de John Boorman "Excalibur" (1981).
[2] Sans doute situé sur le site actuel de Glastonbury (mais les marais ont été asséchés depuis longtemps). Une bonne présentation du site ici.
[3] Pour en avoir un aperçu, il existe un très bon documentaire sur les croyances actuelles de ce genre en Islande: "Enquête sur le Monde Invisible".
Compléments :
> Les chroniques de CritiquesLibres sur "Les Dames du Lac" et "Les Brumes d'Avalon".
> Les sites de la légende, présenté par l’Office du Tourisme de Grande-Bretagne.
> Un bon site de référence pour s'y retrouver dans tous les noms et sites.
> Une belle iconographie sur "TerraNova".
> A voir : l’excellente adaptation télévisée de Uli Edel (2001) "Les Brumes d’Avalon", disponible en DVD.
> Ainsi que les versions modernes du mythe arthurien :
. celle de JRR Tolkien ("Le Seigneur des Anneaux"), où la quête du Graal est remplacée par celle de l’Anneau, et où la vision est celle du 'Petit Peuple', mais tend vers la même fin : le repli des non-humains vers Avalon, et l’occupation exclusive de l’espace terrestre par les humains.
. celle de Mamoru Oshii ("Avalon"), adaptée à l’univers du jeu vidéo, analogue aux univers féériques des temps anciens.
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