Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/03/2007

L'Odyssée de Kino (Kino No Tabi)

L'Odyssée de Kino"Le Monde n’est pas Beau : Donc il l’est".

Kino est une jeune fille solitaire et peu bavarde, qui fait la route avec une vieille moto retapée [1]. Ce n’est pas son vrai nom, elle n’a pas de but, ne peut revenir dans le pays où elle a grandi (un des épisodes permet de connaître les raisons tragiques de son errance), elle ne fait que voyager en essayant de ne jamais passer plus de 3 jours au même endroit.

L’univers de ses exploits est un mélange chimérique de pays européens et asiatiques de la 2-ième moitié du 20-ième siècle, mais où les différents pays visités ne sont que des Cités-États analogues à celle de la Grèce antique ou la Chine ancienne. Leur niveau technologique est variable, allant jusqu’à des machines cybernétiques évoluées (les motos, dotées d’une intelligence artificielle, sont capables de parler), mais où l’avion n’a pas encore été inventé.

L’ensemble se rapproche des récits utopiques et uchroniques qui fleurissent depuis au moins Homère ("L’Odyssée", "Les Voyages de Gulliver", "Le Voyage en Occident", …). Le héros est un voyageur étranger confronté à des situations extra-ordinaires qui l’obligent à se questionner et à (re)définir sa relation au monde.
Modes de gouvernements, relation au travail, choc des cultures, fanatismes, meurtres, guerres, infanticides, cannibalisme, …, les thèmes abordés ne sont pas des plus plaisants, mais permettent d’explorer les recoins les plus sombres de l’esprit humain.

KinoAndrogyne, insensible, froide, déterminée, pacifiste et respectueuse de la vie, Kino aborde toute nouvelle expérience avec flegme, curiosité, empathie, cherchant à comprendre sans (presque) jamais prendre parti. Tireur d’élite, elle est capable, lorsque les évènements l’exigent, de retourner la situation en sa faveur. L’ensemble m’a souvent fait penser à la série télé "Kung Fu" avec David Carradine, où le 'Petit Scarabé' devenu grand confrontait sa sagesse orientale à la rudesse de l’ouest américain.

Mélange des compétences du réalisateur de "Serial Experiments Lain" et du scénariste de "Perfect Blue" et de "Millennium Actress", c’est une série qui devrait plaire à tous les amateurs de japanimes intelligents, où la beauté des images se conjugue avec une réflexion philosophique très Zen sur le sens de la Vie.

Note : 9/10

[1] appelée Hermès, dieu des voyageurs et des voleurs, messager des dieux et guide des héros (Persée, Héraclès).

Compléments :
> Le site de la série.
> Les critiques de "Animeka", "DvdAnime", "DvdRama", "Coolture".

30/08/2006

Zen, Femmes et Loup


Où est la Vérité ?

Pour l'amoureux, une jolie femme est un objet de réjouissance,
Pour un Ermite, un sujet de distraction,
Pour un loup, un bon repas.

[Proverbe Zen]

19/08/2006

Ikkyu (6 vol.)

Esprit Zen, Esprit Neuf.

Le Zen est souvent mal compris des occidentaux. Devenu un adjectif du langage courant, il est en général considéré comme un synonyme de 'décontracté', 'cool', 'relax', 'sans soucis', 'détaché du monde', 'je m’en foutiste'. C’est évidemment un contresens complet par rapport à la réalité d’une doctrine ayant de hautes exigences morales et intellectuelles.

Passons rapidement sur les aspects historiques, sa filiation avec le 'Chan' chinois, ses différentes écoles de pensée ('Soto' et 'Rinzaï'), ses relations ambiguës avec les samouraïs japonais, il y aurait beaucoup trop à dire en quelques lignes. Il est surtout connu en Occident pour avoir été aux origines d’une certaine contre-culture américaine (Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Léonard Cohen, …) et donner lieu à des 'koans' très hermétiques pour notre pensée (trop) cartésienne.
Comme tout bouddhisme, le Zen est d’abord une pratique éthique et morale: rester serein face à la maladie, la vieillesse et la mort, adopter le bon comportement face à l’injustice, l’indigence et l’obscurantisme. Le Zen n’est pas là pour juger, pour dire ce qui est 'bien' ou 'mal', mais vise à une prise de conscience directe, intuitive et immédiate de notre nature profonde de façon à vivre pleinement 'ici et maintenant'.

Le meilleur moyen pour approcher le Zen est alors de s’intéresser à la vie de quelques grands maîtres, et à leur façon d’avoir résolu les problèmes auxquels ils ont été confrontés. Ikkyû (1394 - 1481) fut l’un des plus iconoclastes, remettant en cause les pratiques 'officielles' au profit d’une recherche plus personnelle et plus désintéressée. Dans ce contexte, la BD est un support idéal. En éliminant le discours superflu au profit du dessin, et en ne gardant de l’image que les traits essentiels, elle permet au message de se frayer un passage plus facile au fond de notre cerveau. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les mandalas sont de bons supports de méditation, le 'Satori' étant par nature une expérience au-delà des mots.
Les 6 volumes que lui consacre Hisashi Sakaguchi retranscrivent très bien ce qu’a pu être la vie d’Ikkyû. Aucun aspect n’en est occulté, que ce soient ses débuts de jeune moinillon, bâtard de l’empereur Gokomatsu, son parcours intellectuel et religieux, ses relations avec les femmes et l’alcool, son attitude face aux nombreux aléas de l’époque (guerres, famines, épidémies, …).
Au final, un comportement qu’on peut rapprocher de certaines figures du bouddhisme tantrique himalayen ou des saints à l’origine des ordres mendiants en Europe, et un personnage qu’on peut sans problème mettre dans son panthéon personnel parmi les grands hommes qui ont éclairés ce monde.
Une vraie réussite pour mettre à la portée de tous, une pensée trop mal connue en France.

Note: 9/10

Compléments :
> La vie d'Ikkyû sur "ArtsLivres".
> Les chroniques de "Benzine", "WebOtaku", "ActuaBD", "PassionDesLivres".

> Voir aussi les excellentes séries de planches de Tsai Chih Chung ("Soyons Zen", "Les Origines du Zen", ...) parues chez différents éditeurs, et à savourer avec gourmandise.

10/08/2005

La Guerre des Etoiles (Star Wars)

Jedi : une nouvelle religion ?

Je suis tombé récemment sur des articles de presse rapportant que des fans de Star Wars avaient, lors de recensements, indiqués 'Jedi' dans la case religion du formulaire.
Ils étaient environ 390.000 en 2001 au Royaume-Uni, 70.000 en 2002 en Australie, 20.000 en 2003 au Canada !
Venant venir le coup, le 'Bureau des Statistiques' australien avait pourtant menacé d'une amende de 1000 $ australiens quiconque donnerait de fausses informations. Plutôt cher payé pour se dire 'Jedi' !

Est-ce la preuve du degré de crétinisation des mangeurs de pop-corn en salle obscure, incapables de faire la différence entre fiction et réalité ?
Est-ce un indice du glissement du sentiment religieux des religions traditionnelles vers un comportement sectaire, qui fait croire à n’importe quoi du moment que l’emballage est suffisamment convaincant ?
Ce serait semble-t-il un bon sujet de thèse pour un doctorant en sociologie.

Quelques rappels s’imposent.

D’après George Lucas lui-même, Star Wars est fortement 'inspiré' de la "Forteresse cachée" (1958) de Akira Kurosawa.
La trame de l’épisode 4 (premier de la série) est en effet la même : une princesse au caractère bien trempé fuit une guerre civile, pourchassée par ses ennemis du clan rival, et est aidée dans sa fuite par un preux chevalier et par deux hommes pas très malins attirés par l'argent.

Tout le côté Jedi de la saga est inspiré par le monde samouraï et le bouddhisme zen (le côté Empire relevant plutôt du monde romain et du 3-ième Reich allemand, alors que la République recycle l’imagerie traditionnelle américaine, du western au film de G.I.) :
- Le mot 'Jedi' lui-même vient du japonais 'Jidaï Geki' (drame historique télévisé consacré aux samouraïs).
- La tunique Jedi est un décalque des kimonos de tous les jours.
- L’armure et le casque de Darth Vador sont, ornements en moins, semblables à celle des chefs samouraïs.
- Les combats au sabre laser (simple ou double) sont directement dérivés des techniques de combat samouraï (sabre et lance).
- Les noms des protagonistes (Obi Wan Kenobi, Qui-Gon Jinn, Yoda, …) sont clairement d’inspiration japonaise.

La religion Jedi reprend de nombreux éléments du bouddhisme zen, pratiqués par les samouraïs afin d’avoir une meilleure maîtrise de leur 'art' (la 'voie du sabre').
Dans ce contexte, la relation maître-disciple est très importante. Le rôle du maître n’est pas d’imposer des connaissances à son élève, mais de le guider vers le bon chemin en le soumettant à des épreuves à son niveau lui permettant de progresser. L’élève doit toujours apprendre par lui-même.
L’épisode 5 développe tous ces aspects lors de l’initiation de Luke par Yoda, archétype du moine bouddhiste.
Le pratiquant du Zen doit apprendre à trouver le calme dans son esprit, à ne pas se laisser distraire par des pensées inopinées, à vivre complètement dans l’instant présent, de façon à ne pas se laisser entraîner vers des illusions trompeuses.
Une totale communion avec l’Univers doit alors permettre l’Illumination ou connaissance parfaite de toutes choses.

Dans ce contexte, la 'Force' ressemble beaucoup au 'Ki' des arts martiaux, énergie vitale intérieure et cosmique qui permet au combattant de transcender sa force physique.
Le 'Ki' est notamment considéré comme un équilibre dynamique entre le Ying et le Yang, qui sont les 2 aspects opposés et indissociables de l’Univers (à ne surtout pas confondre avec le Bien et le Mal occidentaux, comme le film le laisse croire).
'Qi-Gong' veut d’ailleurs dire 'art d’augmenter le Ki', bonne définition du rôle joué par Liam Neeson.

Comme dans tous les arts martiaux, le 'Ki' sert pour la défense ou l’attaque, mais jamais pour l’agression délibérée.
Le pratiquant zen doit ressentir de la compassion pour tout être vivant, même s’il est son 'ennemi'.
Il doit éliminer toute émotion passionnelle (amour, haine) risquant d’obscurcir son jugement et son action.
Ceci est très bien résumé par Yoda dans l’épisode 1 pendant son enseignement à Anakin :
« La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance! ».
C’est cet enchaînement, à partir de la peur de perdre Padmé, qui finira par mener Anakin du côté obscur.

Le reste de la religion Jedi respecte la plus pure orthodoxie bouddhiste (causes de la souffrance, impermanence et non indépendance des choses, règles de vie des disciples, etc.), comme pourra aisément le remarquer toute personne un peu familière avec elle.

Ce cycle de films est donc un bon travail de vulgarisation de philosophies orientales pas toujours faciles à comprendre pour des occidentaux.
Il est dommage que tant de fans soient restés à un niveau assez superficiel et n’aient pas pris la peine de s’intéresser aux concepts originels cachés derrière le mythe.
Ça leur éviterait de dériver vers des mouvements plus ou moins sectaires (new-age ou autres).

On peut regretter à cet égards les tentatives de récupération de certains mouvements 'chrétiens' (sic) d'extrême-droite, qui comparent la saga au cycle arthurien des Chevaliers de la Table Ronde.
Il n'y a pas d'influences 'arthuriennes' directes dans Star Wars.
George Lucas a par contre reconnu s'être inspiré du livre de Joseph Campbell, expert en mythologie, "Le Héros aux Mille Visages" qui démonte les principes des grands mythes 'héroïques' de l'humanité (pas seulement chrétiens).
TOUS ces mythes suivent la même progression du récit, avec les mêmes types de personnages.
"Matrix" a également repris le schéma campbellien, qu'on retrouve aussi dans "Le Seigneur Des Anneaux", "Dune" ou "Harry Potter", pour ne citer que des exemples connus.

« Recherchez la liberté et vous deviendrez esclave de vos désirs. Recherchez la discipline et vous trouverez la liberté. » [Koan Zen]

A Voir également sur le sujet:
Star Wars Origins
Star Wars Origins: Joseph Campbell
Campbell, Star Wars et le mythe
The Hero With a Thousand Faces

> sur "Matrix", une intéressante étude sur ce blog.