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07/03/2006

Le ‘LongLong’ Voyage de 3 Papous en France

Après les Persans de Montesquieu, le Huron et le Candide de Voltaire, la France a reçu en 2003-04 la visite de 3 authentiques papous de Nouvelle-Guinée.

Invités par le photographe Marc Dozier (du magazine "Grands Reportages"), qui avait passé quelque temps chez eux en 2002, ils ont pu explorer pendant 4 mois les tribus françaises, et analyser selon leurs critères le comportement de nos contemporains.
Les photos de leur périple et les commentaires associés se retrouvent actuellement sur Internet et au Musée de La Poste de Paris, et feront l’objet d’un ouvrage à paraître en novembre 2006 aux éditions Indigènes.
Une salutaire remise en cause du nombrilisme occidental en général, et franco-français en particulier.

La même équipe cherche maintenant à prolonger cette expérience et faire en 2007 un grand Tour du Monde. Tous les renseignements sont disponibles sur le site de Marc Dozier: www.letourdumondedespapous.com.

Compléments :
> Une interview sur L’Internaute.
> L’exposition du Musée de LaPoste.

24/02/2006

Le 'Little Bouddha' de Bara (Nepal)


Caricatures et Sensationnalisme (suite)

Après les caricatures danoises assimilant tous les musulmans à de dangereux terroristes, c’est au tour de la communauté bouddhiste de faire l’objet de campagnes de presse d’une stupidité consternante (voir aussi ici).

Les faits : un adolescent de 15/16 ans effectue depuis mai dernier une retraite méditative, conformément aux prescriptions bouddhistes qui prévoient une durée de 3 ans, 3 mois et 3 jours. Habitant la région, il jeûne en méditant sous un banian, non loin de l’endroit où le Bouddha historique l’avait lui-même fait.

A partir de là, un certain nombre d’esprits simples et/ou mal informés voudraient en faire la 'réincarnation' de Siddharta Gautama. Une affirmation particulièrement stupide, qui montre la parfaite méconnaissance de l’Histoire et des doctrines bouddhistes par les journalistes occidentaux qui propagent cette information. En effet, l’Eveil du Bouddha est censé lui avoir permis d’atteindre le Nirvana, interrompant par définition la chaîne de ses renaissances.
Ram Bahadur Banjan, n’a lui-même, et pour cause, jamais reconnu être la réincarnation de qui que ce soit. Les occidentaux se font par ailleurs une très fausse idée de la transmigration spirituelle, qui n’a en fait rien à voir avec l’idée chrétienne consistant en la ré-incarnation d’une âme une et indivisible dans un corps tout neuf.
A les écouter, tous les pratiquants de techniques méditatives devraient-ils être considérés comme des Bouddhas ? Y compris les moines chrétiens, les yogis hindous, les chamans indiens ou les soufis musulmans ?
On entretient également une grande confusion sur la notion de jeûne. Dans un Occident où une consommation excessive est 'La' règle de vie, on doute de la possibilité de rester très longtemps sans manger. Pourtant, tous les musulmans jeûnent pendant un mois lors du Ramadan, le Carême chrétien est par définition de 40 jours, une grève de la faim peut atteindre 2 mois, et on ne compte pas les périodes d’hibernation de nombreux mammifères. Par ailleurs, le Bouddhisme n'interdit pas de s'alimenter pendant une longue méditation. Au contraire. Toute attitude extrême dans ce domaine serait contraire au principe de "la voie du milieu".

Journaux et télévision ne font que rester à la surface des choses (le poids de mots simplistes et le choc d'images racoleuses), en y plaquant une mentalité occidentale, sans chercher ni à vérifier les faits, ni comprendre la réalité du terrain, ni les espoirs suscités par un fait inhabituel parmi une population pauvre et peu éduquée.
On y retrouve pourtant le même attrait craintif que pour le tirage du Loto ou les larmes des Vierges miraculeuses au Vietnam (Saigon) ou ailleurs.
Le but recherché est seulement le sensationnalisme, pour ébahir les occidentaux avec des faits exotiques. On reste dans le domaine des monstres de foires du 19ième siècle et des expositions coloniales exhibant des 'sauvages arriérés'. Il aurait évidemment été moins vendeur d’expliquer ce que sont vraiment la méditation, le bouddhisme, son histoire et ses traditions.

A noter : selon la tradition bouddhiste, reprise par certains mouvements new-age, le Bouddha du futur (Maitreya) naîtra en occident (les terres de l’ouest) pendant le règne de Shamballa, (vers 2425 après JC) après une période de guerres et de désolations équivalente à l’Apocalypse chrétienne. On a donc encore le temps d’attendre.

Compléments:
> "LeDevoir" (canadien) du 28/11/05.
> "ParisMatch" (français) du 29/01/06.
> "Envoyé Spécial" (France2) du 23/02/06.
> Des réactions sur un blog, ainsi que sur "Bouddhisme et Occidentalité".
> Un peu plus d’infos (en anglais) sur "BuddhistChannel".
> "La Méditation pour les Nuls": pour une approche de la méditation simple et compréhensible par tous.
> Les aspects cliniques et médicaux de la méditation sur "PasseportSanté", "Zen-Deshimaru" et "DeepSound Blog".
> "La Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident", pour un récit des incompréhensions occidentales sur le Bouddhisme depuis Alexandre le Grand jusqu’à aujourd’hui.
> Le film "Samsara" : pour une vision plus réaliste de la méditation dans un environnement himalayen. Voir aussi cette critique.

01/02/2006

Le Chien Jaune de Mongolie

Tout le monde décède, personne ne meurt

C’est l’été dans les steppes mongoles où se sont établis les nomades le temps des pâturages.
Nansa, 6 ans, revient de l’école lointaine où elle est obligée d’aller comme pensionnaire.
En vagabondant loin de ses parents, occupés aux travaux quotidiens, elle recueille un jeune chien abandonné, dans une grotte sans doute occupée par la meute de loups qui attaque de temps en temps les troupeaux.
Va-t-elle pouvoir le garder, malgré l’opposition de son père qui a peur de son retour à la vie sauvage ?
C’est tout le suspense de ce film, qui sur une trame très simple et un rythme calqué sur celui de la nature, nous conte la vie quotidienne d’une famille vivant encore sous la yourte, interprétée par une vraie famille de nomades, non professionnels.
De la surveillance des bêtes à la fabrication du fromage, des jeux des gamins aux traditions religieuses (chamanisme et bouddhisme), c’est toute une tranche de vie en voie de disparition que nous découvrons avec les yeux innocents des enfants, leurs questions candides et la sagesse tranquille de leurs aînés.
Car par petites touches (la conversation entre les chasseurs, les objets ramenés de la ville, les campements abandonnés, la question des élections, …), la 'modernité' est là pour souligner le contraste entre cette vie tranquille et les bouleversements induits par l’urbanisation croissante de la société.

Filmé par Byambasuren Davaa ("L'histoire du chameau qui pleure"), dans une production germano-mongole, ce film est un vrai bonheur, porté par des acteurs merveilleux de naturel dans les paysages grandioses de la Mongolie du nord.
A voir par tous ceux qui ont aimé "Samsara", "Himalaya, l’enfance d’un chef" ou "Bombon el perro" par exemple.

Note : 9/10

> Fiche Cinéfil

Compléments :
> Les critiques de "EcranLarge", de "Critikat", de "Les Echos", de "CommeAuCinéma", du "Routard".
> Interview de 'Byambasuren Davaa'.

11/01/2006

The Constant Gardener

Bon Diagnostic, mais Traitement Placebo

Sur le papier, ce film aurait pu être un chef-d'oeuvre.
Un scénario de Jeffrey Caine ("GoldenEye") d'après un roman de John LeCarré ("L'espion qui venait du froid"), Fernando Meirelles ("La Cité de Dieu") à la réalisation, Ralph Fiennes ("La Liste de Schindler"), Rachel Weisz ("La Momie"), Hubert Koundé (le black de "La Haine"), Pete Postlethwaite, etc., à priori rien que du bon.
Pourtant en sortant de la salle, on a comme un goût d'inachevé, de 'aurait pu mieux faire'.

Ce n'est pas la faute des interprètes, tous excellents des premiers rôles aux plus obscurs figurants.
Ni celle de F.Meirelles qui nous fait voir une Afrique bien réelle, les bidonvilles miséreux et les hôpitaux lépreux, les golfs biens arrosés et les 'party' de la bonne société, le travail ambiguë des diplomates, des ONG, de l'ONU, des labos pharmaceutiques, ...
La construction du film en 2 parties égales n'est pas non plus à mettre en cause. Elle apporte une respiration au récit qui dure quand même plus de 2 heures, et met bien en évidence l'état d'esprit du 'héros' de l'histoire.
D'abord son 'innocence', sa neutralité passive, sa volonté de ne rien voir, ne fâcher personne, ne pas s'impliquer dans la situation, de seulement 'cultiver son jardin' en gentleman bien sous tous rapports.
Ensuite sa prise de conscience, sa révolte, ses compromissions même (mensonges, faux papiers, ...), sa quête de la vérité, la redécouverte de sa femme et la sublimation de son amour pour elle ('Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé').

C'est plutôt dans le scénario que le bât blesse.
Là où "Lord of War" accumulait les faits et les données fournis par la personne la mieux informée (le trafiquant), "The Constant Gardener" est d'abord traité comme une 'love-story' très hollywoodienne décrite par le cocu de l'histoire, celui qui n'a rien vu et rien compris.
On survole alors complètement la partie sérieuse du sujet, et on passe à côté du superbe thriller politico-économique qu'il aurait pu être ! Il parait pourtant que cette histoire est tirée de faits réels, et on aurait aimé en savoir beaucoup plus.
Certaines ficelles sont même parfois un peu grosses (la lettre écrite par le principal responsable de l'affaire, la paranoïa des militants humanitaires qui font pourtant aveuglément confiance aux institutions diplomatiques, ...).
C'est dommage, car encore une fois tout le reste était vraiment excellent.

Note: 6/10

> Fiche Cinéfil

Compléments :
> Article Afrik.com
> Le livre de John LeCarré qui semble être à l'origine des faiblesses du scénario

04/01/2006

Lord of War (Vendre des armes est un business comme un autre)

Economie de Marché (gris) et Libre Entreprise

Tous ceux qui ont vu "Le Cauchemar de Darwin" en sont un peu restés sur leur faim.
On y voyait le résultat d'une politique néo-colonialiste européenne sur le terrain africain, avec livraison d'armes en échange de l'exploitation intensive des ressources piscicoles tanzaniennes. L'auteur y interviewait les pilotes des pays ex-soviétiques, les prostituées locales, les gamins des rues, les pêcheurs exploités, les officiels satisfaits, etc. Une seule catégorie d’acteurs manquait à l’appel : les trafiquants d’armes responsables de ce nouveau 'commerce triangulaire'.

Andrew Niccol ("The Truman Show", "Gattaca") s’est penché sur le problème et nous livre ce qui s’apparente plus à un docu-fiction qu’à un 'blockbuster' hollywoodien. Ce film n’a d’ailleurs pu voir le jour que grâce à des capitaux européens et bénéficie du soutien d’Amnesty International.
Ici, pas de 'Happy End'.

Yuri Orlov (Nicolas Cage) est le prototype de ces individus amoraux pour qui, entre le blanc du légal et le noir du franchement illégal, il existe une zone grise où tout est permis du moment qu’il y a des dollars à gagner.
Dans ce domaine on trouve la contrebande de cigarettes ou d’alcool, le passage ou l’emploi de travailleurs clandestins, la défiscalisation des profits (honnêtes ou pas), la gestion de pavillons de complaisance, de casinos, ou toute autre activité dont la légalité dépend surtout de l’endroit où on la pratique.
Les guerres, civiles ou entre états, ont toujours été propices à ce genre d’activités, permettant de faire fortune rapidement du moment qu’on n’a pas trop de scrupules.

Techniquement, il ne s’agit que d’import-export, achetant ici des stocks de matériels présents en trop grand nombre, pour les revendre là où les besoins des consommateurs solvables ne sont pas suffisamment satisfaits.
La doctrine libérale pure et dure défendue par les conservateurs américains, appliquée à un produit de grande série (la kalachnikov), géré comme des canettes de cola ou des rasoirs jetables.
Comme le dit notre 'héros' dans son argumentaire marketing : 'une personne sur 12 est armée sur cette planète, la seule question est de savoir comment armer les 11 autres'.

Yuri Orlov ne diffère pas des membres de la NRA ('National Riffle Association', présidée par Charlton Heston [1]), pour qui la possession d’une arme de guerre est un droit constitutionnel.
Rappelons également que :
- les 5 plus grands fabricants d’armes (USA, France, GB, Chine, Russie) sont membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.
- la famille Bush tire une grande partie de sa fortune du commerce des armes et du pétrole [2].
- en France, les principaux producteurs d’armes du secteur privé (Lagardère, Dassault) font partie du gotha politique et sont propriétaires de grands empires médiatiques.
Rien d’étonnant donc à ce que la trafic d’armes continue à proliférer, et que la morale s’efface toujours devant des profits aussi juteux, avec des excuses comme 'ça n’est pas notre guerre', ou 'il faut sauvegarder l’emploi dans nos industries d’armement' (théoriquement censées garantir notre indépendance nationale).

Yuri Orlov, tout comme Tony Montana (Al Pacino) dans "Scarface", ne fait que prétendre à sa part du grand rêve américain, où tout héros positif est jugé sur sa capacité à entreprendre, et où sa respectabilité se mesure à l’importance de son compte en banque.

"Lord of War", en présentant l’irrésistible ascension d’un petit trafiquant amené à fréquenter les plus grands, est donc un film réaliste, touchant, certainement cynique dans son propos, mais assez révélateur d’une idéologie où les règles du commerce priment toujours sur les aspects moraux de la société [3][4].
La même démonstration pourrait être faite sur le saccage écologique de la planète [5], ou les délocalisations à outrance vers des pays ne respectant pas les Droits de l’Homme [6].

En bref : un très bon film, salutaire, servi par de très bons acteurs, mais qu’il ne faut pas aller voir le jour où on a un gros coup de blues.

Note: 9/10

> Fiche Cinéfil

A voir également sur le sujet :
[1] "Bowling for Columbine" de Michael Moore (le problème des armes aux Etats-Unis)
[2] "Le Monde selon Bush" de William Karel (la famille Bush et le 11 septembre 2001)
[3] "The Constant Gardener" de Fernando Meirelles (les agissements des sociétés pharmaceutiques)
[4] "Révélations" de Michael Mann (les agissements des fabricants de cigarettes)
[5] "The Corporation" de Jennifer Abbott (documentaire sur la responsabilité des entreprises en tant que personnes morales)
[6] "The Big One" de Michael Moore (les délocalisations des entreprises et la course au profit)