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19/03/2006

Renaissance

Noir, c'est Noir. Il n'y a pas d'Espoir.

Prenez "Sin City", ajoutez y un décor à la "Metropolis", ainsi qu’un peu de "Blade Runner", de "Minority Report" ou de "Immortel (Ad Vitam)", mélangez le tout et vous aurez une idée de ce qu’est visuellement "Renaissance".

La promotion du film avait surtout insisté sur son aspect technologique novateur. C’est en effet ce qui en fait sa richesse. Sans cela, ça ne serait qu’un polar de série B sans trop d’intérêt, assez semblable à "L’Empire des Loups" de Chris Nahon.
Malgré les rêves des producteurs, la technique ne remplace pas tout. "Final Fantasy", "Captain Sky", "Furtif" ou "Les Chevaliers du Ciel" nous ont rappelé récemment que des films peuvent être spectaculaires sur le plan de l’image, mais cruellement limités sur les autres plans.
"Renaissance" est assez typique de ce genre de films aux héros stéréotypés, et aux dialogues éculés. Seule la fin permet de relancer un intérêt qui s’essouffle souvent à cause de situations très conventionnelles. Enervantes aussi toutes ces publicités (Fnac, Citroën, Galeries Lafayette, …) qu’on remarque encore plus que dans un film classique.
Plutôt que de privilégier la technique, les réalisateurs feraient mieux de passer un peu plus de temps sur le scénario (*) et les dialogues (comme a si bien su le faire "La véritable Histoire du Petit Chaperon Rouge"). Cela aurait pu notamment permettre d’étoffer l’histoire relative aux recherches sur l’immortalité (le projet 'Renaissance' de la société 'Avalon'), au culte de la Jeunesse et de la Beauté, et les conflits de pouvoirs qui y sont liés.
Bref : un film à voir pour la prouesse technique et son esthétisme particulier. Mais il ne faut pas s’attendre à voir un film de la qualité de "Sin City".

Note : 6/10

(*) "Un film n'a besoin que de trois choses: un bon scénario, un bon scénario et un bon scénario." (Alfred Hitchcock).

Compléments :
> Fiche Cinefil.
> Le site du film.
> Critiques sur "Chronicart", "Fluctuat", "Telerama", "LeMonde", "Yozone", "FilmDeCulte", "DvdCritiques".

17/03/2006

Underworld 2 Evolution

Régression: un 2-ième Monde très en Dessous.

Le problème avec les films à succès, et un minimum originaux, c’est que les producteurs se sentent obligés d’en faire des suites pour rentabiliser leur investissement et en exploiter le thème jusqu’à l’usure. Malheureusement, dans ce genre de duplication, la copie est presque toujours plus pâle que l’original.
"Underworld" ne déroge pas à la règle.

Le premier du nom était une intéressante variation sur le thème de "Roméo et Juliette", les Capulet et les Montaigu étant remplacés par des Vampires et des Loup-Garous (Lycans) se livrant une guerre de l’ombre depuis la nuit des temps, sur fond de lutte des classes (vampires aristocrates raffinés / lycans rustauds asservis). Sur cette idée de base et avec un budget limité, le scénario arrivait à nous surprendre en jouant avec les codes propres aux films fantastiques. Les décors gothiques se mariaient bien avec un look SM assumé et des combats à la "Matrix". Les acteurs n’étaient pas trop mauvais, à l’exception du jeune premier de service, une espèce de sous 'Christophe Lambert' au rôle heureusement limité. En bref, une bonne série B de qualité, comme le cinéma hollywoodien sait parfois en produire ("La Momie","Blade", "New York 1997","Highlander", "Stargate", …).

Pour cette suite, on a malheureusement appliqué la règle du 'toujours plus'. Plus d’action, plus de fusillades, plus d’explosions, plus de morts, plus de sexe, plus d’invraisemblances, …
On transforme le film en guerre de clans maffieux, on massacre presque tous les personnages du 1-ier opus, on ressort des personnages censés être morts depuis longtemps, on multiplie les incohérences (de lieux, de langues, de styles, de personnalités, …). A part 'Kate Beckinsale', les acteurs sont plutôt mauvais. Dommage. Ce film ennuyeux ne devient alors intéressant que pour les amateurs de 'baston', au QI limité.
On pourra donc faire l’économie d’une place de ciné, et visionner à la place un bon DVD.

Note : 4/10

Compléments :
> Fiche Cinefil "Underworld" et "Underworld 2 Evolution".
> Quelques critiques intéressantes sur "EcranLarge", "SerialMaster", "FilmDeCulte", "Krinein", "Telerama", "Chronicart".
> Sur les Blogs: "EnAmonSûl", "PassionDeVoyagerDansL'Imaginaire".

11/03/2006

Mémoires d’une Geisha (Memoirs of a Geisha)

Des 'maisons des fleurs' … artificielles.

Après "Le Dernier Samouraï", Hollywood continue d’exploiter le filon exotique et nous propose une 'distraction' sur le thème des Geishas.
Si ceux qui ne connaissent rien au Japon, pourront y trouver de quoi satisfaire leur curiosité, les autres risquent d’être un peu déçu d’y voir un remake oriental de films comme "A star is Born" ou "The Rose".

"La petite Chiyo, né dans un milieu pauvre, finira à force de travail et grâce à sa bonne étoile, à devenir une star adulée et trouvera l’amour auprès d’un riche industriel, malgré les embûches qui ne cessent de se dresser sur son chemin." (C’est beau comme du Barbara Cartland!)

Certes, les costumes et les décors sont superbes, malgré le tournage en studio, les actrices crédibles malgré leurs origines chinoises, mais le scénariste a pris de grandes libertés avec la réalité japonaise du début du 20-ième siècle pour la faire coller au goût américain, et ça se voit malheureusement un peu trop.

Personnellement, 2 scènes m’ont choqué.
La première se passe dans un théâtre. Sayuki se comporte alors comme une star de Broadway (Rob Marshall devait encore se croire dans "Chicago"), et finit avec des mouvements désordonnés (sur fond de musique presque techno), dans un style absolument contraire à tout ce que représentent les Geishas, gardiennes des traditions musicales et artistiques du Japon.
La deuxième est ce 'happy end' typiquement hollywoodien, où Sayuki finit dans les bras de son PDG adoré et l’embrasse à pleine bouche !
Il ne faut vraiment pas connaître le Japon, et pas avoir vu beaucoup de films japonais pour avoir imaginé 2 scènes pareilles, totalement contraires à l’esprit japonais traditionnel, ou l’on différencie totalement ce qu’on ressent et ce qu’on montre.

A voir uniquement pour les images donc. Pour mieux connaître les Geishas, on verra plutôt les films de Kenzi Mizoguchi ("Les Musiciens de Gion", "La Fête à Gion", …) et on lira les mémoires de véritables geishas.

Note : 6/10

Compléments :
> "Geisha": le 'best-seller' contreversé de Arthur Golden, dont est tiré le film.
> On lui préfèrera "Mémoires d’une Geisha" de Yasushi Inoué, ou "Ma vie de Geisha" de Meneko Iwasaki, nettement plus authentiques.
> Une critique très détaillée (et un peu excessive) de "Cinémasie".
> Autres critiques intéressantes sur "Fluctuat", "Excessif", "Arte", "LesEchos", "FilmDeCulte".
> Sur les blogs: "Krinen", "CinéQuaNon", "CriticsOnline", "IdeaEntertainment".

27/02/2006

Syriana

Le Pétrole est une Drogue comme les autres

Il est toujours difficile de parler géopolitique dans un film, qui par définition est d’une durée relativement limitée. Pour être compréhensible, le propos doit être réduit à quelques faits importants, quelques personnages clefs et quelques rebondissements. Les films dit choraux doivent obligatoirement être longs et essayer de ne pas trop s’éloigner des règles 'classiques' (unité de lieu, de temps et d’action) pour ne pas perdre le spectateur en route.
Dans ce contexte, "Syriana" s‘en sort plutôt bien. Certes, il est nécessaire de connaître un peu la conjoncture internationale en général, et le contexte moyen-oriental en particulier pour ne pas être largué, mais le scénariste n’a pas fait l’erreur de tout prendre en compte.
On n’y parle donc pas des trafics d’armes, des comptes en Suisse, des situations israélo-palestinienne ou libano-syrienne, des compétitions diplomatiques américano-russo-européennes, de l’Afghanistan, des guerres du Golfe, des agissements de la famille Bush, etc. Par contre, il est évident que ce n’est pas un film de 'divertissement', et qu’il ne faut pas laisser son cerveau au vestiaire ou laisser traîner les yeux sur sa voisine.

Le réalisateur, Stephen Gaghan, avait déjà scénarisé "Traffic" qui traitait du business de la drogue, vu par 3 familles de personnages (les services américains spécialisés, les flics mexicains, les narcos-trafiquants). La vision de ce film était facilitée par un code de couleur, l’image ayant été traitée pour tirer vers le bleu, le jaune ou le blanc selon les personnages suivis. Ici, rien de tout cela. L’interpénétration des situations et des (nombreux) personnages ne permet pas ce genre d’astuces. Cette complexité est à la fois la force et la faiblesse du film.
On y suit en effet les pérégrinations :
- d’un agent de la CIA, qui bien que compétent, expérimenté, polyglotte, sans scrupules et dévoué à son pays, se retrouve trahi par ses anciens contacts et lâché par ses chefs comme un vulgaire pion.
- de cadres supérieurs de compagnies pétrolières dont le comportement mafieux corrompt toutes les couches de la société.
- d’une famille royale du Golfe, où les intérêts particuliers et les luttes de pouvoir s’opposent à la logique économique et à l’intérêt national.
- d’un avocat d’affaire chargé de déminer et d’étouffer les affaires de corruptions trop visibles de l’un de ses clients pétrolier, en vue d’une OPA internationale.
- d’un analyste d’une société de trading suisse amené à conseiller le plus progressiste des responsables arabes.
- de groupes islamistes, avec leurs stratégies de recrutement et leurs nombreuses contradictions.
- d’ouvriers pakistanais immigrés dont le destin tragique résulte des agissements des uns et des autres.

Si le scénario est riche, et explique bien la situation et les motivations des différents intervenants, il est relativement touffu et difficile à suivre. Les scènes s’enchaînent parfois de façon abrupte. Heureusement les acteurs sont tous d’un excellent niveau que ce soit les stars américaines ou les inconnus d‘origine arabe.
Le parallèle avec "Trafic" n’est en tout cas pas anodin, car le pétrole comme la cocaïne mettent en jeu (presque) les mêmes acteurs (gouvernements, services spéciaux, hommes d’affaires, avocats véreux, …). Et le Pétrole est vraiment la drogue ultime: abondante, pas chère, impossible de s’en passer (même un écologiste forcené en est dépendant), et des profits colossaux pour ceux qui maîtrisent sa filière.

C’est un film qu’il faudra sans doute revoir au moins une deuxième fois pour en saisir tous les aspects, d’autant plus qu’il a été amputé de certaines scènes au montage. Espérons que le DVD contiendra, en plus de la version complète, des bonus permettant d’expliciter la situation pour ceux qui n’auraient pas tout compris. C’est en tout cas un film important dans le contexte actuel, à rajouter dans la liste de ceux qui ne prennent pas les spectateurs pour des imbéciles ("Lord of War", "JarHead", "Good Night & Good Luck", ...)

Note: 8/10

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> "La chute de la CIA: mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme", par Robert Baer, ex-agent de la CIA, dont est inspiré le film.
> Les critiques de "CommeAuCinéma", "Excessif", "Fluctuat", "France2", "l’Humanité", "LaLibreBelgique", "Mulderville".
> Sur les blogs: CriticsOnline et SebInParis, "AuBoutDuMonde".
> "Le Monde selon Bush" : le documentaire de William Karel sur la politique saoudienne de la famille Bush.
> L'analyse de "VoltaireNet".

19/02/2006

Le Nouveau Monde (The New World)

Le Paradis Perdu de Pocahontas

Encore un superbe film de Terrence Malick, aussi sensitif et habité que "The Thin Red Line". Comme beaucoup d'européens, je ne connaissais que vaguement la légende de Pocahontas, pourtant un des mythes fondateurs des USA, n’ayant même pas vu le dessin animé de chez Disney.
J’ai été ébloui. On retrouve dans cette histoire tout le tragique des amours d’Hélène et Pâris [1], ou celui des "Dames du Lac" de Marion Zimmer Bradley [2] qui conte la fin de la civilisation druidique britannique colonisée par le christianisme médiéval romain.
Le monde indien est une civilisation chamanique basée sur le respect de la Nature, du rythme des saisons, où règne une vraie harmonie entre les hommes et les autres occupants de l’Univers. En cela, il s’oppose totalement aux valeurs occidentales où les techniques, les conventions, la soif du profit sans limites, l’intolérance religieuse conduisent à la pollution de l’environnement, aux conflits de personnes, à l’exploitation systématique d’autrui. Cela est bien montré dans le film par les chercheurs d’or mourant de faim, la disparition des poissons, le cannibalisme, les rebellions continuelles, les terres dénudées, le fort boueux et insalubre, les maladies causées par cet environnement malsain.
Le film prend principalement le point de vue de Pocahontas, depuis l’arrivée des bateaux jusqu’à la découverte de la cour du roi James, des maisons de pierre et des jardins 'à la française'. Elle est la victime innocente de ce choc des cultures, trompée par ses sentiments, incapable d’imaginer le double langage de John Smith, aventurier aventureux pour qui la fuite en avant est une seconde nature, et incapable d’apprécier le bonheur quand il se présente à lui.
Pocahontas, comme "Mme Butterfly" de Puccini quelques siècles plus tard, finit littéralement tuée par l’occident, la maladie qui l’emporte mais aussi et surtout l’impossibilité de s’accorder à un monde dont les valeurs ne sont pas les siennes. L’Amour dans ce contexte n’est fait que d’incompréhensions mutuelles, que ce soit avec John Smith ou avec John Rolfe, et est voué à l’échec malgré le désir commun et les concessions réciproques.
L’échec de cet amour est aussi celui de l’Utopie, celui de créer une société nouvelle débarrassée de ses défauts, telle que la rêve John Smith en débarquant en Virginie.
Comme Adam et Eve croquant la pomme, Pocahontas et John Smith inaugurent aussi malgré eux une ère de violence, de trahisons et de douleurs [3] et contribuent à la fin du paradis originel [4].
Exit donc le rêve d’une nation métisse dont ils auraient été les fondateurs, les héros trop immatures n’étant pas à même d’endosser le poids de l’Histoire, et début du génocide de la nation indienne repoussée toujours plus loin par le fer et le feu [5].
Le film retranscrit très bien cela, avec un rythme lent, s’arrêtant sur chaque brin d’herbe, nous laissant savourer le chant des oiseaux, le glougloutement de l’eau ou le bruissement du vent dans les branches. Peu de dialogues, majoritairement intérieurs, mais les hésitations, les silences et les expressions des corps et des visages sont souvent plus parlants que bien des scénarios bavards. Q’Orianka Kilcher (15 ans!) notamment, illumine l’écran de sa présence.
A voir donc par tous ceux qui ne sont pas allergiques à un cinéma méditatif, à mille lieux des films 'historiques' habituels (comme le médiocre "1492" de Ridley Scott, par exemple).

Note: 8/10

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film (vf).
> Rappels historiques: Pocahontas et les indiens de Virginie.
> Les critiques quasi-unanimes de Critikat, Excessif, CommeAuCinéma, Fluctuat, FilmDeCulte, Ecran Large, LeMonde, Cronic’art, Mulderville.
> Sur les blogs: CriticsOnline et SebInParis.

Connexions :
[1] à voir et lire: "La Guerre de Troie n’aura pas lieu" de Giraudoux sur le poids du destin, et l’impossibilité pour quelques individus de s’opposer à une catastrophe annoncée.
[2] voir également "Les Brumes d’Avalon" très bonne adaptation faite par TNT et disponible en DVD.
[3] sur la violence à l’origine de la société américaine moderne, voir "Bowling for Columbine" de Michael Moore, "Gangs of New York" de Martin Scorcese ou "A History of Violence" de David Cronenberg.
[4] Cf. "Le Paradis Perdu" de John Milton, traduit par Chateaubriand.
[5] Cf. "Le Dernier des Mohicans" d'après Fenimore Cooper.