17/10/2006
Une Vérité qui Dérange (An Unconvenient Truth)
Chronique d’un Désastre Annoncé.
Al Gore est l’ex-futur président des USA, comme il plait à se présenter de façon ironique, son destin politique ayant été contrarié par les mœurs électorales bizarres des machines à voter de Floride (dont le gouverneur est Jeb Bush), et le penchant droitier des juges de la Court Suprême (dont beaucoup nommés par les Bush). Du coup, ça lui a donné beaucoup de temps libre pour s’intéresser à un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, le réchauffement de la Terre.
Depuis 5 ans, il parcourt donc les États-Unis et les grandes villes de la planète, pour un cycle de conférences extrêmement bien fait, très pédagogique, bien documenté et à la portée de tous. Ce sont ces conférences qui forment l’ossature de ce documentaire, entrecoupées de réflexion sur sa vie et son engagement politique.
Il présente l’ensemble des faits disponibles, illustrés et commentés de façon claire (schémas, photos, vidéos), avec un humour qu’on ne lui connaissait pas. Il réfute les arguments bidons invoqués par les lobbys pétroliers via des campagnes de désinformation dans les médias grand public. Il explique les mécanismes en jeu, les preuves incontestables accumulées depuis des années (fontes des glaciers et des banquises, augmentation des températures, des ouragans et cyclones, …). Il souligne les conséquences prévisibles si rien n’est fait pour renverser la tendance (montée des eaux, dérèglements climatiques et écologiques, ressources en eaux et en terres agricoles). Il rappelle les succès passés dans le domaine du trou de la couche d’ozone, maintenant de l’histoire ancienne grâce à l’interdiction des CFC. En s’obstinant à ne pas s’aligner sur les critères de Kyoto, les USA sont même en train de creuser la tombe de toute leur industrie automobile, moins efficace en terme de performance et de propreté écologique que tous les pays émergents, Chine comprise.
Le point faible de son raisonnement est l’appel à la responsabilité civique des citoyens pour obliger les politiques à prendre le problème à bras le corps. On sent bien, sous sa foi en la Raison et la Démocratie, un discours pessimiste et désabusé ainsi qu’une certaine lassitude à devoir sans cesse rabâcher les mêmes évidences. Le parallèle avec l’industrie du tabac est particulièrement intéressante. Malgré l’implication personnelle de certains, malgré la multiplication des cancers du poumons, malgré des lois de plus en plus restrictives, il reste toujours difficile, même aux États-Unis, d’éradiquer un tel fléau.
Tant que l’intérêt général sera amené à s’effacer devant l’égoïsme et les intérêts particuliers de certains privilégiés (individus ou sociétés), il est à craindre que la situation actuelle continuera à se dégrader jusqu’à atteindre un niveau insupportable. Il n’y a donc plus qu’à attendre que Manhattan soit sous quelques mètres d’eau, suite à la fonte des glaciers polaires pour espérer voir les américains se réveiller enfin. Mais ne sera-t-il pas déjà trop tard ?
Note: 9/10
Compléments :
> La Fiche du film du Wikipedia.
> Le Site du film: un très bon complément au documentaire.
> Critiques sur "CommeAuCinéma", "Fluctuat", "FilmDeCulte", "Télérama", "Excessif".
> Sur les Blogs: "404BrainNotFound", "Libé", "Niklas", "Matozzi", "Nessy", "RéflexionsDuMiroir".
> Le réchauffement des pôles sur le "Magazine de la Recherche Européenne".
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15/10/2006
Le Parfum: Histoire d'un Meurtrier (Das Parfum - Die Geschichte eines Mörders)
Un "Monstre" qui veut nous mener par le Bout du Nez.
Difficile de représenter au cinéma, un récit principalement basé sur des sensations olfactives. Peu de films se sont risqué sur ce terrain glissant ("Parfum de Femme" et son remake "Le Temps d’un Week-end"). N’ayant pas lu le roman (je me méfie des 'best-sellers' encensé par ceux qui ne lisent que ça), je ne pourrais malheureusement pas faire la différence entre ce qui appartient à Süskind et la vision qu’en a faite Tom Tykwer. Mais le film forme un tout cohérent, qui se suffit à lui-même.
La première heure est particulièrement réussie. En combinant gros plans, montage serré avec une alternance de plans sur les objets sentis ou leurs supports (mouchoirs, flacons, …) et des images fortes (crasse, vomi, ordures, …) le film arrive à suggérer les odeurs de façon très réaliste (du moins si vous avez une mémoire olfactive normalement développée). L’aspect visuel est alors particulièrement soigné, avec un Paris du 18-ième siècle crédible et bien reconstitué. L’humour noir qui baigne le récit est alors très en phase avec les scènes décrites. Seuls points négatifs une voix off trop présente, et l’aspect particulièrement énervant d’une musique plutôt pompeuse.
La deuxième partie est plus classique, et perd malheureusement ce qui faisait l’originalité du début. Si les décors des environs de Grasse (apparemment tournés en Espagne) sont bien rendus, le scénario devient très répétitif, enchaînant les meurtres de façon métronomique, et on finit par s’ennuyer de ces longueurs. On aurait pu alléger cette partie, qui constitue le ventre mou du film. L’intérêt est heureusement relancé par la découverte du meurtrier, mais les 2 scènes de fin, grandiloquentes et ridicules, laissent dans les yeux un goût de bâclé et d’inachevé. Le casting est néanmoins très bon, avec une mention spéciale pour Ben Wishaw très convaincant dans un rôle quasi autistique.
Sur le fond, "Le Parfum" est un objet bizarre qui mêle plusieurs influences. On retrouve le mythe du monstre de Frankenstein, créature a-morale et innocente, qui recherche le sens de sa vie et tue presque malgré elle (le premier meurtre, ou la scène avec le chat par exemple). C’est aussi l’histoire d’un être incomplet (sans odeur, sans sentiments) qui cherche par la chimie à accéder à la complétude. On y trouve aussi la quête des alchimistes pour obtenir leur 'Pierre Philosophale', le parfum ultime remplaçant le philtre d’Amour Universel en tant que 'Grand Oeuvre' à accomplir (Cf. aussi "Dr Jekyll et Mr Love" de Jerry Lewis). L’aspect messianique est également très marqué. Grenouille, ange déchu et diabolique (tous ceux qui se sont servi de lui meurent immédiatement dès qu’ils ne lui sont plus utiles), cherche à subjuguer la communauté des hommes en créant un Graal artificiel à partir d‘extraits sélectionnés de Vierges. Son supplice est censé se passer sur une croix. Sa mort est l’occasion d’accéder à une condition divine en faisant don de sa chair et son sang. C’est aussi un être asexué, son attrait pour les femmes se limitant à leur odeur (leurs phéromones). La partouze finale (homo et hétéro mélangés) lui montre son échec. S’il est reconnu comme un être supérieur, il est définitivement exclu du genre humain, incapable de participer à ce qui est le critère fondamental dans la définition d’une espèce (la capacité de reproduction via le sexe). A en juger par les réactions sur les blogs, ce film semble d’ailleurs avoir particulièrement marqué les communautés gays et lesbiennes, assez sensibles à ce thème.
Note : 6/10
Compléments :
> Le Site du Film.
> "Le Parfum": le 'best-seller' de Patrick Süskind, dont est tiré le film.
> Les critiques de "CommeAuCinéma", "iMedias", "Fluctuat", "Excessif", "FilmDeCulte", "EcranNoir", "EcranLarge", "AvoirAlire", "Horreur.com".
> Sur les blogs: "Krinen", "SebInParis", "Matoo", "Niklas", "Ah!QueLaVieEstBelle", "BlackPulse", "Klendal", "Kestendi", "Orpheus".
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07/10/2006
Films de la Rentrée 2006
Retour de Vacances, Rattrapages Cinématographiques.
Pas beaucoup de chefs d'oeuvres à se mettre sous la dent ces dernières semaines, mais quelques petits films sympathiques qui sortent du lot, en attendant une fin d’année qu’on espère plus dynamique.
> "Je Vais Bien, Ne t'en Fais Pas" (9/10) : Une bonne surprise dans une production française généralement médiocre, nombriliste et qui ressasse les mêmes thèmes éculés. Là, le scénario est assez simple et suit l’évolution d’une jeune fille qui devient adulte à la suite de la disparition mystérieuse de son frère jumeau. Les acteurs principaux sont excellents, que ce soit Kad (bien meilleur que dans ses bouffonneries habituelles) ou Mélanie Laurent (la 'pin-up' de "Dikkenek"). Un film très sentimental, dans le bon sens du terme, qui laisse une impression de bien-être à la "Amélie Poulain". En prime une satire intelligente de la vie de banlieue, très réaliste et qui nous change des états d’âmes des riches bourgeois du quartier latin.
(Voir aussi : "Telerama", "EcranLarge", "KrinEin", "BlogCulturel", "Niklas", "MonFestivalDuCinéma", "Cinémapolis").
> "Indigènes" (7/10) : Le film évènement de la rentrée. 60 ans après les faits, la France se penche sur son passé et parle enfin de ceux qui étaient restés dans l’ombre jusqu’à présent. Le film en lui-même est assez classique, proche du "Soldat Ryan" de Spielberg. Plutôt réaliste, malgré le handicap de Jamel Debbouze, trop manifestement incapable de porter un fusil. A voir plus pour le sujet et la performance des acteurs (palme d’or à Cannes), plutôt que pour le scénario sans surprises. Le film n’a d’ailleurs fait aucune étincelle en dehors de la France. Il aura en tout cas le mérite d’avoir été le premier et d’avoir incité le gouvernement français à réévaluer la pension des vétérans étrangers. Rachid Bouchareb devrait maintenant préparer un film sur les Harkis. Ça permettra peut-être à la France de regarder en face la période des décolonisations.
(Voir aussi: "Excessif", "Fluctuat", "FilmDeCulte", "EcranLarge", "DvdCritiques", "iMédias", "SebInParis").
> "Little Miss sunshine" (8/10) : La dernière petite perle du cinéma indépendant américain. C’est drôle, c’est bien joué, c’est assez féroce avec l’American Way of Life, ses espoirs déçus et ses laissés pour compte. On regrettera seulement sa morale très (trop) familiale. Mais pour un premier film, il n’y a pas grand-chose à jeter. (Voir aussi les chroniques de "DvdCritiques", "FilmDeCulte", "iMédias", "Excessif", "EcranLarge", "Cinémapolis").
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29/09/2006
Les Particules Elémentaires (Elementarteilchen)
Les 4 Nobles Vérités de Michel Houellebecq.
Il est toujours difficile d’adapter un bouquin aussi important que le pavé de Michel Houellebecq. Le roman est riche en événements, s’étend sur la durée d’une vie, et n’est pas avare d’explications destinées à nous faire comprendre les tenants et les aboutissements de ce qui se passe sous nos yeux (même si de nombreux lecteurs sont restés aveugles).
En faire un film était donc une gageure. Au final, Oskar Roehler s’en sort plutôt bien. En éliminant les nombreuses digressions, les commentaires scientifico-philosophiques ainsi que l’aspect très franchouillard de nombreuses descriptions, on recentre le récit sur son message primordial. Passé la bizarrerie de voir l’action se dérouler en Allemagne plutôt qu’en France, on retrouve rapidement les scènes clef du roman. Même si l’enfance des personnages est plutôt bien résumée, ceux qui n’ont pas lu le bouquin gagneront néanmoins à se plonger dans la prose houellebecquienne pour comprendre les nombreux non-dits du film.
Deuxième roman de la lignée, entre "Extension du Domaine de la Lutte" et "Plateforme" qui détaillent les aspects socio-économiques et éthiques de la relation humaine, "Les Particules Elémentaires" sont les "4 Nobles Vérités" [1] de la pensée houellebecquienne.
Toute vie est Souffrance, et Michel Houellebecq en analyse les causes à travers la vie de 2 demi-frères, qui par delà leurs différences sont soumis aux règles implacables des lois de causalité.
Que ce soit dans les excès des sens (sexe, alcool, drogues, …) ou dans un ascétisme moderne (refuge dans une science aseptisée et idéalisée), le bonheur ne peut exister et les personnages sont soumis aux atteintes de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Il souffrent de leur attachement à l’Ego, de leur insatisfaction à obtenir ce qu’ils recherchent (gloire, plaisirs, …), de la crainte de perdre ce qu’ils croient posséder (situation sociale, êtres aimés, …).
Le film pêche néanmoins par excès d’optimisme. En s’arrêtant avant la mort d’Annabelle des suites de son cancer, il semble vouloir dire qu’il suffit d’adhérer à un amour platonique et sage pour atteindre un semblant de bonheur. Cette idée est évidemment à mille lieues du propos de Houellebecq, même si celui-ci prône comme Aldous Huxley la séparation des sentiments et de la fonction reproductive, ainsi que l’évolution vers un monde asexué qui permettrait d’éliminer une des causes majeures de la Souffrance [2]. Pour lui, les 2 styles de vie sont équivalents, et ne peuvent conduire qu’à l’aliénation, la folie (l’internement de Bruno) ou la mort (le suicide de Michel). En effet, l’Octuple Sentier qui mène à la Libération ne peut se parcourir en restant ballotté par les évènements et soumis aux illusions de ses sens, mais se doit de suivre une voie moyenne, active et responsable.
En résumé, le film, bien que fidèle au récit houellebecquien, est souvent malheureusement assez édulcoré. Il risque de décevoir les amateurs de l’écrivain qui n’y retrouveront pas la noirceur et le cynisme des romans. C’est néanmoins une bonne introduction à son univers, ce qui incitera peut-être certains à se pencher sur l’ensemble de son œuvre écrite. En simplifiant le propos, il permet également de mettre en lumière l’aspect assez bouddhiste de la pensée houellebecquienne, à moins que son pessimisme apparent ne soit plutôt le reflet d’un nihilisme schopenhauerien [3].
Note: 8/10
[1] Un résumé synthétiques des 4 Nobles Vérités sur le blog de l'Association Zen Soto de Genève.
[2] Esquissée dans "Les Particules Elémentaires", cette idée est reprise et développée dans "La Possibilité d’une Ile" où la succession des clones permet d’exprimer la notion de 'réincarnation' d’un être dans des corps successifs, le dernier de la série choisissant de mourir sans avoir de successeur.
[3] Pour une analyses des points communs et des différences entre les doctrines de Bouddha et de Schopenhauer, voir "La Rencontre du Bouddhisme et de l'Occident" de Frédéric Lenoir.
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film.
> Les critiques du film sur "Fluctuat", "Excessif", "Telerama", "CommeAuCinéma", "iMedia".
> Sur les blogs: "KrinEin".
20:00 Publié dans Bouddhismes, Bouquins, Ecrans Larges | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cinéma, Houellebecq, Bouddhismes, Allemagne | Imprimer
06/09/2006
Films de l'Eté 2006
Chroniques Express avant les Vacances.
Bientôt trois semaines de pause pour un long voyage en Chine du Nord, sur les traces du Bouddhisme le long de la Route de la Soie.
Dans les bons films que j’ai vus cet été et qui mériteraient de rester encore un peu à l’affiche, citons :
> "Tournage dans un Jardin Anglais (A Cock and Bull Story)" (7/10) : un bon film d’humour anglais, qui commence comme "Meurtres dans un Jardin Anglais" et "Barry Lyndon" et continue dans la veine de "Ca tourne à Manhattan". Une très bonne satire du milieu cinématographique, ses producteurs véreux, ses réalisateurs prétentieux, ses experts arrogants, ses acteurs cabotins, ses vedettes artificielles, ses intermittents besogneux et cultivés exploités sans vergogne. Un joli coup de projecteur derrière la caméra. (Pour plus de détails voir les blogs de Matoo et Niklas, il n'y a pas grand chose de plus à y ajouter).
> "Pirates des Caraïbes 2, le Secret du Coffre Maudit" (7/10) : un film de pur divertissement, mais bien fait, parodique et drôle. Des références aux dessins animés de Tex Avery, à "20.000 lieues sous les mers" (le Kraken, l’orgue dans le navire, …) en plus des références obligées aux films de pirates. Un Johnny Depp toujours aussi éblouissant.
(Voir aussi : "Fluctuat", "PibeSan").
> "Miami Vice, 2 Flics à Miami" (7/10) : un film dans la lignée de "Collatéral", plutôt réaliste, mais à voir pour son ambiance plus que pour le scénario (je ne savais pas qu’il était si facile de passer la frontière cubaine !). Une excellente prestation de Gong Li tout en finesse, face à des autres acteurs plus conventionnels.
(Voir aussi: "Fluctuat", "iMedias", "DvdCritiques", "Cinémapolis").
> "Le Vent se Lève" (8/10) : le souffle de la Liberté dans les landes irlandaises. Une Palme d’Or cannoise largement méritée pour un film très accessible au grand public. A voir pour le très bon jeu des acteurs, son aspect 'au ras des pâquerettes' (ou plutôt au ras des trèfles), la très bonne reconstitution de l’ambiance de l’époque et des causes de la persistance du conflit jusqu’à une époque récente.
(Voir aussi : "Fluctuat", "iMedias", "Cinémapolis").
> "Nausicaä de la Vallée du Vent" (10/10) : un des meilleurs Miyazaki jamais sorti. Un film très moderne, bien que tourné en 1984, où se retrouvent tous les thèmes chers au maître de l’animation japonaise. Un chef d'oeuvre qu'il faudra offrir à Noël quand il sortira en DVD.
(Voir aussi : "ButaConnection", "Fluctuat", "DvdCritiques", "DvdRama", "DvdAnime", "KrinEin", "Cinémapolis").
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