12/05/2006
WinXP: Windaube et eXtrême Préjudice
Par suite du crash du disque dur de mon portable, je suis très occupé à effectuer des tâches qui m'empêchent de consacrer du temps à ce blog.
Si je ne peux plus me connecter par Windows, je devrais pouvoir réussir à récupérer mes fichiers sous Linux (merci Knoppix) et remettre tout d’aplomb (reformatage du disque, réinstallation du système et des fichiers, etc.) dans un délai raisonnable.
Mes excuses pour ceux qui passeraient par ici en espérant (impatiemment ?) lire ma prose.
> Plus d'infos techniques ici.
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02/05/2006
La Rencontre du Bouddhisme et de l'Occident
La Longue Marche du Bouddhisme vers l'Ouest.
Il aura fallu près de 2500 ans pour que le Bouddhisme finisse par s’implanter durablement en Occident, à la suite de l’exode massif des tibétains fuyant l’invasion chinoise. Jamais aucun mouvement spirituel n’aura mis autant de temps à se déployer hors de ses régions d’origine. Il est vrai que le Bouddhisme est l’une des seules (la seule restante ?) à ne s’être jamais imposée par les armes contre les religions en place.
Ses premiers pas hors d’Asie sont largement méconnus. S’il est probable que des textes et des moines ont très tôt voyagé le long de la Route de la Soie, aucune trace écrite n’en est restée. Tout au plus peut-on relever une possible influence de certains concepts sur ce qui deviendra un jour le Christianisme (Jésus est d'ailleurs supposé par certains avoir passé une partie de sa jeunesse en Inde [1]).
Les premiers textes datent de la redécouverte de l’Orient à partir du Moyen Age par les explorateurs, marchands (Marco Polo), missionnaires jésuites, colonisateurs, etc., propagateurs de légendes telles que celle de Saint Josaphat (récit christianisé de la vie du Bouddha) ou de celle du royaume du prêtre Jean (inspirée des théocraties lamaïstes ?) successeur présumé de l’apôtre Saint Thomas, ainsi que des fantasmes liés à des territoires inaccessibles (Chine d’abord, Tibet ensuite).
Tout au long de ces époques, on remarque une profonde méconnaissance des doctrines, une incompréhension totale des pratiques, une tendance à vouloir toujours tout ramener à une pure interprétation européenne aux dépends de la réalité du terrain. Il faudra attendre le 19-ième siècle, à la suite des explorations consécutives à la colonisation et des études linguistiques sur les langues anciennes de ces régions (sanscrit, pali, tibétain, chinois ancien) pour s’apercevoir que le Bouddhisme n’était qu’une seule et même religion, au-delà de ses différentes formes.
Le Bouddhisme fait alors l’objet d’une comparaison systématique avec le Christianisme, soit pour glorifier ce dernier (en soulignant les points positifs en commun), soit pour remettre en cause sa prétention à l’universabilité (Jules Ferry et les anti-cléricaux de la 3-ième République Française). Mais il est en général confondu avec la philosophie de Schopenhauer, avec laquelle il possède de nombreux points de convergence, entraînant l’idée fausse que le Bouddhisme est une pensée nihiliste.
On le voit également très utilisé comme alibi pour la renaissance de doctrines ésotériques au sein de sociétés secrètes ou de sectes initiatiques, comme l’avaient été avant lui l’hindouisme ou les 'mystères' égyptiens, et le sujet de nombreux livres bidons, prétendument écrits par des sages tibétains, décrits comme les derniers dépositaires de la sagesse des Anciens habitants de l’Atlantide.
Au début du 20-ième siècle, de nombreuses interactions se créent avec les psychanalystes et les philosophes (Freud, Jung, Huxley, etc.), notamment via le Zen japonais, ce qui conduira à la révolution culturelle et spirituelle des années 60-70 (Allen Ginsberg, mouvement beatnik, routards partant à Katmandou).
Le tournant majeur se fait au moment de l’exode des lamas tibétains en occident suite à l’invasion chinoise de 1959 et la prédiction qui en avait été faite au 16-ième siècle [2], conduisant à la re-création de nombreux monastères en Europe et aux Etats-Unis, permettant aux différentes écoles d’assurer la continuité de leur lignée et de leurs spécificités.
Actuellement, le remplacement des maîtres nés en Asie par des moines nés et éduqués en Occident permet d’espérer une nouvelle mutation du Bouddhisme vers une doctrine plus laïque et plus universelle. L’échec des idéologies purement matérialistes (écroulement du communisme, faillite conceptuelle de l’idéologie libérale consumériste), la crise du Catholicisme et la montée des intégrismes dogmatiques (fondamentalistes chrétiens, Hébreux, Islamistes, Orthodoxes, Hindous) lui ouvrent un boulevard pour tous ceux qui recherchent une idéologie pragmatique, responsable, universelle, ouverte sur le monde, respectant l’Humanité et la Nature, alliant éthique individuelle et collective, où la science matérielle occidentale moderne se mélange facilement avec une science du mental qui a fait de l’expérience introspective son principal outil.
L’ouvrage de Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et historien des religions à la vaste culture, permet de revisiter en détail ces 2000 ans d’Histoire qui, dans une république laïque digne de ce nom, devraient être enseignés à tous afin d’éviter les incompréhensions, caricatures et amalgames trop souvent rencontrés [3].
Note: 10/10
[1] Voir "Qui était Christ ?" et "Jésus était un sannyasi hindou" sur le site du yogi hindou Ramsuratkumar Bavan, ainsi que "Jésus et les Esseniens" sur les influences possibles du Bouddhisme sur la secte des Esseniens.
[2] «Quand volera l’oiseau de fer et que les chevaux auront des roues, le peuple tibétain sera dispersé sur terre, telles les fourmis, et le Dharma viendra dans le monde des visages rouges» prophétie tibétaine du 16-ième siècle, souvent attribuée rétroactivement à Padmasambhava, complétée par la prédiction du 13-ième Dalaï-lama (1931): «Il se pourrait qu'ici, au centre du Tibet, la religion et l'administration séculière seraient attaquées à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. A moins que l'on sache garder notre propre pays, il arrivera alors que les Dalaï et Panchen Lamas seront brisés et resteront sans nom. En ce qui concerne les monastères, les moines et les nonnes, leurs terres et autres propriétés seront détruites. Les coutumes administratives ancestrales seront affaiblies. Les fonctionnaires de l'Etat religieux et séculier, se verront saisis de leurs terres et de leurs autres possessions. Et, eux-mêmes devront servir leurs ennemis, ou errer dans le pays comme des mendiants. Tous les êtres seront plongés dans des grandes difficultés, les jours et les nuits sombreront lentement dans les souffrances. Ne soyez pas des traîtres vis à vis de la communauté religieuse ou de l'Etat en travaillant pour un autre pays que le vôtre. Le Tibet est heureux, et dans le confort maintenant. La situation est entre vos mains.».
[3] Cf. l’affaire Ram Bahadur Bomjon (le 'Little Bouddha' du Népal).
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30/04/2006
Eveillez le Bouddha qui est en Vous (Awakening the Bouddha within)
Quelques pas vers un Bouddhisme Universel.
Il n’est jamais très facile d’expliquer le Bouddhisme à des occidentaux.
Soit le discours est effectué par un non bouddhiste, et on reste à un niveau purement descriptif historique, philosophique, religieux, coutumier, mythologique, etc, mais sans en expliquer la nature profonde et sans pouvoir en définir les voies d’accès, avec qui plus est de fréquentes mauvaises interprétations [1].
Soit on a les tentatives d’explications de grands maîtres asiatiques, désireux de mettre leur pratique à la portée du public occidental. Malheureusement, leur référentiel culturel et leur mode de vie, très éloigné des nôtres, fait que l’on n’arrive pas à rentrer dans leur schéma de pensée, beaucoup trop hermétique.
Le mérite de Surya Das (né Jeffrey Miller à New York dans les années 50) est de contourner cet écueil. Ayant eu le temps d’apprendre et de digérer la doctrine auprès des meilleures sources, il a de plus le talent pédagogique de le restituer avec des mots et des références aisément compréhensibles par n’importe quel occidental un peu cultivé. Plus besoin de connaître par cœur l’histoire du Bouddhisme, ou les mythologies asiatiques, plus besoin d’avoir vécu en Asie ou être capable de penser dans un des grands langages du Bouddhisme (sanscrit, pali, tibétain) pour être capable de faire son premier pas sur l’Octuple Sentier.
Après avoir décrit son parcours personnel, il rappelle les principes de base de la doctrine (les 3 Poisons, les 4 Nobles Vérités) et enchaîne ensuite sur chacune des 8 étapes [2] définies par le Bouddha historique, de façon progressive, logique et particulièrement claire. On sent ici le pragmatisme américain, plus axé sur le côté pratique ('Do it yourself') que sur un développement théorique compliqué. Le résultat est un exposé d’une clarté incomparable, non dénué d’humour et empruntant des exemples à toutes les traditions, à recommander à tous ceux qui se demandent à quoi pourrait ressembler un Bouddhisme adapté à la vie occidentale.
L’épilogue est l’occasion de dessiner les tendances qui font que, d’une religion d’origine indienne adaptée ensuite à toute l’Asie, le Bouddhisme est en train d’évoluer au contact de l’Occident pour devenir un mouvement spirituel universel adapté à un monde moderne occidentalisé, rationnel, laïc, démocratique, non sexiste, social, écologiste, …
Rendez-vous dans quelques années, pour voir si après avoir quasi disparu de l’Asie pour cause de matérialisme économique libéral et d’impérialisme chinois, le Bouddhisme a réussi sa mutation et est devenu la doctrine de référence [3] dans un Occident en pleine crise existentielle.
Note: 10/10
[1] Voir "La rencontre du Bouddhisme et de l’Occident" de Frédéric Lenoir pour un très bon récit historique de ces nombreuses distorsions et incompréhensions.
[2] En bref:
> L’apprentissage de la Sagesse (voir les choses telles qu’elles sont):
1 : la vision juste (une vision claire).
2 : l’intention juste (sonder la sagesse de sa propre nature).
> L’apprentissage de l’Ethique (mener une vie sacrée):
3 : la parole juste (dire la vérité).
4 : l’acte juste (l’art de vivre).
5 : le juste mode de vie (aimer le monde dans son travail).
> L’apprentissage de la Méditation (conscience alerte, attention et concentration):
6 : le juste effort (une passion pour l’Eveil).
7 : la juste vigilance (garder les yeux ouverts).
8 : la juste concentration (la joie de la méditation).
[3] «Quand volera l’oiseau de fer et que les chevaux auront des roues, le peuple tibétain sera dispersé sur terre, telles les fourmis, et le Dharma viendra dans le monde des visages rouges» (prophétie tibétaine du 16-ième siècle, souvent attribuée rétroactivement à Padmasambhava)
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22/04/2006
V pour Vendetta (V for Vendetta)
Etre ou ne pas Etre ... Libre ?
Ce film est l’adaptation du premier roman graphique d’Alan Moore (également auteur des excellents "Watchmen", "From Hell", "La Ligue des Gentlemen Extraordinaires"), écrit en 1982, en pleine époque thatchérienne. Mais comme toujours en matière d’adaptation cinématographique, il a fait l’objet de nombreuses modifications de la part des frères Wachowski ("Matrix"), ce qui en fait une oeuvre personnelle et a conduit Alan Moore à faire retirer son nom du générique. Malgré ces problèmes de respect des œuvres originales, aussi vieux que le cinéma lui-même, "V" n’en est pas moins un film particulièrement réussi et intéressant, dans la lignée de "Brazil", "1984", "Richard III", "Equilibrium", "Robocop" ou "X-Men" (dans le traitement des personnages de Magneto et Wolferine).
Il est d’ailleurs symptomatique que le film n’ait pas marché aux Etats-Unis, comme toutes les productions un peu trop réfléchies et subversives. La destruction de bâtiments comme moyen d’action privilégié a pu également choquer en cette période d’après 11 septembre.
Les thèmes centraux en sont la vengeance personnelle et la résistance à l’oppression, ainsi que le difficile équilibre qui doit être effectué entre le respect de la Loi et le combat pour la Liberté et la Démocratie. Des thèmes à la fois très politiques et très éthiques, et d’une actualité brûlante.
Dans une Grande-Bretagne, devenue légalement fasciste après des attentats meurtriers, et dirigée par l’ancien responsable des services secrets, étrangers, musulmans, intellectuels et homosexuels sont devenus les boucs émissaires d’une politique basée sur l’ordre et la sécurité (toute ressemblance avec des pays et partis actuels n’est évidemment pas fortuite [1]). 'V', héros shakespearien [2] victime d’expériences qui l’ont transformé physiquement et moralement, et qui a perdu jusqu’au souvenir de son ancien nom, est devenu inhumain et surhumain. Il s’est affranchi des principes moraux applicables au commun des mortels et poursuit de sa haine tous ceux qui sont responsables de son état, tel Edmond Dantès ("Le Comte de Monte-Cristo") son héros préféré, ou le Capitaine Nemo de Jules Vernes. Son seul point d’ancrage avec son humanité passée est son amour de l’Art et de la Culture, et le souvenir de ses compagnons de cellule décédés. Pour lui, le seul moyen de revenir à un monde meilleur, est une anarchie nihiliste, symbolisée par Guy Fawkes [3], où il est supposée que la suppression de l’oppression conduit naturellement au bonheur du genre humain. Le film finit par être particulièrement utopiste dans ce domaine (plus que la BD de Moore), notamment la scène finale où les militaires finissent par baisser les armes face à une foule désarmée. Dans la réalité, il est probable qu’ils auraient commencé par tirer dans le tas, et que le général les commandant aurait profité de la vacance du pouvoir pour s’imposer au sommet de l’Etat !
Sur la forme, l’atmosphère est particulièrement bien rendue pour un film américain, sans abuser des effets spéciaux et des scènes d’actions. Hugo Weaving (l’agent Smith de Matrix) et Natalie Portman sont parfaits dans des personnages pleins de contradictions, et amenés à évoluer et à se rapprocher au fur et à mesure des évènements.
Le seul point faible du film est cette complaisance par rapport au terrorisme, censé être le seul remède à la dictature. L’expérience montre pourtant qu’un terrorisme généralisé (Irlande, Pays Basque, Palestine, Liban, Irak, etc.) ne règle jamais rien. Que le seul moyen d’arriver à renverser une dictature est au contraire la mobilisation pacifique de tous les citoyens (Révolution des Œillets portugaise, chute du bloc soviétique, révolutions oranges en Ukraine et Georgie, Philippines, etc.), quand ceux-ci arrivent à surmonter leurs peurs et s’unir contre le pouvoir en place, dès que celui-ci commence à se déliter. Ce n’est évidemment pas toujours facile et le succès n’est jamais assuré [4], mais la Démocratie se porte toujours mieux quand elle naît sans sang sur les mains.
Espérons que le Népal nous donnera dans les semaines à venir un nouvel exemple d’une issue heureuse.
Note: 8/10
[1] l’Allemagne de Hitler née après l’incendie du Reichstag, mais aussi la Russie de Poutine (pseudo attentats tchétchènes à Moscou) ou les USA de Bush (affaire de l’Anthrax) sont évidemment des références incontournables.
[2] Cf. sa superbe tirade en V: "Voilà! In View, a humble Vaudevillian Veteran, cast Vicariously as both Victim and Villain by the Vicissitudes of Fate. This Visage, no mere Veneer of Vanity, is it Vestige of the Vox populi, now Vacant, Vanished. However, this Valorous Visitation of a by-gone Vexation, stands Vivified, and has Vowed to Vanquish these Venal and Virulent Vermin Vanguarding Vice and Vouchsafing the Violently Vicious and Voracious Violation of Volition. The only Verdict is Vengeance; a Vendetta, held as a Votive, not in Vain, for the Value and Veracity of such shall one day Vindicate the Vigilant and the Virtuous. Verily, this Vichyssoise of Verbiage Veers most Verbose so let me simply add that it's my Very good honor to meet you and you may call me V."
[3] Auteur d’une tentative de destruction du Parlement anglais le 5 novembre 1605.
[4] Hongrie en 1956, Tchécoslovaquie en 1968, Tibet de 1959 à nos jours, Birmanie et Népal actuellement.
Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site officiel du film.
> Les critiques du film sur 'ObjectifCinéma', 'Telerama', 'Cinoche', 'CommeAuCinéma', 'EcranLarge', 'Excessif', 'FilmDeCulte', 'FinDeSéance'.
> sur les blogs d'Allociné, de 'Pangloss', 'Culturofil', 'AprèsTout'.
> La critique de la BD sur CritiquesLibres.
> Voir aussi "Hamlet" de Shakespeare (1603) pour le thème de la vengeance personnelle conduisant à éliminer la dictature.
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06/04/2006
Bhoutan (Druk Yul)
Le Pays du Dragon Tonnerre
Petite pause pour deux semaines de vacances dans un des derniers royaumes himalayens épargné par la mondialisation, mais coincé entre la Chine et l'Inde.
A l'heure où l'Asie entre à grand bruit dans le 21-ième siècle, sous le signe de la mondialisation, le petit royaume du Bhoutan, accroché au flanc de l'Himalaya, protège jalousement ses traditions et son mode de vie quasi médiéval. Au pied des vertigineux sommets éternellement enneigés, les forêts de rhododendrons et de magnolias, parées d'une infinie variété d'orchidées, sertissent les vallées verdoyantes recelant des trésors d'architecture. Le temps semble s'être arrêté autour des maisons traditionnelles, richement décorées de bois qui parsèment la mosaïque des champs, dominées par les impressionnantes silhouettes des dzongs. Spécificité bhoutanaise dans le monde himalayen, ces forteresses–monastères, où se concentrent les pouvoirs religieux et laïques, attirent chaque année la population des vallées à l'occasion des "tshechus", danses rituelles des moines. Chacun paré de ses plus beaux atours vient partager ces moments d'intense spiritualité, qui célèbrent les victoires de l'enseignement du Bouddha sur les forces obscures. Voyage exceptionnel dans un pays mythique, véritable conservatoire des modes de vie himalayens, où le tourisme est sévèrement contingenté et où le respect de l'écologie remplace la course à la modernisation. (Intermèdes)
La Suisse de l’Himalaya.
Situé au cœur des Himalayas, le Bhoutan (0,7 millions d'habitants autochtones et au moins autant d’immigrés, sur 47.000 km2) partage avec la Suisse (7,4 millions d'habitants sur 41.285 km2) un certain nombre de caractéristiques géographiques et historiques.
Il est essentiellement formé de petites vallées, entourées de massifs vertigineux et reliées entre elles par quelques cols. Il est peuplé de plusieurs ethnies aux cultures, langues et modes de vie différents (conséquence de l’isolement des vallées), mais soudés par une religion commune. Il est entouré de grands empires (Inde, Chine, Tibet, Népal) contre lesquels il a toujours dû se positionner. La formation du pays s’est faite au 17-ième siècle par une théocratie d’origine tibétaine (Bhoutan veut d’ailleurs dire 'peuplé de tibétains'), mais l’identité nationale s’est construite sur le rejet de cette hégémonie. La déliquescence du pouvoir temporel a conduit en 1907 à la formation d’une monarchie absolue, le premier roi étant le plus puissant des gouverneurs provinciaux.
Actuellement, il aspire à rester neutre et non-aligné, respectueux de l’écologie et des traditions, mais est obligé de se positionner par rapport à ses puissants voisins. Menacé par l’impérialisme chinois, il est totalement dépendant de l’aide militaire, technique et financière de l’Inde, ainsi que des subventions de trop rares donateurs (Suisse, Japon, …).
La petite taille du pays ne permet cependant pas d’établir de nombreuses relations internationales. Il ne possède par exemple que 6 ambassades (Inde, Bangladesh, ONU New York, ONU Genève, Thaïlande, Koweït) et 8 consulats honoraires (Belgique, Allemagne [2], Pays-Bas, Hong-Kong, Japon, Corée, USA) à l’étranger. Preuve du désintérêt de la majorité nos gouvernements, seules 10 représentations diplomatiques se sont installées à Timphu (Inde, Bangladesh, Thaïlande, Japon, Canada, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suisse, ONU).
Un pays plein de contradictions.
Jusque dans les années 1950, le pays vivait dans un régime féodal, complètement coupé du monde extérieur. L’invasion du Tibet par la Chine a eu pour conséquence un réveil brutal, l’ouverture des frontières et une recherche forcenée de la reconnaissance internationale (adhésion à l’ONU et aux grands organismes internationaux).
Cela entraîne quand même un écart de plus en plus grand entre le mode de vie traditionnel et l’implantation de la modernité.
Si l’Ouest du pays se modernise au contact de l’Inde; l’Est reste toujours difficilement accessible. La télévision (satellites, câble, depuis 1999) envahit les foyers, imposant des schémas culturels différents. Les bhoutanais, agriculteurs l’été, artisans et commerçants l’hiver, ne possèdent pas de traditions fortes dans les activités industrielles, commerciales et de services. Les emplois qui se créent dans ces domaines sont donc assurés par des immigrés (indiens, népalais) dont le nombre inconnu est certainement supérieur à la population d’origine.
Si le costume traditionnel est théoriquement obligatoire dans la journée ainsi que pour toute relation avec l’Administration, on observe que les plus jeunes sont de plus en plus tentés de passer au jeans et aux T-shirts de marques occidentales.
Si le pays est officiellement non-fumeur, de nombreux trafics avec les pays voisins permettent d’alimenter une population qui fume beaucoup quand elle est à l’abri des regards.
Si l’écologie fait partie des priorités nationales (70% d’espaces boisés et naturels protégés), on commence à noter des décharges sauvages dans certains endroits, polluées par des emballages qui ne sont plus biodégradables.
La régulation des naissances n’est pas encore complètement entrée dans les mœurs. Les bhoutanaises ont 4,7 enfants en moyenne. D’où des problèmes pour trouver de quoi construire de nouvelles maisons traditionnelles en bois, celui-ci étant fourni par l’administration en fonction des besoins et des ressources du pays. De même, les bandes de chiens errants prolifèrent, malades (gale, poux, …), peu nourris, mais étonnamment peu agressifs.
Bien que profondément bouddhistes (toutes les maisons ont leur autel privé), les bhoutanais sont également très joueurs et très superstitieux. L’argent circule donc beaucoup (paris, ‘dons’, …) d’une façon pas toujours très conforme à une morale orthodoxe. Le bétel est également très prisé et l’alcool (arak ou chang) offert volontiers, apportant une hébétude pas très conforme aux canons bouddhistes.
Perspectives.
Le régime évolue peu à peu de façon à se mettre en accord avec les standards internationaux. Une Constitution en cours d’élaboration doit permettre de passer à une monarchie constitutionnelle.
Comme les autres pays himalayens, le Bhoutan est riche de ses réserves d’eau et de son potentiel hydroélectrique, ce qui pourrait lui permettre de se procurer les devises indispensables à son développement.
Mais les déséquilibres de plus en plus marqués entre l’Est et l’Ouest, entre jeunes et vieux, entre paysans et nouvelle classe moyenne, entre émigrés et bhoutanais de souche, etc. risque de conduire à un scénario explosif comme celui que l’on constate par exemple en Chine et au Népal. La Chine peut être tentée de s’en servir pour sponsoriser des mouvements maoïstes dans l’est du pays, dans le but de conduire à l’éclatement du pays.
Il sera donc de la responsabilité du prince héritier, formé en Angleterre et qui doit être investi en 2008, d’arriver à conduire une modernisation prudente et mesurée, mais qui n’oublie personne. L’Est du pays, notamment devra être désenclavé (routes, héliports) et bénéficier des grands travaux d’infrastructures (barrages électriques, hôpitaux, écoles, …) nécessaires pour renforcer l’appartenance à la communauté nationale. Dans le cas contraire, le ‘Paradis Perdu’ que constitue le Bhoutan aux yeux de certains, risque fort de se transformer en un chaudron bouillonnant, comme tant d’autres avant lui.
Tourisme.
Disons le tout de suite, visiter le Bhoutan n’est pas donné à tout le monde (actuellement seulement 5000 touristes par an environ). Les tarifs sont élevés (compter 4500 à 5000 euros pour 2 petites semaines) de façon à restreindre le flot d’entrée à une population aisée. Les infrastructures hôtelières et routières ne sont en effet pas adaptées à un tourisme de masse, qui dénaturerait profondément l’ambiance décalée de la contrée. Il est par ailleurs obligatoire de passer par une agence de voyage agréée et de payer d’avance (tarifs fixés par le gouvernement d’au moins 200$ par jour, incluant guides, logement, repas, transports intérieurs), pour obtenir un visa et les autorisations pour se déplacer à l’intérieur du pays (contrôles systématiques à chaque changement de province).
La zone reste néanmoins incontournable pour qui voudrait se faire une idée d’une nation entrée dans la ‘modernité’ il y a seulement 50 ans, à condition de faire l’effort (longs trajets, confort sommaire) de pénétrer le plus possible au coeur du pays, le plus authentique.
L’accueil est toujours chaleureux et sincère, pour peu qu’on n’aille pas à l’encontre des coutumes locales (respect du roi, de la religion et des superstitions courantes).
La cuisine, essentiellement végétarienne, est très par contre répétitive et ne constituera pas un des intérêts du voyage, sauf pour ceux qui ont besoin de perdre un peu de poids.
L’altitude élevée nécessite par contre de ne pas avoir de problèmes cardiovasculaires (une vingtaine de touristes y décèdent chaque année, suite au mal des montagnes ou à des efforts physiques trop importants pour eux) et de se protéger du rayonnement ultraviolet très important.
Shopping.
Pas grand-chose à ramener, les seuls produits dignes d’intérêt produits par l’artisanat local étant relativement chers. On notera néanmoins:
· les objets religieux (thankas, peintures, sculptures, …) quoique assez proches de ce qu’on trouve dans le reste de la zone himalayenne.
· des vestes féminines en soie (portées traditionnellement par-dessus la robe).
· des objets en bambous tressés.
Les philatélistes n'oublieront pas par contre de se rendre à la Poste centrale de Timphu, où ils trouveront un choix conséquent de très beaux timbres de collection et d’enveloppes premier jour.
Lexique (Dzongkha, langue nationale d'origine tibétaine):
. Chorten: monument commémoratif bouddhiste (= stupa).
. Druk: Dragon.
. Drukpa: école religieuse locale.
. Dzong: Forteresse-Monastère.
. Gho: vêtement masculin traditionnel en coton ou en soie.
. Gompa: monastère.
. Khenpo: abbé d'un monastère.
. Kira: vêtement féminin (pièce de tissu enroulée et tenue par des épingles).
. La: col montagneux.
. Lhakhang: temple.
. Rinpoche: "Grand Précieux" (titre honorifique donné à un maître religieux).
. Thanka: peinture sur tissu.
. Toego: veste, en général en soie, portée par dessus la Kira.
Quelques informations complémentaires ci-dessous.
Bibliographie:
. "Le Bhoutan : Au plus secret de l'Himalaya": de Françoise Pommaret (Gallimard Découvertes).
. "Le Bhoutan : Voyage au pays de Bouddha": de Michaël Pitiot.
. "Bhoutan": de Françoise Pommaret (Guide Olizane).
. "Bhoutan: Le temps d'un Royaume": d'Olivier Föllmi (Photos du spécialiste de l'Himalaya).
Cinématographie:
. "Little Bouddha" (1997) de B.Bertolucci: tourné en grande partie au Bhoutan.
. "La Coupe" (1999): la coupe du monde de football 1998 vue, avec beaucoup d'humour, d'un monastère bhoutanais.
. "Voyageurs et Magiciens" (2004): sorti en Dvd en 2005 (voir "DvdCritiques").
Infos - Web:
. Office du Tourisme Bhoutanais.
. Sur "Wikipepia".
. Sur le site de "l'Université Canadienne de Laval"
. "La Maison des Himalayas": faits et chiffres.
. "Easy Voyage": Informations pratiques .
. "Les Amis du Bhoutan": association franco-bhoutanaise.
. "Amnesty International": encore des progrès à faire, mais la situation s'améliore.
. "Reporters Sans Frontières": une situation difficile due au monopole royal de l'information.
. Le "Bonheur National Brut": une mesure du bien-être de la population.
Photoramas:
. Sur "MarcoPoloNet": photos d'un voyage effectué en avril 2001.
. Sur "Northwest Summit": infos et photos d'un voyage fait en 2005.
. Sur "Tour du Monde 2006 2007" : récit et photos d'un circuit/trek de 4 semaines.
. Mes photos sur PicasaWeb.
Le Bhoutan en France:
. Le "Temple des Mille Bouddhas" (Dashang Kagyu Ling) et l'ex-pavillon du Bhoutan à l'exposition universelle de Hanovre (Allemagne) en 2000, à La Boulaye (Saône & Loire): construits et décorés par des artistes bhoutanais.
. la "Maison du Bouthan" à Paris: boutique d'objets artisanaux buthanais.
20:00 Publié dans Bouddhismes, Ethiques & Politiques, Le Village Global, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyages, asie, bouddhismes | Imprimer