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08/02/2006

Jack Palmer: L'Affaire du Voile

Caricatures et Reflet du Réel.

Caricaturer, c’est grossir le trait pour faire ressortir des défauts préexistants. Ce n’est pas diffamer ou dénigrer, en faisant des amalgames grossiers à des fins partisanes.
L’affaire des caricatures danoises montre que 'la liberté de blâmer', nécessaire à toute société démocratique est parfois confondue avec le droit de faire n’importe quoi aux dépends des autres. Mahomet n’était pas plus terroriste que ne l’étaient Jésus ou Marx. Leurs actions doivent de plus être replacées dans le contexte de leurs époques respectives.
En assimilant l’Islam au terrorisme de certains et en gommant d’un trait de crayon tous les musulmans modérés, les dessinateurs danois ne font que le jeu des extrémistes qu’ils prétendent condamner. Quoi de commun en effet entre un musulman noir américain, un arabe wahhabite, un chiite iranien, un sunnite berbère ou turc, ou les groupes soufis et ismaéliens ? Le respect d’un certain nombre de règles (les 5 piliers) basées sur le Coran. Leurs différences religieuses sont aussi nombreuses que les sociétés dans lesquelles se sont développés et exprimés ces différents courants, reflétant les divers contextes historiques et coutumiers.
On retrouve d’ailleurs les mêmes différences dans les autres religions. Quoi de commun en effet entre des catholiques polonais ou africains, des anglicans, des luthériens, des baptistes américains et autres évangélistes, des mormons, des coptes égyptiens, des arméniens, des orthodoxes grecs ou slaves, sinon le respect d’un (très) petit nombre de règles communes, et la sacralisation d’un livre interprété de façons si différentes.

C’est le mérite de Pétillon de nous livrer dans le style humoristique propre à ses 'Jack Palmer', une nouvelle 'Lettre Persane' sur les petits travers de la société française. Véritable 'Candide', Jack Palmer mène son enquête dans tous les milieux, des salafistes revendicatifs aux imams progressistes, des bobos branchés aux jeunes beurs sans avenir. De même que dans "l'Enquête Corse", il donne la parole à tous, soulignant les incohérences, la mauvaise foi, les extrémismes, les manipulations, la misogynie… Tout le monde en prend pour son grade, mais sans dénigrer personne et sans faire de procès d’intention.
Au final, un album équilibré, prônant la tolérance et l’amour du prochain, la discussion plutôt que l’invective. On est donc plus proche du "Munich" de Steven Spielberg que de certaines caricatures provocatrices et irresponsables.
On lui souhaite autant de succès que pour "L'Enquête Corse", unanimement appréciée aussi bien sur le continent que sur l’île de beauté.

Compléments:
> Interview de Pétillon sur "ToutenBD".
> Réactions musulmanes sur "LeMatin" (Suisse).
> Réactions de dessinateurs sur "LeMonde" (France).
> Le blog de "Michel Edouard Leclerc", PDG des magasins E.Leclerc, sponsor du Festival de BD d'Angoulême.
> Sur EuropeUs: l'affaire des caricatures danoises, ses dessous et leur publication en octobre dans un journal égyptien!.

04/02/2006

A & C, de Lewis Furey

Antoine et Cléopâtre : Orient vs Occident

Lewis Furey, c’est le compositeur et compagnon de Carole Laure, le metteur en scène de "Starmania".
"A & C", c’est "Antoine et Cléopâtre" de Shakespeare, repris en version 'théatre musical'.
Autant le dire tout de suite, le résultat n’est qu’à moitié satisfaisant. Si les comédiens/chanteurs/danseurs/musiciens sont particulièrement bons, si le choix des scènes extraites de la pièce originale permet d’avoir une intrigue assez complète et cohérente (mise à part la sous-intrigue des pirates, sans intérêt), il y a néanmoins de grosses lacunes du côté de la chorégraphie et du livret musical. Les paroles et musiques de Lewis Furey, sans être inintéressantes sont quand même loin de la grandeur tragique que le sujet réclamait. Le texte frôle quelquefois le ridicule, plus proche de la presse 'people' que d’une revue politico-stratégique.

Antoine et Cléopâtre, c’est quand même d’abord et avant tout une tragédie. Un conflit amoureux où les protagonistes accumulent les scènes de ménage. Une histoire d’adultères où les affaires privées se confondent avec les affaires publiques. L’honneur bafoué des épouses successives et de leurs familles se répercute sur celui de Rome toute entière.

Antoine et Cléopâtre, c’est aussi et surtout un choc culturel immémorial entre l’Orient et l’Occident. Une incompréhension mutuelle entre 2 modes de vie et de pensée difficilement compatibles. D’un côté l’Ouest: rationnel, logique, réfléchi, légaliste, rigoureux, simplificateur, … De l’autre l’Orient: irrationnel, intuitif, émotionnel, permissif, passionné, complexe, extravagant, sensuel, …
Cet antagonisme nous a également donné les conflits gréco-perses, les guerres puniques, l'éclatement de l’empire romain, les schismes entre catholiques et orthodoxes, la Guerre Froide, sans compter tous les conflits actuels au Proche-Orient.
Ce sujet méritait donc un peu plus que ce que Lewis Furey nous en a donné.

Note : 6/10

Compléments :
> Au Théâtre de la Ville (Paris) du 31/01 au 04/02/2006, plus une tournée en Province.
> Un bon point de vue québécois sur "MonThéatre".
> La critique mordante de "Radio Canada".
> Les réactions parisiennes ambiguës, vues du Québec sur "Canoe".

01/02/2006

Le Chien Jaune de Mongolie

Tout le monde décède, personne ne meurt

C’est l’été dans les steppes mongoles où se sont établis les nomades le temps des pâturages.
Nansa, 6 ans, revient de l’école lointaine où elle est obligée d’aller comme pensionnaire.
En vagabondant loin de ses parents, occupés aux travaux quotidiens, elle recueille un jeune chien abandonné, dans une grotte sans doute occupée par la meute de loups qui attaque de temps en temps les troupeaux.
Va-t-elle pouvoir le garder, malgré l’opposition de son père qui a peur de son retour à la vie sauvage ?
C’est tout le suspense de ce film, qui sur une trame très simple et un rythme calqué sur celui de la nature, nous conte la vie quotidienne d’une famille vivant encore sous la yourte, interprétée par une vraie famille de nomades, non professionnels.
De la surveillance des bêtes à la fabrication du fromage, des jeux des gamins aux traditions religieuses (chamanisme et bouddhisme), c’est toute une tranche de vie en voie de disparition que nous découvrons avec les yeux innocents des enfants, leurs questions candides et la sagesse tranquille de leurs aînés.
Car par petites touches (la conversation entre les chasseurs, les objets ramenés de la ville, les campements abandonnés, la question des élections, …), la 'modernité' est là pour souligner le contraste entre cette vie tranquille et les bouleversements induits par l’urbanisation croissante de la société.

Filmé par Byambasuren Davaa ("L'histoire du chameau qui pleure"), dans une production germano-mongole, ce film est un vrai bonheur, porté par des acteurs merveilleux de naturel dans les paysages grandioses de la Mongolie du nord.
A voir par tous ceux qui ont aimé "Samsara", "Himalaya, l’enfance d’un chef" ou "Bombon el perro" par exemple.

Note : 9/10

> Fiche Cinéfil

Compléments :
> Les critiques de "EcranLarge", de "Critikat", de "Les Echos", de "CommeAuCinéma", du "Routard".
> Interview de 'Byambasuren Davaa'.

28/01/2006

Munich

Œil pour Œil …

Munich, Septembre 1972.
Les athlètes israéliens aux JO sont pris en otages par un commando palestinien demandant la libération de 200 de leurs compatriotes, puis abattus lors de l’intervention, ratée, des policiers allemands. Bilan : 11 morts d’un côté, 5 de l’autre.
En représailles, l’aviation israélienne bombarde des camps palestiniens en Syrie et au Liban, mais ce n’est pas assez pour le gouvernement de Golda Meir. Une équipe d’assassins est créée pour abattre les supposés commanditaires et organisateurs de la prise d’otage.

N’ayant jamais tué personne, ils vont progressivement y perdre leur innocence, devenant des machines à verser le sang, des techniciens de la mort, aussi imperméables aux sentiments que les SS des camps nazis. Leurs méthodes sont les mêmes que celles de leurs adversaires, ils planquent dans les mêmes caches, ils achètent leur matériels aux mêmes fournisseurs (Cf. "Lord of War"), ils collaborent tous deux avec la CIA. Ils sont responsables du même genre de bavures quand des innocents se trouvent là, au mauvais endroit, au mauvais moment. Cela ne les empêche pas d’être des hommes apparemment comme les autres, bons pères et bons maris. Mais un homme entraîné à tuer est-il capable de redevenir un véritable être humain, capable de se regarder dans la glace et de dormir du sommeil du juste ?

Les représailles ont-elles mis fin au terrorisme ?
Evidemment non. Au contraire, la violence a engendré la violence. Attentats, assassinats et bombardements n’ont cessé de se multiplier jusqu’à aujourd’hui, favorisant les factions les plus radicales.
Car plus qu’un conflit entre 2 communautés religieuses, c’est d’abord un conflit géographique où il s’agit de partager une terre et des ressources (eau, …) dans un lieu légitimement occupé par tous depuis la nuit des temps.
Seules les négociations d’Isaac Rabbin (assassiné par des extrémistes juifs) et le retrait de Gaza par Ariel Sharon (maudit par les colons et les rabbins) ont permis un début de solution.

Le propos de Spielberg se situe donc dans une perspective humaniste, où les extrêmes sont renvoyés dos à dos, et où le dialogue est prôné comme une solution incontournable.
Notons que ce film a fait l’objet de virulentes critiques de la part des plus radicaux, reprochant à Spielberg d’être anti-israélien et même antisémite, pour avoir présenté les palestiniens autrement que comme des monstres assoiffés de sang. Le ridicule de cette affirmation suffit à prouver que Spielberg a frappé juste.

La fin du film sous fond de 'Twin Towers', montre également que le sujet ne peut se réduire au conflit israélo-palestinien, et que d’autres dirigeants devraient reconsidérer leurs politiques de représailles aveugles.
Si, à l’inverse de nombreux autres conflits, la 2-ième Guerre Mondiale a pu être suivi d’une vraie réconciliation entre les belligérants européens, c’est d’abord grâce au Tribunal de Nuremberg qui a jugé les criminels de guerre selon le droit international. Pas en alimentant sans fin le cycle infernal de la violence.

Oeil pour oeil, la loi du Tallion nous rendra tous aveugles! (Gandhi)

Note : 9/10

> Fiche Cinéfil

Compléments :
> "Vengeance": le livre du journaliste canadien George Jonas, dont s’est inspiré Spielberg.
> Un article du Point qui fait un très bon récapitulatif.
> Quelques bonnes critiques dans "FilmDeCulte", "DvdCritiques", "Idea Entertainement" et "In the mood for cinéma".
> "Un jour en Septembre", documentaire (oscarisé) de Kevin Mac Donald sur le sujet.
> "L’histoire des 3 Adolf" de Osamu Tezuka (4 tomes) pour une autre vision, plus bouddhiste mais finalement très proche, du conflit israélo-palestinien, à partir de ses origines dans la Shoah.

26/01/2006

Brûlez Rome (Urite Romam)

Caveant consules …

… ne quid detrimenti respublica capitat (Que les consuls prennent garde, afin que la république n’éprouve aucun dommage).
Cette formule était prononcée par le sénat romain, lorsqu’il accordait aux consuls les pleins pouvoirs dans les moments de crise. Il est amusant de constater que l’Histoire se répète souvent, mais que les leçons du passé sont souvent oubliées, notamment par ceux censés être en charge de la 'chose publique'.

Rome sous Néron.
La ville est un melting-pot de citoyens, d’esclaves, d’affranchis, d’étrangers avec une hiérarchie complexe et très inégalitaire. Selon son origine, sa naissance, sa richesse, ses relations, son âge et son sexe, on a une vie qui va de la puissance absolue à la misère la plus profonde. Les classes dirigeantes vivent dans un luxe inouï. Les esclaves n’ont absolument aucuns droits, ni pour eux, ni sur leur famille. Les vrais citoyens ne s’en sortent pas trop mal, grâce à la richesse de l’Empire, et la politique du "pain et des jeux du cirque". L’ascenseur social reste néanmoins possible pour certains dans les secteurs à risque (commerce, armée, vigiles, gladiateurs, …).
En 61, suite à l’assassinat d’un préfet par un esclave, le sénat a fait exécuter 400 d’entre eux à titre d’exemple, les affranchis de ce préfet n’échappant à la mort que grâce à la clémence de Néron, en conflit ouvert avec les sénateurs. Pendant les délibérations, il vaut mieux pour eux de raser les murs pour échapper aux contrôles de police.
En juillet 64, l’été est chaud, le vent tourbillonnant. La ville est périodiquement victime de tensions sociales, de rixes, d’émeutes, de départs de feux accidentels ou allumés par des spéculateurs immobiliers. La ville est en grande partie détruite, malgré les efforts des vigiles (pompiers) et de l’empereur qui accourant de sa villa d’Antium, fournit aides et refuges aux sans-abris.
Les 'racailles' de l’époque en profitent pour piller la ville, et pour apaiser les esprits de ceux pour qui seule compte la manière forte, on accuse un groupe religieux minoritaire (une secte originaire de Palestine) dont les coutumes heurtent le 'sens commun'.

Toute ressemblance avec des situations récentes n’est sans doute pas une coïncidence.
Quand des parlementaires réclament des peines collectives maximales envers des minorités visibles accusées de pillages, mais maintenues dans une position politique et économique très en dessous des autres classes de la société, on se dit qu’en 20 siècles, on a pas beaucoup avancé.
La politique du bouc émissaire n’a également pas vraiment changé. On a seulement remplacé les chrétiens par les musulmans, les caves des immeubles remplaçant les catacombes comme seuls lieux de culte possibles.
Il est également assez cocasse de voir la polygamie, certes illégale, considéré comme une des causes du sous-développement de ces minorités, alors qu’on glorifiait dans le même temps le règne de François Mitterrand, ses maîtresses et sa fille adultérine.

O tempora! O mores!

Note : 8/10

Compléments :
> L’émission de France5 diffusée en décembre 2005.
> La fiche du film et le contexte historique.
> L'incendie de Rome.
> La fiche du DVD zone2.
> The French Democracy: les émeutes dans les banlieues françaises fin 2005, vues de l'intérieur.