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24/02/2006

Le 'Little Bouddha' de Bara (Nepal)


Caricatures et Sensationnalisme (suite)

Après les caricatures danoises assimilant tous les musulmans à de dangereux terroristes, c’est au tour de la communauté bouddhiste de faire l’objet de campagnes de presse d’une stupidité consternante (voir aussi ici).

Les faits : un adolescent de 15/16 ans effectue depuis mai dernier une retraite méditative, conformément aux prescriptions bouddhistes qui prévoient une durée de 3 ans, 3 mois et 3 jours. Habitant la région, il jeûne en méditant sous un banian, non loin de l’endroit où le Bouddha historique l’avait lui-même fait.

A partir de là, un certain nombre d’esprits simples et/ou mal informés voudraient en faire la 'réincarnation' de Siddharta Gautama. Une affirmation particulièrement stupide, qui montre la parfaite méconnaissance de l’Histoire et des doctrines bouddhistes par les journalistes occidentaux qui propagent cette information. En effet, l’Eveil du Bouddha est censé lui avoir permis d’atteindre le Nirvana, interrompant par définition la chaîne de ses renaissances.
Ram Bahadur Banjan, n’a lui-même, et pour cause, jamais reconnu être la réincarnation de qui que ce soit. Les occidentaux se font par ailleurs une très fausse idée de la transmigration spirituelle, qui n’a en fait rien à voir avec l’idée chrétienne consistant en la ré-incarnation d’une âme une et indivisible dans un corps tout neuf.
A les écouter, tous les pratiquants de techniques méditatives devraient-ils être considérés comme des Bouddhas ? Y compris les moines chrétiens, les yogis hindous, les chamans indiens ou les soufis musulmans ?
On entretient également une grande confusion sur la notion de jeûne. Dans un Occident où une consommation excessive est 'La' règle de vie, on doute de la possibilité de rester très longtemps sans manger. Pourtant, tous les musulmans jeûnent pendant un mois lors du Ramadan, le Carême chrétien est par définition de 40 jours, une grève de la faim peut atteindre 2 mois, et on ne compte pas les périodes d’hibernation de nombreux mammifères. Par ailleurs, le Bouddhisme n'interdit pas de s'alimenter pendant une longue méditation. Au contraire. Toute attitude extrême dans ce domaine serait contraire au principe de "la voie du milieu".

Journaux et télévision ne font que rester à la surface des choses (le poids de mots simplistes et le choc d'images racoleuses), en y plaquant une mentalité occidentale, sans chercher ni à vérifier les faits, ni comprendre la réalité du terrain, ni les espoirs suscités par un fait inhabituel parmi une population pauvre et peu éduquée.
On y retrouve pourtant le même attrait craintif que pour le tirage du Loto ou les larmes des Vierges miraculeuses au Vietnam (Saigon) ou ailleurs.
Le but recherché est seulement le sensationnalisme, pour ébahir les occidentaux avec des faits exotiques. On reste dans le domaine des monstres de foires du 19ième siècle et des expositions coloniales exhibant des 'sauvages arriérés'. Il aurait évidemment été moins vendeur d’expliquer ce que sont vraiment la méditation, le bouddhisme, son histoire et ses traditions.

A noter : selon la tradition bouddhiste, reprise par certains mouvements new-age, le Bouddha du futur (Maitreya) naîtra en occident (les terres de l’ouest) pendant le règne de Shamballa, (vers 2425 après JC) après une période de guerres et de désolations équivalente à l’Apocalypse chrétienne. On a donc encore le temps d’attendre.

Compléments:
> "LeDevoir" (canadien) du 28/11/05.
> "ParisMatch" (français) du 29/01/06.
> "Envoyé Spécial" (France2) du 23/02/06.
> Des réactions sur un blog, ainsi que sur "Bouddhisme et Occidentalité".
> Un peu plus d’infos (en anglais) sur "BuddhistChannel".
> "La Méditation pour les Nuls": pour une approche de la méditation simple et compréhensible par tous.
> Les aspects cliniques et médicaux de la méditation sur "PasseportSanté", "Zen-Deshimaru" et "DeepSound Blog".
> "La Rencontre du Bouddhisme et de l’Occident", pour un récit des incompréhensions occidentales sur le Bouddhisme depuis Alexandre le Grand jusqu’à aujourd’hui.
> Le film "Samsara" : pour une vision plus réaliste de la méditation dans un environnement himalayen. Voir aussi cette critique.

19/02/2006

Le Nouveau Monde (The New World)

Le Paradis Perdu de Pocahontas

Encore un superbe film de Terrence Malick, aussi sensitif et habité que "The Thin Red Line". Comme beaucoup d'européens, je ne connaissais que vaguement la légende de Pocahontas, pourtant un des mythes fondateurs des USA, n’ayant même pas vu le dessin animé de chez Disney.
J’ai été ébloui. On retrouve dans cette histoire tout le tragique des amours d’Hélène et Pâris [1], ou celui des "Dames du Lac" de Marion Zimmer Bradley [2] qui conte la fin de la civilisation druidique britannique colonisée par le christianisme médiéval romain.
Le monde indien est une civilisation chamanique basée sur le respect de la Nature, du rythme des saisons, où règne une vraie harmonie entre les hommes et les autres occupants de l’Univers. En cela, il s’oppose totalement aux valeurs occidentales où les techniques, les conventions, la soif du profit sans limites, l’intolérance religieuse conduisent à la pollution de l’environnement, aux conflits de personnes, à l’exploitation systématique d’autrui. Cela est bien montré dans le film par les chercheurs d’or mourant de faim, la disparition des poissons, le cannibalisme, les rebellions continuelles, les terres dénudées, le fort boueux et insalubre, les maladies causées par cet environnement malsain.
Le film prend principalement le point de vue de Pocahontas, depuis l’arrivée des bateaux jusqu’à la découverte de la cour du roi James, des maisons de pierre et des jardins 'à la française'. Elle est la victime innocente de ce choc des cultures, trompée par ses sentiments, incapable d’imaginer le double langage de John Smith, aventurier aventureux pour qui la fuite en avant est une seconde nature, et incapable d’apprécier le bonheur quand il se présente à lui.
Pocahontas, comme "Mme Butterfly" de Puccini quelques siècles plus tard, finit littéralement tuée par l’occident, la maladie qui l’emporte mais aussi et surtout l’impossibilité de s’accorder à un monde dont les valeurs ne sont pas les siennes. L’Amour dans ce contexte n’est fait que d’incompréhensions mutuelles, que ce soit avec John Smith ou avec John Rolfe, et est voué à l’échec malgré le désir commun et les concessions réciproques.
L’échec de cet amour est aussi celui de l’Utopie, celui de créer une société nouvelle débarrassée de ses défauts, telle que la rêve John Smith en débarquant en Virginie.
Comme Adam et Eve croquant la pomme, Pocahontas et John Smith inaugurent aussi malgré eux une ère de violence, de trahisons et de douleurs [3] et contribuent à la fin du paradis originel [4].
Exit donc le rêve d’une nation métisse dont ils auraient été les fondateurs, les héros trop immatures n’étant pas à même d’endosser le poids de l’Histoire, et début du génocide de la nation indienne repoussée toujours plus loin par le fer et le feu [5].
Le film retranscrit très bien cela, avec un rythme lent, s’arrêtant sur chaque brin d’herbe, nous laissant savourer le chant des oiseaux, le glougloutement de l’eau ou le bruissement du vent dans les branches. Peu de dialogues, majoritairement intérieurs, mais les hésitations, les silences et les expressions des corps et des visages sont souvent plus parlants que bien des scénarios bavards. Q’Orianka Kilcher (15 ans!) notamment, illumine l’écran de sa présence.
A voir donc par tous ceux qui ne sont pas allergiques à un cinéma méditatif, à mille lieux des films 'historiques' habituels (comme le médiocre "1492" de Ridley Scott, par exemple).

Note: 8/10

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> Le site du film (vf).
> Rappels historiques: Pocahontas et les indiens de Virginie.
> Les critiques quasi-unanimes de Critikat, Excessif, CommeAuCinéma, Fluctuat, FilmDeCulte, Ecran Large, LeMonde, Cronic’art, Mulderville.
> Sur les blogs: CriticsOnline et SebInParis.

Connexions :
[1] à voir et lire: "La Guerre de Troie n’aura pas lieu" de Giraudoux sur le poids du destin, et l’impossibilité pour quelques individus de s’opposer à une catastrophe annoncée.
[2] voir également "Les Brumes d’Avalon" très bonne adaptation faite par TNT et disponible en DVD.
[3] sur la violence à l’origine de la société américaine moderne, voir "Bowling for Columbine" de Michael Moore, "Gangs of New York" de Martin Scorcese ou "A History of Violence" de David Cronenberg.
[4] Cf. "Le Paradis Perdu" de John Milton, traduit par Chateaubriand.
[5] Cf. "Le Dernier des Mohicans" d'après Fenimore Cooper.

16/02/2006

Campagne 'Stop Pub' 2006 de l’ADEME

Gaspillage de papier: Non Merci!

Chaque année 1 million de tonnes de prospectus, publicités et journaux gratuits non sollicités sont déposés dans les boites à lettres françaises (environ 40 kg par foyer).
Comme pour le spam de nos messageries électroniques, cette avalanche de paperasse part en général directement à la poubelle sans être lue. Elle nous coûte néanmoins très cher, environ 200 € la tonne pour sa collecte et son traitement par la collectivité, sans compter le surcoût des produits qui font l’objet de ces publicités massives.
Il n’existe malheureusement pas en France de réglementation permettant de limiter cette agression permanente.
A l’initiative du ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) diffuse un autocollant 'Stop Pub', analogue à ceux qui sont obligatoires en Europe du Nord. En 2004, lors d’une précédente campagne, 3 millions d’autocollants avaient déjà été distribués, permettant de toucher environ 5% des foyers français. Même si ces autocollants ne sont pas toujours très respectés par les distributeurs, ils apportent néanmoins un progrès sensible, les 2 principales entreprises de distribution, Mediapost (filiale de LaPoste) et Adrexo, s’étant engagées à en tenir compte.
L’objectif de cette année est de toucher 15% de la population, correspondant aux 15% de personnes déclarant ne jamais tenir compte des prospectus distribués par ce canal.
La marge de progression est donc importante, et permettrait une économie non négligeable pour tous les acteurs de la filière.
Malheureusement, les autocollants ne sont disponibles que par l’intermédiaire des collectivités locales, à moins de télécharger et d’imprimer soi-même le modèle fourni, ou d'utiliser ceux qui sont diffusés par certains magasins et associations.
Par ailleurs, vu le peu de publicité faite à cette campagne, on peut douter de son efficacité, à moins qu’elle ne soit relayée par les associations écologistes et anti-pubs.

Compléments :
> Plus d’infos sur le site de l’ADEME.
> Le site des Anti-Pubs.
> l’action des magasins Auchan.

12/02/2006

La Véritable Histoire du Petit Chaperon Rouge (Hoodwinked!)

Promenons-nous dans les bois

La bonne surprise du mois!
Une parodie dans la lignée de "Shrek", en moins 'crado', visible aussi bien par des enfants que par des adultes, grâce aux nombreuses références cinématographiques sous-jacentes (les films noirs des années 50, les Tex Avery, les James Bond, "Usual Suspects", "Mission Impossible", "XXX", "Pulp Fiction", "l’Age de Glace", …).

La structure à la "Rashomon", où chacun des principaux personnages raconte son point de vue, permet de confronter les réalités partielles, et s’apercevoir que la Vérité est complexe et pas facile à saisir au premier abord.
On est loin des mièvreries à la Disney, y compris dans les quelques chansons à clefs multiples. Les seconds rôles ont une vraie personnalité et ne servent pas seulement de faire-valoir. La critique sociale pointe également un peu le bout de son nez avec le loup, coupable à priori du 'délit de sale gueule', ou les faillites en série causées par une volonté de domination monopolistique.

Certes l’animation est un peu rigide, les personnages pas très beaux, les décors en carton-pâte numérique, mais on s’y fait rapidement, grâce à la qualité du scénario, sans temps morts et à l’humour constant.
Il faut quand même savoir que c’est une petite production indépendante, au budget loin de celui des grands studios. On rêve à ce que ça aurait donné s’ils avaient eu les moyens des nombreux navets sortis récemment ("Gang de Requins", "Chicken Little", "Robots", "Vaillant", …)
Bref, un petit film indispensable pour rire un bon coup et se remettre de la déception des "Bronzés 3".

Note : 9/10



Compléments :
> La fiche Cinéfil.
> Le site du film (vf).
> Infos sur sa génèse sur Excessif et CommeAuCinéma.
> Quelques bonnes critiques sur Excessif, Critikat et DvdCritiques.

10/02/2006

Le respect du aux prophètes...

« Les groupes des Etats de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) aux Nations Unies se sont déclarés profondément préoccupés par les développements résultant de la publication des caricatures représentant le Prophète Mohamed sous prétexte de la "liberté d'expression".

Dans un communiqué, diffusé mercredi à New York, le groupe arabe réaffirme ainsi la nécessité pour les gouvernements des pays où les caricatures blasphématoires ont été publiées de condamner officiellement ces dessins et d'appeler leurs journaux à contribuer à l'approfondissement du dialogue entre les civilisations, les cultures et les religions et à réaffirmer leur respect de toutes les religions et les croyances.
"Ceci contribuera à calmer la colère populaire dans les pays islamiques", colère derrière les actes regrettables de violence qui ne correspondent pas aux principes et valeurs de tolérance de l'Islam, souligne le groupe arabe.
Il rappelle encore une fois la nécessité pour l'ONU et la Communauté internationale de remédier au mal qui a été fait à l'Islam et de veiller au respect de tous les religions et prophètes.
Le Groupe arabe appelle également l'ONU et la Communauté internationale à prendre les mesures nécessaires pour garantir que de tels agissements ne se répètent plus jamais à l'avenir et pour en assurer à cet égard l'entière responsabilité aux Etats.
Pour sa part, le Groupe des Etats de l'Organisation de la Conférence Islamique aux Nations Unies a lui aussi appelé dans un communiqué similaire les pays occidentaux à entreprendre des actions pour éviter à l'avenir de telles exactions.
Il a également appelé les manifestants musulmans à la retenue et au calme, une conduite pacifique qui correspond à l'esprit de la religion islamique.
Le Groupe de l'OCI exhorte également les Etats, les organisations régionales, les ONG, les organismes religieux et les médias à promouvoir le respect dû aux religions et à éviter la diffamation touchant les religions, les prophètes et les croyances qui sont de nature à inciter à l'intolérance, à la discrimination, à la haine et à la violence.
» (Aujourd’hui LeMaroc)

C’est bien dit, mais ça serait plus crédible si ce type de discours était accompagné d’actes du même genre.

En mars 2001, les talibans afghans détruisaient les 2 Bouddhas géants de Bamiyan, simplement coupables d’être la représentation d’un être vivant, par ailleurs fondateur, au même titre que Mahomet, d’une des plus importantes religions mondiales.
Les photos des destructions avaient été fièrement affichées dans de nombreux pays musulmans (j’en ai vu au Pakistan en avril 2001) sans provoquer de réactions des gouvernements en place.
On espère donc que les responsables arabo-musulmans en profiteront enfin pour condamner ces exactions, et s’excuser de cet outrage pour toute la communauté bouddhiste.

Compléments:
> Les talibans contre Bouddha sur le site de L'Association Internet pour la promotion des Droits de l'Homme (photos ici).
> La situation en 2002 dans la "Lettre de l’Université Bouddhique européenne".
> Sur "Buddhist Channel": l'aide apportée par les saoudiens et les pakistanais.
> "Les Bouddhas Géants" un film de Christian Frei, sorti en Suisse et au Canada (DVD disponible en décembre 2006).