Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/03/2006

Mémoires d’une Geisha (Memoirs of a Geisha)

Des 'maisons des fleurs' … artificielles.

Après "Le Dernier Samouraï", Hollywood continue d’exploiter le filon exotique et nous propose une 'distraction' sur le thème des Geishas.
Si ceux qui ne connaissent rien au Japon, pourront y trouver de quoi satisfaire leur curiosité, les autres risquent d’être un peu déçu d’y voir un remake oriental de films comme "A star is Born" ou "The Rose".

"La petite Chiyo, né dans un milieu pauvre, finira à force de travail et grâce à sa bonne étoile, à devenir une star adulée et trouvera l’amour auprès d’un riche industriel, malgré les embûches qui ne cessent de se dresser sur son chemin." (C’est beau comme du Barbara Cartland!)

Certes, les costumes et les décors sont superbes, malgré le tournage en studio, les actrices crédibles malgré leurs origines chinoises, mais le scénariste a pris de grandes libertés avec la réalité japonaise du début du 20-ième siècle pour la faire coller au goût américain, et ça se voit malheureusement un peu trop.

Personnellement, 2 scènes m’ont choqué.
La première se passe dans un théâtre. Sayuki se comporte alors comme une star de Broadway (Rob Marshall devait encore se croire dans "Chicago"), et finit avec des mouvements désordonnés (sur fond de musique presque techno), dans un style absolument contraire à tout ce que représentent les Geishas, gardiennes des traditions musicales et artistiques du Japon.
La deuxième est ce 'happy end' typiquement hollywoodien, où Sayuki finit dans les bras de son PDG adoré et l’embrasse à pleine bouche !
Il ne faut vraiment pas connaître le Japon, et pas avoir vu beaucoup de films japonais pour avoir imaginé 2 scènes pareilles, totalement contraires à l’esprit japonais traditionnel, ou l’on différencie totalement ce qu’on ressent et ce qu’on montre.

A voir uniquement pour les images donc. Pour mieux connaître les Geishas, on verra plutôt les films de Kenzi Mizoguchi ("Les Musiciens de Gion", "La Fête à Gion", …) et on lira les mémoires de véritables geishas.

Note : 6/10

Compléments :
> "Geisha": le 'best-seller' contreversé de Arthur Golden, dont est tiré le film.
> On lui préfèrera "Mémoires d’une Geisha" de Yasushi Inoué, ou "Ma vie de Geisha" de Meneko Iwasaki, nettement plus authentiques.
> Une critique très détaillée (et un peu excessive) de "Cinémasie".
> Autres critiques intéressantes sur "Fluctuat", "Excessif", "Arte", "LesEchos", "FilmDeCulte".
> Sur les blogs: "Krinen", "CinéQuaNon", "CriticsOnline", "IdeaEntertainment".

08/03/2006

Maria Dolorès, de Wayn Traub


Yin et Yang: La Vierge et la Madone.

Difficile de raconter "Maria Dolorès", première grande création (2002) de Wayn Traub, dandy esthète dans le droit fil d’Oscar Wilde. La pièce est longue, complexe, foisonnante et brasse les grands thèmes philosophico-religieux de notre société occidentale. A la représentation de mardi, quelques rares personnes (âgées) sont parties au bout d’une demi-heure, quelques autres ont hué à la fin, mais les applaudissement ont été nourris, preuve que le public parisien avait apprécié, même si les conversations montraient qu’il n’avait apparemment pas tout compris.

La pièce mixte la performance de 2 actrices sur scène, avec un film diffusé dans le fond qui explique et commente l’action de façon décalée. Ce dispositif est proche du 'benshi' japonais, où des comédiens jouent et commentent devant un film muet. Le dispositif scénique est sobre, surmonté d’une couronne d’épines lumineuses, et joue essentiellement sur les jeux de lumières, et les interactions entre la scène et le film diffusé en continu.

Maria Dolorès, c’est Maria et Dolorès (les religieuses), Marie et Dolly (les actrices), la Vierge et les douleurs (de l’enfantement, des contritions), les 2 faces d’une même pièce, les 2 aspects d’une même réalité Yin et Yang. La pièce joue en permanence sur les oppositions: jeune/vieille, blonde/brune, classique/moderne, blanc/noir, lumières/ténèbres, vie/mort, vierge/démon, etc. Les thèmes abordés sont ceux de la vie, de la vieillesse, de la mort, de la naissance, du désir, des illusions, des regrets...
Sur scène, le conflit s’installe entre la Mère supérieure d’un couvent médiéval, orpheline de naissance, dont les pénitences sont un chemin pour trouver la voie vers sa mère, assimilée à la Vierge Marie, et la jeune novice, spontanée, qui accumule les visions d’une 'Dame' auréolée de lumière, mais munie d’une faux et d’un miroir.
En parallèle dans le film, 2 actrices belges, l’une jeune-wallonne-blonde-moderne-delurée, l’autre âgée-flamande-brune-classique-complexée, se préparent à jouer la pièce et s’immergent dans leurs rôles. Elles sont filmées en permanence par une caméra de télé-réalité, le réalisateur étant le compagnon de l’une et devenant l’amant de l’autre. On y trouve aussi les tractations des producteurs, un dessin animé iconoclaste sur la relation Joseph/Marie, un concert symphonique, une pseudo émission littéraire confrontant l’auteur supposé du texte et un critique professionnel jargonnant.
Le film est donc à la fois un écho moderne de l’histoire de base, un 'making-off', un commentaire de l’action, une critique du milieu théâtral traditionnel, le tout s’interpénétrant et permettant une meilleure compréhension de l’ensemble.

A la fin, la boucle est bouclée telle un ruban de Möbius qui se retourne sur lui-même. Brune et blonde ont échangés leurs rôles, la jeune est devenue mère, on retrouve la brune dans la peau de l’enfant orpheline, l’apparition invisible est devenue visible, la vivante est morte, la morte a repris vie. Les différents éléments disparates ont finit par converger en une impressionnante cohérence, mettant en évidence la qualité du travail d’écriture et de montage des concepteurs.
Wayn Traub, concepteur-scénariste-scénographe-chorégraphe-metteur en scène, participe également, par le mime et une voix off, en assurant un prologue et un épilogue, proche du théâtre classique élisabéthain (Cf. "Roméo & Juliette" par exemple). Les actrices-comédiennes-scénaristes sont particulièrement impressionnantes, de par leurs performances scéniques et filmiques.

En bref, un petit chef d’œuvre, à recommander à ceux que n’effraient pas une création artistique difficile, mais très stimulante pour l’esprit de celui qui la regarde. Par contre, ceux qui n’ont pas aimé "Le Nouveau Monde" ou "Syriana", par exemple, feront bien de ne pas s’y frotter, ils ne pourraient qu’en sortir déçus.

Compléments :
> Wayn Traub vu par L’Humanité (France).
> Wayn Traub au Théatre de la Ville de Paris en mars 2006.
> Wayn Traub au Festival de Genève en septembre 2005.
> Le film "Maria Dolores" qui est sorti de façon indépendante en 2004.
> "El Automovil Gris" : un benshi nippo-mexicain, passé le 01/04/2004 au Festival de l’Imaginaire de la Maison des Cultures du Monde (Alliance Française, Paris).
> "Epidemic" de Lars Von Trier pour un mélange fiction/réalité analogue dans un univers cinématographique.

07/03/2006

Le ‘LongLong’ Voyage de 3 Papous en France

Après les Persans de Montesquieu, le Huron et le Candide de Voltaire, la France a reçu en 2003-04 la visite de 3 authentiques papous de Nouvelle-Guinée.

Invités par le photographe Marc Dozier (du magazine "Grands Reportages"), qui avait passé quelque temps chez eux en 2002, ils ont pu explorer pendant 4 mois les tribus françaises, et analyser selon leurs critères le comportement de nos contemporains.
Les photos de leur périple et les commentaires associés se retrouvent actuellement sur Internet et au Musée de La Poste de Paris, et feront l’objet d’un ouvrage à paraître en novembre 2006 aux éditions Indigènes.
Une salutaire remise en cause du nombrilisme occidental en général, et franco-français en particulier.

La même équipe cherche maintenant à prolonger cette expérience et faire en 2007 un grand Tour du Monde. Tous les renseignements sont disponibles sur le site de Marc Dozier: www.letourdumondedespapous.com.

Compléments :
> Une interview sur L’Internaute.
> L’exposition du Musée de LaPoste.

05/03/2006

Witch Hunter Robin

Chasse aux Sorcières & Coexistence des Communautés

Tokyo de nos jours : une unité spéciale d’une organisation secrète, qui dépend de la 'Sainte Inquisition' de Rome traque les 'sorciers': des individus manifestant des pouvoirs mentaux jugés dangereux pour la société.
Comme pour les "X-Men", ces pouvoirs ont une origine génétique et s’expriment en général au moment de l’adolescence. Les individus concernés sont donc tracés en permanence par la police (fichiers généalogiques) et interpellés lorsque leurs activités laissent craindre une menace pour le genre humain.
Pas de bûchers comme dans les temps anciens, mais pas de procès non plus, et pas de défense possible comme dans toute bonne société totalitaire. Considérés comme non-humains, ils sont condamnés d’avance à une mise à l’écart dans une prison secrète mal définie.
Comme dans "Minority Report", le point de vue celui des 'chasseurs', sûrs de leur bon droit et dévoués à la protection du public, mais qui vont finir par se poser des questions sur leur rôle véritable. Où est en effet la limite entre innocents et coupables ?
Les chasseurs eux-même possèdent des caractéristiques intermédiaires entre les sorciers et les humains normaux. Dans ce cas, où tracer la différence entre le chien et le loup ?

Cette série reprend certains des thèmes liés aux 'surhommes' cachés au sein de l’humanité. Depuis les héros et demi-dieux de la mythologie antique jusqu’aux 'mutants' chers aux 'comics' américains, en passant par les sorcières du Moyen-Age et les 'Grands Maîtres' des sociétés secrètes ésotériques. On peut aussi penser à la chasse aux intellectuels subversifs par les polices politiques dans les régimes totalitaires.
Comme toute minorité aux origines ou au modes de vie légèrement différents, ayant des 'pouvoirs' craints parce que fantasmés, les sorciers sont les boucs émissaires tout trouvés pour les problèmes affectant la communauté.
L’ambiance, due au mélange entre pouvoirs moyenâgeux et modernité des moyens répressifs, est proche de "X-Files" ou de "Brazil". Le design oscille entre le Gothique et l’Art Nouveau. Le rythme est lent mais soutenu, et permet de se plonger progressivement dans cet univers jusqu’à l’explication finale, proche de la 'solution finale' prônée par un célèbre moustachu, et l’avènement d’une nouvelle Eve réconciliant l’ensemble de l’Humanité.

Note : 9/10

Compléments :
> Les fiches de "DvdAnime", "DvdCritiques", "MangasLand", "AnimeLand", "Manga-Anime", "MangaAnimation".
> "Les Sorcières de Salem" de Arthur Miller: pour le parallèle entre le MacCarthysme et les 'sorcières' pendues à Salem en 1692.
> "La Violence et le Sacré" et "Le Bouc Emissaire" de René Girard: pour une analyse du mécanisme du 'bouc émissaire'.

27/02/2006

Syriana

Le Pétrole est une Drogue comme les autres

Il est toujours difficile de parler géopolitique dans un film, qui par définition est d’une durée relativement limitée. Pour être compréhensible, le propos doit être réduit à quelques faits importants, quelques personnages clefs et quelques rebondissements. Les films dit choraux doivent obligatoirement être longs et essayer de ne pas trop s’éloigner des règles 'classiques' (unité de lieu, de temps et d’action) pour ne pas perdre le spectateur en route.
Dans ce contexte, "Syriana" s‘en sort plutôt bien. Certes, il est nécessaire de connaître un peu la conjoncture internationale en général, et le contexte moyen-oriental en particulier pour ne pas être largué, mais le scénariste n’a pas fait l’erreur de tout prendre en compte.
On n’y parle donc pas des trafics d’armes, des comptes en Suisse, des situations israélo-palestinienne ou libano-syrienne, des compétitions diplomatiques américano-russo-européennes, de l’Afghanistan, des guerres du Golfe, des agissements de la famille Bush, etc. Par contre, il est évident que ce n’est pas un film de 'divertissement', et qu’il ne faut pas laisser son cerveau au vestiaire ou laisser traîner les yeux sur sa voisine.

Le réalisateur, Stephen Gaghan, avait déjà scénarisé "Traffic" qui traitait du business de la drogue, vu par 3 familles de personnages (les services américains spécialisés, les flics mexicains, les narcos-trafiquants). La vision de ce film était facilitée par un code de couleur, l’image ayant été traitée pour tirer vers le bleu, le jaune ou le blanc selon les personnages suivis. Ici, rien de tout cela. L’interpénétration des situations et des (nombreux) personnages ne permet pas ce genre d’astuces. Cette complexité est à la fois la force et la faiblesse du film.
On y suit en effet les pérégrinations :
- d’un agent de la CIA, qui bien que compétent, expérimenté, polyglotte, sans scrupules et dévoué à son pays, se retrouve trahi par ses anciens contacts et lâché par ses chefs comme un vulgaire pion.
- de cadres supérieurs de compagnies pétrolières dont le comportement mafieux corrompt toutes les couches de la société.
- d’une famille royale du Golfe, où les intérêts particuliers et les luttes de pouvoir s’opposent à la logique économique et à l’intérêt national.
- d’un avocat d’affaire chargé de déminer et d’étouffer les affaires de corruptions trop visibles de l’un de ses clients pétrolier, en vue d’une OPA internationale.
- d’un analyste d’une société de trading suisse amené à conseiller le plus progressiste des responsables arabes.
- de groupes islamistes, avec leurs stratégies de recrutement et leurs nombreuses contradictions.
- d’ouvriers pakistanais immigrés dont le destin tragique résulte des agissements des uns et des autres.

Si le scénario est riche, et explique bien la situation et les motivations des différents intervenants, il est relativement touffu et difficile à suivre. Les scènes s’enchaînent parfois de façon abrupte. Heureusement les acteurs sont tous d’un excellent niveau que ce soit les stars américaines ou les inconnus d‘origine arabe.
Le parallèle avec "Trafic" n’est en tout cas pas anodin, car le pétrole comme la cocaïne mettent en jeu (presque) les mêmes acteurs (gouvernements, services spéciaux, hommes d’affaires, avocats véreux, …). Et le Pétrole est vraiment la drogue ultime: abondante, pas chère, impossible de s’en passer (même un écologiste forcené en est dépendant), et des profits colossaux pour ceux qui maîtrisent sa filière.

C’est un film qu’il faudra sans doute revoir au moins une deuxième fois pour en saisir tous les aspects, d’autant plus qu’il a été amputé de certaines scènes au montage. Espérons que le DVD contiendra, en plus de la version complète, des bonus permettant d’expliciter la situation pour ceux qui n’auraient pas tout compris. C’est en tout cas un film important dans le contexte actuel, à rajouter dans la liste de ceux qui ne prennent pas les spectateurs pour des imbéciles ("Lord of War", "JarHead", "Good Night & Good Luck", ...)

Note: 8/10

Compléments :
> Fiche Cinéfil.
> "La chute de la CIA: mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme", par Robert Baer, ex-agent de la CIA, dont est inspiré le film.
> Les critiques de "CommeAuCinéma", "Excessif", "Fluctuat", "France2", "l’Humanité", "LaLibreBelgique", "Mulderville".
> Sur les blogs: CriticsOnline et SebInParis, "AuBoutDuMonde".
> "Le Monde selon Bush" : le documentaire de William Karel sur la politique saoudienne de la famille Bush.
> L'analyse de "VoltaireNet".